Voici une interview – commentée – de Marie Balmary par Bertrand Révillon, parue en février 2013 dans Psychologies Magazine :
« La psychanalyse et la Bible » (0).
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Psychologies : Vous tentez de déchiffrer deux « langages » codés, deux « livres » à l’accès difficile, la Bible et l’inconscient. Comment vous est venu ce double intérêt ?
Marie Balmary : Jeune étudiante, je m’interrogeais sur le sens de mon existence, je m’intéressais à l’art et aussi aux disciplines qui cherchent à comprendre l’âme humaine : la philosophie, l’anthropologie …
Après quelques échecs et détours, j’ai entrepris une psychanalyse : il me fallait traverser un désert, accéder à plus de vérité. J’ai choisi de faire des études de psychologie. J’ai passé dix ans à lire attentivement l’œuvre de Freud. Ce qui m’a particulièrement retenue dans cette plongée, c’est la question de l’offense faite à l’autre et de ses effets sur la vie psychique. Nous subissons des traumatismes qui nous marquent et nous blessent, et nous voyons parfois apparaître symptômes et angoisses dans notre vie.
Je me suis trouvée devant la problématique du bien et du mal. Qu’est-ce qui fait du bien ? Qu’est-ce qui fait du mal ? Je me suis dit que le moment était peut-être venu de ré-entendre les commandements de Moïse, de m’approcher de certains grands textes et grands mythes bibliques. Et, pour tenter d’écouter au mieux ces paroles fondatrices, j’ai appris l’hébreu et le grec anciens.
P. : Était-ce une redécouverte du christianisme de votre enfance ?
Marie Balmary : Élevée dans une famille catholique ouverte, j’ai baigné dans une culture chrétienne, entendu des textes de la Bible et du Nouveau Testament qui me touchaient. Je pressentais qu’il y avait là une « source » qui avait nourri le génie d’artistes, Bach¹ ou Fra Angelico. J’avais l’intuition que, loin des sermons moralisateurs qui m’horripilaient, la parole biblique révélait mystérieusement l’âme humaine². Aujourd’hui, je crois qu’effectivement la Bible en sait largement autant que Freud sur la maladie et la guérison.
P. : Cette alliance de la Bible et du divan peut surprendre …
Marie Balmary : J’aurais bien aimé rencontrer les auteurs de la Bible. Ils ont cheminé en conscience et en humanité d’une manière souvent fulgurante. Prenez Abraham : voilà un homme qui commence par penser que son Dieu lui demande de sacrifier son propre fils Isaac. Puis il découvre que ce Dieu est celui qui interdit le sacrifice. Abraham, en se libérant de croyances obscures et oppressives, prend conscience qu’il y a une profonde correspondance entre son désir vivant de père et le désir divin. Voilà un récit qui parle au psychanalyste. Dieu n’est pas ce Père surpuissant et pervers qui exige notre souffrance et notre cruauté comme gage de fidélité … Freud peut dire ce qu’il veut sur sa non-croyance en Dieu, il n’en demeure pas moins pétri – tout juif mécréant qu’il affirme être ! – de la parole biblique. Il n’est donc pas si étonnant que Bible et psychanalyse se rencontrent.
P. : Il y a, dans l’Évangile selon saint Jean, cet épisode du paralytique au bord de la piscine de Bethesda, dont vous faites une lecture surprenante …
Marie Balmary : C’est l’histoire d’un homme paralysé qui attend au bord d’une piscine dont l’eau aurait, dit-on, des propriétés miraculeuses. Dès qu’elle se met à remuer, il faut être le premier à s’y plonger pour guérir. Notre homme rate chaque fois le rendez-vous. Jésus s’approche et lui demande :
« Veux-tu guérir ? »³
Comment ose-t-il poser une telle question à un grand malade ? Pourrait-il ne pas vouloir guérir ? Pourtant, cette question provocante révèle un appel à la vie. La poser, c’est déjà signifier sa confiance au paralysé : « Oui, en te posant cette question, je suis persuadé que tu peux trouver en toi la force pour te mettre debout. »
Cependant, un détail apparemment anodin du texte nous en apprend davantage : notre homme attend là depuis trente-huit ans. Tiens, pourquoi trente-huit années ? Lisant un jour ce texte avec un ami gynécologue, le chiffre trente-huit lui a immédiatement évoqué les trente-huit semaines d’aménorrhée d’une grossesse. Puis, en allant relire de près l’épisode de l’Exode, où le peuple hébreu erre pendant quarante années dans le désert, je me suis aperçue qu’il y avait un seul passage dans le texte où le chiffre n’est pas quarante, mais trente-huit. Il est dit qu’il a fallu trente-huit ans pour que meurent les derniers guerriers présents dans ce peuple. Voilà qui est intéressant : la porte de la Terre promise ne s’ouvre que lorsque le peuple ne compte plus de guerriers dans ses rangs, lorsqu’il est désarmé. C’est parce qu’il a « rendu les armes » que le peuple hébreu va enfin trouver l’accès à la Terre promise. Voici donc qu’il faut aussi, à notre paralysé, une longue gestation pour cesser de batailler contre lui-même, laisser tomber ses défenses, sortir de son enfermement psychique ; pour s’autoriser, grâce à la parole d’un autre – Jésus, qui s’adresse vraiment à lui -, à en finir avec cette attente. Ce paralytique, qui ne se croit pas capable, lui, de se bien porter, finit par s’éveiller à lui-même, par se lever et accéder enfin à sa « Terre promise », celle, sans doute, qu’il n’osait pas désirer. Un tel éveil à lui-même n’est-il pas le miracle par excellence (4) ?
P. : Cet épisode illustre-t-il ce que le patient éprouve à un certain moment de la cure analytique : des résistances, qui semblent mettre le verrou sur la guérison ?
Marie Balmary : Le psychanalyste constate effectivement des résistances chez le patient pris entre le désir de guérir et la peur de la voie à emprunter pour aller mieux. Il est pénible de ramener vers la conscience des souvenirs douloureux, des blessures, des culpabilités. Il est pénible d’accepter aussi de voir se briser une certaine image de soi, de laisser craquer le personnage gonflé et fantasmé de l’ego (5) sous les poussées de l’être nouveau en train de naître. Tout cela coûte. Inconsciemment, nous tenons à notre symptôme.
P. : La voie de la guérison passerait-elle par la mise en mots de notre symptôme ?
Marie Balmary : Le cheminement analytique va consister en un travail de relation entre le patient et le psychanalyste, qui vont s’accorder progressivement sur des mots et sur des significations. Le paralytique de notre passage d’Évangile va peu à peu trouver les mots pour dire pourquoi il ne marche pas, pourquoi il ne compte que sur les autres pour que « ça marche », pourquoi il lui était jusqu’à présent interdit de marcher par lui-même. Il attend des années un miracle qui le ferait marcher sans que ce soit lui qui marche. Sa conception magique de Dieu (6) le laisse littéralement à terre.
P. : La Bible et la psychanalyse nous apprennent, chacune à leur manière, à casser l’image que nous avons d’un Dieu tout-puissant ?
Marie Balmary : Il n’est pas étonnant que nous ayons spontanément l’image d’un Dieu tout-puissant. Enfant, nos parents nous sont longtemps apparus comme tout-puissants. C’était rassurant pour les petits que nous étions. Cette longue dépendance infantile, nous pouvons la projeter sur un Dieu Père. Mais, peu à peu, notre relation à nos parents va changer, nous allons mettre dehors l’image fantasmée, idéalisée de parents et éducateurs ; de même que va changer notre image de Dieu. L’histoire biblique ne fait que raconter ce lent changement de regard sur Dieu, sans qui passe d’une posture de toute-puissance à une posture de relation et d’amour.
Personnellement, je pense que, dans l’expression « Père tout-puissant », il y a une contradiction dans les termes : soit il est tout-puissant, soit il est père. Mais on ne peut pas être les deux en même temps ! Si Dieu est relation, amour, il n’est pas tout-puissant. On peut faire une première lecture de la Bible via le prisme de la toute-puissance et rester dans une relation infantile vis-à-vis d’un Dieu gendarme, d’une sorte de gigantesque surmoi, cet œil qu’évoque Victor Hugo. Dieu surveille tout, contrôle tout. Mais on peut aller progressivement vers une autre pensée sur ce Dieu, qui devient alors un éveilleur, un accoucheur ; et non plus un « castrateur ». Je ne suis plus la chose d’un Dieu dont il fait ce qu’il veut, je suis un sujet, parlant à la première personne (7), qui lui répond librement …
P. : Le Dieu « juge », « Père tout-puissant » semble s’être fortement effacé aujourd’hui au profit d’un Dieu proche, gentil, qui ne juge plus personne, presque « impuissant ». Dans votre nouveau livre, écrit avec le bibliste Daniel Marguerat (8), vous vous interrogez : « Y a-t-il encore quelque part une instance de jugement ? »
Marie Balmary : D’abord, Daniel Marguerat confirme que les images terrifiantes du Jugement dernier n’ont pas d’appui dans la Bible ! Puis nous allons visiter en profondeur les figures du Dieu juge et les paraboles du jugement dans les textes bibliques.
P. : Et que découvrez-vous ?
Marie Balmary : Devant ce juge, si la responsabilité humaine est bien là, la culpabilité disparaît au profit d’un appel à devenir soi, avec les autres. Le feu du jugement ne brûle que ce qui en nous peut brûler, c’est-à-dire ce qui, en nous, nous empêche l’accès à notre propre cœur. (9)
P. : Quand on est croyant, ne peut-on craindre que l’analyse introduise le doute en nous ?
Marie Balmary : L’analyse vient très certainement briser certaines images que nous avons de Dieu. La cure analytique donne un grand coup de balai dans le Ciel ! (10) Faut-il en conclure que celui- ci est désormais irrémédiablement vide ? Comment l’affirmer sans sombrer dans l’idéologie ? L’entrée en analyse témoigne d’une souffrance que ni notre propre volonté ni une croyance en un Dieu n’ont pu soigner ou apaiser. L’image que nous avons de nous et de Dieu – si nous sommes croyants – est en fait déjà fêlée lorsque nous entrons en analyse. Fêlure que l’analyse ne va pas colmater mais, au contraire, accentuer. On peut même parler de « destruction » de ce que l’on croyait sur soi et sur Dieu. Mais au profit de la naissance du sujet. C’est lui qui pousse au dedans et fait craquer le « vieil homme » …
P. : Ainsi, la psychanalyse ferait advenir un « homme nouveau ». Et que devient l’image du « vieux Dieu » ?
Marie Balmary : Ce « vieux Dieu », comme vous dites, va vraisemblablement disparaître. Et ce n’est pas une bonne nouvelle pour les systèmes religieux basés sur la culpabilité et la peur, à commencer par tous les intégrismes. Ces systèmes font tout pour que nous n’expulsions pas l’image du Dieu tout-puissant, qui leur permet d’asseoir leur pouvoir et de « régimenter » les consciences (11). Mais je crois qu’il vaut mieux des chaises vides dans les églises et que ceux qui s’y trouvaient soient vivants, en chemin.
P. : L’expérience analytique conclut-elle à l’impossibilité de toute croyance ?
Marie Balmary : Je me demande si le Dieu qui demeure après que nous l’avons défait de ses oripeaux d’idole toute-puissante est encore « au Ciel ». Peut-être découvre-t-on alors que le Ciel est descendu sur Terre, au cœur de la relation humaine, qu’il est « en nous », comme disent les grands mystiques (12). Saint Augustin, lors de sa conversion, découvre que Dieu était « en » lui, mais que lui-même était « hors » de lui. L’entrée en soi nous fait découvrir que nous sommes à la fois tout à fait seuls et « habités », qu’il y a, en nous, de la présence ; libre à nous de la nommer « Dieu », « amour », « vérité » ou « désir » … Si Dieu existe, s’il nous aime, je crois – et je lis dans les textes bibliques – qu’Il nous parle de la même façon que notre conscience la plus profonde, que notre désir le plus intime. »
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La psychanalyste Marie Balmary exerce à Paris depuis une trentaine d’années. On lui doit de nombreux ouvrages, qui allient outil psychanalytique et recherche biblique : « Le Sacrifice interdit », « La Divine Origine » ou encore « Le Moine et la Psychanalyste », tous disponibles en poche (LGF, “Le Livre de poche”, 1995, 1998 et 2007).
Elle vient de publier, avec le théologien Daniel Marguerat, « Nous irons tous au paradis – Le Jugement dernier en question »
Après des siècles de culpabilisation, l’image de Dieu n’est plus ce « père Fouettard divin » qui terrorisait des fidèles soumis. Il a cédé la place à un « Dieu amour » qui appelle le sujet à la liberté. Mais le « Dieu gendarme » ne se déguise-t-il pas aujourd’hui en « copain » gentil, toujours d’accord avec l’homme ? Un « Père » qui aurait renoncé à être père, un « Tout- Puissant » devenu « impuissant » ? Dans une réjouissante joute intellectuelle, la psychanalyste et le théologien revisitent, Bible en main, le concept de « jugement ».
Cordialement
0 – Un de mes projets consiste à rassembler sur ce site de toujours précieuses interventions de Marie Balmary dispersées aux quatre coins du wouèbe … De temps à autre, je plonge ma bâtée d’orpaillage dans ce bourbier et j’en sors parfois quelques pépites. Rien que le titre retenu pour celle-ci m’enchante !
NB : Je l’avais déjà déposée telle quelle sur volte-espace le 8 octobre 2013 : « Marie Balmary – Entretien sur psychologie.com en février 2013 ». Mais, à la relecture, impossible de ne pas y ajouter quelques commentaires en lien plus ou moins direct avec la Vision du Soi selon Douglas Harding. Je laisse les deux versions … cela permettra de juger de la « valeur ajoutée » ! Bonne lecture.
¹ – « Dieu peut remercier Bach, parce que Bach est la preuve de l’existence de Dieu »
Pendant que vous y êtes, jetez donc aussi un œil (et une oreille) à ces deux billets : « Deux anges couillus … Menuhin et Oïstrakh » et « L’irrésistible Glenn Gould … – Christian Bobin ».
² – C’est la deuxième occurrence du mot « âme » dans l’interview, et il est sans doute temps d’écrire que la parole biblique ouvre l’âme humaine à la dimension de l’esprit. Sur le sujet, cf. notamment l’incontournable « Corps & Âme -Esprit » de Michel Fromaget. Comment imaginer pouvoir restreindre cette parole, ce logos, au champ d’une morale qui ne concerne que le complexe (ô combien … !) corps & âme ?
Ces mots « âme » et « esprit » gagneraient à ne jamais être utilisés seuls, mais toujours dans leur relation réciproque plutôt que dans leur absence de relation ! Michel Fromaget, Marie Balmary et sans doute bien d’autres chercheurs aident à voir plus clair en la matière, mais un bon atelier de Vision du Soi peut aussi y contribuer … Essayez, vérifiez !
³ – Je pense que Marie Balmary apprécierait que je remarque ici que la traduction d’André Chouraqui qu’elle affectionne est sensiblement différente, si ce n’est complètement … :
Iéshoua‘ le voit étendu, il sait que le temps est déjà long. Il lui dit : « Veux-tu être guéri ? »
[τουτον ιδων ο ιησους κατακειμενον και γνους οτι πολυν ηδη χρονον εχει λεγει αυτω θελεις υγιης γενεσθαι]
Parmi les autres traductions proposées sur le comparateur « Les 4 évangiles », celles-ci sont les mêmes que Chouraqui : Darby, Français courant, Segond, Semeur, Tresmontant. Jérusalem et la TOB retiennent « Veux-tu guérir? ». Liturgie catholique : « Est-ce que tu veux retrouver la santé ? ». Sœur Jeanne d’Arc, étonnamment : « Veux-tu devenir sain ? ».
« Être guéri », selon la traduction qui semble la plus juste, ce n’est pas « guérir », pas entrer dans un énième plus ou moins long processus de thérapie …. Quand je vais chercher « υγιης » du coté des strongs de EMCI, je découvre d’abord comme signification de cet adjectif « guéri, sain, en pleine santé, entier », puis parmi les significations du verbe « auxano » dont il dérive : « croître, augmenter, s’accroître, devenir plus grand ». Ne sommes-nous pas là en plein rapprochement avec la « Mahâ-pratique » ?
Je ne suis guère familier des subtilités de l’aoriste, mais si ce temps & aspect du verbe ne fait pas référence au passé, présent, ou futur, « être guéri » semble alors le plus juste …
4 – Israël, où « seuls les fous continuent à danser en haut de l’immeuble », est en ce sens encore très très loin de constituer une Terre Promise … « Bibi » et ses soutiens ultraorthodoxes persistent à prolonger l’errance au désert. Le « pogrom » d’Huwara acte peut-être l’entrée définitive dans le toboggan de la violence sans retour …
Le « miracle par excellence » consiste effectivement à sortir (enfin) de cet « enfermement psychique », plus exactement psycho-physique, à « mourir » à une conception anthropologique très limitée, corps & âme, pour renaître à et dans une plénitude « Corps & Âme -Esprit ». Est-ce que c’est plus facile par l’intermédiaire de longues études, réflexions, méditations, séances avec un psychanalyste, questions & réponses avec un « maître », … qu’en engageant sa tête dans un « tube » ou en enfilant une « carte » lors d’un atelier de Vision du Soi ? Commencez donc par le plus simple & rapide, « eat dessert first » : ayez l’audace d’essayer sincèrement la « Vision », d’emprunter « l’entrée principale », de prendre « the shortest way » vers la « Terre promise ». Essayez, vérifiez !
5 – « Il est pénible d’accepter aussi de voir se briser une certaine image de soi » : uniquement le corps & mental de la zone périphérique « je suis humain » du dessin ci-dessus. La nécessaire naissance à la complétude « Corps & Âme -Esprit », au « Je Suis », effectivement « coûte » … au moins une « tête » ! Si la Vision du Soi selon Douglas Harding facilite grandement cette naissance, demeurer dans la maturité de cet « être nouveau » exigera une « discipline assidue » … Ne soyez pas inquiets de trop de facilité !
6 – Le véritable « miracle » ne consiste-t-il pas à prendre toute sa responsabilité de sujet conscient – de Sujet en Première Personne du singulier du présent – d’assumer la totalité de son image ET de sa ressemblance … et de se « démerder » comme un … Grand ?
La première responsabilité de l’Église ne serait-elle pas de nous sortir définitivement de cette « conception magique de Dieu » ?
7 – On trouve déjà cette anecdote dans quelques billets de volte-espace, mais je ne m’en lasse pas : Douglas raconte qu’enfant il se régalait de grands bols de chocolat chaud, mais son inquiétude augmentait au fur et à mesure que le fond se rapprochait. Parce qu’au fond du bol familial apparaissait alors un « œil » sévère accompagné de l’inscription « God see you » ! « Vision » et l’ensem-ble de la Vision du Soi sont peut-être sa réponse créative – ô combien – au souvenir de ces pénibles dégustations ? « Le grand œil qui voit tout » n’est qu’une pitoyable « invention » humaine périphérique ; la réalité centrale de tout être humain est d’être … œil unique, espace d’accueil illimité & inconditionnel de tout. Pourquoi devrait-on avoir peur d’une telle source de joie ?
« Dieu » … n’a certes pas un œil au fond d’un bol, « il » (« iel » … ?) relève plutôt du « contenant », de la « capacité », de l’ « essence transparente comme le cristal », … et toi aussi « Tu Es Cela ».
Cette « autre pensée sur ce Dieu … éveilleur, … accoucheur … d’un sujet, parlant à la première personne, qui lui répond librement » n’est-ce pas la seule justification de l’immense corpus spirituel & religieux qui accompagne l’aventure humaine depuis … toujours ? L’homme aurait ainsi créé un « dieu » anthropogène …
8 – « Nous irons tous au paradis – Le Jugement dernier en question », un livre de dialogue avec Daniel Marguerat, théologien, aux éditions Albin Michel.
Cf. « Nous irons tous au paradis, le jugement dernier en question – Fin du monde 1 ».
9 – « Ce qui, en nous, nous empêche l’accès à notre propre cœur … », entrave « l’appel à devenir soi, avec les autres », ne serait-ce pas tout simplement une « tête » ? Et si nous constations concrètement, joyeusement, que nous sommes, tous, construits très différemment … et que ça nous offre une nouvelle naissance :
10 – Je n’ai pas l’expérience de la « cure analytique », juste du lying. Mais je vous assure que la Vision du Soi selon Douglas Harding donne aussi « un grand coup de balai dans le Ciel » et facilite « la naissance du sujet », du « Je Suis ». N’en croyez bien sûr pas un traître mot, essayez, vérifiez !
Vous avez dit « félure » Marie ? « There is a crack in everything … ».
Un véritable « sujet » est-il d’ailleurs possible en dehors de l’accès au « Je Suis » … ? Cet « homme nouveau » n’est-ce pas un être élargi à sa pleine dimension « corps & âme – esprit », libéré de son unidimensionnalité « corps & mental » ?
11 – Vous n’êtes pas obligé d’apprécier autant que moi les paroles et écrits de Marie Balmary, mais reconnaissez néanmoins que lire un tel paragraphe fait un bien fou :
« Ce « vieux Dieu », comme vous dites, va vraisemblablement disparaître. Et ce n’est pas une bonne nouvelle pour les systèmes religieux basés sur la culpabilité et la peur, à commencer par tous les intégrismes. Ces systèmes font tout pour que nous n’expulsions pas l’image du Dieu tout-puissant, qui leur permet d’asseoir leur pouvoir et de « régimenter » les consciences. »
Et offre, plus concrètement, un bel outil pour déminer le terrain : dès qu’il y a le moindre soupçon de « toute-puissance », tilt ! : attention, danger de promotion de « culpabilité et peur », porte grande ouverte à « tous les intégrismes ». Avec Marie Balmary, Christian Bobin (« il faudrait débarrasser Dieu de Dieu »), Maurice Bellet, Maître Eckhart (Sermon n° 52) et bien d’autres (enfin, pas tant !) … persévérons donc sur la bonne voie de « l’expulsion de l’image du Dieu tout-puissant ».
12 – Je ne réitère pas l’astuce de la note précédente à propos de ce Dieu libéré de sa « toute-puissance« , de cet extraordinaire « Très-Bas » retrouvé, « au cœur de la relation humaine … “en nous” ».
« On ne dira point : Il est ici, ou : Il est là. Car voici, le royaume de Dieu est en vous & au milieu de vous. »
Ce « η βασιλεια του θεου εντος υμων εστιν » de Luc 17, 21 n’a pas fini de faire couler de la salive & de l’encre & des bits ! « En vous » pour Chouraqui et « au-dedans de vous » pour Tresmontant, « au milieu de vous » pour la plupart, « parmi vous » (Semeur, TOB).
Le grec a pourtant « mesos » pour milieu : Luc l’emploie d’ailleurs une douzaine de fois dans son évangile. Par exemple : « Mais moi, parmi vous, je suis comme celui qui sert » ; [εγω δε ειμι εν μεσω υμων ως ο διακονων]. Luc 22, 27.
La Vision du Soi selon Douglas Harding & la méditation dans l’esprit du zen servent à montrer que Cela peut être « parmi nous » puisque c’est « en nous » … de manière simple, concrète, joyeuse. A contrario, si nous ne prenons pas clairement conscience que c’est « en nous », il y a assez peu de chances que ça apparaisse « parmi nous ».
Et pour pousser le bouchon un peu plus loin que Marie – si, si, c’est possible ! – je remplace volontiers ce « il y a, en nous, de la présence » par : « Je Suis » présence, espace de (pure) conscience et d’accueil illimité & inconditionnel (Cf. dessin de la note n° 4).