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Dieu n’attend que notre impertinence – Marie Balmary

Marie Balmary : « Dieu n’attend que notre impertinence »
Recueilli par Élodie Maurot le 31/07/2024

Psychanalyste, autrice de nombreux essais sur la Bible, Marie Balmary lit, traduit et commente les Écritures depuis près d’un demi-siècle, à la recherche des mots libérateurs. Pour La Croix – L’Hebdo, elle revient sur cette traversée où le courage rencontre l’émerveillement.

« La Croix L’Hebdo : Depuis de longues décennies, vous lisez la Bible en psychanalyste. Comment a commencé cette traversée des Écritures ?

Marie Balmary : Cette traversée ne commence pas par la Bible. Elle commence par un travail sur les fondations de la psychanalyse. À mes débuts, on m’avait dit : ce qui guérit dans la psychanalyse, c’est la prise de conscience. Je m’étais donc embarquée dans une thèse sur la conscience pour laquelle j’ai travaillé sur Freud. Là, j’ai rencontré la question du mal. J’ai découvert que Freud avait compris que les abus sexuels, principalement des incestes, étaient à l’origine des troubles hystériques chez ses patientes, mais qu’il avait ensuite masqué cette découverte. Une telle extension de l’inceste dans les familles de sa clientèle viennoise (y compris dans la sienne) lui a semblé incroyable. Il a alors élaboré sa théorie du complexe d’Œdipe : dans ce retournement, ce ne sont plus les pères qui sont incestueux et indignes, ce sont les enfants qui imaginent selon leur désir inconscient des relations incestueuses.1

Je me suis donc trouvée dans un affrontement à un maître qui se trompe, qui n’arrive pas à faire face au mal qu’il découvre. Une faiblesse que je comprends parce que, depuis, j’ai bien vu qu’arriver à dire le mal c’est difficile. Difficile en politique, en psychologie, partout … Dire le mal est toujours difficile pour nous. Ma question est alors devenue : où trouver une parole qui n’a pas peur du mal ? Qu’est-ce qui, devant le mal, peut faire alerte ? C’est la question du bien et du mal qui m’a embarquée dans les Écritures. Il m’a semblé que l’histoire d’Abraham était vraiment la première à affronter cette énigme.2

Cette lecture de la Bible, vous la menez avec des amis. Vous vous réunissez toutes les semaines depuis 1987. Comment ce groupe s’est-il constitué ?

M. B. : J’ai eu la chance de rencontrer des gens qui m’ont invitée à chercher avec eux. Ça a commencé avec mes voisines. Souvent, je me dis que je devrais vraiment faire la fête des voisins, parce que je leur dois beaucoup. Cela correspond assez bien à l’esprit de l’Évangile : chercher non pas avec « les sages et les savants », mais les voisins, ceux qui se posent des questions très simples donc très difficiles, les questions des enfants, celles qui concernent la vie et la mort … Plus tard, j’ai rencontré ce groupe réunissant des lecteurs de Bible, nous nous sommes formés, certains ont appris l’hébreu, le grec. Il y a beaucoup de choses que je n’aurais pas faites dans ma vie si je ne m’étais pas laissé entraîner par d’autres.3

Dans ce long voyage biblique, ponctué par vos nombreux livres, y a-t-il eu de grands moments de découverte ?

M. B. : Il y a eu beaucoup de moments d’étonnement, d’émerveillement. Je ne sais pas ce que les gens ont ressenti quand ils ont trouvé des diamants ou du pétrole, mais nous, nous avons vécu de vrais moments de joie devant les textes ! Je me souviens de notre lecture du Livre de la Genèse quand nous avons découvert qu’Abraham n’avait pas compris ce que Dieu lui avait demandé. En étudiant mot après mot ce passage en hébreu, nous avons remarqué que Dieu n’exige pas d’Abraham le sacrifice de son fils (seulement de « l’élever en élévation »), mais qu’Il se laisse prendre à l’imaginaire d’Abraham : Il accepte qu’Abraham transfère sur Lui le faux Dieu auquel sa culture était sans doute asservie. De là naît une relation nouvelle qui sort Abraham du sacrifice. Elle le tire de l’aliénation maximale, celle qui pourrait exiger qu’un père tue son fils pour honorer un Dieu. C’est quand même une des choses les pires qu’un Dieu puisse demander ! Abraham, en trois jours, va sortir du piège de l’idolâtrie. Il y a là un renversement entre servir la religion et que la religion nous serve. Découvrir cela a été un moment merveilleux.4

Dans votre dernier livre Ce lieu en nous que nous ne connaissons pas, vous abordez le Nouveau Testament. Pourquoi y êtes-vous venue si tardivement ?

M. B. : Notre groupe n’a pas lu le Nouveau Testament pendant très longtemps. Nous avions le sentiment – je vais dire les choses un peu brusquement – que si nous ne devenions pas juifs d’abord, des lecteurs juifs, des écoutants juifs, nous reviendrions à un Nouveau Testament connu dont nous étions tous plus ou moins sortis avec dégoût. L’Évangile qu’on nous avait prêché sur un mode catéchétique ne nous intéressait plus. En lisant la Genèse ou l’Exode, nous nous sentions beaucoup plus près de la vie humaine. Nous avons mis très longtemps à nous sentir prêts à revenir au Nouveau Testament. Je crois que nous avions peur d’être déçus, peur que ce texte ne tienne pas le coup comme Abraham, Moïse ou Job avaient tenu le coup.5

En quoi consistait cette lecture des Évangiles qui vous en avait dégoûté ?

M. B. : C’était normatif, moralisateur, infantilisant, culpabilisant. Arrivée là-dedans, la psychanalyse fichait en l’air le jeu de quilles facilement. Il y avait de quoi faire un carton ! (Sourire.) C’était très « sermon du dimanche », étriqué. Tellement petit. Juste avant notre entretien, je suis allée me promener à Saint-Germain-des-Prés et je me suis fait cette réflexion évidente qu’une église, c’est grand. C’est fait pour se sentir grand. L’Évangile n’est pas là pour être aplati par des professeurs de morale.6

Qu’est-ce qui vous a reconduite aux Évangiles malgré tout ?

M. B. : Il y a un moment où nous avons osé nous avouer ce que nous sentions. Je le formule aujourd’hui ainsi : « Ça ne peut pas être aussi bête. » Ce n’est pas possible qu’un truc aussi important, qui coupe l’histoire de l’humanité en deux, dessinant un avant et un après, soit aussi bête que ce qu’on nous avait parfois présenté. Nous avons eu l’intuition qu’il contenait quelque chose sans proportion avec ce que l’on raconte que ça raconte. Mais nous n’y avons plongé qu’une fois devenus assez grands pour ne pas nous faire avoir par le « Dieu grand œil », ce grand comptable qui scrute les fautes …7

Votre lecture des Évangiles est traversée par la quête d’une libération qui culmine dans le fait de se reconnaître fils et filles de Dieu …

M. B. : Il y a en effet la poursuite de tout ce qui est libérateur, mais la question va plus loin avec Jésus. Cela tient en peu de mots : « Passer de ce monde à (son) Père. » Cette affaire-là, c’est un autre exode. Cela a aussi à voir avec une libération. Atteindre le Royaume, cela fait signe vers l’au-delà du monde, l’au-delà de la condition de mortel. On en a moins entendu parler dans les églises, probablement parce qu’il y avait eu la critique de la religion comme « opium du peuple ». C’est pourtant une dimension essentielle de l’humain, celle que je retrouve au Musée du Prado à Madrid ou dans les œuvres de Bach … Ces œuvres pleines d’une vie vivante, qui célèbrent l’homme, la femme, l’enfant comme emplis de gloire, comme infiniment précieux.

Cette libération, ce salut, c’est une traversée de notre condition mortelle et non le rabaissement que j’ai expérimenté dans les discours religieux de mon enfance. Quand j’étais petite, le mercredi des Cendres était une épreuve pour moi. C’est une liturgie qui me crispait à l’intérieur. Je ne comprenais pas à quoi cela servait de nous marquer de cendres en nous disant : « Tu es poussière et tu retourneras poussière. » Je sentais que cela me faisait mal. C’était humiliant. C’était mortifère. Comment pouvait-on faire une chose pareille, sauf à vouloir garder une emprise sur les gens, en sous-entendant : « Vous êtes des mortels et moi je vais vous indiquer le chemin du ciel, si vous êtes bien gentils et si vous faites les sacrifices nécessaires. »

Je ne sais pas comment faisaient les autres chrétiens pour résister à cela. Peut-être qu’ils se disaient qu’il fallait en passer par là, que Dieu est tout-puissant et que nous ne sommes pas grand-chose. Il faut reconnaître que là, être clinicien sert. Car on voit les conséquences de ce discours pervers sur les personnes. Après, il faut les aider à en sortir, mais il y a des dommages collatéraux. Souvent, pour ne plus être dans l’humiliation et la souffrance, ces croyants vont être obligés d’abandonner leurs appartenances symboliques, comme disait Lacan, leurs croyances religieuses avec ce qu’elles contenaient aussi de vital … Mais si on avait lu la Genèse, on saurait que l’histoire de la poussière ce n’est pas rien, qu’il s’agit non pas d’accepter de n’être que poussière mais d’en sortir8

Y a-t-il un moment où vous vous êtes sentie « fille de Dieu » ? Est-ce que l’on accède à cette conscience une fois pour toutes ?

M. B. : C’est une question très riche, ma réponse, elle, cherche … (Silence.) Je suis un enfant de la Seconde Guerre mondiale en ce sens que j’ai été élevée par des gens qui l’ont vécue. J’ai grandi dans le souvenir des résistants, dans le récit des résistants : mon père, mon oncle prêtre … et j’ai vu la verticale à l’intérieur d’eux, le refus de l’indignité, que ce soit la sienne ou celle des autres. Il y a des moments où j’ai vu fonctionner cette force à l’intérieur de moi et été heureuse de la reconnaître. Ce refus d’être esclave. Cela a à voir avec la dignité de fils et fille divins. En ce sens, je pourrais dire que je me suis sentie fille de Dieu depuis que j’ai trois ans. Seulement le chemin est long ensuite …

Si maintenant je considère les Écritures, oui, elles peuvent servir de révélateur à cette dignité. La religion sert à cela, à confirmer la dignité humaine. À n’avoir pas peur de risquer sa vie, parce qu’il y a quelque chose de plus précieux que simplement la vie physique en ce monde. Il y a aussi un versant mystique dans votre question qui me renvoie à des textes de Thérèse d’Avila où on la voit qui traite d’égal à égal avec Dieu. Elle fait remarquer qu’il n’y a pas un roi qui supporterait qu’on lui réponde ainsi, mais que son Seigneur la laisse faire. Il y a là une sorte d’impertinence que j’ai aussi trouvée dans le judaïsme. Une divine impertinence de l’homme, devant un Dieu qui n’attend que cela.

Je me suis sentie fille de Dieu à chaque fois que j’ai pu comprendre que Dieu n’attendait que cette impertinence, cette réponse libre de l’homme. Le désir d’un maître, c’est que le serviteur obéisse. Le désir d’un père, c’est que l’enfant advienne, non pas serviteur mais fils. Libre de lui. À chaque fois que j’ai rencontré quelqu’un qui se tenait debout devant Dieu, j’ai compris à la joie qui venait que c’était la bonne route.

En même temps, le passage est étroit car il n’est pas question non plus de dire qu’il est interdit d’interdire. J’ai appris l’importance de la loi avec le judaïsme. Il n’y a pas la loi dans l’Ancien Testament ni l’amour dans le Nouveau, parce que l’amour sans la loi c’est épouvantable. Si les chrétiens croient qu’ils peuvent se passer du Sinaï, ils peuvent faire des hérésies qui rendent fous et méchants. Sans la loi on ne peut pas grandir. Elle est ce qui permet à chacun d’exister.9

Ce qui frappe dans votre commentaire des Évangiles, c’est la complexité de l’accès à cette liberté. Pourquoi est-ce si facile de travestir Dieu en le faisant jouer contre l’homme ? Pourquoi l’usage pervers de la religion fonctionne-t-il si bien et nous laisse-t-il si démunis ?

M. B. : Cette question, il faut la poser à Dieu, pas à moi. Je me la pose en même temps que vous. Je n’ai pas la réponse. J’ai souvent eu cette impression que Dieu a fait trop difficile. C’est juste trop difficile. (Silence.) Depuis la Genèse, c’est trop difficile de déjouer la séduction du serpent : « Vous serez comme des dieux. » Être comme des dieux plutôt qu’être fils de Dieu … On se fait prendre à cela. Je trouve que Dieu a trop confiance en nous. C’est là que les religions révélées viennent nous aider, avec des paroles et des témoignages. Évidemment, si elles s’en servent pour asservir, c’est la source alors qui est pervertie …

C’est un long chemin de parvenir à se croire digne du don de Dieu. Je pense à la parabole des talents. Ce qui est frappant dans cette histoire, c’est qu’ils sont deux – sur trois – à faire confiance à cette dignité et à vraiment recevoir le don qui leur est fait. On ne dit pas s’il s’agit de deux amis … Peut-être bien … Cela me fait penser à notre groupe biblique bien sûr (Sourire.) 10

Dans votre livre, vous proposez une très belle lecture de la Cène en mettant en lumière l’importance de la relation. Le vrai sacré de la foi chrétienne, c’est la relation ?

M. B. : Oui, dans la Cène, cela commence par la fraction du pain. Un objet brisé (de la nourriture), donné et reçu, rend visible une réalité invisible, une alliance entre des sujets. Cette scène finale rappelle que toute vie, tout ego, s’il vit vraiment, seront fracturés. Si on l’admet, c’est sûr que le narcissisme en prend un coup ! Mais il s’agit justement de passer de l’ego au sujet, un sujet en relation, une alliance de sujets, ce « Royaume » dont parle Jésus, ce mystérieux autre corps. Avec ce geste de la fraction du pain, Jésus pose un geste très anti-idolâtrique. Aujourd’hui, on garde parfois l’hostie intacte et on la met dans un ostensoir … Je m’interroge : pourquoi refuser la fracture ? Mais, vous savez, je ne méprise pas les passages par l’idolâtrie. Si on veut que la religion soit pure de toute idolâtrie, on se trompe. Le récit de l’Exode en est plein. Dans les pratiques idolâtriques, il demeure une attente, une recherche. Tant qu’on ne tue pas au nom de cela et qu’on y fait juste étape …11

Vous avancez en âge. Qu’est-ce que ce moment apporte à votre chemin vers le Royaume ?

M. B. : C’est une question que j’aime parce qu’on n’a pas beaucoup l’occasion de parler de l’âge. On ne vous demande pas souvent : qu’est-ce que cela vous fait de devenir vieille ? Ma réponse, je tiens à le préciser, est une réponse de femme âgée en bonne santé, mais on se dit souvent entre personnes du même âge : « Quelle liberté, quelle liberté d’être soi ! » Ne serait-ce que celle de parler à n’importe qui dans la rue, dans le métro … En plus, les cheveux blancs, c’est le passeport qui vous rend non dangereux pour l’autre. On vous dit : « Voulez-vous vous asseoir ? »

Marie Balmary … ridée ou radieuse ?

Ce livre est le témoignage de cette liberté. Il faut la liberté que donne l’âge pour se promener dans l’impressionnant corpus des Évangiles comme chez soi. À 84 ans, on n’a plus rien à prouver, on se libère. On ne cherche plus trop à être correcte, ni comme les autres attendent, ni conforme à la société. On se délie des faux pactes, ceux qui vous asservissent à une image. C’est comme dans Les Visiteurs du soir, le diable vient chercher l’âme d’Anne, l’héroïne, puisqu’elle l’a vendue par amour. Elle refuse, et le diable indigné lui dit : « Mais tu avais signé ! » et elle répond simplement : « J’ai menti ! » J’adore cette réplique. « J’ai menti ! » J’ai l’impression que tous les faux pactes que j’ai pu faire, comme tout le monde, je peux les récuser en disant : « J’ai menti ! », au sens où ce n’est plus cela qui m’importe. Ne venez pas me chercher à cet endroit-là, je n’y suis plus.12

Il faut une vie pour faire la vérité en soi ?

M. B. : Oui. D’autant plus qu’on se croit dans une culture qui va vite. Dans d’autres cultures, peut-être plus pauvres que la nôtre, on ne met pas 84 ans pour être soi-même. Nous, on est alourdi par nos richesses, par des tas de choses qui nous freinent. Ailleurs, peut-être, on devient plus vite adulte, plus vite vieux, plus vite sage. Cette sagesse de l’âge n’est pas lourde. C’est une sagesse assez impertinente. Assez « vieille dame indigne ». Ou, finalement, enfant, celui qui trouve l’entrée du Royaume.13


En aparté

Ses dates

5 septembre 1939 : Naissance à Rennes (Ille-et-Vilaine).

Mai 1968 « Après des échecs divers » dit-elle, elle découvre la psychanalyse puis elle reprend des études de psychologie. Elle se trouve cette année-là en licence à la Sorbonne.

1970-1975 Recherches et rédaction d’une thèse qui sera refusée avant d’être achevée puis publiée en 1979, sous le titre L’Homme aux statues.Freud et la faute cachée du père (Grasset, 306 p., 16,80 €).

1986 Le Sacrifice interdit. Freud et la Bible (Le Livre de poche, 352 p., 8,90 €).

1993 La Divine Origine. Dieu n’a pas créé l’homme (Le Livre de Poche, 315 p., 7,90 €).

1999 Abel ou la traversée de l’Éden (Grasset, 384 p., 20,50 €).

2005 Le Moine et la Psychanalyste (Le Livre de poche, 192 p., 6,70 €).

2010 Freud jusqu’à Dieu (Actes Sud, 64 p., 9,20 €).

2012 Nous irons tous au Paradis. Le Jugement dernier en question, avec Daniel Marguerat (Albin Michel, 288 p., 7,90 €).

2016 Ouvrir Le Livre. Une lecture étonnée de la Bible, avec Sophie Legastelois (Albin Michel, 252 p., 18,90 €).

2024 Ce lieu en nous que nous ne connaissons pas. À la recherche du Royaume (Albin Michel, 192 p., 19,90 €).14


Ses coups de cœur

Saint-Jacut-de-la-Mer

« La mer pour moi, ce sont les vacances d’enfance, mais aussi plus profondément, la Genèse devant nous : la mer et le ciel ensemble, deux infinis de la création. »

La Bible

« Ceci est le texte du Notre Père en interlinéaire (édition en grec et français superposés mot à mot, NDLR). On voit bien qu’il s’agit non pas de “Notre Père”, mais de “Père de nous”. Découvrir que des textes aussi précieux que les Écritures pouvaient avoir été déformés par des traductions m’a fortement engagée dans ce voyage, ce combat. »

La musique

« La musique est une une joie continue de ma vie. En écouter, mais aussi en faire : d’abord le piano puis le chant, et particulièrement le chant choral. Chanter ensemble à plusieurs voix, dans la splendeur des rencontres de nos différences. »


  1. Cf. l’histoire de cette recherche dans « L’homme aux statues – Freud et la faute cachée du père ». (Et Livre de Poche Biblio Essais n° 4201 – 1994 … au moins en occasion). « Marie Balmary applique à Freud lui-même la démarche qu’il suivait avec ses patients. Sa méthode, des Grecs à la Bible, de la vie de Freud à ses écrits, est fidèlement freudienne. Elle nous convie à une reconsidération de tout l’édifice psychanalytique. » Bien que la première édition de ce livre date de 1979, cette « reconsidération » tarde terriblement. Dans un article plus récent, « Freud et l’inceste : l’abandon d’une découverte », Marie Balmary rappelle avec force que « … la psychanalyse … a pu en même temps ouvrir la porte au déni d’une perversion« . Il faut croire qu’une majorité de psychanalystes préfère suivre un maître tout puissant en dépit de ses funestes erreurs, plutôt que de s’en libérer … ↩︎
  2. « Dire le mal est toujours difficile pour nous« . C’est ce qui rend remarquable des réussites comme « Spotlight » (enquête du Boston Globe & film), le travail de la CIASE et de la CIIVISE, et d’autres que j’ignore. Et c’est ce qui rend absolument scandaleux le pernicieux travail de sape et de vain retardement des autorités de l’Église catholique – Pape François en tête – ou du gouvernement français pour ce qui le concerne. Pourtant … seule « la vérité nous rendra libre » de toutes ces horreurs au coût humain exorbitant.
    Cette citation (évangile de Jean 8, 32) constitue un bon résumé de la recherche de Marie Balmary : « Vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres. [και γνωσεσθε την αληθειαν και η αληθεια ελευθερωσει υμας] ». Vérifiez … !
    Qu’il s’agisse également de la devise de la CIA ne change rien à l’affaire ! ↩︎
  3. Si « chercher non pas avec « les sages et les savants » » mais en toute liberté vous intéresse, sachez qu’il existe des Ateliers Bible et Psychanalyse. Si vous n’en trouvez pas vous pouvez essayer d’en créer un. Cette démarche n’est réservée ni aux analystes & analysants … ni aux chrétiens ! Les Évangiles sont un trésor humain trop précieux pour qu’on l’abandonne à ces seuls derniers. ↩︎
  4. Ce paragraphe ne fait pas seulement état de la joie de quelques « happy few » biblistes, parce que l’histoire d’Abraham & Isaac est plus actuelle que jamais …. Aujourd’hui de pseudo-« pères » continuent de sacrifier en masse leurs « fils » au nom de diverses idolâtries (économique, nationaliste, technique, …).
    Mais il est vrai que la joie est la clé : la mienne est toujours aussi intense quand je relis la recherche de Marie Balmary à propos de Matthieu 5, 39 : « … Il n’y a jamais eu de joue gauche. Jamais ? Jamais. » Tendre l’autre versant & version de soi-même en de telles occasions, c’est pratiquer la Vision du Soi selon Douglas Harding, tout simplement. ↩︎
  5. Etonnante cette « peur d’être déçus » ! Surtout concernant quelqu’un ayant bénéficié des lumières de Paul Beauchamp. Heureusement pour nous, lecteurs, elle n’a pas duré trop longtemps puisque dès 1986 avec « Le Sacrifice interdit. Freud et la Bible », Marie Balmary nous offre de fructueux allers-retours entre « L’Un et l’Autre Testament ». ↩︎
  6. J’imagine que nous sommes nombreux à avoir ressenti le contraste, sinon le divorce, entre ces caractéristiques du discours ecclésiastique habituel & habitué, « … étriqué. Tellement petit … » et la fonction de l’édifice, et à le ressentir encore à l’occasion. Effectivement, « une église, c’est grand. C’est fait pour se sentir grand ». Même une toute petite chapelle est « une maison au toit brisé, ouvert », une « nef » pour passer « sur l’autre rive », et plus exactement pour nous faire prendre conscience que nous n’avons jamais quitté cette « rive » de l’espace d’accueil illimité & inconditionnel autrement que par illusion, aveuglement. Non, « l’Évangile n’est pas là pour être aplati par des professeurs de morale » ; c’est très précisément l’inverse, une « mahâ-pratique », une fête de notre essence comme contenance, capacité, ouverture à « l’Ouvert »↩︎
  7. J’ignore comment va être reçu ce « Ça ne peut pas être aussi bête », assez mal sans doute. Mais je partage totalement ce sentiment et j’éprouve une immense gratitude envers Marie Balmary qui m’a permis d’en émerger. Auparavant j’avais lu bien des livres « intelligents » explorant les profondeurs du christianisme, certes, mais il m’a fallu cet accompagnement dans une recherche partagée & cette connexion possible avec la Vision du Soi pour adopter une autre posture. Ce « truc » est effectivement trop important pour être laissé aux mains des seuls « fonctionnaires de Dieu ». Étrange et paradoxal processus : devenir d’abord « assez grands » pour accéder ensuite à « la joie spacieuse », pour devenir Ce que nous sommes, tous. Puis continuer à entretenir ce cercle vertueux. Si vous préférez, réaliser Jean 10, 30 : « Moi et le père, nous sommes un. » [εγω και ο πατηρ εν εσμεν] & Jean 14, 28 : « … le père est plus grand que moi. » [… ο πατηρ μου μειζων μου εστιν]. Merci de ne pas vous précipiter sur des pierres pour me lapider … !
    Ce « « Dieu grand œil », ce grand comptable qui scrute les fautes », c’est un « dieu que l’on s’invente ». « Au fond, il faudrait débarrasser Dieu de Dieu » : Marie Balmary nous y aide très concrètement. ↩︎
  8. Les « happy few » lecteurs de volte-espace connaissent mon aversion pour « l’au-delà » & ma préférence pour l’en-deçà. Ce « lieu en nous que nous ne connaissons pas », ce « Royaume », cette « posture » totale source de joie spacieuse & de paix, … ne se trouve qu’à rebours de la direction habituelle de recherche, vers l’extérieur, plus loin, après … des tas de préliminaires et en définitive la mort ! Seul un retournement à 180° vers l’en-deçà de toute périphérie nous permet d’accéder – ici & maintenant – à Ce Que nous sommes déjà, tous. Toute autre proposition relève effectivement de « l’opium du peuple ».
    La « vie vivante » d’humains « emplis de gloire », la « vie surabondante, en plénitude, à profusion », …passe par une nouvelle naissance en l’en-deçà, le « Je Suis » central, la Claire Lumière du Vide, l’espace d’accueil illimité & inconditionnel … Peu importe la désignation en ce fond. « Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse. » Oui, « aimer est le grand point », le reste et le restera.
    « … je viens pour qu’ils aient la vie, et qu’ils l’aient avec surabondance. » [… εγω ηλθον ινα ζωην εχωσιν και περισσον εχωσιν] – Jean 10, 10
    Ce « Tu es poussière et tu retourneras poussière. » ne vaut que dans la zone périphérique « je suis humain » de notre « autoportrait ». Là le corps & mental est composé de matière superbement organisée et infiniment précieuse … qui finira par se décomposer. Dans et en tant que « Je Suis » central – complétude corps & âme – Esprit -, il est légitime d’oser dire : tu es lumière … et tu le resteras, « Tu es Cela » [Tat tvam asi]. Une connexion semble tout à fait possible avec l’intuition initiale du 6° patriarche du zen : « Où donc pourrait se déposer la poussière ? »
    Et si d’aventure vous désirez prendre « le chemin du ciel », la Vision du Soi n’est pas la plus mauvaise « entrée principale ». Vérifiez ! ↩︎
  9. Marie Balmary s’est montrée digne de ces « résistants », en résistant elle-même à une lecture « indigne » – que ce soit pour elle-même ou pour les autres – de la psychanalyse d’abord et des Écritures judéo-chrétiennes ensuite. Ce « refus d’être esclave » d’un Freud à l’histoire personnelle non élucidée & à la théorie pour partie faussée et d’une lecture rapetissante d’Écritures censée nous ouvrir à notre propre grandeur est remarquable … et beaucoup trop rare.
    Je suis tenté de modifier sa phrase : « La religion [ne] sert [qu’] à cela, à confirmer la dignité humaine », et de rajouter : sinon elle ne sert à rien. Globalement, nous en sommes encore assez loin …
    Cette « impertinence » constitue sans doute la première qualité d’un libre chercheur spirituel – professionnel comme Marie Balmary, Douglas Harding, Yvan Amar, etc., ou amateur comme moi et bien d’autres. C’est même la condition sine qua non de la liberté et donc de la fécondité de cette recherche. Ce « debout devant Dieu » – quelque représentation que l’on ait de ce « dieu » – m’évoque « La gloire de Dieu, c’est l’homme vivant » de St-Irénée (de Lyon certes, mais immigré de Smyrne !) dans son « Contre les hérésies ». Le mot « joie » pourrait d’ailleurs utilement remplacer le mot « gloire »
    Bien sûr que « Sans la loi on ne peut pas grandir. … exister » ; mais est-ce que le pouvoir des institutions est indispensable au respect de la loi ? Ne devrait-on pas plus s’inspirer de l’anarchrisme et méditer la définition de Proudhon : « L’anarchie, c’est l’ordre sans le pouvoir. » ? ↩︎
  10. « … Dieu a fait trop difficile … » certes, mais depuis plus d’un demi-siècle nous ne sommes plus vraiment « démunis » : tous ceux qui le désirent ardemment ont désormais accès et à la Vision du Soi de Douglas Harding, et à la recherche de Marie Balmary. Participer avec quelques amis à un atelier de Vision du Soi peut vous permettre d’entrer dans la « ronde ». Vérifiez ! ↩︎
  11. Et si ce « mystérieux autre corps » qui seul permet « relation, … alliance de sujets » n’était autre que Ce Que représente la carte de notre « autoportrait » ? Trop simple, trop « fumeux » (André Comte-Sponville, correspondance privée …), pas assez traditionnel, etc. Peut-être, mais avant de vous prononcer, essayez au moins. Vérifiez … que vous n’êtes pas en train de négliger des jeux d’enfants permettant d’entrer au Royaume des Ciels. ↩︎
  12. Après bien des tribulations dans la zone périphérique « je suis humain », j’ai désormais – grâce à la Vision du Soi – adopté cette même ligne de conduite : « Ne venez pas me chercher à cet endroit-là, je n’y suis plus. » ↩︎
  13. Nous sommes certes « alourdi par nos richesses, par des tas de choses qui nous freinent » – autant de gourmands qui parasitent la croissance de la tige principale. Mais nous sommes surtout conditionnés par cette « civilisation » moderne que Bernanos a caractérisé ainsi : « On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l’on n’admet pas d’abord qu’elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure. Hélas ! la liberté n’est pourtant qu’en vous, imbéciles ! » – La France contre les robots, VI – Pléiade Essais et écrits de combat tome II, 1995, p. 1025
    J’apprécie beaucoup cette image de Marie Balmary en « vieille dame impertinente … indigne » avec qui nous jouons pour recouvrer dignité & « gloire » d’être Ce Que nous sommes.
    « Amen, je vous dis : si vous ne retournez pas et ne devenez pas comme des petits enfants, vous n’entrerez pas au royaume des ciels. » [αμην λεγω υμιν εαν μη στραφητε και γενησθε ως τα παιδια ου μη εισελθητε εις την βασιλειαν των ουρανων] Matthieu 18, 3. ↩︎
  14. Cf. « Oeuvres de Marie Balmary » et « Contributions, articles, conférences de Marie Balmary ». Et plus subjectivement : « Balmary Marie » sur volte-espace.pedia ! ↩︎

NB : j’ai bien inséré dans mes commentaires deux hyperliens vers notre « autoportrait », mais le plus simple consiste encore à le montrer :

Cordialement

Par Jean-Marc Thiabaud

Jean-Marc Thiabaud, 65 ans, marié, deux fils, un petit-fils.
La lecture de "La philosophie éternelle" d'Aldous Huxley m'oriente précocement sur le chemin de la recherche du Soi.
Mon parcours intérieur emprunte d'abord la voie du yoga, puis celle de l'enseignement d'Arnaud Desjardins.
La rencontre de Douglas Harding en 1993 me permet d'accéder à une évidence que je souhaite désormais partager.

4 réponses sur « Dieu n’attend que notre impertinence – Marie Balmary »

Très bel entretien et profond commentaire de votre part, cher Jean-Marc. Je retiens cette idée forte de l’interview de Marie Balmary : « Il n’y a pas la loi dans l’Ancien Testament ni l’amour dans le Nouveau, parce que l’amour sans la loi c’est épouvantable. Si les chrétiens croient qu’ils peuvent se passer du Sinaï, ils peuvent faire des hérésies qui rendent fous et méchants. Sans la loi on ne peut pas grandir. Elle est ce qui permet à chacun d’exister. »
Personnellement, c’est ce que je n’ai cessé d’affirmer et d’opposer à la tyrannie, parfois douce, parfois violente, d’un règne d’amour sans partage réclamé par les assoiffés d’amour en tous genres. La découverte de la Loi, essentielle et structurante, non par le biais de la foi chrétienne qui la nie le plus souvent, mais par les découvertes de la psychanalyse freudienne et ses conséquences, a été pour moi le moment fondateur de toute une partie de mon existence, renvoyant dans les limbes mes envolées mystiques et ma fascination pour les extases spirituelles et toutes les expériences de « libération » sans loi. Il n’y a pas d’humanisation possible de l’homme sans la présence imposante de la Loi, entendue au sens de la loi divine ou encore des lois anthropologiques nécessaires à toute vie en société. Ni d’accès véritable à la liberté, qui exige la responsabilité. Renoncer à ses prétentions à la toute-puissance, jusque dans les expériences spirituelles les plus fascinantes, est l’une des conditions pour accéder à sa propre humanité. Sans cela, on nage dans le règne délétère et délirant de l’imaginaire et du narcissisme, conforté par tous les messages frelatés qui flattent notre désir de toute-puissance. Or, il n’y a que la Loi, avec l’altérité qui la constitue, qui puisse nous aider à sortir de ce piège, de cette impasse aussi fascinante que mortifère.
Merci encore pour cette publication.
Bruno

Bonjour Bruno,

« L’Un et l’Autre Testament » … pas de loi sans amour & pas d’amour sans loi. Vous avez retenu l’idée forte qui vous plaît le plus, mais il y en a bien d’autres, convenez-en.

Pour la Vision du Soi, le fondement de l’amour c’est la Vision de soi-même comme espace d’accueil illimité & inconditionnel.
Pas une fantaisie romantique ou une hallucination new-âgeuse, non juste le résultat d’une observation rigoureuse, scientifique, de ce qui est. L’observation à double sens, vers le Centre & vers la périphérie est aussi une loi. Assez peu respectée il est vrai !

Puisque vous êtes un « baptisé du divan » (référence à « Le moine et la psychanalyste »), que pensez-vous donc de cette seule loi énoncée en Éden : ne pas manger l’autre ? Également assez peu respectée il est vrai !

Et que pensez-vous de cette proposition (audacieuse) : l’éveil comme loi, comme condition d’une véritable & intégrale responsabilité ? (J’évite le mot « libération », car nous ne sommes prisonnier en rien, seulement par la plus tenace des illusions).

Votre dernier paragraphe m’évoque le bon mot de D. T. Suzuki : « Satori c’est gris ».

Cordialement

Je réponds à vos propos,
Ce n’est pas de ma part un jeu que de vous interpeller, souvent au risque du mépris, sur ce qui se trouve dans l’angle mort de votre vision et qui échappe à celle-ci comme à votre sagacité, mais un devoir qui, lui, ressortit bien à une loi morale, celle de venir en aide à autrui lorsque celui-ci peut en avoir besoin et même lorsqu’il ne le perçoit pas.
L’éveil n’est pas une loi, cher Jean-Marc, c’est un événement inouï, inattendu, fulgurant, non reproductible, et qui n’obéit à rien ni à personne. Et aucun éveillé, à ma connaissance et si tant est qu’un tel événement a jamais pu advenir en un homme, ce qui reste à vérifier, n’a créé de lois morales. Dans mes rencontres de personnes qualifiées d’éveillées, j’ai même ressenti combien la morale était un carcan inutile dont il fallait se défaire ou se délivrer pour vivre « au-delà du bien et du mal », selon l’adage nietzschéen.
« Satori c’est gris »! Vraiment! Ce théosophe japonais ou ce « journaliste du zen », comme l’a qualifié un auteur, aurait dû relire le sûtra de l’éveil du Bouddha où aucune « nuance de gris » n’apparaît à aucun moment.
« Ne pas manger l’autre »? Certes, mais je crois qu’il s’agit plutôt dans ce texte d’un interdit au sujet d’un arbre de la connaissance et qui relève de ce que l’anthropologie et la psychanalyse appellent la prohibition de l’inceste. Il me semble vous avoir déjà proposé une exégèse de ce texte célèbre, mais je vois que vous n’en avez rien retenu. Je complète cet interdit par une autre loi, qui devrait être universelle : exception faite de la preuve qui la réfuterait, la parole d’autrui devrait être a priori crédible et non pas suspectée. Question de confiance.
La vision du Soi n’a rien de rigoureux puisqu’elle dépend en partie de celui qui l’éprouve ou la reçoit, encore moins de scientifique puisqu’elle prétend se situer au-delà ou en-deçà de tout acte mental et rationnel. De plus, elle ne connaît ni changement, ni évolution. Et tous ceux qui l’ont, non pas vérifié (avec quoi et comment?), mais éprouvée en eux-mêmes ne font que répéter à l’infini le même message. Ce qui dément aussitôt l’idée qu’il s’agirait d’une science. Gaston Bachelard l’avait parfaitement remarqué en établissant la différence irréductible entre l’alchimie, qui n’a jamais varié depuis l’Antiquité, et la chimie qui, elle, n’a cessé de changer par des découvertes toujours plus essentielles et qui l’ont transformé. C’est la prétention de toutes les sectes de s’affirmer plus scientifique que la science, sans doute pour tenter de se légitimer.
J’ai découvert récemment sur le net un site dont la finalité est d’aider toutes les personnes qui ont un jour succombé à des phénomènes d’emprise mystique et ont tenté de s’en extirper à partir d’un usage plutôt sage ou sensé de la raison et de la rationalité. Je regrette juste de ne pas y avoir pensé plus tôt. Je vous en reparlerai une autre fois.

En complément à mon dernier envoi, deux choses troublantes que j’aimerais ajouter au sujet de M. Balmary. 1/ En parcourant son livre « Le moine et la psychanalyste », j’ai été surpris de constater que parmi les trois personnages de cette nouvelle romancée, Ruth est la psychanalyste qui entre en dialogue avec le moine. Les trois personnages ont tous des prénoms juifs : Simon, Ruth, Noémie… Il est d’ailleurs étonnant de voir dans les livres de M. Balmary l’insistance avec laquelle elle revient sur le texte hébraïque de la Bible, le ou les judaïsmes, les personnages juifs ou hébreux de la Bible, la judéité… Si l’on admet que Ruth, dans ce livre de dialogues, n’est rien d’autre que Marie Balmary elle-même, et que ce personnage se définit lui-même comme psychanalyste, agnostique et juive (p.26 de l’éd. de poche), peut-on en déduire que celle-ci est bien d’origine juive? Certes, nous avons appris depuis la controverse qui a opposé Proust à Sainte-Beuve que le narrateur n’était pas l’auteur, et que les personnages sont autres que l’écrivain lui-même. Mais la psychanalyse, de son côté, nous a montré que cette division littéraire n’était que le résultat d’un dédoublement fictif et temporaire provenant d’une seule et même personne. Après tout, ce n’est pas le narrateur, d’origine juive selon Proust, qui a écrit « La recherche du temps perdu », mais bien Proust lui-même, et qui était bien d’origine juive… Comme cette question était apparue dans nos échanges, je trouve intéressant d’en voir un signe dans ce livre si original…
2/ La seconde chose tout aussi troublante est le rapport conflictuel de Marie Balmary à Freud. Il n’est point besoin d’être un « baptisé du divan » pour saisir dans ce conflit filial le désir de M. Balmary de renverser la statue de Freud en le démystifiant, et de voir en ce geste irrévérencieux le signe ou même le symptôme de ce que la psychanalyse appelle « la révolte contre le Père » qui implique son meurtre symbolique et son dépassement. Et j’espère que M. Balmary, avec son groupe de fraternité qui l’a entouré dans ses recherches, c’est-à-dire de frères et de soeurs en révolte contre le Père freudien, a eu bien conscience de la portée de ce geste…Or, j’ai aussi remarqué que la manière dont M. Balmary s’en prenait à Freud n’était pas de nature spécifiquement psychanalytique. Mais qu’il y avait autre chose. En fait, selon moi, M. Balmary s’adresse à Freud avec une agressivité que l’on ne rencontre que dans les milieux judaïsants, même psychanalytiques. C’est en tant que femme, et femme d’origine juive, que M. Balmary s’en prend à Freud en utilisant et même en retournant contre lui son invention qu’elle a appris à maîtriser sans doute aussi pour cette raison.
Les motivations qui nous inspirent et parfois même qui nous guident à notre insu ne sont pas toujours nécessairement pures ni bonnes…
Bruno

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