Rappel : « Pratique du zen vivant » relate les alternances d’exposés (« teishô »), suivis de questions & réponses, de treize sessions intensives de zazen dirigées par Jacques Brosse entre le 26 décembre 2000 et Pâques 2004.
Je présente lors de la séance hebdomadaire de Méditation dans l’esprit du zen & sur ce site quelques points saillants de ces exposés, bien entendu en lien direct avec la pratique de la Vision du Soi selon Douglas Harding. Libre à vous de déposer ensuite vos questions et/ou commentaires, de lire (et relire …) ce livre de Vie. Je me permets cependant de vous recommander de le lire pour vérifier si « les experts ont bien “pigé le truc” ».
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Dans cet exposé, Jacques Brosse nous parle « de la mort telle que l’envisage le bouddhisme, parce que souvent on se fait des illusions sur ce qu’il enseigne à ce sujet ».
- « Qu’est-ce que la mort sinon l’angoisse de la mort ? … L’angoisse de la mort est antérieure à l’évènement, elle marque toute vie, elle est universelle, elle touche tout être humain, nul ne peut l’éviter. »
- Belle entrée en matière, rigoureuse et rugueuse à souhait ! Elle incite à se poser la question : qu’est-ce qui meurt ? La pratique & compréhension de notre « autoportrait » commun offre la réponse : ce qui meurt est périphérique, la petite « troisième personne » est biodégradable comme Douglas Harding le disait de lui-même.
- Jacques Brosse nous propose ensuite un de ses textes intitulé « La mort en face » dont la lecture intégrale est vivement conseillée. « En fait ce qui nous hante, c’est la perspective de notre anéantissement, comme si nous devions être les témoins de la corruption de notre cadavre. Et qui donc sera là ? Qui aura conscience de n’être plus ? Si nous avons peur, c’est que nous n’osons pas regarder la mort en face. »
- Un cercle particulièrement vicieux peut trouver là son origine : la peur de voir les choses telles qu’elles sont alimente une peur de mourir qui nourrit une peur de vivre … La mort est effectivement « en face » :
- à la fois inscrite au cœur de notre visage, comme si bien dessinée dans le dessin de l’« Œil » de M.C. Escher (auquel il faudra bien consacrer un prochain billet). « On meurt parce que l’on naît ; parce que nous sommes composés, nous nous décomposons. »
- et en périphérie, le seul endroit où elle est efficace. Au centre, en ce mystérieux « Je Suis » qui est notre véritable nature, elle n’a aucun pouvoir. Vérifiez !
- Un cercle particulièrement vicieux peut trouver là son origine : la peur de voir les choses telles qu’elles sont alimente une peur de mourir qui nourrit une peur de vivre … La mort est effectivement « en face » :
- « La mort est tout simplement un processus biologique, elle fait partie de la vie, elle n’en est pas distincte. A tout instant nous mourrons ; chaque matin, nous ressuscitons. Un jour, nous oublierons de nous réveiller. »
- Est-ce que Jacques Brosse avait connaissance de ce livre de Jean-Claude Ameisen : « La Sculpture du vivant : le suicide cellulaire ou la mort créatrice » en écrivant son texte ? Il connaissait sans doute au moins sommairement le processus d’apoptose cellulaire qui fait qu’un adulte perd chaque jour 50 à 70 milliards de cellules par jour sur les cent mille milliards qui le composent … Grosso modo un kilo pour une personne de 70 kilos d’après J-C. Ameisen !
- Le père d’un ami décrivait ainsi sa conception de la mort idéale : « s’endormir et se réveiller mort le lendemain » !
- « De toutes manières, la peur de la mort ne peut que gâcher la vie, irrémédiablement, jusqu’à ce que l’on arrive à comprendre qu’il ne s’agit que d’un fantasme, le fantôme qui naît dans le noir de la peur d’avoir peur de l’enfant. … En retournant la proposition fameuse de Montaigne, on pourrait dire qu’apprendre à mourir, c’est philosopher, autrement dit, méditer. »
- La Vision du Soi s’inscrit dans le droit fil de toutes les voies spirituelles antérieures, en proposant de « mourir » – simplement, concrètement, joyeusement – à l’illusion de n’être que cette petite troisième personne confinée dans la zone périphérique « je suis humain » du dessin ci-dessous. Pour renaître aussitôt, instantanément, en tant qu’entièreté, « océan sans limites » de conscience & énergie, « youniverse », … Pour enfin coïncider silencieusement avec notre « autoportrait », notre Visage originel, etc.
- Cf également le billet Vieillir & ne pas vieillir …
- Et « Pour une mort sans peur » d’Arnaud Desjardins.
- « Jadis, la mort, on l’acceptait. On mourrait assez tranquillement dans son lit, confessé et communié, muni, comme on disait, des sacrements de l’Église. Ce qui inquiétait, ce n’était pas le passage, mais la suite : serait-on sauvé ou damné ? Irait-on en enfer ou au paradis ? Aujourd’hui, personne n’y croit plus, pas même les chrétiens si on les interroge. »
- Je ne suis pas certain que « c’était mieux jadis » et les sondages sur les croyances « des chrétiens » doivent, comme tous les autres, être pris avec précaution. Mais l’interrogation « sauvé ou damné ? » reste aussi inactuelle & essentielle que jamais, même si, effectivement, personne n’ose plus guère la formuler de cette façon.
- C’est pourtant assez simple de se la représenter & d’y répondre à l’aide du dessin ci-dessous :
- « damné » : strictement confiné dans la seule zone périphérique « je suis humain », réduit à la seule matérialité du corps & mental.
- « sauvé » : ouvert à la dimension de l’Esprit, de la Claire Lumière du Vide, etc., capable de coïncider silencieusement avec le mystérieux « Je Suis » central et de revêtir instantanément les dimensions de tout l’Univers.
- Cela relève plus du Voir que du « croire », de l’humilité devant l’évidence que d’une insensée prétention. Vérifiez !
- « Pourquoi ce refus ? La mort n’est-elle pas un processus naturel que l’on a accepté en naissant ? Ce qui, en vérité, fait peur, c’est l’après, la peur de ne plus exister. Mais comment pourrait-on vivre la non-existence ? On ne sera plus là pour la vivre. »
- Eh oui, donner la vie c’est aussi donner la mort ! Une évidence aussi peu considérée que bien d’autres … et, de fait, soigneusement dissimulée par nos (dis)sociétés.
- Méditer & pratiquer la Vision du Soi c’est précisément vivre une certaine modalité de « non-existence » : à la fois « exister » en périphérie et Être au Centre – simplement, concrètement, joyeusement. Eh oui, il est possible et infiniment souhaitable d’« Être et d’avoir été » !
- Est-ce que cette pratique nous facilitera le « passage » ? Nous verrons bien … et en attendant, détendons-nous le plus longtemps possible dans la Joie de Voir, sirotons cette béatitude.
- Si les soins palliatifs constituent une réelle avancée, nos (dis)sociétés seraient bien inspirées de s’intéresser de près à la Vision du Soi pour, bien en amont des derniers instants, aider leurs membres à préparer leur mort d’une manière radicalement efficace. Le « seul espoir » pourrait devenir la norme … dans un avenir pas si lointain. « L’entrée principale » pourrait réassurer l’avenir … Cela ne dépend que de chacun d’entre nous.
- « Le bouddhisme dit que puisque nous naissons, nous mourons. Il exclut toute idée de résurrection, qui lui semble tout à fait invraisemblable. Pour lui, elle ne résulte que de la peur de l’inconnu et n’est qu’un moyen de se rassurer. … Le karma ne constitue donc pas l’assurance d’une survie, d’un supplément à notre vie actuelle. Pierre Dupont est mort et bien mort, il n’y aura plus jamais ce Pierre Dupont là. »
Cordialement