« Un grand sage est mort. Douglas Harding est décédé à l’aube du jeudi 11 janvier 2007, dans sa 98ème année.
Il avait, depuis plus d’un demi-siècle, inventé une douzaine d’exercices¹ simples permettant à chacun, quelques soient ses croyances par ailleurs, de découvrir par lui-même sa vraie nature, infinie, limpide et, en un mot, divine².
Mais, se dira t-on peut-être, à quoi bon voir cela si l’on doit finir par mourir ? Socrate est mort, comme le Bouddha, comme Jésus, comme Ramana Maharshi … Cette constatation semble rappeler cette vérité banale de l’évanescence de toutes choses, thème central de la plus grande épopée du monde, le Mahâbhârata :
« Exister, c’est exactement comme ne pas exister. Tout est transitoire et impermanent … Comme des bulles dans l’eau, les êtres surgissent et disparaissent. Tout cela sera réduit en miettes : c’est certain. Tout ce qui s’élève doit tomber. Toute union s’achève par une séparation et la vie par la mort … »
Rien n’échappe à l’emprise du Temps, ce maître universel.
A première vue, le cas de Douglas Harding n’est qu’une preuve de plus de cette terrible vérité. Sa forme n’est plus. Pour être plus concrets, prenons cette photographie de Douglas prise par Colin Fox en 1992 :
Douglas Harding (1909 – 2007)
Cette forme n’est plus. La photo elle-même est une trace qui, à son tour, devra disparaître. D’ici quelques milliards de milliards d’années, il ne restera plus rien de rien. Personne. Alors à quoi bon écouter ce que Douglas Harding a dit ?
N’écoutons pas, si telle est notre intuition. Mais, au moins, voyons. Voyons quoi ? Ce regard, sur cette photo, a certes quelque chose de fascinant. Mais quoi ? Il semble n’être là que pour me rappeler que tout périt !
Pourtant, il reste une chose à voir : Vers quoi pointe ce regard ? En ce moment même, lorsque vous regardez ces yeux, vers quoi regardent-ils ?
Pour ma part, ils pointent vers cet espace au-dessus de ces épaules, ici même. Cet espace est vide. Je n’y aperçois aucune forme. Je vois, en toute évidence, que je suis cet espace transparent, plus limpide et dépouillé que la mort elle-même. Ici, la Mort ne trouve rien à dévorer. Il n’y a nul changement, et donc pas de temps. Cet espace est éternel, atemporel, immortel. Il est le refuge infaillible.
Soit mais, dira t-on encore, cet espace vide n’est-il pas le visage de la Mort elle-même, inerte et sans vie ? En quoi ce néant pourrait-il m’être un réconfort ? Regardons encore et encore : Cet espace, absolument limpide en lui-même, n’accueille t-il pas, en ce moment même, une profusion de formes et de couleurs, de son et de sensations ? N’est-il pas la Source de la Vie elle-même ?
Voilà pour moi, pour nombre de mes amis à travers le monde et pour tous ceux qui ont l’audace de VOIR, le sens de cette image. L’immortalité savourée maintenant. Tel est, assurément, le testament ultime de Douglas E. Harding. Puisse t-il naître et renaître toujours en chacun de nous ! »
¹ – Avec d’autres je préfère considérer que Douglas a inventé des « expériences », qu’il incombe ensuite à chacun de transformer en « exercices » jusqu’à ce que la Vision devienne parfaitement naturelle.
² – « Divine » : ce mot ne me pose personnellement (plus) aucun problème. Mais je comprends tout à fait qu’il puisse en indisposer certains. Il ne me semble d’ailleurs pas nécessaire dans un premier temps de l’accoler à ce qui précède : « … vraie nature, infinie, limpide », vision incontestable et expression amplement suffisante. « Divine », c’est déjà un attribut périphérique surajouté, une option … tout à fait respectable !
Cordialement