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De la grandeur et de l’immortalité de Leonard Cohen –  Loïc Céry

Un bel « exercice d’admiration » de Leonard Cohen sur le blog Mediapart de Loïc Céry :

De la grandeur et de l’immortalité de Leonard Cohen (six ans après sa mort)

« Parce que je fais partie de ceux pour qui l’œuvre colossale de Leonard Cohen est indispensable et vitale (0). Et parce que cela fait six ans aujourd’hui que ce poète immortel a rejoint les rives invisibles.

Rien de rationnellement expliqué ne pourra fidèlement exprimer cette sorte de passion que je nourris depuis bien des années pour l’œuvre de celui que je considère comme le plus grand poète de langue anglaise du XXe siècle¹. Leonard Cohen est mort le 7 novembre 2016, voilà six ans de cela. Il fut à mes yeux l’incarnation d’une exigence devant la langue et devant le sacerdoce de la poésie. Tant de gens, notamment en France, ne le savent que très partiellement, alors même que cette œuvre est célébrée depuis longtemps par le monde. Il faut l’expliquer sans doute par la difficulté de compréhension de l’extrême densité des textes de Cohen, volontairement polysémiques. Si vous tentez de traduire Cohen, ne perdez jamais de vue que beaucoup de ses textes se déploient sur un étoilement de sens assez exceptionnel en soi.

Ceux qui savent déjà l’importance de cette œuvre n’ont pas besoin d’être avertis. Mais tous, les profanes comme les initiés (voilà que je me mets à parler comme un franc-maçon), auront toujours devant eux, en écoutant ou en réécoutant, en lisant ou en relisant Leonard Cohen, l’extase et la plénitude que recèle toute haute poésie.

« C’est curieux, chez les marins, ce besoin de faire des phrases »,

écrivait Michel Audiard pour tourner en dérision les bavards, dans « Les tontons flingueurs ». Je me ressens souvent comme l’un de ces marins bavards, mais j’ai appris à me supporter.

J’ai parlé de Leonard Cohen, mais je n’en ai pas parlé, étant donné que Leonard Cohen fait partie de mon monde intérieur, où règnent quelques-uns de ces créateurs qui fondent ce que Malraux nommait la force et l’honneur d’être homme, en parlant de Rembrandt. C’est dire combien je suis riche.

Je devrais donc logiquement parler de mon monde intérieur, mais comment en parler sans être impudique ? Je crois que dire les raisons de ce qu’on admire, c’est justement parler de ce monde intérieur, en annulant l’impudeur. Sinon, à quoi bon ? Cioran lui-même pratiquait ce qu’il nommait des « exercices d’admiration » qui contenaient en soi sa psyché.

Quelques mots par conséquent, même si là je fais comme les marins d’Audiard. Et tout comme je ne peux pas m’empêcher d’essayer d’éclaircir pour moi-même les raisons des admirations qui me nourrissent plus que je les nourris, et que je ne pourrai pas m’empêcher de les détailler dans les années qui viennent (destin du bavard et du graphomane), en tout cas dans les années qui me restent je l’espère. La vénération pour le grand art rejoint la religion, en cela qu’elle induit un sacré qui comble l’être. Sur ce terrain assez unique pour cette raison, plus aucune posture n’est nécessaire, de celles qui contraignent l’être social.²

Tout être humain est un mendiant d’absolu³. Qu’il le sache déjà, ou qu’il ne le sache pas encore. Le jour où il l’apprend, à ses dépens ou pour son salut, des mots, des sons, des formes … l’attendent, qui savaient ses tribulations les plus secrètes et qui connaissaient son souffle de naissance. C’est dans ce moment de révélation et de profonde nécessité que l’écoute devient aigüe : on apprend ce qui était écrit et qu’on éprouve à son tour, comme si l’identité humaine à nouveau se manifestait dans les jours qui nous sont singuliers et qui pourtant rejoignent le pluriel.

Chacun devrait avoir la chance de rencontrer, tôt ou tard, mais surtout en un jour d’intime nécessité où plus rien ne ment et où les minutes souvent s’affolent, ces musiques, ces formes, ces textes qui portent des vérités et des repères, et ce que Césaire nommait des « alexitères », des remèdes puissants. Car l’art n’a rien à voir avec un jeu plaisant. Il est à la fois le témoignage incandescent et la postulation inaltérable à un ordre transcendant qu’on porte en soi, et que seules des heures difficiles ou extatiques pourront réellement révéler à la conscience. Je ne suis pas sûr qu’on puisse emprunter un tel chemin en sifflotant, ou alors si on le croit c’est qu’on a encore le loisir de siffloter (mieux vaut alors en profiter, jouir de ce temps qui pourtant est aussi vain que peut l’être le divertissement dont parle Pascal). Le grand art n’est pas de la broderie, loisir et artisanat respectable néanmoins. (4)

Le grand art confronte chacun à des formes, des mots, des sons qui transcendent la raison elle-même sans la combattre toutefois. Le grand art guide vers une sphère à laquelle on accède à la faveur et par la grâce de rares moments d’ascèse. S’en nourrir c’est certainement s’éloigner des soucis dont chacun de nous souffre, savoir « s’affranchir des malheurs où les autres se traînent » comme le disait Beethoven (celui qui m’importe au-delà de tout), tout en étant solidaire des malheurs du monde, car le grand art ne vaut que par la conscience de la solidarité de tout un chacun avec tout ce qui vit. L’art n’est ni surplomb ni mépris, il conjoint une certaine miséricorde. Se nourrir de la beauté n’implique pas de s’enfermer dans un état de béatitude : la beauté n’est pas lénifiante, elle ne mène pas tout droit au « bonheur ». Mais elle recèle la vivacité de l’énergie vitale elle-même, de la conscience souffrante comme de la joie, elle est la boucle par laquelle comme Nietzsche via son éternel retour, on peut un jour assumer le plus difficile, l’amor fati. Alors on éprouve sa vie comme une œuvre, en connaissant « l’horreur de vivre et l’honneur de vivre » dont parlait Saint-John Perse. (5)

Mes admirations vont vers ceux et celles qui ont su forer dans l’humain ou dans ce qu’ils savaient concevoir de divin, pour dire la nature de que nous sommes, et de qu’est la vie elle-même. Sous toutes latitudes et en tout temps. Ceux-là ont créé des œuvres qui sont là, à notre portée et quelle que soit notre culture : il nous suffit d’y consentir. Un très grand poète que j’ai eu le grand honneur de fréquenter, Pierre Oster, avait un terme magnifique pour qualifier cette présence devant nous et à nos côtés, cette omniprésence des œuvres, pourvu qu’on aille vers elles. Il disait qu’ « il nous est loisible » d’en profiter. Cela veut tout dire : tout comme nous sommes libres, dans la mesure où nous le pouvons, de consentir à un cheminement de sagesse ou non, nous sommes libres de nous confronter à la beauté que recèle le grand art, ou plus exactement à l’élan qu’il exprime (au sens où l’entend Bergson). (6)

Chacun devrait pouvoir entrer en connivence avec Rembrandt, Michel Ange, Beethoven, Mozart, Velasquez, Mahler, Brahms, Leopardi, Rilke, Bach, Novalis, Rimbaud, Schubert, Hugo, Dante, Racine, Balzac, Sophocle, Verdi, Garcia Marquez, Rachmaninov, Shakespeare, Musil, Bacon, Racine, Schumann, Woolf, Saint-John Perse, Dürer, Glissant, Malraux, Pessoa, Vivaldi, Vigny, Bourdelle, Claudel, Rodin, Césaire, Verlaine, Purcell, Ronsard, Wordsworth, Haendel, Lorca, Giacometti, Hölderlin, Chopin, Maupassant, Dvorak, Lamartine, Hesse, Zola, Amado, Montaigne, Tchaïkovsky, Eichendorff, Nietzsche, Machado, « etc. ». Et c’est cet « etc » qu’il est passionnant dès lors, de découvrir, en toutes langues, en toutes esthétiques, en toutes grammaires de l’âme. (7)

Quelqu’un avait dit que la beauté avait pour effet d’agenouiller l’âme. Je comprends ça. Mais je perçois aussi qu’après l’agenouillement d’admiration, l’être humain se remet debout différemment et habite ses jours avec une force auparavant insoupçonnée. Chacun devrait pouvoir rencontrer la voix de Leonard Cohen, ce qu’il a écrit, ce qu’il a chanté et ce qu’il a pensé. Chacun devrait pouvoir se hisser à la hauteur de sa propre vie, de son propre malheur et de son propre bonheur d’humain pour connaître une telle conciliation. « Si vivre est tel, qu’on n’en médise » (8)

Ce qui nous trompe, nous autres du siècle et du millénaire, c’est l’aisance et l’immédiateté que notre loisir de découvrir nous permet d’atteindre. Nous avons les mots, mais aussi les images et les vidéos d’êtres exceptionnels. Jamais aucune autre époque n’a connu une telle facilité d’accès aux merveilles de l’art et de l’esprit, sans compter la connaissance. Et pourtant, jamais une telle profusion ne s’est accompagné de telles menaces d’obscurantisme. On n’a pas de vidéo d’Homère, et d’ailleurs nous ne sommes même pas sûrs qu’il ait réellement existé. Mais Leonard Cohen, mort en 2016, a été filmé, interviewé : chantant, parlant, riant. Et dans notre surabondance d’images, dans notre obésité de ressources numériques, ces trésors sont là, parmi d’autres.

Alors quand il est mort en 2016, j’aurais voulu dire comment et pourquoi cet artiste était à mon sens exceptionnel : un artiste et un homme d’exception. J’y avais consacré un billet sur mon blog dont je reprends deux paragraphes ici. Dire déjà le tressaillement toujours présent, que j’ai encore chaque fois, à entendre « In my secret life » ou « A thousand kisses deep », peut-être après tout, que cela peut conduire d’autres à vivre ou revivre le même éternel tressaillement. À partir de là, je n’ai pas besoin de dire pourquoi il m’a été si secourable il y a quelques années, et pourquoi il est inséparable dans mon esprit, du Bois de Vincennes. Les contingences de chacun dans sa rencontre intime avec les grandes œuvres sont importantes, mais seulement pour soi. Pourvu qu’on puisse et qu’on veuille transmettre le message, et le mien pour hier et aujourd’hui, six ans après sa mort, sera le suivant : plongez-vous dans l’œuvre de ce poète inépuisable, dans ses recueils, ses chansons et ses romans.

« And summoned now to deal / With your invincible defeat / You live your life as if it’s real / A thousand kisses deep »

Ce poète est à mes yeux et aux yeux de tant d’être humains sur cette planète, sans doute le plus éminent poète de langue anglaise du XXe siècle, et l’un des plus grands de tous les temps. Il est assez difficile d’en parler en France, parce qu’alors même que beaucoup de gens dans ce pays en sont conscients, combien peuvent légitimement confondre la grandeur de Leonard Cohen avec celle d’un « chanteur » même illustre, comparable à Brel, Brassens, Ferré, Barbara. Car non, ce n’est pas de cela qu’il s’agit, et je le dis avec un profond respect et une profonde admiration pour ce que peuvent représenter ne serait-ce que ces quatre-là en langue française. Qu’on ne se méprenne donc pas : aucune intention chez moi d’établir un palmarès entre ces géants (ce serait accablant pour moi, vraiment) ; je les évoque pour dire qu’à titre générique, Leonard Cohen se situe au-delà de l’exercice de la poésie chantée. Non, car s’il s’agissait d’approcher Leonard Cohen en termes simplement génériques, on reconnaîtrait sans peine ceci : rien que l’immensité de son œuvre le range simplement du côté de la plus haute littérature qui puisse se concevoir, étant donné qu’il fut avant tout un immense écrivain : poète, romancier, philosophe, théologien (9) mais aussi musicien et peintre.

Je ne crois pas possible de présenter un tel artiste en quelques mots, justement parce que son œuvre est colossale et qu’elle suggère avant tout une grande humilité, pour pouvoir en approcher la substance. Tout immense poète, avant même d’être lu et a fortiori avant d’être compris, est un mal entendu. Et Leonard Cohen, que cette condition satisfaisait d’ailleurs, draine avec lui le malentendu de cette rare symbiose entre la plus haute poésie et la musique, un miracle qui peut conduire à minorer l’œuvre écrite. Fort heureusement, les recueils poétiques de Leonard Cohen sont là et bien là, et laisseront encore pantois d’admiration et de reconnaissance des générations de femmes et et d’hommes qui feront l’expérience unique, en le lisant, de côtoyer un univers fascinant, un univers dense et souvent complexe à vrai dire. Car s’il y avait une seule chose à dire de la poésie de Leonard Cohen, pour ceux qui n’en auraient pas encore fait l’expérience, c’est sa subtilité, mais le mot est impropre pourtant : il s’agit à proprement parler, d’un langage crypté, sous des allures voulues de simplicité. Crypté parce qu’un texte de Cohen est toujours fondé sur une multitude de sens, comme en un palimpseste qui se déploie à mesure des lectures. Un symbolisme voulu et terriblement ouvragé. Mis à part ses chefs-d’œuvre qui se livrent d’emblée comme « The Partisan », hommage à la Résistance française, d’autres resteront des énigmes, comme « The Sisters of Mercy », « Famous Blue Raincoat », « The Guests », et tant d’autres textes ciselés dans un anglais superbe mais éminemment polysémique. Je rapprocherais volontiers cet aspect-là de T. S. Eliot. (10)

Les textes de Leonard Cohen, étudiés en classe par les écoliers anglais, canadiens ou autres, sont aussi l’objet de thèses de littérature, où on se plaît à décortiquer une langue somptueuse, un symbolisme assumé et une puissance expressive rare. Mais Leonard Cohen incarna aussi la poésie par ce qu’il représenta lui-même d’exigence. Adulé de son vivant, objet de mille et une sollicitations, il se méfiait avant tout des honneurs réservés de son vivant à un poète, dont le sacerdoce était selon lui avant tout de vivre jusqu’au bout sa vie intérieure, sa « Secret life » à laquelle il demeura attaché jusqu’au bout. C’est aussi pourquoi il tenta de se préserver toute sa vie durant, des excès de cette vie publique qui devint envahissante avec le succès planétaire qu’il connut à partir des années soixante. Cette vie publique, ce monde souvent tapageur et frivole qui s’ouvre à qui connaît la gloire de son vivant, c’est ce qu’il nommait « Boogie Street ». Et s’il fit en sorte de s’y soustraire, c’est parce qu’au centre des élans de Leonard Cohen, s’est tôt affirmée une recherche spirituelle très intense. Lui, le Juif pratiquant, auteur du célébrissime « Hallelujah », fut en quête toute sa vie durant, d’une intériorité vécue, d’une transcendance questionnée et finalement d’un détachement revendiqué, puisqu’il devint (réellement) moine bouddhiste. (11)

Rien ne peut remplacer, au moment où nous nous souvenons aujourd’hui de ce jour, voilà six ans de cela, où Leonard Cohen a disparu de ce monde, de redonner simplement accès à quelques-uns de ses chefs-d’œuvre immortels. En recommandant en particulier aux lecteurs français de se tenir à l’abri de toute traduction de ces textes inégalables : c’est bien en anglais qu’il faut lire Leonard Cohen et se coltiner aux multiples sens de cette poésie. Ou plutôt, s’aider des quelques traductions qui existent, mais sans jamais s’y arrêter : comme toute très grande poésie, celle de Leonard Cohen est simplement intraduisible.

Certains textes de Leonard Cohen donnent accès à l’insondable, ils sont de cet ordre. Faire l’expérience de son œuvre, c’est sans doute s’engager dans un long chemin. Un chemin que j’ai tenté d’emprunter depuis longtemps. Un chemin forcément inachevé, et un chemin de plénitude existentielle, comme c’est le cas du très grand art. » (12)

Cordialement

 

0 – Nous sommes au moins deux ! Cf. l’étiquette « Cohen Leonard » sur volte-espace.

Cf. aussi l’article Leonard Cohen sur wikipedia anglais.

¹ – C’est pour cela que Cohen aurait du obtenir le prix Nobel de littérature à la place de Bob Dylan … Mais bon, les jurés du Nobel sont familiers de ce genre de ratage. Cf. dans ce billet ce qu’Hervé Clerc a écrit à propos de la voix de Leonard Cohen.

² – Pas nécessairement la « religion », plutôt la spiritualité qui s’avère souvent assez considérablement dégagée de toute religion. Tout art qui célèbre le Grand « induit » effectivement « un sacré qui comble l’être ». Peut-être tout simplement parce que le cœur de l’être est ce Grand « Je Suis » central … qui dès qu’on y demeure explose instantanément aux dimensions de l’univers … Essayez – la Vision du Soi selon Douglas Harding vous y invite – vérifiez !

Les « postures … qui contraignent l’être social » relèvent de la seule zone périphérique « je suis humain ».

³ – Oui, mais un « mendiant » qui a les poches pleines, qui dort sur le trésor de ce qu’il est : le jackpot du « Je Suis ». Il ne lui manque que la capacité à Voir, ce que la Vision du Soi selon Douglas Harding peut lui offrir en quelques expériences – simples, concrètes, joyeuses … mais sans échappatoire. Essayez, vérifiez !

4 – « Le grand art … ». Deux citations sur volte-espace :

Et peut-être aussi redire que l’art n’a de sens qu’une « transformation totale du sens de la grandeur »« Le grand art » c’est essentiellement un « art de Voir ». Vérifiez !

5 – Si, comme l’énonce St-Augustin, « l’ascèse est un exercice bien ordonné sur soi-même », il n’y a plus alors de raison qu’elle soit réservée à de « rares moments ». L’ascétisme, du grec askêsis [ἄσκησις] : exercice, n’est finalement rien de bien plus mystérieux que l’entraînement, la pratique. Le mot est dérivé du verbe askéô [ἀσκέω] : pratiquer, s’exercer, s’entraîner.

Ainsi la « Vision » initiale – entièrement accessible lors d’un atelier de Vision du Soi – nécessite d’être cultivée par une « discipline assidue ». D’être pratiquée tout simplement, en appliquant partout & toujours la seule « règle » de l’asymétrie. Essayez, vérifiez !

« … conscience de la solidarité de tout un chacun avec tout ce qui vit. … une certaine miséricorde » : le dessin de la note n° 2 ci-dessus montre clairement que demeurer en ce « Je Suis » central que nous sommes, tous, c’est aussi assumer la responsabilité de tous & tout, de l’humanité et de l’univers. C’est « avoir pour corps l’univers entier » comme disent les Upanishads.

« Se nourrir de la beauté … ne mène pas tout droit au “bonheur” », peut-être, mais à la « joie sans objet » assurément.

6 – « … il nous suffit d’y consentir … “il nous est loisible” d’en profiter … » : c’est encore un peu vrai pour la « culture » – bien que l’appétence envers elle semble faiblir nettement … – mais ça ne l’est pas (encore … ?) pour la spiritualité. Comme l’a très justement remarqué Bernanos :

« On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l’on n’admet pas d’abord qu’elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure. »

« … consentir à un cheminement de sagesse », ce n’est pas s’adonner à une forme quelconque de « développement personnel » ! « Quite the opposite » disait Douglas Harding.

7 – Je souhaite élargir encore cet « etc » à toutes les « grammaires » non pas de « l’âme » mais de l’esprit. Car si l’on veut s’y retrouver dans ce qui nous intéresse ici, il importe d’y voir clair dans la tripartition anthropologique « Corps & Âme – Esprit ».

Pour ce faire il existe bien sûr beaucoup d’autres maisons, mais j’ai grand plaisir à vous proposer un lien vers celle des Éditions Arfuyen. Ce sont un véritable trésor. Abonnez-vous à la Lettre du Lac Noir sans tarder.

8 – « … l’être humain se remet debout différemment et habite ses jours avec une force auparavant insoupçonnée. » Différemment … comme cela, éventuellement :

Et en l’espèce :

« … conciliation. » Réconciliation, « silencieuse coïncidence » avec notre « visage originel », notre « autoportrait ».

« Si vivre est tel, qu’on n’en médise » : St-John Perse, Vents, 4.

9 – « … philosophe, théologien … » : je ne pense pas que Leonard Cohen ait particulièrement apprécié ces deux étiquettes.

10 – Cohen lointain (pas tant que cela …) cousin des « Metaphysical poets » anglais … Ça se tient.

Concernant T. S. Eliot, cf. notamment « Quatre Quatuors ».

11 – Le documentaire “Hallelujah, les mots de Leonard Cohen” est sorti  en salle en France le 19 octobre 2022

« When at age 50 Cohen first recorded the song, he described it as « rather joyous », and said that it came from « a desire to affirm my faith in life, not in some formal religious way, but with enthusiasm, with emotion. » He later said « there is a religious hallelujah, but there are many other ones. When one looks at the world, there’s only one thing to say, and it’s hallelujah. »

« Juif », c’est sûr, « pratiquant », ça l’est peut-être un peu moins ; juif hétérodoxe alors … ! Une vie consacrée à la quête « d’une intériorité vécue, d’une transcendance questionnée et … d’un détachement revendiqué » : une belle & bonne vie en somme, une vie de recherche de connexion entre l’image et la ressemblance. J’aurais aimé qu’il puisse rencontrer « the headless way », « the shortest way home » … Mais ça ne lui a apparemment pas fait défaut pour s’en aller en paix.

Concernant « Jikan le silencieux » :

12 – C’est là tout le paradoxe, pour ne pas dire le mystère : un « long chemin chemin de plénitude existentielle forcément inachevé » et pourtant nous sommes déjà arrivés au bout, nous ne nous sommes jamais éloignés que par illusion de ce que nous sommes …

 

Par Jean-Marc Thiabaud

Jean-Marc Thiabaud, 65 ans, marié, deux fils, un petit-fils.
La lecture de "La philosophie éternelle" d'Aldous Huxley m'oriente précocement sur le chemin de la recherche du Soi.
Mon parcours intérieur emprunte d'abord la voie du yoga, puis celle de l'enseignement d'Arnaud Desjardins.
La rencontre de Douglas Harding en 1993 me permet d'accéder à une évidence que je souhaite désormais partager.

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