La posture : une question d‘équilibre.
Corriger l’essentiel. (0)
« La réalité morphologique de la posture de zazen est parfois mal perçue par un certain nombre de pratiquants, nouveaux et même anciens. Lorsqu’elle n’est pas comprise, enseignée et pratiquée correctement, des difficultés peuvent apparaître qui rendent difficile, voir même impossible la pratique elle-même.¹
Les conseils que donnent ceux qui sont responsables de l’enseignement, pendant les initiations ou pendant zazen, doivent être précis, clairs et justes, car ils sont interprétés en fonction de l’idée que chacun a de son propre corps ou faussés par l’image de ce que l’on croit être la bonne posture. Mais, de même que l’œil ne peut se voir lui-même, il n‘est pas possible de voir sa propre posture de l’extérieur. On ne peut pas non plus la corriger soi-même à partir d’un concept ou d’un schéma imaginaire. Le rôle des enseignants est donc la simplicité et la vérité de la posture [qui] résident dans une perception claire de la verticalité et des mécanismes corporels qui sont mis en jeu. (voir fig. 1) ²
Le désir d’obtenir ou de parvenir à un résultat, de mauvaises habitudes comportementales, s’opposent à la compréhension intuitive de cette vérité.
La posture de zazen est une posture sans tension où tout est un jeu d‘équilibres. L‘équilibre, par nature est instable. C‘est Mujo, l‘impermanence, la capacité de se remettre en question à tout moment en s’ajustant à l’instant présent. La perte de cette recherche d’équilibre fixe la posture dans une rigidité corporelle qui à la fois reflète et crée la rigidité de l’esprit.³
Malgré l‘apparente contradiction, aucun effort n‘est nécessaire pour rester assis (ou se tenir debout ), car cela correspond à un état d‘équilibre stable. Rester immobile dans cet état signifie maintenir l‘attention toujours éveillée pour garder le corps en équilibre, “dans les dix directions”, sans demeurer dans aucune d‘elles. “Dans un engagement total” dit Maître Dogen.
Shikantaza, “simplement s’asseoir”, ne nécessite pas de nombreuses connaissances anatomiques, mais doit respecter la mécanique corporelle telle qu’elle a été façonnée par la nature elle-même. Dans “simplement s’asseoir”, il n’y a rien d’autre à faire que demeurer dans la condition normale du corps, dans un équilibre juste des tensions et de la détente. Entre “faire” et “non-faire”.
Une meilleure connaissance interne du corps facilitera pour beaucoup la pratique de zazen. Il est impossible de décrire tous les mécanismes que la simple posture assise implique, mais chacun pourra selon son besoin élargir les quelques principes qui sont exposés ici concernant le bassin et la colonne vertébrale. (4)
Le bassin
Le postulat de base est : “la posture entière dépend de la position du bassin” où se trouve le centre de gravité du corps. Il est essentiel de comprendre qu’en position assise le bassin doit permettre une élévation sans tension de toute la colonne vertébrale, ce qui positionnera automatiquement la tête dans une attitude juste. (5) D’où l’importance primordiale d’un zafu suffisamment haut ou épais, adapté à chaque individu. (Ne pas laisser un débutant pratiquer sans avoir étudié ce point avec lui).
C’est la partie basse du bassin, les ischions, qu’on appelle aussi parfois “les os des fesses”, qui est en contact avec le zafu. Le point médian entre les deux ischions (à l’arrière duquel se trouve l’anus, et à l’avant duquel se trouve le sexe) est le point de départ de l’axe vertical d’où s’élève la posture et qui passe par le sommet du crâne Il est aussi le sommet du triangle dont les deux autres sommets sont les points de contact des genoux avec le sol. (voir figure 2).
C’est en fonction de ce triangle que le bassin se stabilise et que s’érige l’axe vertical de la posture.
Selon que les appuis sur les ischions se déplacent, pour une raison ou pour une autre, en avant ou en arrière du point d’équilibre, soit le dos va s’arrondir et le menton partir en avant, soit la colonne vertébrale va être exagérément tendue (hyper-cambrure lombaire), la cage thoracique bloquée et la nuque rigide. Rester immobile pendant une longue durée dans l’une ou l’autre de ces attitudes va finir par créer une souffrance dans le dos à plus ou moins brève échéance. (6)
Entre ces deux états, il y a la posture du milieu.
Le principe d’interdépendance est le 2ème postulat qui s’applique à tous les éléments du squelette et de la musculature. Il détermine à partir du centre qu’est le bassin, tout le jeu des équilibres, tensions et détentes qui vont créer la posture.
La tension (ou la détente) juste de la colonne vertébrale, la position juste de la tête dépendent donc uniquement de la position juste du bassin (qui rappelons-le encore une fois dépend en grande partie, mais pas seulement, de la hauteur du zafu).
Corriger la tête sans corriger le bassin, corriger le bassin sans tenir compte de la hauteur du zafu sont significatifs d’une compréhension incomplète ou d’une vision partielle de la posture de zazen.
La colonne vertébrale
C’est une tige osseuse mobile. composée de 7 vertèbres cervicales, 12 vertèbres dorsales, 5 vertèbres lombaires, du sacrum (os médian du bassin) et du coccyx. L’ensemble de ces vertèbres compose une série de courbes qui varient d’un individu à l’autre et qui sont façonnées par les comportements ou les habitudes. Cela va parfois jusqu’à des déformations irréversibles dont il faut tenir compte dans la correction de la posture. (7)
Dans l’état optimum, les vertèbres sont disposées les unes sur les autres comme une pile de cubes. Elles sont séparées par un disque intervertébral pourvu d’un noyau, le nucléus, sorte de bille remplie de liquide gélatineux. Disque et nucléus forment un amortisseur qui est fait pour supporter le maximum de pressions reçues par les vertèbres. (voir figure 3).
Les vertèbres sont reliées par un ensemble de ligaments continus ou discontinus qui maintiennent les articulations entre elles. Ils ont un rôle passif et sont inextensibles.
La mobilité des vertèbres est, elle, assurée par une série complexe de muscles avant, arrières et latéraux qui autorisent la flexion, tension ou torsion de la colonne vertébrale (voir figure 4).
En position assise, lorsque le bassin est correctement posé sur un zafu suffisamment haut, le jeu de toute la musculature intervertébrale s’ajuste selon la loi du moindre effort, entre avant et arrière, droite et gauche, créant ainsi une position d’équilibre sans tension dans laquelle on laisse réellement la colonne vertébrale se détendre vers le ciel, dans le sens de la verticalité (8). Les vertèbres cessent d être comprimées ou sollicitées par des mouvements ou des attitudes volontaires, et l’énergie est distribuée dans tout le corps par le canal rachidien sans rester “coincée” à un niveau de tension. Pour un individu normalement constitué, il n’y a pas d’effort à faire pour maintenir la colonne vertébrale dans sa position optimum d’équilibre. Seuls de petits mouvements infimes des muscles intervertébraux suffisent pour gérer l’équilibre sans créer de tension. Il ne faut pas vouloir la posture, il faut s’abandonner à elle.
En fonction des individus, les postures varient de part et d’autre de la position d‘équilibre, jusqu‘aux deux extrêmes que sont le dos arrondi et l’hyper-cambrure.
Le dos arrondi
Les causes peuvent être nombreuses : l’incapacité de basculer le bassin en avant due à une musculature ou des jambes rigides ou trop musclées, un problème mécanique, un zafu trop maigre.
Le poids du corps repose à l’arrière des ischions (voir figure 5, ischions en position 1). La tête, par le jeu d’interdépendance des vertèbres, va tomber en avant. La nuque supporte seule le poids de la tête ce qui va créer une tension dans le haut du dos. Dans cette posture arrondie, la cage thoracique est comprimée, et la respiration diminuée.
Les vertèbres sont maintenues pendant la durée de la méditation dans une situation qui sollicite autant les muscles intervertébraux que les disques. Un déséquilibre s’installe entre musculature avant et arrière, droite et gauche. Les ligaments et muscles postérieurs sont mis en tension chronique.
Le disque intervertébral est pincé vers l’avant et baille en arrière comprimant les éléments nerveux situés dans le canal rachidien (en particulier le nerf sciatique dont les racines sortent au niveau lombaire). (voir figure 6)
La conséquence à moyen terme de cet ensemble de tensions chroniques peut provoquer une inflammation locale ou générale, une hernie discale ou d’autres troubles qui entraîneront tôt ou tard une pratique douloureuse ou même impossible.
Pour corriger un dos arrondi, il faut intervenir sur le bassin seul, en le poussant en avant d’une pression exercée sur le sacrum. L’aide que l’on peut aussi apporter, si elle est possible, consiste à surélever le bassin en utilisant un zafu plus haut, et en libérant la contrainte des jambes en autorisant provisoirement un support sous l’un ou les deux genoux. D’autres moyens peuvent être mis en jeu, chaque posture étant différente. (9)
L’hyper-cambrure
Dans l’hyper-cambrure, il y a incompréhension de la notion d’équilibre, de la détente et peur de s‘abandonner. Le pratiquant qui force ainsi a le désir de bien faire et de parvenir à la “bonne” posture, d‘obtenir quelque chose.
Le bassin est exagérément placé en antéversion (voir figure 5, ischions en position 3).
La cambrure exagérée va tendre les muscles lombaires comme des cordes, tendant également les ligaments antérieurs, serrant les disques intervertébraux à l’arrière, les faisant bailler à l’avant (voir fig. 7).
En conséquence, la cage thoracique va être bloquée, façon militaire au garde à vous, freinant le mouvement naturel de la respiration. La tête va naturellement partir en arrière et le menton en avant. Pour corriger cette posture de la tête, on va inciter le pratiquant à vouloir rentrer le menton, créant à nouveau une tension exagérée dans le cou et surtout dans la nuque. On voit aussi apparaître un double menton (figure 7).
Comme dans le cas du dos arrondi en station prolongée, l’hyper-cambrure va induire ligaments, muscles et disques dans un effort préjudiciable dont les conséquences multiples (fatigue, inflammation, désordres mécaniques, etc.) peuvent amener le pratiquant à s’éloigner de la pratique.
Pour corriger cette posture hypertendue, l’idéal est de ramener le bassin vers l’arrière, mais ce n’est pas très facile pendant le zazen lui-même. On peut plus facilement en appuyant la main sur le sternum, inciter à diminuer la tension dans le thorax et par voie de conséquence à relâcher la cambrure lombaire. Une telle correction est parfois difficilement recevable, car celui qui la reçoit a l’impression qu’on l’induit dans une attitude trop relâchée, avachie, c‘est-à-dire dans une référence nouvelle qu‘il ne “re”-connaît pas.
On peut aussi utiliser le kyosaku dans le dos (placé du coccyx à l’arrière du crâne) et demander au pratiquant de se détendre le long du bâton.
Une correction est mieux acceptée lorsqu’elle est discutée après le zazen. Au besoin, il faut montrer soi-même à l’autre son erreur en adoptant sa posture, de manière à ce qu’il puisse la voir de l’extérieur. Sans oublier d‘intervenir aussi sur la hauteur du zafu (diminuer).
Conclure d’une manière simple est impossible.
Chaque pratiquant rencontre dans sa pratique des difficultés qui lui sont personnelles.
Il n’y a pas de correction “standard”. Les corrections doivent être faites ou suggérées par les enseignants avec l’esprit de compassion, de délicatesse, et une réelle compréhension de la mécanique corporelle. Tout étant interdépendant, chaque correction se répercute ailleurs. Il faut donc agir à la base et ne pas créer une nouvelle difficulté par un manque de discernement. Si l‘on ne sait pas d‘où vient l’erreur, il vaut mieux ne pas corriger. Si l’on ne comprend pas une correction, il ne faut pas hésiter à interroger le responsable.
L’origine de la plupart des erreurs se trouve dans la position du bassin, centre de la posture. A partir d’une bonne position de celui-ci, le reste suivra, même peu à peu. On peut parvenir à rectifier des déformations lointaines de la colonne vertébrale, avec de la patience et une foi solide. (10)
Quant à la posture des jambes, il serait trop long d‘en aborder ici tous les aspects. Il y a le lotus, le demi-lotus, le quart de lotus. Il est même justifié, parfois, pour des débutants peu habitués à la posture et ayant de réelles difficultés, d‘utiliser des cales pour soulager les genoux, sans en faire une habitude. L‘essentiel est de faire en sorte que le dos reste droit sans effort.
De même, quelqu‘un qui cherche à se corriger ne devrait pas lutter contre ses erreurs ou ses déviations, les négliger, ou vouloir les dominer par la force. Au contraire, il devrait chercher à s‘en servir pour diriger sa propre correction. Parfois faire une erreur permet de mieux comprendre.
La posture se crée de nouveau à chaque zazen, en restant attentif à ce qui se passe dans le corps, en essayant d’en comprendre la dynamique à partir de l’intérieur. Tout au long de la pratique, il faut se remettre en question, accepter d’être dérangé, s’étudier soi-même. Maître Deshimaru appelait cela : « rester frais, ne pas être comme de la bière éventée ».
En lui-même, le corps n’est pas tellement important. Il est éphémère par nature et soumis aux lois de l’impermanence, mais le Bouddha l’utilise pour apparaître en ce monde. C’est la raison pour laquelle cette demeure provisoire doit être entretenue, respectée et utilisée pour pratiquer la Voie. C’est dans la posture que chacun voit son propre esprit et que se révèle notre vérité originelle (11).
Le corps, l’esprit, lorsqu’ils sont en unité, c’est l’éternité dans une simple posture, dans un seul instant. »
Cordialement
0 – Ne serait-il pas infiniment préférable de laisser « l’essentiel » nous « corriger », nous apprivoiser ?
La posture « corps & mental » est importante, certes, et je remercie Guy Mokuho Mercier pour la grande qualité de cet article. Mais la véritable posture, celle qui « exclut l’imposture » de manière radicale, consiste à demeurer fermement établi dans l’espace illimité d’accueil inconditionnel que « Je Suis », le « contenant ultime ». C’est le Centre et sa subite « explosion » en totalité qui est en mesure de « corriger » la zone périphérique « je suis humain », pas l’inverse.
¹ – Dans la continuité de ce qui est écrit ci-dessus, soyez convaincus que rien n’est en mesure de « rendre … impossible la pratique elle-même ». Ce qui n’est surtout pas une invitation à négliger la posture assise : le génie du zen, c’est d’avoir intimement relié le zazen et le Visage Originel. Il nous est possible de vivre en permanence à partir du Centre, comme l’explique Karlfried Graf Dürckheim dans ce billet : « Méditer … Quand ? »
² – Je reprends ci-dessous mon commentaire de « Attention les yeux » :
« Il n’est pas possible de voir sa propre posture de l’extérieur », certes. Mais le corps est un bon guide pour indiquer par diverses tensions ce qui n’est pas juste & ce qu’il convient d’ajuster. Et il est surtout possible que la posture soit vue de l’intérieur, depuis l’espace d’accueil illimité & inconditionnel que nous sommes, tous. Le critère de justesse de la posture, c’est la capacité à coïncider avec cet espace, le Centre, la Source, … En quelque sorte : « Comment savoir mieux que Lui ce qui est bon pour nous », en sachant que « Lui » représente ici le Centre, l’espace d’accueil, et non le maréchal Pétain comme dans la formule de propagande initiale !
Ceux qui partagent le zen – l’assise & la vie – doivent encourager chacun à faire preuve d’une perception de plus en plus sensible, fine, précise dans sa pratique. La détente et l’abandon confiant au Centre que nous sommes vont dans le sens de la « simplicité » et de la « vérité ».
Petit rappel au passage :
« … et vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous rendra libres. »
[καὶ γνώσεσθε τὴν ἀλήθειαν, καὶ ἡ ἀλήθεια ἐλευθερώσει ὑμᾶς.]
Évangile de Jean 8, 32
³ – Ce « jeu d’équilibres » se passe d’autant mieux en périphérie quand vous demeurez dans la parfaite immobilité du Centre, quand vous êtes consciemment et en pleine confiance l’immobilité éternelle du « Je Suis ». La rigidité provient souvent de l’erreur consistant à vouloir trouver une solution dans la zone périphérique « je suis humain » du dessin ci-dessus. Il n’y en a pas … même si pour la plupart nous passons beaucoup de temps et gaspillons énormément d’énergie à chercher là, dans l’obscurité. Mieux vaut chercher en pleine lumière, comme Nasrudin !
Voilà une première occurrence du mot « esprit » qui ne cadre pas du tout avec l’anthropologie « Corps & Âme – Esprit », et qui contribue à ne faciliter ni la compréhension ni la pratique.
4 – Les ouvrages (et éventuellement stages) de Blandine Calais-Germain vous faciliteront « une meilleure connaissance interne du corps ». La figure 3 vous prouve l’incomparable qualité de ses dessins.
Faire l’effort de mieux connaître ce vieil ami qu’est notre corps est aussi une manière de le respecter, de lui témoigner notre gratitude et de l’aimer.
5 – Centre de gravité physique certes, mais surtout centre de gravité énergétique : toute la posture dépend effectivement de cette force particulière, le Qi, située dans le hara, dans le dan tian inférieur. Chaque expiration vient renforcer la densité de cette zone, sans jamais la rigidifier. Chaque inspiration s’enracine dans cette densité pour laisser la colonne vertébrale s’ériger, pour tonifier la posture de manière détendue, naturelle.
Le centre de gravité de la posture se situe dans le ventre, pas dans la tête. Comme l’écrivait John Toler : « il ne peut y avoir de Zen sans l’espace vide du “sans tête”. Et cependant la position de cette tête physique et de toute la zone du cou est essentielle, ainsi que Guy Mokuho Mercier l’a montré dans « Attention les yeux ».
6 – Cet article montre de manière détaillée la grande difficulté que la plupart des personnes éprouvent pour s’installer dans une posture véritablement « stable & confortable ». C’est pour cela que je propose généralement de commencer par méditer assis sur une chaise, et même de rajouter un petit coussin pour que les ischions soient au-dessus du niveau des genoux. Cela passe pour une hérésie aux yeux de certains, souvent figés dans « un concept ou un schéma imaginaire » de l’unique bonne posture.
Je privilégie pour ma part l’accès à la posture d’espace d’accueil illimité & inconditionnel de tout l’univers, dans la perspective de la Vision du Soi selon Douglas Harding. C’est une question – essentielle – de priorité : une fois le chemin vers « se contenter d’être » (re)trouvé, bingo, c’est gagné !
Libre à vous de faire ensuite intelligemment tout le travail nécessaire pour vous rapprocher d’une posture plus basse si le cœur vous en dit. Je me suis permis de compléter le texte suivant qui propose d’excellents conseils : « AsanasZen ».
7 – Vous ne prendrez jamais assez soin de votre colonne vertébrale. Ne perdez pas la moindre occasion de la mobiliser, consciemment, de l’étirer, de tonifier ses muscles posturaux, de ménager ses disques intervertébraux, …
Qi Gong, Yoga, ski de fond & de randonnée, marche nordique, natation, jardinage, … les activités ne manquent pas pour redonner vigueur & souplesse à votre colonne vertébrale et à tout votre corps. Et bien sûr aussi : se maintenir suffisamment hydraté en permanence, éviter un surpoids excessif, s’alimenter correctement pour ne pas pâtir d’éventuelles carences en minéraux & vitamines …
8 -Je reprends ci-dessous la note 13 du billet « Méditation marchée » :
Le « ciel » vers lequel nous sommes invités à nous élever de manière aussi détendue que possible, ce ne sont pas des « Cieux ». Et nous ne sommes pas plus invités à suivre une injonction morale : « tiens-toi droit ! » qu’à adopter une attitude figée de statue ou de sentinelle. Mais il est de la plus haute importance de parvenir à se reconnecter avec cette verticalisation qui est l’essence même de l’aventure de l’espèce et de l’individu, à se redresser, à se déployer vers le haut, à ne pas perdre le moindre millimètre de notre taille « optimale ».
Ce mouvement a lieu à partir de Bai Hui, « porte du Ciel », le point le plus haut du corps en relation avec l’extérieur. Portez-y votre attention, sentez-vous tiré vers le haut à partir de ce point qui, peu à peu, avec la détente s’ouvre, s’élargit et établit un contact de plus en plus étroit avec l’énergie du « Ciel ». C’est en quelque sorte cette connexion qui assure la verticalisation détendue.
Elle procure une sensation très agréable de légèreté, de déploiement tonique, intensément vivant, libérateur pour tout le reste du corps.
9 – Plutôt que de vous imposer un idéal de posture assise, impossible à réaliser dans l’immédiat et nécessitant de compenser avec « un zafu plus haut » et « un support sous l’un ou les deux genoux », utilisez plutôt une bonne vieille chaise ! Cf. note 6 ci-dessus.
Quelle est votre priorité : être espace d’accueil, « avoir pour corps l’univers entier », ou bien rester, souvent plutôt mal que bien, assis en lotus pendant vingt minutes … ?
10 – J’avoue avoir bien du mal avec l’utilisation thérapeutique de quelque méditation que ce soit. A mon humble avis d’éventuelles « déformations lointaines de la colonne vertébrale » nécessitent plutôt le recours préalable à des spécialistes médicaux de l’image et des soins, ce qui ne veut pas nécessairement dire à la chirurgie lourde. Il me semble qu’il y a là un risque de confusion des ordres : la méditation relève plus du « salut » que de la guérison. Le billet qui reprend un texte de Catherine Kerr, « Don’t believe the Hype » expose, en anglais, la pente glissante sur laquelle s’est engagée la fameuse MBSR …
Ce mot de « foi » me gène aussi un peu, même si ses significations peuvent être assez larges. La méditation dans l’esprit du zen que je propose, en lien très étroit avec la Vision du Soi, ne nécessite aucune « foi », sinon peut-être la « foi en son scepticisme » évoquée par Paul Valéry ! Il est seulement proposé de Voir – concrètement, simplement, joyeusement – l’asymétrie, et de faire peu à peu de plus en plus confiance à l’espace d’accueil que nous sommes, en vérifiant par l’expérience que nos doutes à son égard sont infondés.
11 – Je peux « utiliser » un outil quelconque, mais pas le corps que je suis. Le corps « n’est pas tellement important », il est absolument essentiel pour passer du « corps-décor » à notre « corps d’univers » (Yvan Amar), au « Youniverse », passer de ce que K. G. Dürckheim appelle « le corps que j’ai » (en périphérie) au « corps que je suis ».
Cette « demeure provisoire » est la clé d’accès à notre Visage Originel, à notre vraie nature d’espace d’accueil : c’est le génie du zen & de la Vision du Soi que d’en avoir aussi bien saisi l’intérêt. Le corps & mental « éphémère » est porteur d’une dimension en-deçà du temps, éternelle si ce mot ne vous dérange pas, appelée « esprit » dans la conception anthropologique traditionnelle « Corps & Âme – Esprit » (Cf. lien de la note 3). Et pour être encore plus précis, c’est cet « esprit » qui porte le corps & mental … Le christianisme lui aussi est avant tout une religion de l’incarnation, mais l’institution censée le servir en a, globalement, si mal compris le sens …
Le sage a la lourde responsabilité & grande joie d’aimer son corps, parce que « le sage a pour corps l’univers entier ».
Je modifierais volontiers les dernières phrases de ce texte comme suit :
- Voir l’esprit et laisser advenir notre vérité originelle, c’est la posture.
- Le « corps & mental – esprit » unifié, c’est l’éternité dans une simple posture, à chaque instant.
4 réponses sur « La posture : une question d‘équilibre – Guy Mokuho Mercier »
IMPRESSIONANT ,mais, tellement JUSTE …
je vais prendre connaissance à plusieurs REPRISES de ce majestueux cours intéressant !.
A plus , MITOU
La POSTURE. . . , comment en trouver une quand on a perdu le CENTRE de GRAVITE ( suite à l ‘ accident . . . ) .
MON équilibre : allongée sur mon lit, bien à PLAT .
Bonne journée ,ESTIVALE , Mitou .
Bonjour Mitou,
En complément de ta question qui date déjà un peu, ces éléments de mon ami Alain Bayod dans le billet « 1,2,3 … éveil » :
« Pour ma part, surtout depuis la maladie, je pratique beaucoup la méditation couchée. Ce que le yoga appelle la « posture du cadavre ». C’est un exercice d’une simplicité redoutable. Il consiste tout simplement à s’allonger sur le sol, les yeux fermés et à rester immobile un certain temps. Je conseille toujours de faire durer l’exercice au moins une demie heure. Arnaud, qui aimait et pratiquait beaucoup cette posture y avait apporté un petit raffinement : il se bouchait également les oreilles. Si on reste lucide pendant la pratique, on s’apercevra d’une part que le seul fait de fermer les yeux suffit à abolir le monde des formes et d’autre part, que nous compensons immédiatement cette disparition à l’aide de la mémoire. Nous recréons par le souvenir la forme du corps devenu invisible. Cela nous permet de préserver notre croyance fondamentale : « Je suis MOI et seulement moi. Moi limité, séparé, fermé sur moi-même … »
Par contre, si on lâche prise et que l’on accepte d’être dans l’évidence de l’instant présent, c’est l’ouverture immédiate. Quand on y pense, il est assez drôle que cet exercice soit si efficace puisque tout le monde est amené au moins une fois par jour à se coucher et à fermer les yeux. Comment se fait-il que plus de gens ne fassent pas l’expérience du mode 3 ? Cela vient sans doute du fait qu’il n’y a pas d’intention. C’est ça qui fait toute la différence. »
Donc la posture « allongée sur son lit, bien à plat » peut elle aussi mener très loin, très près …
Bonne pratique donc.
Amitiés
Jean Marc
Bonjour Mitou,
Pour ce qui est sans doute ton premier passage sur volte-espace, tu ne commences pas par le billet le plus simple ! Il ne s’agit pas d’un « cours », pas plus que d’un texte « majestueux ».
Guy Mokuho Mercier nous offre une réflexion utile, simple & concrète, qui s’appuie sur sa propre pratique & son expérience de transmission de la posture assise. Toute la première partie en italique illustrée de nombreux dessins lui appartient. Ma contribution se limite aux commentaires n° 0 à 11 placés après son texte, avec l’espoir de lui apporter une « plus-value ». Et de la même manière tous proviennent de ma pratique personnelle, de la méditation, du qi gong et de la Vision du Soi.
Ces deux compte-rendus d’expériences sont seulement une invitation à ce que le lecteur ait lui aussi l’audace de faire sa propre expérience.
Aucune de ces deux parties n’est « intéressante » en soi … Seuls peuvent éventuellement exister quelques personnes sincèrement intéressées par ce qui est proposé ici, dans ce billet et plus globalement sur volte-espace : l’unique porte de sortie, « le seul espoir ». Il semble n’y en avoir que si peu que c’en est réellement désespérant …
Je colle ci-dessous ton 2° commentaire :
« La POSTURE…, comment en trouver une quand on a perdu le CENTRE de GRAVITE (suite à mon accident …) ?
MON équilibre : allongée sur mon lit, bien à PLAT. »
En fait la réponse à ta question se trouve déjà pour partie dans les commentaires évoqués plus haut. D’où la nécessité d’en prendre connaissance « à plusieurs reprises », comme tu le dis si bien. Et pour l’autre partie dans la posture qui te convient actuellement, « allongée sur mon lit, bien à PLAT ».
La grosse difficulté de cette posture là, c’est le maintien de la vigilance. En posture assise (zazen) ou debout (qi gong), il est assez difficile de s’endormir ; quand on est couché, c’est un risque non négligeable. Mais en évitant de la pratiquer juste après un repas ou lorsqu’on est trop fatigué, c’est une excellente posture, « stable et agréable ». Et puis le risque reste limité : si on s’endort, c’est que le corps & mental est en déficit de sommeil. La méditation suivante sera de meilleure qualité.
Juste un dernier point, le plus important : ton centre de gravité n’est pas « perdu ». L’accident a provoqué des désordres dans ton corps & mental, certes. Mais tout être vivant, aussi chamboulé soit-il, conserve ses centres de gravité : physique d’abord, énergétique ensuite, spirituel enfin. La méditation, zazen ou autre forme, la Vision du Soi, et toutes les autres méthodes solides ne visent qu’à permettre de retrouver d’abord l’équilibre dans ce dernier centre de la liste, mais premier en importance. Le reste suivra, parfois tant bien que mal, certes encore une fois.
Cordialement