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La parole est un royaume – Marie Balmary

Les rares lecteurs de volte-espace (des « happy few » qui l’ignorent !) connaissent mon admiration et ma gratitude pour les travaux de Marie Balmary.

Alors quand survient la chance d’accéder à une de ses interviews récentes, je n’hésite pas une seconde. Voici « La parole est un royaume », paru dans le journal La Croix (0) du 4 février 2019.

NB : le texte se suffit à lui-même, mes commentaires servent surtout à faire le lien avec la Vision du Soi selon Douglas Harding. Je vous remercie d’avance de bien vouloir me pardonner ces développements tout à fait démesurés  … mais quand on aime, on ne compte pas.

Marie Balmary – Philippe Grollier / Pasco

La Croix : Dans un cabinet de psychanalyste, qu’est-ce qui se joue autour de la parole¹?

Marie Balmary : De la parole, il y en a aujourd’hui partout. Peut-être plus qu’il n’y en a jamais eu. Mais toutes ces paroles arrivent-elles à destination ? En même temps, le sentiment de solitude est important, douloureux.

J’ai à l’esprit une phrase de Christian Bobin² :

« Rencontrer quelqu’un, le rencontrer vraiment, et non pas simplement bavarder comme si personne ne devait mourir un jour. »

Dans notre écoute d’analyste, il y a cette dimension de la vie et de la mort. Freud disait qu’il pensait à la mort tous les jours³. L’accueil de la parole de l’autre a lieu, sans le dire le plus souvent, dans cette dimension-là : « Je vais mourir et il va mourir, maintenant, qu’est-ce qu’on a à se dire que le patient n’a pas pu dire ? »

La Croix : Diriez-vous que la parole nous précède ? Et en quel sens ?

Marie Balmary : Oui, la parole précède chacun d’entre nous, d’abord par les paroles qu’il reçoit de ses parents et de ses éducateurs. On donne des paroles à un enfant, et d’abord un nom. Ces paroles viennent des parents et aussi de plus loin qu’eux, de leurs héritages, leurs idéalisations, de ce qu’ils admirent et désirent pour cet enfant. Avec cela, il va falloir que l’enfant se débrouille. De ces paroles, on peut faire un destin écrit d’avance. Mais ce peut aussi être une proposition : « Voilà ce que nous t’adressons, et toi que réponds-tu ?» (4)

Que la parole nous précède, je le constate aussi comme psychanalyste, par exemple quand quelqu’un arrive dans mon cabinet avec un rêve. Le rêve est bien une parole « précédente », une parole non maîtrisée. Elle « arrive » à la personne. Quand ensemble on en fait le déchiffrement, l’interprétation, alors quelque chose de nouveau surgit, qui était dans l’ombre et de l’ordre de l’inconscient. Cette parole va élargir la vie du patient, en lui faisant retrouver la mémoire, en lui permettant de désirer davantage, en lui apportant une vérité nouvelle qu’il n’avait pas pu affronter ou dont il n’avait pas pu profiter. C’est plein de surprises, la parole …

Le rêve – la voie royale, disait Freud – a aussi un côté inquiétant, parce que cette parole-là vient du silence, du sommeil. Et qu’elle nous conduit hors du formatage social. Elle nous sort d’un destin que l’on croyait écrit ou que l’on croyait vouloir. (5)

La Croix : Vous vous êtes beaucoup intéressée à un autre type de paroles, celles du récit biblique. Que recueillez-vous dans ces Écritures ?

Marie Balmary : Nous sommes précédés, collectivement, par de grands récits (6). De là, peut surgir une question plus métaphysique : qui nous a parlé en premier, avant le surgissement de l’humanité ? Nous avons reçu la parole et nous ne savons pas d’où elle vient. Chaque religion raconte quelque chose de cette origine. Toutes les cultures ont besoin de ces grands récits.

Qu’une parole nous précède, on peut le voir se dessiner a contrario. Périodiquement, on veut se débarrasser des grands récits. Mais à chaque fois qu’on a cru qu’on allait tout recommencer, qu’on serait le début de l’histoire, l’an zéro, cela n’a pas marché. Chaque fois, cela s’est avéré conduire à la mort … « Tu ne tueras pas » se trouve dans le récit d’Israël­, pas dans les paroles de La Marseillaise. Avec le psychanalyste Jacques Lacan, je vois dans le Décalogue « les lois de la Parole elle-même ». (7)

La Croix : Plus d’un siècle après l’invention de la psychanalyse, nous sommes devenus plus attentifs à la parole, mais n’a-t-elle pas aussi proliféré de façon un peu désordonnée ?

Marie Balmary : Il est clair que la psychanalyse a beaucoup apporté, notamment aux relations entre parents et enfants. Mais un effet de balancier s’est produit : on est passé du monde des secrets de famille à un monde où on se dit tout.

Les psychanalystes ont été, dans leur vie personnelle, particulièrement touchés par cet excès de parole. On s’est mis à croire qu’il fallait tout parler, tout interpréter. On a cru en la parole permanente. On voit aujourd’hui des enfants remplis de la parole de leurs parents. Paroles qu’il leur faut mettre dehors.

Je comparerais volontiers ce qui est arrivé aux psychanalystes de ma génération à ce qui s’est passé avec la découverte du radium. On ne savait pas à quel point la parole, c’était fort ! Comme le radium, elle a un usage bénéfique et un usage dévastateur. Elle peut faire du mal aux âmes sur plusieurs générations. Aujourd’hui, je crois qu’on la situe mieux. On peut garder les bienfaits de la psychanalyse et ne plus être dans l’idolâtrie de la parole qui, comme toutes les idolâtries, conduit au sacrifice. (8)

La Croix : Comment différencier la parole qui libère et la parole mortifère ?

Marie Balmary : Il y a la parole violente, dont on voit le mal, mais aussi la parole de séduction, qui capte. Cette parole-là fait jouir l’ego, le « petit moi ». Elle vient conforter sa vanité. Derrière, il y a une parole qui objective l’autre, qui lui dit : « Ton bonheur sera ceci. » C’est souvent le type de la parole publicitaire, celle qui vous dit ce que vous devez désirer … (9)

La Croix : Peut-on évoquer ce que la parole « permet », ses « capacités », ses fécondités ?

Marie Balmary : Je trouve que la question, telle que vous la formulez, est en fait trop petite. La parole est un champ, c’est un étage de la vie. C’est un royaume ! Et on n’entre dans ce royaume que comme roi. J’ai envie de dire : « Tous rois en ce royaume ! » C’est le lieu où la banalité n’existe pas. Un être qui parle lui-même est un unique. Il est le seul à être lui. Et, s’adressant à l’autre, il se manifeste comme unique, comme roi. Il se révèle par la parole. (10)

La Croix : Quel lien faites-vous entre cette parole et notre dimension spirituelle ?

Marie Balmary : Naître à la parole, c’est « naître d’en haut », comme le dit Jésus dans l’Évangile de Jean (3, 3). Ce texte biblique dit explicitement que nous pouvons avoir accès à une autre vie, la Vie vivante. Jésus parle de « naître d’eau et d’esprit ». Le mot grec qui désigne l’esprit (pneuma) désigne aussi le souffle. Pour « naître d’en haut », n’y a-t-il pas en haut du corps, dans la bouche, de l’eau et du souffle ? N’est-ce pas ce qui rend possible la parole ? (11)

La Croix : Quelle place faire au silence dans cette quête ?

Marie Balmary : Il est difficile de parler du silence … Le silence, c’est faire de la place en soi pour l’autre. Créer un espace où il peut venir sans qu’on le prenne. C’est un espace où l’autre peut être un inconnu, où il va devenir de plus en plus inconnu.

Le silence, c’est le suspens du jugement, c’est l’hospitalité de l’âme. On sent bien quand on parle avec quelqu’un s’il y a de la place en lui pour nous, ou pas … C’est vrai de la relation à l’autre, mais aussi de la relation à soi-même. Si on n’est jamais en silence, on n’entendra pas en soi le « roi », l’être parlant … (12)

La Croix : Dans certaines familles, parents et enfants ne se parlent plus. Comment retrouver le goût de la parole ?

Marie Balmary : Peut-être faut-il en premier lieu se réconcilier avec les brisures de parole. L’avènement d’un sujet ne se fait pas sans rupture. C’est plus ou moins violent, comme un accouchement. À la naissance, la séparation entre les deux vivants est toujours risquée, elle peut être douloureuse, dangereuse … C’est vrai aussi pour la parole. Nous pouvons apprendre à lire ces échecs comme des passages de naissance. Cela change la donne.

Dans l’Évangile de Luc (2, 41-52), on voit Jésus, enfant, rester à Jérusalem à l’insu de ses parents. Ces derniers le cherchent, pendant trois jours. On imagine leur angoisse ! Quand ils retrouvent Jésus au temple de Jérusalem, Marie lui dit : « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Voici, ton père et moi nous sommes au supplice en te cherchant. »

Dans ce texte, Jésus se révèle en train d’arriver dans le Royaume de son père. Ses parents vont consentir à ne plus comprendre leur enfant, à ne plus le connaître. Jésus n’est plus dans leur parole. Il est dans la sienne, assurée par son Père céleste. Que l’on soit croyant ou pas, ce texte peut nous parler. Il y a des ruptures qui durent trois jours, trois ans ou trente ans … Ces temps de séparation sont nécessaires, jusqu’à ce que le parent ait consenti à ne plus comprendre, qu’il laisse place à la non-connaissance de l’autre : « Je ne parlerai plus en toi, à ta place … » (13)


Un extrait d’« Abel ou la traversée de l’Éden » :

« Comment la parole nous est venue … »

« Depuis bien des années, en effet, je m’étais mise en quête de nos origines à nous, êtres parlants. Et j’avais constaté, instruite par les savants eux-mêmes, que la science, qui peut tant nous apprendre sur les origines de la matière et de la vie, ne peut rien nous dire sur les origines de l’humanité en tant qu’humanité. Elle nous parle bien des objets de ce monde, qu’ils soient vivants ou inanimés, mais elle ne peut nous faire découvrir comment la parole nous est venue au commencement, ni comment chaque être humain en vient à se lever, comment il trouve accès, en tant qu’être qui dit “Je”, à cet autre monde, invisible, celui de l’esprit. Je me suis donc tournée vers d’autres sources (…). Je suis partie de l’hypothèse suivante, partagée par bien des psychanalystes à la suite de Freud : la parole originaire de l’humanité conservée dans les mythes et les Écritures, et la parole inconsciente enfouie dans la mémoire de chaque homme, ces paroles, toutes deux mystérieuses et demandant à être interprétées, devraient pouvoir être entendues et déchiffrées de la même façon. » (14)


Repères

Marie Balmary est psychanalyste à Paris (15). Psychologue clinicienne de première formation, elle poursuit depuis plusieurs décennies une relecture du récit biblique, qu’elle mène avec un groupe de lecteurs ayant l’expérience de la psychanalyse. Ce travail de traduction et de mise en résonance des Écritures avec la psychanalyse a donné naissance à plusieurs ouvrages : « Le Sacrifice interdit. Freud et la Bible » (Grasset, 1986), « La Divine Origine. Dieu n’a pas créé l’homme » (Grasset, 1993), « Abel ou la traversée de l’Éden » (Grasset, 1999), « Freud jusqu’à Dieu » (Actes Sud, 2010).

Recueilli par Élodie Maurot

 

Cordialement

 

0 – N’allez pas croire que je suis abonné à ce journal, ou que je le lis régulièrement ! Mon alerte wouèbe sur le nom « Marie Balmary » ne fonctionne pas trop mal, c’est tout ; et pour une fois l’accès à l’intégralité de l’article était permise. Merci au journal, et merci à Élodie Maurot : espérons que cette belle interview soit la première d’une longue série.

(NB : le lien ci-dessus renvoie vers tous les articles de volte-espace où il est question de Marie Balmary. Certains vous paraîtront établir un rapport un peu rapide, voire excessivement tiré par les cheveux … J’assume. N’hésitez pas à laisser un commentaire au besoin.)

Ceci dit, « le symbolisme de la croix » est loin d’être le plus mauvais pour illustrer notre situation humaine, écartelée entre la périphérie et le Centre, le « monde » et le « Royaume » … le « bavardage » et la « parole ».

Il faudra y revenir plus longuement, cartes de Douglas Harding à l’appui (Cf. déjà celle ci-dessous). J’ai déjà trouvé une citation de Christian Bobin pour donner le La à ce futur billet :

« Le néant et l’amour sont de la même race terrible. Notre âme est le lieu de leur empoignade indécise. »

¹ – Dans un cabinet de psychanalyste, et partout ailleurs, « ce qui se joue autour de la parole » est essentiel : la politique (pas seulement française …) est très gravement malade parce que le sens de l’importance, de la gravité de la parole, a été perdu. D’abord par la plupart des hommes & femmes politiques eux-mêmes, ensuite par la plupart des médias qui la transmettent et sont censés l’expliquer, la questionner, la nuancer, la réfuter au besoin …, et enfin, pour rester dans le contexte français, par la plupart des citoyens que nous sommes. Si la responsabilité diminue un peu du haut vers le bas, il n’en reste pas moins que nous sommes tous responsables de cette déplorable dégradation.

La citation de Christian Bobin : « Rencontrer quelqu’un, le rencontrer vraiment, et non pas simplement bavarder comme si personne ne devait mourir un jour », ce n’est pas que de la poésie pour faire joli, c’est, ou en tous les cas ce devrait être, un programme de renaissance politique !

² – Christian Bobin écrit des phrases étonnantes, merveilleuses, quasi « miraculeuses » parfois. Normal, c’est un (sacré) poète … et il écrit peu. En gardant à l’esprit celle que Marie Balmary nous propose, il est possible de passer, enfin, du bavardage à la rencontre. Elle provient de « La Dame Blanche », ouvrage qu’il consacre à Emily Dickinson.

Cette phrase – plus exactement ce coup de poing, si précis & puissant et si rare – est suivie par celle-ci :

« La substance inaltérable de l’amour est l’intelligence partagée de la vie. »

Donc, en gros, nous avons deux options : continuer à « bavarder » comme si nous n’étions pas mortels, ne jamais éprouver la joie sans pareille d’une véritable « parole », d’une vraie « rencontre », conserver cet indigne statut d’objet qui alimente « la répétition ensommeillée du monde », ou nous éveiller à « l’amour et l’intelligence partagée de la vie. »

Christian Bobin et Marie Balmary peuvent énormément contribuer à cet « éveil », mais la Vision du Soi selon Douglas Harding constitue un outil particulièrement efficace pour « renverser la thèse du monde ». N’en croyez pas un traître mot, essayez, vérifiez … !

« Le monde veut le sommeil. Le monde n’est que sommeil. Le monde veut la répétition ensommeillée du monde. Mais l’amour veut l’éveil. L’amour est l’éveil chaque fois réinventé, chaque fois une première fois. Le monde n’imagine pas d’autre fin que la mort, cette extase du sommeil, et il considère tout à partir de cette fin. … L’enfant va à l’adulte et l’adulte va à sa mort. Voilà la thèse du monde. Voilà sa pensée misérable du vivant : une lueur qui tremble en son aurore et ne sait plus que décliner. C’est cette thèse qu’il te faut renverser. »

« Le Très-Bas »

J’aime beaucoup, depuis longtemps, tout ce qu’écrit Christian Bobin. Le lien ci-dessus renvoie vers tous les articles de volte-espace où il est question de lui. Certains vous paraîtront établir un rapport un peu rapide, voire excessivement tiré par les cheveux … J’assume. N’hésitez pas à laisser un commentaire au besoin.

³ – De manière plus malicieuse, C. G. Jung disait :

« L’homme passe la première partie de sa vie à faire son trou, et la deuxième à essayer d’en sortir. »

Ce qui est assez proche de la conception traditionnelle hindoue des « âges de la vie/ashramas ». Nous passons beaucoup de temps à faire une place – indispensable, nécessaire, utile – au « petit » dans la zone « je suis humain » du dessin ci-dessous. Puis la maturité, cette « Reifheit » sur laquelle insistait tant K. G. Dürckheim, venant, nous nous apercevons que cette zone n’est qu’un tout petit canton de la totalité, qu’il conviendrait de réaliser le « Grand », le « Je Suis » central avant de … mourir.

Il est sans doute nécessaire d’ajouter que la « maturité » n’est guère aimée, et donc pas valorisée, aidée, dans le vaste désordre qu’est devenu le monde moderne, rendu encore plus incohérent par le wouèbe et les réseaux asociaux … Mais, fort heureusement, si vous ne travaillez pas à accueillir et développer cette maturité, vous deviendrez de plus en plus malheureux & angoissé, et vraisemblablement malade. Ce sera très bon pour la société de compensation & consommation, nettement moins pour vous. La vie humaine est vraiment bien faite ! « Facts are friendly », comme disait ce bon C. Rogers.

4 – Question insondable et difficile de l’éducation … Si notre société n’est plus capable de transmettre aux enfants le sens de la parole et les moyens de l’acquérir, je pense qu’il conviendrait d’arrêter d’en faire en attendant d’avoir récupéré cette capacité. J’exagère à peine … Le langage, ce n’est rien d’autre que l’accès à l’humanité, au dépassement de la violence et de la guerre, la possibilité de l’amour. Toute une politique éducative pourrait être centrée sur le lire & écrire. Je ne dis pas que c’est facile, je dis que c’est indispensable pour cesser de courir à l’abîme. Compter peut attendre. Il sera toujours temps d’apprendre plus tard aux enfants que deux est la moitié de Un … Cette définition pourrait d’ailleurs constituer un bon critère de maturité humaine !

Au passage, et pour rassurer tous ceux que le mot « héritage » traumatiserait, j’espère que vous appréciez la pertinence de la proposition de Marie Balmary : « De ces paroles, on peut faire un destin écrit d’avance. Mais ce peut aussi être une proposition : “Voilà ce que nous t’adressons, et toi que réponds-tu ?

Dans « Ouvrir Le Livre – Une lecture étonnée de la Bible », Sophie Legastelois faisait justement remarquer :

« A cette question Marie ne répond pas. Marie répond rarement finalement. Elle lance des pistes. Elle déroule des chemins sur lesquels nous avançons ensemble. »

5 – Le « formatage social » s’efforce de réduire le champ de notre vie à la zone « je suis humain » du dessin ci-dessus. Cette « vie » réduite, étriquée, indigne, ce « statut d’esclave » (Svami Prajnanpad), convient très bien à « Big Mother ». C’est un destin tragique, mais nous savons, très profondément & précisément, que ce n’est pas la totalité de ce que nous sommes, de ce qui nous est promis. « Quelque chose de nouveau … qui était dans l’ombre et de l’ordre de l’inconscient » peut alors « surgir », nous « faisant retrouver la mémoire », nous « permettant de désirer davantage ».

Cette « vérité nouvelle » passe par la rencontre avec le grand soi-même – le Soi de la zone « Je Suis » du dessin ci-dessus – grâce à l’aide de quelqu’un qui a déjà fait ce voyage là. Je suis persuadé qu’un atelier de Vision du Soi peut être utile à ce projet – le seul projet de vie vraiment indispensable – mais n’en croyez pas un traître mot, essayez, vérifiez … !

6 – « Toutes les cultures », mais surtout chaque individu a « besoin de ces grands récits ». Pas rien que pour faire joli ou cultivé … Pour « s’individuer » – réaliser sa « véritable grandeur », le Soi, ou quelque soit le nom qui vous plaira – et permettre ainsi à la « culture » dans laquelle il s’inscrit de perdurer … Il ne s’agit pas là de simples « humanités », mais d’accès à l’humanité véritable, à « cela seul [qui] est digne d’un homme ». Si aucun « grand récit » n’ouvre de perspective anthropologique complète, « Corps & Âme – Esprit », la question même de la possibilité d’une culture se pose …

En ces temps de recherche d’économies budgétaires tous azimuts, pourquoi ne pas recentrer ce qu’on appelle aujourd’hui « culture » sur l’objectif central qui n’aurait jamais du cesser d’être le sien … ?

7 – Si le Décalogue – « les lois de la Parole elle-même » – vous intéresse, je me permets de vous indiquer deux références de livres utiles :

  • d’Yvan Amar : « Les Dix Commandements », Éditions du Relié, 1995. Réédition : « Les Dix Commandements intérieurs », Albin Michel,  2004.
  • d’André Chouraqui : « Les dix commandements aujourd’hui : dix paroles pour réconcilier l’Homme avec l’humain », Pocket, 2005.

Beaucoup plus accessoirement, volte-espace propose aussi ces deux billets à point de départ « lacanien » : « Lacanerie 1 » et « Lacanerie 2 – L’Origine du Monde … la vraie ».

8 – Marie Balmary nous offre cette évidence presque en passant : « toutes les idolâtries conduisent au sacrifice ». Ne devrions-nous pas réfléchir très sérieusement aux immenses et insensés sacrifices qui résultent de l’idolâtrie généralisée du « business as usual ». Sacrifices de la nature, des sociétés, des cultures, de la capacité de l’homme à devenir humain … ? Qu’attendons-nous pour remettre l’économie à sa place, la jeter à bas de son trône ?

9 – Il me semble ainsi que « la parole violente, dont on voit le mal » d’un Matteo Salvini ou d’un Viktor Orban est presque plus « honnête » (si j’ose m’exprimer ainsi …), ou en tous les cas moins dangereuse à terme que « la parole de séduction, qui capte » d’un Emmanuel Macron. Si Marie Balmary nous a déjà averti aussi de ce danger là, avec « L’avertissement du Président », j’avoue craindre que ce texte ne tombe bientôt entre des mains mal intentionnés …

Mais, comment espérer encore grand chose du Grand Débat en entendant des « paroles » aussi maladroites … irréfléchies … inconscientes … (?) que celles demandant à des « enfants »« d’arrêter de déconner » ?

« Il y en a qui font bien, il y en a qui déconnent ».

Emmanuel Macron à propos des « personnes en difficulté », Gasny le 15 janvier 2019

« La vraie réforme, elle va avec la contrainte, les enfants ! C’est pas open bar ; le bar, c’est le nôtre. »

Bourg-de-Péage, 24 janvier 2019

N’y-aurait-il pas « derrière … une parole qui objective l’autre, qui lui dit : “Ton bonheur sera ceci.” » ?

« Les enfants » représentent à cet égard un test absolument infaillible : essayez-donc de les traiter comme des objets, et accrochez-vous face à la violence du choc en retour ! Je me permets de dire cela en étant père … ce qui est plus difficile pour notre Président. Il faudrait peut-être inclure cette condition pour devenir Président dans la Constitution de la prochaine république : être mère & père … Nous partons de très loin : quelqu’un qui n’était pas marié était-il en droit d’imposer le mariage pour tous … ?

NON, la République française n’est pas un « bar » pour star-upers, traders, yuppies ou banksters. Et si tel est le projet présidentiel actuel, je le rejette de toutes mes forces. Sa devise intègre un vieux devoir indispensable, la fraternité, qu’il convien(drai)t de remettre d’urgence à la première place. Marie Balmary nous a expliqué pourquoi « nous n’en avons peut-être plus les moyens », mais forts de cette connaissance et avec l’aide de la Vision du Soi (et sans doute d’autres méthodes), il est sans doute encore possible de transcrire la fraternité dans la réalité. Il serait dommage de ne même pas avoir essayé … avant que tout ne finisse par s’écrouler.

Et si la première citation ci-dessus peut effectivement être entendue comme un appel à la responsabilité, notre Président devrait savoir qu’un escalier se balaye toujours du haut vers le bas. Que toute la pseudo-élite qui prétend incarner la République se montre enfin à la hauteur et donne cet exemple de responsabilité & intégrité, qui n’est pas le meilleur moyen de diriger … mais le seul !

10 – Quel échange fantastique ! A une « petite » question, assez significative de la novlangue managériale qui envahit tous les domaines, du genre : efficience & efficacité & pertinence d’une « parole » presque réduite aux « éléments de langage » qui transforment le discours politique en langue de bois, Marie Balmary répond par une accélération, une splendide « exagération » dont elle a le secret, et qui résume, si tant est que cela soit possible, une bonne partie de son œuvre … : « Tous rois en ce royaume ! » Que dire d’autre que : bravo Marie, merci de continuer à « exagérer » avec autant d’intelligence et de finesse.

NB : en écrivant ce qui précède je ne critique ni Élodie Maurot ni le journal « La Croix » ; je constate que Christian Bobin a, une fois de plus et malheureusement, entièrement raison, pour ce début de XXI° siècle autant que pour le XX° :

« Au treizième siècle il y avait les marchands, les prêtres et les soldats. Au vingtième siècle il n’y a plus que les marchands. Ils sont dans leurs boutiques comme des prêtres dans leurs églises. Ils sont dans leurs usines comme des soldats dans leurs casernes. Ils se répandent dans le monde par la puissance de leurs images. … Partout est l’argent, partout est le monde ruiné par l’argent. »

« Le Très-Bas »

11 – Il n’est plus question de « lien » suite à la fulgurance précédente : la « dimension spirituelle » est l’expression d’une parole par celui qui est advenu « … roi en ce royaume ». Cette parole de « l’unique », et en vérité de « l’Un sans un second », est spiritualité incarnée, éveil, « Vie vivante ».

Le passage un peu plus complet :

« Jésus répondit et lui dit : En vérité, en vérité je te le dis, si quelqu’un ne naît d’en haut, il ne peut voir le royaume de Dieu.

Nicodème lui dit : Comment un homme peut-il naître quand il est vieux ? Peut-il rentrer dans le sein de sa mère et naître ?

Jésus répondit : En vérité, en vérité je te le dis, si quelqu’un ne naît d’eau et d’Esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu.

Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l’Esprit est esprit.

Ne t’étonne point de ce que je t’ai dit : Il vous faut naître d’en haut.

Le vent souffle où il veut, et tu en entends le bruit ; mais tu ne sais d’où il vient, ni où il va. Il en est de même de quiconque est né de l’Esprit. »

Évangile de Jean (3, 3-8)

[Ἀπεκρίθη ὁ Ἰησοῦς καὶ εἶπεν αὐτῷ, Ἀμὴν ἀμὴν λέγω σοι, ἐὰν μή τις γεννηθῇ ἄνωθεν, οὐ δύναται ἰδεῖν τὴν βασιλείαν τοῦ θεοῦ.

Λέγει πρὸς αὐτὸν ὁ Νικόδημος, Πῶς δύναται ἄνθρωπος γεννηθῆναι γέρων ὤν; Μὴ δύναται εἰς τὴν κοιλίαν τῆς μητρὸς αὐτοῦ δεύτερον εἰσελθεῖν καὶ γεννηθῆναι;

Ἀπεκρίθη Ἰησοῦς, Ἀμὴν ἀμὴν λέγω σοι, ἐὰν μή τις γεννηθῇ ἐξ ὕδατος καὶ πνεύματος, οὐ δύναται εἰσελθεῖν εἰς τὴν βασιλείαν τοῦ θεοῦ.

Τὸ γεγεννημένον ἐκ τῆς σαρκὸς σάρξ ἐστιν: καὶ τὸ γεγεννημένον ἐκ τοῦ πνεύματος πνεῦμά ἐστιν.

Μὴ θαυμάσῃς ὅτι εἶπόν σοι, Δεῖ ὑμᾶς γεννηθῆναι ἄνωθεν.

Τὸ πνεῦμα ὅπου θέλει πνεῖ, καὶ τὴν φωνὴν αὐτοῦ ἀκούεις, ἀλλ’ οὐκ οἶδας πόθεν ἔρχεται καὶ ποῦ ὑπάγει: οὕτως ἐστὶν πᾶς ὁ γεγεννημένος ἐκ τοῦ πνεύματος.]

12 – Ce que nous dit là Marie Balmary est tellement simple, tellement évident et pourtant si essentiel et si rare. J’ose à peine vous demander de … vérifier par et pour vous-même ! Cependant je voudrais quand même ergoter un peu …

  • la « place en soi pour l’autre » est moins à « faire », cet « espace » moins à « créer », que tout simplement à déblayer … totalement, voire simplement à reconnaître comme déjà totalement déblayé : quand je n’encombre pas l’espace – illimité & inconditionnel – que Je Suis (que nous sommes tous) au Centre avec le « petit » moi-je périphérique, alors il peut déployer toute sa capacité d’accueil. Juste re-devenir capacité pour l’autre et pour tout ce qui se présente, « Contenant ultime ». Pur espace de conscience aimante, le seul à permettre de ne pas « manger l’autre ».
  • si vous avez une expérience de la méditation vous pouvez traduire en terme d’asymétrie : juste être espace vide pour accueillir toutes les formes, espace transparent pour accueillir toutes les couleurs, silence pour accueillir tous les sons, immobilité pour accueillir tous les mouvements, … éternité pour accueillir le temps.
  • et, paradoxalement en un certain sens, si cet espace permet d’accueillir sereinement un « autre … inconnu … de plus en plus inconnu », cet espace est aussi le seul espace de communion avec le mystère de l’autre, instantanément transformé en mystère de l’Un …
  • je ne suis pas sûr que ce « silence … le suspens du jugement » puisse encore relever du domaine de « l’âme ». Il me semble plutôt que nous avons basculé là dans celui de l’Esprit, du spirituel …

La Vision du Soi peut vous aider à « entendre en vous le « roi », l’être parlant … », l’Être … Mais n’en croyez pas un traître mot, essayez, vérifiez … !

13 – Encore un immense conseil glissé presque en passant : « apprendre à lire ces échecs comme des passages de naissance. Cela change la donne. » Pas si facile …

Mais peut-être faudrait-il aussi que les parents fassent l’effort de se dégager un peu, assez, suffisamment, … du monde tel que Christian Bobin le décrit, tel que nous l’avons fossilisé peu à peu, tel qu’il s’effondre …

« … Partout est l’argent, partout est le monde ruiné par l’argent. »

« Le monde veut le sommeil. Le monde n’est que sommeil. Le monde veut la répétition ensommeillée du monde. »

Qu’ils soient aussi en mesure d’entrer en relation avec les enfants sur les thèmes de l’amour et de l’éveil … qu’ils ne soient pas perçus comme de simples défenseurs de la « thèse du monde »

« … Mais l’amour veut l’éveil. L’amour est l’éveil chaque fois réinventé, chaque fois une première fois. … L’enfant va à l’adulte et l’adulte va à sa mort. Voilà la thèse du monde. »

Où mieux que dans une famille est-il possible de trouver étroitement réunies la vie et la mort afin de cesser de « bavarder » et commencer à échanger de véritables « paroles » ? L’adolescence, qui dure parfois, devrait pouvoir être aussi un moment privilégié pour accéder à sa propre parole … « assurée par son Père céleste », ou dans quelque autre formulation que ce soit, un moment d’initiation … Pas si facile …

« Et il arriva, qu’après trois jours, ils le trouvèrent dans le temple, assis au milieu des docteurs, et les écoutant et les interrogeant.

Et tous ceux qui l’entendaient étaient frappés de son intelligence et de ses réponses.

Et en le voyant, ses parents furent saisis d’étonnement, et sa mère lui dit : Mon enfant, pourquoi as-tu ainsi agi envers nous ? Voici, ton père et moi nous te cherchions avec angoisse.

Et il leur dit : Pourquoi me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas qu’il me faut être aux affaires de mon Père ?

Et eux ne comprirent point la parole qu’il leur avait dite. »

Évangile de Luc 2, 46-50

[Καὶ ἐγένετο, μεθ’ ἡμέρας τρεῖς εὗρον αὐτὸν ἐν τῷ ἱερῷ, καθεζόμενον ἐν μέσῳ τῶν διδασκάλων, καὶ ἀκούοντα αὐτῶν, καὶ ἐπερωτῶντα αὐτούς.

Ἐξίσταντο δὲ πάντες οἱ ἀκούοντες αὐτοῦ ἐπὶ τῇ συνέσει καὶ ταῖς ἀποκρίσεσιν αὐτοῦ.

Καὶ ἰδόντες αὐτὸν ἐξεπλάγησαν: καὶ πρὸς αὐτὸν ἡ μήτηρ αὐτοῦ εἶπεν, Τέκνον, τί ἐποίησας ἡμῖν οὕτως; Ἰδού, ὁ πατήρ σου κἀγὼ ὀδυνώμενοι ἐζητοῦμέν σε.

Καὶ εἶπεν πρὸς αὐτούς, Τί ὅτι ἐζητεῖτέ με; Οὐκ ᾔδειτε ὅτι ἐν τοῖς τοῦ πατρός μου δεῖ εἶναί με;

Καὶ αὐτοὶ οὐ συνῆκαν τὸ ῥῆμα ὃ ἐλάλησεν αὐτοῖς.]

14 – D’où l’intérêt de la « science » du Sujet, « la Science de la Première Personne ». Pour valoriser l’apport essentiel de la Vision du Soi il suffit simplement d’avoir l’audace de ne plus se considérer comme un « objet », d’oser vouloir assumer sa posture de sujet : c’est la seule posture digne, celle qui exclut l’imposture.

Grâce soit rendue à Douglas Harding qui a eu le génie de nous permettre de Voir « cet autre monde, invisible, celui de l’esprit ». Cette proposition étant considérable, surtout n’en croyez pas un traître mot, essayez, vérifiez … !

15 – Marie Balmary est plus exactement « psyahanalyste » ! En tous les cas c’est ainsi que l’a présentée le Centre Sèvres (Facultés jésuites de Paris) en septembre 2010, dans le cadre d’une soirée consacrée au Père Marc-François Lacan et à son œuvre

Par Jean-Marc Thiabaud

Jean-Marc Thiabaud, 65 ans, marié, deux fils, un petit-fils.
La lecture de "La philosophie éternelle" d'Aldous Huxley m'oriente précocement sur le chemin de la recherche du Soi.
Mon parcours intérieur emprunte d'abord la voie du yoga, puis celle de l'enseignement d'Arnaud Desjardins.
La rencontre de Douglas Harding en 1993 me permet d'accéder à une évidence que je souhaite désormais partager.

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