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Big mother is watching you …

 

Le dernier n° de « La Décroissance » ¹ (N° 115, Décembre 2014) proposait une brève intitulée « Big mother » à propos de, je cite,  cette « magnifique saloperie high tech que nous n’achèteront pas ».

« Mother » … et ses 4 cookies !

Big mother [attention, ce lien est dangereux …!] est conçue pour « Prendre soin de ce qui est important pour vous : des applications pour se sentir mieux, pour avoir la conscience tranquille, pour mieux se connaître, pour faciliter sa vie, pour faire des économies.

Mother saura vous aider dans de plus en plus de domaines. Choisissez l’application que vous voulez; celle qui répond à vos préoccupations du moment. Mother et ses Motion Cookies se reprogrammeront tout seuls pour s’adapter à vos envies. Si votre problème est résolu, si de nouveaux besoins apparaissent, choisissez simplement une nouvelle application. »

La société créatrice de ce « progrès » explique aussi sur son site comment elle a dépassé les notions « d’objets et de connexion pour aboutir aux véritables enjeux :  vie et sens » … :

« Nous construisons un monde dans lequel notre vie quotidienne peut être améliorée en permanence et sans effort par l’apport de connaissance, de confort, de fun, de sécurité et de progrès, comme le permettent les capteurs, mais dans lequel les objets font l’effort seuls de nous comprendre et ont la courtoisie d’être discrets et de n’exiger de nous que le minimum. Ce n’est qu’en connectant la vie de manière transparente, permanente et élégante que nous entrerons vraiment dans l’âge de la connaissance et de l’intelligence. »

Si ce charabia pervers de marchand de gadgets high-tech ne vous effraie pas, c’est que vous êtes particulièrement  … optimiste, geek ou … inconscient. Pour ma part il m’a aussitôt renvoyer à une lecture essentielle, celle de « Corps Âme Esprit »² de Michel Fromaget.

Cette remarquable « Introduction à l’Anthropologie Ternaire »  propose en effet en son tome 2 un chapitre d’un peu moins de quatre-vingt dix pages intitulé « Modernité et Avènement de l’Homme “Domestique” ». Vous y trouverez largement de quoi comprendre à quel point cette néo-matriochka³, en dépit de son design aimable, peut s’avérer nuisible et dangereuse.

Quelques extraits :

« L’être psychique [corps et âme exclusivement] est au service de son âme, exactement comme le domestique est au service de la maison. »

« L’homme bio-psychique [corps et âme exclusivement], pour utiliser l’expression de Claude Tresmontant, se présente comme « homme de maison », parce qu’il se laisse envahir par un personnage, l’homo economicus, dont les valeurs sont uniquement matérielles, uniquement centrées sur « la maison », sur l’âme … Il se présente comme domestique, parce qu’il sacrifie sa liberté à cet homme et passe sa vie à lui obéir. L’homme psychique se dévoile bien ainsi comme son propre serviteur. Il n’est au service que de lui-même. »

« … la société moderne faisant absolument tout ce qui est possible pour que les individus demeurent à un stade involué [corps et âme exclusivement], c’est-à-dire demeurent à son service exclusif, cette société au lieu de libérer ses propres enfants, les aliène, les asservit. Au lieu de leur donner la Vie, elle leur donne la Mort, les empêchant justement de boire à la source qui donne la Vie [l’esprit]. »

Mais ces extraits ne parviennent à donner qu’une bien pâle idée de la richesse de ce chapitre en particulier et de ce livre en général. Lisez-le, relisez-le … J’espère que vous comprendrez à quel point la claire compréhension de la différence entre l’homme bi-dimensionnel (corps et âme) et l’homme achevé (corps & âme – esprit) est une question vitale.

Pour souligner la responsabilité de tous ceux qui soutiennent le projet infiniment réducteur de notre société de marché (c’est-à-dire bon nombre de scientifiques, toute la gent économique, administrative et politique – les soi-disant « responsables » – et bien sûr nous tous qui laissons faire sans trop broncher), Michel Fromaget en appelle notamment à Viktor Emil Frankl :

« On avait en tous cas élégamment éliminé de l’homme tout ce qui en faisait vraiment un homme. N’oublions pas non plus qu’un tel homonculisme peut être créateur d’histoire – il est déjà effectivement arrivé qu’il le soit. Qu’il nous suffise de penser à l’histoire de ces dernières décades : le fait de ne voir dans l’homme qu’un produit de l’hérédité et du monde environnant, ou, selon l’expression d’alors, « sang et terroir » [Blut und Boden], nous a tous précipité dans des catastrophes historiques, ces catastrophes qui emboîtent nécessairement le pas à tout homonculisme !

En tout cas, à mon avis, une telle image de l’homme – comme homoncule – devait logiquement conduire aux chambres à gaz. Auschwitz, Treblinka et Maidanek n’ont pas leur origine dans les ministères de Berlin, mais d’abord dans les bureaux et salles de conférences des savants et philosophes nihilistes. »

Notre société de production-consommation, de plus en plus présentée comme la seule possible (Cf. le fameux TINA, « There is no alternative », de Margaret Thatcher) est en réalité un projet éminemment nihiliste. En avons-nous suffisamment conscience ? Avons-nous retenu la leçon que Viktor Frankl a si chèrement payée … ?

La Vision du Soi selon Douglas Harding peut nous aider à sortir de l’impasse & imposture actuelle, qui nous achemine, « logiquement et nécessairement », vers de nouvelles catastrophes. Mais n’en croyez pas un traître mot, venez vérifier dans un atelier.

 

Cordialement

 

¹ – Ce mensuel de 16 pages, non seulement sans pub mais délibérément anti-pub, est un vrai régal de pensée et d’écriture à contre-courant du système dominant. Le ton pourra vous sembler parfois excessif, mais le fond me semble vraiment de grande qualité. Abonnez-vous à ce média plus que nécessaire, indispensable.

² – Éditions Edifie L.L.N. – 2000.

Également disponible sous forme d’e-book. Il s’agit bien du même livre, même si ce nouvel éditeur a choisi un titre plus accrocheur : « La lampe de l’homme rebelle ».

³ – J’ai évoqué  il y a peu une série de matriochki plus sympathique …

 

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Par Jean-Marc Thiabaud

Jean-Marc Thiabaud, 62 ans, marié, deux fils.
La lecture de "La philosophie éternelle" d'Aldous Huxley m'oriente précocement sur le chemin de la recherche du Soi.
Mon parcours intérieur emprunte d'abord la voie du yoga, puis celle de l'enseignement d'Arnaud Desjardins.
La rencontre de Douglas Harding en 1993 me permet d'accéder à une évidence que je souhaite désormais partager.

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