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1 - Pratique de la Vision du Soi Fondamentaux Vision du Soi

Centre de gravité …

Un ami de longue date, très cultivé en matière de spiritualité, connaisseur du Yoga et lecteur de grandes figures orientales (Ramana Maharshi, Nisargaddata Maharaj, etc …) m’a dit récemment avoir constaté un déplacement du « centre de gravité » de volte-espace, « … de l’Orient vers le Moyen-Orient … »

Alors oui, apparaissent effectivement un peu plus d' »occidentaux » : Marie Balmary, Myriam Tonus, Etty Hillesum, Maurice Bellet, Thomas Merton, Leonard Cohen, etc … (0)

Mais en réalité non, le « centre de gravité » de volte-espace n’a pas bougé d’un millimètre¹. Il s’agit toujours de ce « Je Suis » central de la carte maîtresse de la Vision du Soi, notre « autoportrait » :

Rattachez ce « Je Suis » à la tradition de votre choix :

  • occidentale : « Avant qu’Abraham fût, je suis. » [πρὶν Ἀβραὰμ γενέσθαι, ἐγώ εἰμι.] (Jean 8, 58). Creusé notamment par Jean-Yves Leloup dans « Qui est Je Suis ? »
  • ou à une de ses nombreuses occurrences orientales : « Aham Bramhāsmi » (Brhadaranyaka Upanishad) ; « ayam ātmā brahma » – Mandukya Upanishad), mais bien sûr aussi : « Tu es Cela – tat tvam asi » (Chandogya Upanishad), certainement la plus connue des célèbres « grandes paroles » qui condensent l’hindouisme ; « Je Suis » de Nisargaddata Maharaj, etc …³

Ou bien ne le rattachez à aucune et contentez-vous … de réaliser que vous aussi vous L’êtes, d’y demeurer. (4)

Si la citation célèbre (et si formidablement tronquée) de Rudyard Kipling « L’Orient est l’Orient, l’Occident est l’Occident et, jamais, ces deux mondes ne parviendront à se rencontrer » (5) peut présenter quelque pertinence culturelle dans la zone périphérique « je suis humain » du dessin ci-dessus, au Centre c’est celle de Goethe qui prévaut :

« L’Orient et l’Occident ne peuvent plus être séparés. » (6)

Cette césure majeure Orient – Occident, ainsi que ses subdivisions (proche-, moyen-, …), n’ont guère d’importance en ce qui concerne l’essentiel : le passage « sur l’autre rive », autre expression commune à de nombreuses traditions spirituelles.

« Passons sur l’autre rive. »

[διελθωμεν εις το περαν]

Évangile de Marc 4, 35

Passons sur la rive de cet espace d’accueil illimité et inconditionnel qui est notre vraie nature, et dont, en réalité, nous ne nous sommes jamais éloigné que de manière illusoire. Réintégrons le seul (non-)lieu où nous trouverons « la paix, la joie sereine et la sensation d’avoir laissé tomber un insupportable fardeau. » (7)

Tous les passants & passeurs vers cet « au delà, autre bord, autre côté, autre rive » – équivalences du strong n° 4008, « peran » -, vers ce Centre, cette Source, … partent nécessairement de quelque part entre Orient et Occident, mais une fois la « traversée & percée » réalisée, une fois « sur l’autre rive », quel intérêt y aurait-il à continuer de distinguer points de départ et modes de transport ? (8)

 

Cordialement

 

0 – C’est la magie de la lecture, un livre en appelle quelques autres, petit à petit un contexte se dessine … N’y cherchez surtout pas un quelconque projet, une stratégie délibérée, il n’y en a pas. En quelque sorte la liberté de l’Esprit & du Soi qui souffle où il veut … !

C’est aussi une histoire de limitation linguistique (je ne lis dans le texte ni le sanscrit, ni le hindi, ni le chinois, ni le japonais …) et de contexte (je suis un occidental vivant en Occident).

C’est enfin, après un long détour personnel par « l’Orient », la compréhension de la nécessité de « ne pas imiter » qui & quoi que ce soit. Le passage « sur l’autre rive » transcende infiniment tous les déterminismes culturels & cultuels, tous les « masques » …

D’ailleurs les chercheurs & auteurs précités ne seraient-ils pas plus universels qu’occidentaux ? C’est évident pour Merton et son dialogue soutenu avec les spiritualités orientales par exemple. Et c’est patent aussi pour les autres qui évoluent à un niveau de profondeur où les distinctions de surface n’ont plus guère d’importance.

Cohen & Jikan n’est-il que strictement juif après une très longue fréquentation du zen culminant par cinq années à Mount Baldy, puis un intérêt sincère & continu pour l’enseignement de Ramesh Balsekar … ? Un juif des plus hétérodoxes alors !

¹ – Dans sa préface au recueil d’articles « As I see it », Richard Lang écrit :

« Il a parfois été reproché à Douglas Harding, l’auteur de « Vivre Sans Tête », de se répéter comme un disque rayé, pointe de lecture coincée dans le même sillon. Il répondait alors que sa pointe à lui était plutôt calée en plein centre ! Le Centre, c’est-à-dire le Cœur éternel de chacun, l’espace d’accueil illimité, le Soi Véritable, le Moyeu immobile du monde, le Point immatériel qui explose aux dimensions de l’univers. Ce n’est certes pas le plus mauvais endroit où rester coincé ! »

² – « Je Suis » n’est certes pas la plus mauvaise formulation pour cet espace d’accueil illimité & inconditionnel, pour Ce que « Je Suis », pour Ce que nous sommes tous. Mais comme Cela demeure un mystère insondable, il est aussi possible de le désigner par un « ? », par un « . », par … rienneti neti, nada nada ! Il devient alors un peu plus difficile d’en parler, même s’il est moins nécessaire d’en parler que d’y demeurer … Voir suffit parfaitement.

³ – J’ai préféré ne pas inclure le bouddhisme dans ce paragraphe, du fait de son insistance sur Anātman principalement. Mais sans creuser beaucoup, il est évident que c’est aussi un « véhicule » pour se rendre « sur l’autre rive ». Un lien direct avec la Vision du Soi a été établi notamment ici : « il ne peut y avoir de Zen sans l’espace vide du “sans tête”.« 

4 – Facile à dire ! Mais en réalité facile à faire également grâce à la Vision du Soi. Essayez, vérifiez !

Et quand vous en ressentez le besoin, rien ne vous empêche d’aller lire un texte de la sagesse & spiritualité de votre choix, de participer sincèrement à un rituel dont vous comprendrez enfin le sens profond. Juste histoire de « vérifier si les experts ont bien pigé le truc » !

5 – Les humains sont ainsi faits qu’ils ne retiennent que ce qui les conforte dans leurs préjugés … Et désormais les ordinateurs et le wouèbe facilitent ces copié-collés réducteurs. Isoler la première strophe de ce poème :

« Oh, East is East, and West is West, and never the twain shall meet, …

… de sa suite :

Till Earth and Sky stand presently at God’s great Judgment Seat ;
But there is neither East nor West, Border, nor Breed, nor Birth,
When two strong men stand face to face, though they come from the ends of the earth !

… constitue un contresens majeur.

Je me contente d’ajouter que c’est plutôt quand deux hommes courageux se retrouvent « face à espace » (« face to no-face ») qu’il n’y a plus « ni Occident ni Orient, ni frontière, ni race, ni naissance »

The Ballad of East and West

L’intégralité du poème et une lecture sur The Kipling Society

6 – Le Divan occidental-oriental (« West-östlicher Diwan ») est le dernier recueil poétique majeur composé par Johann Wolfgang von Goethe … suite à sa lecture & méditation de l’œuvre du poète, persan certes mais surtout soufi, Hafiz de Chiraz :

« Wer sich selbst und andre kennt, Wird auch hier erkennen :

Orient und Occident Sind nicht mehr zu trennen.

Sinnig zwischen beiden Welten Sich zu wiegen, lass’ ich gelten ;

Also zwischen Ost- und Westen Sich bewegen, sei’s zum Besten ! »

&

« Celui qui se connaît lui-même et les autres Reconnaîtra aussi ceci :

L’Orient et l’Occident ne peuvent plus être séparés.

Heureusement entre ces deux mondes Se bercer, je le veux bien ;

Donc aussi entre l’Est et l’Ouest Se mouvoir, puisse cela profiter! »

Traduction Henri Lichtenberger …

(On doit trouver nettement mieux !)

La Vision du Soi constitue une aide précieuse pour « se connaître soi-même et les autres » et dépasser toute distinction Occident & Orient. Essayez, vérifiez !

7 – « Vision »

8 – Une heureuse synchronicité vient de m’amener à reparcourir « Henri Le Saux – Le passeur entre deux rives » de Marie-Madeleine Davy. Ce beau titre nécessite d’être précisé : si Henri Le Saux est bien géographiquement passé d’Occident en Orient – de Ste-Anne de Kergonan (où il semble avoir été totalement oublié … ?) au Shantivanam et à Gangotri – et ce définitivement à la différence de pas mal de touristes spirituels plus récents, il n’est nullement passé du christianisme à l’advaita hindouiste. Il a utilisé les ressources de ces deux rives périphériques, religieuses & culturelles, pour passer au Centre, à la Source, au « Père », au Soi …

« Pour le Sage il n’est plus de différence ; il n’est pas même celui qui voit l’unité sous la différence, il “ignore” la différence elle-même. »

« La Montée au fond du cœur » (27/09/53 – page 100)

Le dernier chapitre du livre s’intitule d’ailleurs « le passage à l’autre rive », le dépassement de toute dualité, y compris celle de la vie et de la mort …

M.-M. Davy a également choisi et présenté les « Écrits » d’Henri Le Saux – Svâmi Abhishiktananda, éditions Albin Michel, collection Spiritualités Vivantes, 1991.

Par Jean-Marc Thiabaud

Jean-Marc Thiabaud, 65 ans, marié, deux fils, un petit-fils.
La lecture de "La philosophie éternelle" d'Aldous Huxley m'oriente précocement sur le chemin de la recherche du Soi.
Mon parcours intérieur emprunte d'abord la voie du yoga, puis celle de l'enseignement d'Arnaud Desjardins.
La rencontre de Douglas Harding en 1993 me permet d'accéder à une évidence que je souhaite désormais partager.

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