La question « Où suis-je ? » est présente dans de nombreux billets de volte-espace, accompagnée de diverses propositions d’accès à La réponse, mais je suis heureux de vous proposer ci-dessous le texte qu’Alain Bayod a déposé sur ipapy le lundi 11 novembre 2019.
“Un jour à Ardenne (0), à la fin d’un atelier sur la « Vision sans tête », Douglas comme il aimait le faire me posa une question dont il avait envie de me donner la réponse en tout cas, sa réponse. Il me demanda :
« Alain, d’après toi quelle est la question la plus importante à se poser ? »
Je me suis dis « facile ». J’ai voulu faire le malin et je lui ai répondu :
» Généralement, on considère que c’est la question “Qui suis-je ?” mais c’est mieux de la formuler “Que suis-je?” cela évite plus facilement le piège de l’identification.¹
Douglas me répondit :
« Oui, “Que suis-je ?” c’est bien mais je suis convaincu que “Où suis-je ?” c’est mieux ».²
Nous sommes passés à autre chose, mais j’ai souvent repensé à cette réponse. Où suis-je ?
Depuis, mon diagnostic de cancer, je suis devenu accroc à la méditation couché, pour plusieurs raisons que j’ai déjà évoquées ici même³. Or, dans la pratique de la pleine conscience en position couchée (4), la question qui vient assez naturellement c’est justement « Où suis-je ? » Allez-y, couchez vous, (support ferme, pas le lit …) fermez les yeux. Où êtes-vous ? Avez-vous une forme, ici et maintenant, où seulement le souvenir d’une forme ? (5) Nous savons plus ou moins que le langage, les mots que nous utilisons façonnent notre relation au monde et donc à nous-mêmes. Avez- vous réfléchi aux expressions limitantes que nous utilisons. Où suis-je ? Dans une BOÎTE crânienne, ou bien dans une CAGE thoracique, ou encore dans une CAVITE abdominale ? Je fais l’expérience de pensées, est-ce que ces pensées s’originent, se développent et disparaissent dans une boîte, quelle boîte ? Est-ce que vous ressentez les pulsations cardiaques dans une cage ? Quelle cage ? Est-ce que vous expérimentez le va et vient du souffle dans une cavité ? Quelle cavité ? (6)
La réalité c’est que, en tant que conscience, nous sommes sans aucune forme, absolument ouverts, spacieux, sans aucune limite. (7) Mais nous pouvons réaliser à quel point le mental se donne du mal pour nous maintenir dans les limites d’une forme qui n’est qu’un souvenir. Ah ! très chère mémoire, le mental t’utilise pour maintenir la croyance de la prison. Nous n’avons pas de limite, pas de forme. Nous sommes nulle part donc nous sommes partout, nous sommes TOUT parce que nous ne sommes RIEN. Essayez, cherchez, ce n’est pas à croire c’est à VOIR. (8)
Alors découvrir cela de manière directe, expérimentale et dans des conditions favorables, c’est facile mais qu’est-ce que ça change dans ma pratique spirituelle, dans ma vie de tous les jours ? Et bien c’est à vous de le découvrir. Mais ce que je peux en dire : c’est comme créer une brèche dans le processus d’identification au moi-je, c’est s’entraîner, s’habituer, se régaler à fréquenter l’Autre monde, celui qui est juste ici, juste derrière. (9)
Le Vrai monde, le monde de l’Esprit, le monde de Dieu. C’est la seule issue, le seul espoir, la seule Bonne Nouvelle. Arrêtons de parler de spiritualité sans tenir compte de la réalité de l’Esprit. (10)
Arrêtons de patauger dans la gadoue de l’identification au corps-mental, ne serait-ce qu’un instant, il faut bien commencer un jour. On va oublier, c’est sûr et on y reviendra inlassablement. Érosion d’un coté et cristallisation de l’autre.
La Paix, la Joie et l’Amour de notre corps de Gloire nous attendent. Retournez-vous, convertissez-vous, vous êtes l’héritier(re) du Royaume.” (11)
Cordialement
0 – Ardenne était un centre dédié à l’enseignement de Svâmi Prajnanpad & Arnaud Desjardins, dirigé par Alain & Claudie Bayod. Situé près de Fléac-sur-Seugne/Pons dans le département de la Charente-Maritime, c’est là que j’ai rencontré Claudie, Alain … et la Vision du Soi.
NB : la Première Personne compte toujours à partir de zéro … essayez, vérifiez ce que cela change … tout !
¹ – « Faire le malin », ce n’était pas vraiment la caractéristique principale de l’Alain que j’ai rencontré à cette époque. Mais effectivement il était plutôt créatif, intelligent, vif, … et savait utiliser tout ce que la vie proposait pour partager & transmettre. Vous pouvez le vérifier par vous-même en lisant les billets étiquetés Bayod Alain.
J’espère que vous appréciez aussi l’intérêt – majeur – du passage de “Qui suis-je ?” à “Que suis-je?”. Toute réponse à « qui » vous limite au champ du corps & mental, alors que « que » peut vous ouvrir à l’immensité de la réponse Corps & Âme – Esprit.
² – Bel exemple d’une douce, mais ferme, pédagogie. Mais souvenons-nous aussi que la Bible a été quasiment la seule … bibliothèque de Douglas pendant ses vingt premières années ! Et qu’il se souvenait sans doute parfaitement de la première question posée par Dieu à Adam, en Éden où Il l’avait placé : « Où es-tu ? » (Genèse 3, 9).
Question que la carte maîtresse de la Vision du Soi, ci-dessous, vient utilement compléter :
Où est-ce que je me situe ? Uniquement dans la zone périphérique « je suis humain » ? Ou ai-je consenti à me laisser conduire dans la zone centrale « Je Suis », au moyen de la Vision du Soi ou de toute autre voie spirituelle efficace ? Il ne s’agit pas d’une question secondaire, mais de La Question : en périphérie, « non-être, obscurité, mort », alors qu’au Centre, « être, lumière, immortalité« .
Vous aurez reconnu le célèbre mantra extrait de la Brihadaranyaka Upanishad :
« Asato ma sad gamaya
tamaso ma jyotir gamaya
mrtyor ma amrtam gamaya »
« Conduis-moi du non-être à l’être
Conduis-moi de l’obscurité à la lumière
Conduis-moi de la mort à l’immortalité. »
« Puissé-je être conduit … » peut utilement remplacer « conduis-moi ». Le chemin pourra nous être indiqué, mais ne sera jamais fait à notre place ..
³ – Alain détaille cette pratique de « méditation couché » dans le billet « 1,2,3 … éveil ». Et aussi dans le billet « Méditation couchée » sur ipapy.
4 – Sachez qu’Alain évoque ici une pratique de la « pleine conscience » qui existait bel et bien quelques millénaires avant que des techno-marketeurs américains n’inventent et ne monnayent l’invasive « mindfulness ». Cf. à ce sujet « Don’t believe the Hype » de Catherine Kerr, ainsi que « Du goudron et des plumes … ! »
5 – Les consignes (couché – support ferme – yeux fermés) sont aussi simples que la question : « forme où souvenir d’une forme ? » Mais le plus important est cet « allez-y » initial ! Des pratiques, chacun en a de pleins tombereaux, mais qui pratique vraiment, régulièrement, sérieusement, inlassablement et, surtout, avec la juste intention … ?
Je ne peux pas ne pas vous inviter ici à la lecture du premier des « Deux malentendus » du même Alain !
« Est-ce que vous vous êtes entraînée souvent ? »
« Non très peu, pour ainsi dire pas du tout, mais quel rapport ? »
Et je ne peux pas non plus taire que la plupart des « expériences » de Vision du Soi ont aussi cet immense avantage de pouvoir être pratiquées … partout & tout le temps. Dans quasiment tous les déplacements, pas nécessairement en voiture de course, dès que vous vous trouvez en situation de face-à-espace, etc … Cette systématisation du « jeu » de l’asymétrie avec tous les sens n’est-elle pas assez « traditionnelle », trop simple, inefficace … ? La seule façon de le savoir consiste à avoir l’audace d’essayer et de vérifier. « Allez-y » !
6 – Je vous laisse le soin d’explorer plus avant « cage thoracique » et « cavité abdominale ». Mais les amis de volte-espace et de la Vision du Soi ont pu réaliser depuis belle lurette à quel point vivre avec ou sans « boîte crânienne » … « façonne notre relation au monde et donc à nous-mêmes ».
En résumé : avec une tête, « je suis humain » : cf. note n° 2 et dessin ci-dessus. Sans tête, « Je Suis ». Il ne s’agit pas de jouer sur les mots, ou de couper en quatre les cheveux de l’absence de tête ! Mais de faire une expérience décisive, susceptible de tout changer … Vous vous sentez à l’étroit et mal à l’aise en périphérie ? Situez-vous donc consciemment au Centre – c’est simple, concret, joyeux -… et explosez aux dimensions du Tout.
7 – J’aime beaucoup ce « spacieux ». Le seul intérêt de la vie humaine ne consiste-t-il pas justement à faire l’expérience de la « joie spacieuse » ?
Notre Vraie Nature, si facilement accessible grâce à diverses expériences de Vision du Soi, n’est autre que la Joie Spacieuse, « L’immensité intérieure ». Essayez, vérifiez !
8 – Effectivement, « le mental se donne du mal pour nous maintenir dans les limites d’une forme ». Cela ne nous rend pas plus heureux pour autant, loin de là, et cela nous coûte une grande part de notre précieuse énergie. « Allez-y », voyez – simplement & concrètement – que vous êtes en réalité Rien & Tout, goûtez la détente d’être sans forme au Centre & la joie d’être toutes formes en périphérie … N’en croyez pas un traître mot, essayez, vérifiez !
9 – « Mais qu’est-ce que ça change dans ma pratique spirituelle, dans ma vie de tous les jours ? » Si vous pratiquez sincèrement cette Vision du Soi (Vision Sans Tête), elle changera tout ; cf. le « premier malentendu » de la note n° 5. Tout. Il y aura un avant l’éveil et un après radicalement différent. Cf. aussi « Discipline assidue » et « Deux façons de pratiquer ».
Mais effectivement la Vision ne vous impose rien de spécial. C’est à vous de trouver la meilleure façon de l’accommoder librement à vos propres conditions de vie, de vous « régaler » à savourer « la paix, la joie sereine, et la sensation d’avoir laissé tomber un insupportable fardeau ». C’est un peu moins confortable que d’obéir à d’innombrables prescriptions, mais c’est tellement plus agréable.
10 – Je ne peux pas non plus ne pas vous inviter ici à la lecture du second « malentendu » du même Alain :
« Et Dieu dans tout ça, et le Soi, et la libération ? »
Encore une fois, si le mot « Dieu » vous incommode, ne conservez que celui d’« Esprit », mais au sens correct re-précisé par Michel Fromaget dans « Corps & Âme – Esprit », pas au sens habituel qui entretient la confusion avec âme, mental, psychisme, …
Il est rigoureusement impossible de « parler de spiritualité » et de « tenir compte de la réalité de l’Esprit » en se cantonnant à la seule zone « je suis humain » du dessin de la note n° 2 ci-dessus. Donc pour enfoncer le clou de la note précédente, réaliser son absence de tête au Centre, cela change TOUT.
11 – Cet « Arrêtons de patauger dans la gadoue de l’identification au corps-mental », peut vous sembler un peu brusque … Mais, d’une part Alain a précisé sa position à la fin des « Deux malentendus » , et d’autre part la quasi totalité des sages et instructeurs de toutes traditions & hors tradition ne cessent de répéter la même chose depuis la nuit des temps … Faudrait peut-être bien consentir à écouter enfin. La Vision du Soi vous offre une chance inespérée de sortir de cette identification, saisissez-là ! Osez emprunter « l’entrée principale » !
&
NB : des choses intéressantes dans les nombreux commentaires :
- un « mental qui résiste, argumente, débat, refuse … » : normal, il fait son boulot. D’où l’intérêt de se contenter de Voir au début, de ne chercher ni à comprendre ni à ressentir.
- « Est-ce que mon corps est capable de supporter ces incursions répétées dans cet espace ? J’ai deux réponses à cette question. La première c’est : non, la deuxième c’est : Sacrilège ! et je n’ai toujours pas choisi entre les deux réponses, je cherche une moyenne !!! » Bel exemple des incroyables complications dont le mental est capable ! Comme l’espace d’accueil central contient le corps & mental périphérique, comme celui-ci n’est qu’un moyen d’accès à celui-là, comment pourrait-il y avoir le moindre problème … ?
- « Mais lâcher mon corps, j’avoue que cela me fait peur. Si je me suis incarnée, n’est-ce pas pour vivre pleinement ma vie de chair et d’os ? » Ce qui s’est incarné en réalité, c’est cet espace central, spacieux, sans limite, … C’est demeurer pleinement conscient de cet espace – la dimension « Je Suis », l’Esprit, … – qui va permettre au corps & mental de vivre une vie enfin pleine de sens et de joie sans objet.
- l’expérience de « flottaison en isolation sensorielle » est certainement intéressante, mais … pourquoi se compliquer ainsi la vie ? « Allez-y », là maintenant sur un support ferme, avec une seule question : « forme où souvenir d’une forme ? » Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple, au risque de faire le jeu d’évitement du mental ?
2 réponses sur « Où suis-je ? – Douglas Harding & Alain Bayod »
Beau jour. Je désire recevoir vos publications. Merci d’avance.
Bonjour Sylvie,
Mais j’aime beaucoup votre « beau jour » !
Merci de votre intérêt pour volte-espace. Merci de faire connaître son existence.
Alors, il se trouve que je ne souhaite pas trop pousser des « publications » vers qui que ce soit. Celles et ceux qui sont intéressés par la Vision du Soi selon Douglas Harding peuvent venir jeter un œil de temps à autre sur ce site & blog. Et si possible laisser des commentaires auxquels je m’efforce de répondre.
Peu d’envoi direct donc. A l’occasion des vœux
Ou à l’occasion de quelque étape importante :
http://volte-espace.fr/un-jour-sans-fin-500-article-de-volte-espace/
http://volte-espace.fr/i-will-survive-javier-prato/
http://volte-espace.fr/le-x-ieme-homme/
Voilà. Bonne et belle journée
Cordialement
Jean Marc