Hum ! à propos de l’avion … – AC

AC persiste et signe … NB : AC se prononce également « assez » !

Le désert et l’avion par Alain Chevillat

Plusieurs personnes ont attiré notre attention sur le fait que nos stages dans le désert nécessitaient l’usage de l’avion – et qu’ainsi nous étions des acteurs du réchauffement climatique un peu inconscients. Alain répond à cela dans ce petit texte.¹

« Le monde ne changera pas si l’homme ne change pas », nous rappelle régulièrement Pierre Rabhi. Cette transformation de l’être humain est la vocation de l’Université A Ciel Ouvert.²

Depuis plus de vingt cinq ans l’expérience nous a montré l’extraordinaire pouvoir de transformation du désert lorsqu’on le vit en « immersion ». J’ai vu tant de gens changer, voire muter, après simplement une semaine de vie dans le désert. L’immensité, la nudité, la nécessaire sobriété, le silence, l’isolement, toutes ces caractéristiques du désert ont des effets puissants sur des personnes qui vivent souvent dans le confort, l’abondance et la distraction, parfois dans la superficialité et « l’égarement ». Et elles se transforment.³

Nous compensons le CO2 que nous diffusons par nos déplacements aériens, mais pas en plantant des arbres*, en étant végétariens. Depuis cinquante ans, tous nos stages sont strictement végétariens, sans viande ni poisson. Or, on sait l’importance de l’élevage dans le réchauffement climatique. Nous avons, il y a des années, publié un article du grand sage vietnamien Thich Nhat Hanh dans lequel il démontrait que si, par un coup de baguette magique, l’humanité devenait végétarienne, il n’y aurait plus de réchauffement climatique. Sur ce point, pour cette raison et pour d’autres, nous faisons notre part de colibri.⁴

L’une des raisons qui nous a fait choisir la Mauritanie est le soutien économique apporté à une région déshéritée. Il ne s’agit pas d’un développement économique de style capitaliste, mais d’une aide à la survivance de petits métiers qui font revivre toute une région : auberges, commerces, coopératives artisanales, chameliers, agriculteurs, chauffeurs, guides … Quand il y a eu un acte terroriste, il y a quelques années, et que le tourisme a cessé, c’est toute une population qui a perdu ses moyens de subsistance, et qui est allée grossir les bidonvilles de Nouakchott.⁵

Plutôt que d’accueillir « les migrants », qui quittent leur pays pour survivre, je pense bien préférable de les aider à vivre dignement chez eux. C’est ce que nous soutenons à Chinguetti, faisant là aussi notre part.⁶

J’ai découvert l’islam et le monde musulman il y a bien longtemps, en Afghanistan. Et j’ai trouvé cette tradition merveilleuse. Des gens doux, respectueux, généreux, hospitaliers. Cela n’avait rien à voir avec le musulman au couteau entre les dents et la ceinture de bombes, tel qu’on se le représente souvent. J’ai retrouvé cette même qualité de l’islam dans plusieurs pays, et notamment en Mauritanie. Les gens y sont très religieux et très ouverts, deux grandes qualités. Je suis heureux de contribuer à faire connaître cela à ceux qui pourraient ne connaître l’islam que par les journaux et la télévision. Là aussi nous faisons notre part de colibri.⁷

Tout cela justifie pleinement, à nos yeux, nos déplacements aériens vers le désert de Mauritanie, malgré la pollution de l’air par nos vols vers le pays, qui peuvent être considérés comme des dégâts collatéraux, regrettables mais inévitables. N’y a-t-il pas dans notre vie de nombreux comportements dommageables mais inévitables ? Comme l’usage de l’électricité (au bout du fil est la centrale), de l’automobile, des plastiques omniprésents qui polluent terres et mers ? Il faut essayer de toujours faire notre part, avec discernement, sans sacrifier l’essentiel pour l’accessoire. Et pour nous « l’éveil à l’être », que permet souvent le désert, fait partie de notre essentiel. »⁸

• Mise à jour 2023 : Nous nous associons actuellement avec la ferme Kibo, une ferme monastique dans la tradition du bouddhisme zen, pour planter des arbres.

---

1. J’ignore si nous sommes nombreux à relever cette incohérence majeure dans la stratégie de « A Ciel Ouvert » … (expression qui pourrait tout aussi bien être le slogan d’une compagnie aérienne !) Mais en tous les cas je l’ai personnellement relevée, écrite et communiquée : A Ciel Ouvert : désaccords et méta-désaccord ; Confirmation des désaccords et méta-désaccord avec Alain Chevillat ; Courriels : Désaccords et méta-désaccord avec Alain Chevillat ; A Ciel Ouvert – Quelle misère … ! Ce qui m’a conduit à quitter, sans le moindre regret, cette … tartuferie.
   Comme personne n’aura sans doute la patience de relire toutes ces vieilleries, je précise que je ne dénonçais pas des « acteurs un peu inconscient », mais un marchand d’ésotourisme sous couvert de spiritualité totalement inconscient, et qui, malheureusement, persiste dans l’erreur. Dans ce billet récent de la dernière version du site (22/12/2023, mais il m’avait semblé l’avoir lu plus tôt … ?) AC n’évoque d’ailleurs que le désert mauritanien, alors que l’agence maison « Infinitude » (expression qui fleure bon & mauvais le développement personnel, si contraire à toute véritable spiritualité, ou une « ségolânerie ») propose également comme destinations l’Inde, le Maroc, l’Égypte … Encore quelques efforts pour satisfaire la demande/la créer SVP : le Japon du zen, la Chine taoïste, la Mongolie chamanique, la Colombie des Kogis, etc. J’ajoute que l’illustration retenue pour ce billet me semble particulièrement malhonnête, pour ne pas dire méprisante. Bien dans le style de l’homme au sourire à cran d’arrêt … NB : Je ne vais pas perdre mon temps cette fois-ci à diffuser ce billet ; que les personnes conscientes – intervenants & stagiaires – assument leurs responsabilités et se détournent d’A Ciel Ouvert. ↩︎
2. « Cette transformation de l’être humain est la vocation de l’Université A Ciel Ouvert. » S’il conviendrait de commencer par questionner cette « université » auto-proclamée, il convient surtout de s’interroger à propos de la réelle « transformation » du transformateur en chef. Gandhi aimait ainsi à répéter que « l’exemple n’est pas le meilleur moyen de convaincre, c’est le seul ». Ce que j’ai vu & entendu lors de mon bref passage dans « l’arrière-cuisine » d’A Ciel Ouvert ainsi que les griefs qui m’ont été partagés ultérieurement par des employées de la cuisine m’a surtout convaincu d’un (dis)fonctionnement structurel, à rebours du « changement que nous voulons voir dans le monde » … Faut-il d’ailleurs « que l’homme change » ? « Cela » que « Je Suis » – mon Visage Originel, ma Véritable Nature, l’espace d’accueil illimité & inconditionnel, etc. – est déjà intégralement présent chez tout un chacun, quoique recouvert certes par diverses couches d’identification. Il ne s’agit pas de changer de système de référence mais de se désidentifier, totalement. NB : je n’avais qu’assez modérément apprécié l’enquête de Jean-Baptiste Malet sur le « système Pierre Rabhi », très & trop politiquement orientée et dénuée d’un minimum d’empathie envers l’aspect spirituel de la démarche. Mais ce serait tellement utile qu’un journaliste de sa trempe se penche sérieusement sur le mélange « spiritualité & marketing » d’A Ciel Ouvert … ↩︎
3. « J’ai vu tant de gens changer, voire muter, après simplement une semaine de vie dans le désert ». Même remarque que dans la note ci-dessus : depuis le temps qu’AC traîne ses guêtres dans divers déserts, est-ce qu’il manifeste les signes évidents d’une transformation radicale, voire d’une « mutation » dont témoignerait ses activités … ? Le « désert » est devenu un passage obligé à la mode pour nombre d’occidentaux : rallyes motorisés, trails, séjours artistiques, culturels et de développement personnel divers, etc. Que ne restent-ils dans le grand « désert » d’occident, si vide de spiritualité véritable et de rapports humains « en esprit et en vérité » plutôt que de contribuer ainsi à détruire les grands équilibres globaux … « parce qu’ils le valent bien » ! Trahir ainsi le désir essentiel de reconnexion avec le « désert intérieur » (Cf. M-M Davy) que nous sommes, tous, par une compensation par la consommation de déserts extérieurs n’est rien de moins qu’une … perversion. ↩︎
4. « Nous compensons le CO2 que nous diffusons par nos déplacements aériens, mais pas en plantant des arbres*, en étant végétariens. » Évacuons tout de suite l’argument de replantation : le projet Kibo est certainement très respectable et sérieux (Alsace oblige !), mais la superficie concernée n’est que de 14 hectares … L’argument du végétarisme est un peu plus sérieux. Je n’ai pas retrouvé le texte de Thich Nhat Hanh, mais voici quelques éléments chez Greenpeace. Cependant, un calculateur de compensation carbone solide (Ademe – Le Monde) indique « qu’un vol aller & retour Paris/Delhi émet 3 tonnes d’équivalent dioxyde de carbone et que sa compensation nécessite 6 ans et 6 mois de régime végétarien, ou 4 ans et 1 mois de régime végétalien … » Vu l’urgence absolue il conviendrait d’être nettement plus cohérent qu’avec cette « part de colibri », de sortir de cette mentalité d’enfant gâté et de marchand de tapis ; si « ahimsa » (une non-nuisance encore plus large que la non-violence) vous tient vraiment à cœur, cessez de prendre l’avion et devenez végétarien. Le climat est entre nos mains, tout particulièrement entre celles des grands-parents … ↩︎
5. Le principal problème de la Mauritanie – « l’un des pays sahéliens les plus exposés aux effets de la désertification » – est justement l’extension et l’aggravation de son caractère semi-désertique, « saharien aux 3/4 et sahélien pour le 1/4 restant ». Alors certes les quelques stages A Ciel Ouvert contribuent un peu au « soutien économique« , mais je serais curieux de connaître le pourcentage du tarif qui bénéficie réellement aux locaux … On peut compter sur AC pour ne pas négliger les intérêts de sa petite entreprise. Et l’extrême fragilité de ce développement touristique me semble gros de bien des désillusions futures … ↩︎
6. Là attention : le colibri AC – même s’il a raison sur le fond – vient jouer sur notre corde sensible, comme il sait si bien le faire quand sa petite entreprise a besoin d’argent et qu’il sollicite notre générosité. Mais je pense que des moyens bien plus efficaces existent : l’annulation de la dette de la Mauritanie, une aide publique internationale à un développement pensé localement, des transferts (gratuits) de technologie, etc. Une véritable politique vaudrait mieux que d’aller exhiber nos « richesses » d’occidentaux désœuvrés et névrosés devant des populations défavorisées. Selon la précieuse définition de Philippe Meyer, « Le tourisme est le moyen qui consiste à amener des gens qui seraient mieux chez eux dans des endroits qui seraient mieux sans eux. » Sous prétexte de « spiritualité », l’ésotourisme c’est encore pire ! ↩︎
7. Restons sur nos gardes : le colibri AC – même s’il a raison sur le fond – continue de faire vibrer notre corde sensible. Il y a tellement mieux à faire pour découvrir les richesses de l’islam que d’aller baguenauder sur ses terres – globalement terriblement fragilisées par le dérèglement climatique. Parler avec ses voisins musulmans pour commencer … L’Islam et l’islam seraient d’ailleurs bien inspirés de reconsidérer l’obligation du hajj avec la plus grande attention. ↩︎
8. Exit le dérèglement global dans ce dernier paragraphe : ne subsiste qu’un problème mineur de « pollution de l’air » (déjà gravissime eu égards aux émissions de PUF : particules ultra-fines) vers la seule Mauritanie, deux mensonges éhontés & assumés en une seule phrase ! De plus cette autojustification pleine et entière « à nos yeux » me fait soudain prendre conscience du « nous » utilisé tout au long du texte. Comme AC est d’abord un considérable « moi-je », il faut sans doute le comprendre comme un « nous » de majesté ! Enfin, la flèche du Parthe : « toujours faire notre part, avec discernement, sans sacrifier l’essentiel pour l’accessoire ». L’essentiel, « l’éveil à l’être », est possible ici & maintenant, partout & toujours, et ne devrait en aucun cas servir à justifier des comportements inadaptés et dommageables pour toute la biosphère.
   Je vous répète donc qu’on ne se méfiera jamais assez de l’homme au sourire à cran d’arrêt – « dégât collatéral regrettable » pour une « vulgarisation » spirituelle francophone de qualité ! Si un plus grand nombre de ses « grands » intervenants avaient pris leurs responsabilités et eu le courage de le mettre devant ses contradictions, le dévoiement d’A Ciel Ouvert aurait sans doute été « évitable ». La fin de l’aventure risque fort de ménager encore de « belles » surprises.
   
   
   Pour conclure, une citation à méditer de Denis Vasse :
   
   « Être pervers, c’est dire la vérité pour ne pas la faire. »
   « Un jour, Lacan m’a demandé de définir la perversion. J’étais un peu pris au dépourvu, mais j’ai donné cette réponse. C’est ce qui détruit la parole de vie. » ↩︎

Cordialement