L’ami Alain Bayod a publié fin avril 2021 le billet ci-dessous sur ipapy :
« Mon « indispensable » du jour est « Vivre sans tête » de Douglas Edison Harding publié initialement en 1961 sous le titre de “On having no-head”. (0)
Ce livre est lié à une histoire d’amour qui avait pourtant bien mal commencé. Il m’a été offert en 1982 par une amie en fin de vie. Complètement rebuté par la photo de couverture : “un homme qui, me semblait-il tenait sa tête dans ses mains, posée sur ses genoux”, j’ai oublié ce livre étrange dans la bibliothèque pendant une dizaine d’années¹. En 1992, un ami me parle de Douglas Harding. Il insiste tant que je finis par inviter Douglas à Ardenne début novembre 93. Cette rencontre improbable a changé ma vie². Ce que j’ai découvert par l’expérience directe lors d’un week-end mémorable, je l’ai ensuite lu et relu religieusement dans le livre que j’ai redescendu de son étagère. Et » Vivre sans tête » est devenu pour moi quasiment un objet de culte.³
Ce livre est une clé où plutôt il donne accès à une clé spirituelle universelle. La clé du Royaume des cieux, de la porte sans porte du Védanta, la clé de la Nature de l’esprit – le Rigpa des tibétains -, la clé du Satori (4). Alors – et je me suis souvent posé la question – comment se fait-il que cette clé ne soit pas utilisé par plus de chercheurs spirituels ? Je crois avoir quelques éléments de réponse (5). Cette clé est d’abord trop simple, trop efficace pour être validée par notre esprit conceptuel. Notre culture met en avant l’intellect au détriment de l’intuition, elle met “penser” au dessus de “voir”. Par ailleurs, l’idée généralement admise est que ce qui a de la valeur est compliqué et difficile d’accès. Cette clé est ensuite dangereuse pour notre moi pétri d’identification à une forme physique et à une histoire. (6)
Avec les années je me suis calmé, j’ai laissé derrière moi la période de prosélytisme, certains diraient “forcené”, mais quand on m’en donne l’occasion je partage le trésor avec délectation. Mais oui, c’est vrai, j’ai gardé un coté militant m’a dit récemment quelqu’un de très cher. (7)
Publié et re-publié sans cesse et traduit dans une dizaine de langues ce petit livre a envahi silencieusement et discrètement la planète Spi. Mais de combien de personnes a-t-il changé la vie ? Peu, j’imagine pour les raisons citées plus haut. (8)
Je t’aime Douglas, tu es bien installé dans mon cœur. »
Alain Bayod
* « Que l’on soit bien d’accord sur le titre de cette très éphémère rubrique. Les livres qui y sont présentés ne sont pas présentés par ordre d’importance et sont indispensables pour votre serviteur, en ce qui vous concerne c’est une autre histoire … c’est à vous de voir, c’est le cas de le dire ! »
Cordialement
0 – Publié en 1961, traduit en français en 1978 et réédité en 2009 au Courrier du Livre.
¹ – Découvrir la « Vision » dix ans plus tôt, dix ans plus tard … est-ce si important ? A chacun d’évaluer pour lui-même ce que valent dix ans de « grande » Vie, de Vie en « esprit et en vérité », « en pneumati kai aléthéia » [εν πνευματι και αληθεια] (Jean 4, 23-24).
Tous ceux qui ont vu & qui valorisent la Vision peuvent vous dire quelle incommensurable différence cela fait dans leur vie quotidienne dans absolument tous ses aspects.
² – Il aura été nécessaire qu’un « ami insiste » pour qu’Alain accepte la venue de Douglas à Ardenne. Considérez donc Alain, Jean Marc votre serviteur, José et tous ceux qui s’efforcent de marteler l’intérêt de la Vision du Soi (Vision Sans Tête) comme des amis … spirituels. Des amis qui veulent partager avec vous le meilleur de leur expérience. Excusez leur (très relative) insistance !
Alain raconte ce « week-end mémorable » dans ce billet : « La bombe, ou comment être un avec le monde ».
³ – J’avoue, pour moi aussi ! J’ai trois exemplaires de l’édition française originale : un parsemé de nombreux commentaires au crayon, soigneusement couvert et qui peut être emmené partout, et deux qui ne bougent pas de l’étagère. Le 3° c’est au cas où le 2° serait emprunté sans espoir de retour ! Plus la réédition au Courrier du Livre, ainsi que l’édition anglaise et une superbe édition italienne. J’ai également appris par cœur le 1° chapitre, « Vision », que j’aime tant. Mais …
Mais la chose (X) qu’est ce (génialissime) livre doit surtout nous engager à célébrer activement le « culte » de l’asymétrie, nous renvoyer vers la non-chose sans tête (Y), l’espace d’accueil illimité & inconditionnel que nous sommes, tous, même ceux qui ne l’ont pas encore lu et tous ceux qui ne le liront peut-être jamais.
4 – « Clé spirituelle universelle », un véritable passe-partout, excusez du peu ! Mais pour vérifier cette extraordinaire bonne nouvelle d’un accès – simple, concret, joyeux – au Royaume des Ciels, à la Nature de l’Esprit, au Satori, … encore faut-il insérer la clé (les expériences de Vision du Soi) dans la serrure (soi-même) et agir, la tourner, etc …
NB : si vous avez été déçu par un « grand bazar du bizarre » intitulé « Nouvelles Clés », ne commettez surtout pas l’erreur de négliger la « clé » de la Vision du Soi.
Ne commettez pas non plus l’erreur de sous-estimer Alain Bayod : il n’est peut-être pas « diplômé » en accompagnement spirituel, mais il cumule au moins cinquante ans de pratique & transmission assidues du yoga (pas le « yoga-spirine ») et de l’adhyatma yoga. Ce « diable d’homme » pèse de tout le poids de son expérience et de l’audace d’avoir osé la Vision. Marol s’est sans doute inspiré de lui pour son fameux dessin :
Pour mémoire, quelques textes essentiels d’Alain repris sur volte-espace jusqu’ici :
5 – Ce mot « réponse » me renvoie à « Objections et réponses », le titre du cinquième chapitre de « Vivre Sans Tête ». Douglas y fait le point, dix ans après la sortie du livre, sur les questions les plus fréquentes adressées à la Vision du Soi & Vision Sans Tête. Cinquante ans après, il n’a guère pris de rides …
Volte-espace propose douze billets, de « Objections et réponses » – 1 à « Objections & réponses – Épilogue », en passant par les dix autres. N’hésitez surtout pas à inscrire vos propres objections en guise de commentaires ; je compléterai avec mes humbles réponses, promis !
6 – Reprenons dans l’ordre ces « quelques éléments de réponse » :
- « trop simple » : comment serait-ce possible, alors que la plupart des innovations visent justement à nous simplifier la vie (c’est du moins ce que prétend la publicité), qu’une nouvelle (enfin, soixante ans désormais …) « clé » spirituelle soit « trop simple » ? Ce site propose au moins deux citations qui s’efforcent de tordre le cou à ce reproche inconsidéré :
- « N’importe quel idiot intelligent peut rendre des choses plus grandes, plus complexes et plus violentes. Il faut un peu de génie – et beaucoup de courage – pour aller dans la direction inverse. » E.F. Schumacher
- « Ce qui est simple est faux, ce qui ne l’est pas est inutilisable. » Paul Valéry
Le billet « Les choses essentielles sont simples … » s’efforce de les conjuguer.
Mais pas « esprit conceptuel » Alain ! C’est le mental menteur qui produit des concepts qui, parfois, l’égarent, pas l’esprit. En tous cas pas l’esprit au sens du « Corps & Âme – Esprit » de Michel Fromaget dont tu es aussi un lecteur assidu.
- « trop efficace » : quand on sait ce que l’on veut vraiment, quand on sait que seul « atma darshan » nous donnera la paix sans condition, la joie sans objet, alors aucune méthode ne saurait être « trop efficace ». A la rigueur, « trop rapidement efficace » : ne permettant plus de différer indéfiniment à demain ce qui pourrait survenir aujourd’hui, de repousser aux calendes la réalisation personnelle d’un « Tu es Cela » [Tat tvam asi] qui inquiète un tantinet … Pourtant, ce cœur de « L’hypothèse de travail minimale » d’Aldous Huxley est un point de passage obligé pour qui veut commencer à … vraiment vivre !
- le mot « intuition » me dérange. Ce que proposent les expériences de Vision du Soi n’en relève pas. Il s’agit plutôt, comme tous ceux qui les pratiquent peuvent le vérifier et le confirmer, d’utiliser ses sens et de faire confiance aux percepts immédiats, avant que les fameux concepts évoqués plus haut ne viennent les fausser. Par exemple dans le tube, il s’agit de regarder et de compter combien de visages sont vus … « Même les poules savent compter ! » aimait parfois dire Douglas. Il me semble que nous sommes là assez proche de ce que Swâmi Prajnânpad formulait par « See and calculate. Feel and act ». Le verbe « Voir » nécessite bien sûr d’être pris dans son acception la plus immédiate et la plus exigeante : c’est « la grandeur de l’Inde », mais c’est aussi la dignité de tout être humain. Ce « Voir » là se place infiniment au-dessus de « penser ». Essayez, vérifiez !
- « ce qui a de la valeur est compliqué … » : ce qui n’est effectivement pas le cas des expériences de Vision du Soi(Vision Sans Tête).
- Mais si elles sont simples, c’est qu’elles sont l’aboutissement d’une vie de labeur acharné, la quintessence d’une recherche puissante, vitale, sincère et désintéressée. La somme du travail de recherche de Douglas dans la direction indiquée plus haut par E.F. Schumacher est tout bonnement ahurissante ; l’édition complète de son « grand œuvre » : « La Hiérarchie du Ciel et de La Terre – Un Nouveau Diagramme de l’Homme dans l’Univers » permet de s’en faire une petite idée.
- Et si l’expérience en elle-même est simple, sa valorisation et sa transformation en « quotidien comme exercice » par une « discipline assidue » est nettement plus « compliquée ». Si c’est la difficulté qui vous attire, n’ayez aucune crainte : l’inestimable percée spirituelle du combiné expérience initiale & patiente intégration va vous combler !
- « ce qui a de la valeur est … difficile d’accès » : la difficulté était moindre lorsque Douglas & Catherine était vivants et les ateliers nombreux. Ce qui n’est plus le cas aujourd’hui, et encore moins récemment du fait de la pandémie de Covid-19. J’ai personnellement échoué à inscrire durablement la Vision du Soi dans les propositions de « A Ciel … Fermé », du fait de la malhonnêteté foncière de son dirigeant. Mais il me semble aussi que, jusqu’à présent, nous échouons collectivement à faire vivre une « communauté » qui seule permettrait d’assurer une présence active de la Vision dans le paysage spirituel français … Des réunions « en distanciel » ne permettront jamais de partager … l’effacement de toute distance !
- « Cette clé est dangereuse pour notre moi pétri d’identification à une forme physique et à une histoire » : ô combien ! Certaines expériences sont d’ailleurs parfois très durement vécues par qui est trop solidement identifié au « petit » de la zone « je suis humain » du dessin ci-dessous. Mais c’est justement leur principal intérêt, puisqu’au seul niveau du « moi » il n’y a aucune solution possible, juste la possibilité de compensations plus ou moins agréables & durables. Comme ipapy, le blog d’Alain, s’inscrit dans la continuité de l’Adyatma yoga, rappelons que ce terme signifie le chemin vers le Soi, et qu’une série importante de livres d’Arnaud Desjardins a pour titres : « A la recherche du Soi« , « A la recherche du Soi 2 – Le Vedanta et l’inconscient », « Au-delà du moi », « Tu es cela ». Volte-espace propose pareillement de replacer le moi à sa juste place, seconde, dans un ensemble infiniment plus vaste qu’il est possible de nommer « Soi ». La Vision du Soi – autre nom de la Vision Sans Tête – ne te propose qu’un seul objectif : te permettre de réaliser – simplement, concrètement, joyeusement – que « toi aussi, tu es Cela ».
Je souhaite ajouter un sombre élément à cette longue liste. Dans le déluge d’informations (et d’infox) que nous subissons désormais, il se pourrait bien que « l’éveil » (ou quel que soit le nom attribué à cette expérience humaine fondamentale & fondatrice) ait été englouti, submergé, noyé, … Les « modernes » que nous sommes tenus d’être sont, dans leur immense majorité, aujourd’hui contraints de tout miser sur la petite « bête » isolée au sein de la zone périphérique « je suis humain » du dessin ci-dessus. L’existence même d’une autre possibilité de réussite humaine, de complétude humaine, de dignité humaine … semble se réduire comme peau de chagrin. Il se pourrait bien que la « conspiration » évoquée ci-dessous par Bernanos soit en passe de réussir. « Réussite » qui équivaudrait à un effondrement sans précédent dans l’aventure humaine …
« On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l’on n’admet pas d’abord qu’elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure. »
7 – C’est dans sa période « militante » que j’ai rencontré Alain à Ardenne, pour mon plus grand bonheur. Mais je dois ajouter que ce grave reproche de « prosélytisme forcené » ne lui sied pas plus qu’à moi, ni à d’autres qui partagent la Vision du Soi. D’après quelques dictionnaires en ligne … :
« Le prosélytisme désigne l’attitude de personnes cherchant à convertir d’autres personnes à leur foi, … le zèle ardent déployé afin de rallier des personnes à un dogme, une cause, une théorie ou doctrine, parfois en imposant des convictions. Le nouveau converti est dit prosélyte (… du grec prosêlutos [προσήλυτος : de πρὸς, vers, et ἐλεύθω, venir], “nouveau venu (dans un pays – étranger)”. »
Le « trésor » de la Vision n’est ni une « foi » ni « une cause, une théorie ou doctrine ». Simplement la « clé » d’accès à votre identité véritable, et donc à une complète liberté, le plus court chemin de retour en notre maison que nous n’avons jamais quittée autrement que par illusion. L’être « youniversé » est libre de ses choix ultérieurs : approfondir la tradition spirituelle dans laquelle il est né, s’intéresser à une autre, voire plusieurs, se détacher de toutes pour vivre la Vision brute ; méditer ou pratiquer intensément Qi Gong, Yoga, Tai Qi, … ou bien vaquer paisiblement à ses occupations ordinaires ; lire des centaines de témoignages pour vérifier « si les experts ont bien pigé le truc » ou se contenter de lire les événements que la vie lui présente. La Vision n’exigera jamais de lui aucun comportement précis, si ce n’est de la valoriser … et, bien sûr, la « douce obligation du partage ».
Mais comment faire autrement ? Comment serait-il possible de laisser « la lumière sous le boisseau » (Matthieu 5, 14-15) ? Comment serait-il possible de ne pas signaler l’existence de « l’entrée principale » ? Dans « Les mouvements du silence », Gregorio Manzur relate ce propos de Gu Meisheng, son maître de Tai Qi Chuan :
« Il n’y a qu’une seule chose à faire : s’éveiller et aider les autres à s’éveiller. »
Vous remarquerez peut-être que cela fait deux choses. Mais pas dans la logique de l’éveil ou deux est la moitié de Un !
8 – L’ami Richard Lang a récemment mis à disposition un catalogue des livres et vidéos concernant la Voie Sans Tête inspirée par Douglas Harding, à jour au mois de mars 2021.
Je choisis d’être plus optimiste qu’Alain. Je pense que « Vivre Sans Tête » (la pratique, plus que le seul livre) a changé la vie de très nombreuses personnes qui, comme Douglas, Catherine et de très nombreux amis, demeurent silencieuses et discrètes. Le sommes-nous un peu trop … ? Peut-être bien, alors que vivre avec (l’illusion d’avoir) une tête c’est mal vivre : séparé, dans le doute et la peur, c’est-à-dire ne pas vivre, « un statut d’esclave » selon les mots de Swâmi Prajnânpad. Peut-être bien, alors que face la montée des périls la Vision constitue sans doute « le seul espoir » …