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Yoga … spirine ? !

Lu dans ce livre d’entretiens (0) avec Bernard Besret :

« De commencement en commencement – itinéraire d’une déviance »

… ce qui suit :

« Bernard Besret : Le yoga est tout à fait dans la ligne de ce que nous avons dit sur l’ascèse¹. Comme son nom l’indique, le yoga c’est ce qui fait le lien, ce qui relie. La même racine sanskrite a donné en français le mot joug : “qui fait le lien entre différentes réalités”.

La conception qu’on se fait du yoga en Occident est très restreinte, très limitative. Quand on parle de yoga, on entend toujours un certain nombre d’exercices de hatha-yoga. Mais il faut savoir qu’en Orient il y a de multiples yoga et qu’en fait par yoga on désigne toute une vision de la vie, de l’existence. Cela rejoint d’assez près ce que j’ai évoqué par le terme d’ascèse. Il n’y a donc pas rupture entre la recherche d’une ascèse comme art de vivre, et les temps forts que représentent les exercices de yoga.

Si aujourd’hui on accorde une attention si grande aux exercices de yoga, c’est sans doute que nos modes de vie occidentaux sont déséquilibrés au point d’appeler d’urgence un rectificatif. Dans une vie vigilante et apaisée, toutes les activités seraient d’une certaine façon yoga, et du coup les exercices de yoga proprement dits seraient moins nécessaires. De même, quelqu’un dont la vie est tout imprégnée par la conscience éveillée de ce qu’il vit, du mystère qui le traverse, n’a pas tellement besoin de méditer pendant un temps donné².

Actuellement, en Occident, le yoga joue indéniablement un rôle thérapeutique. Il y a là un danger : celui d’y recourir comme on recourt au cachet d’aspirine pour se défaire d’un mal de tête³. On atténue ainsi les inconvénients de la vie contemporaine sans aller jusqu’à leur racine. Partisan d’un travail corporel de type hatha-yoga, pour permettre aux hommes de reprendre conscience de leur corps, et y rétablir des « circulations de vie », je suis conscient de ses limites.

Quant à l’introduction du yoga dans la vie d’un disciple de Jésus, elle ne me semble pas poser de problèmes insurmontables. A condition, bien sûr, de ne pas en faire un absolu et de savoir que l’homme accompli n’est pas celui qui fait le mieux ses exercices de yoga, mais celui qui vit selon l’Esprit. L’affinement de sa vie corporelle, il la met au service de l’Esprit.

Marie-Thérèse Maltèse : En poussant les choses à la limite, on pourrait dire que vivre de l’Évangile, c’est faire du yoga …

B. B. : Ce peut être une boutade. Je craindrais qu’elle ne soit mal perçue. Je préfère pour ma part éviter un tel raccourci. (4)

Ernest Milcent : Le yoga peut-il aider à prier ?

B. B. : Tout dépend de ce que tu appelles prière. Si c’est une prière formulée, le yoga ne supprime en rien les difficultés de formulation d’une parole sur Dieu, ou adressée à Dieu. Si, par contre, par prière tu désignes cette intériorité par laquelle tu perçois ce que tu vis, non en superficie mais en profondeur, alors je crois qu’effectivement un travail régulier de yoga peut favoriser une telle présence à ce qui se vit en toi. Dans ce sens c’est une forme de prière.

Les chrétiens qui prennent le yoga comme une recette pour résoudre leurs difficultés sont encore dans un univers d’efficacité, de rentabilité. Ils introduisent la notion d’un but à atteindre. Le yoga est plutôt un exercice pour le plaisir de vivre, ici et maintenant. Un exercice gratuit, un peu comme la danse, la musique, qui sont aussi, d’une certaine manière, des yogas. » (5)

Pages 144 à 146 – Paragraphe « Le yoga et le christianisme » – Chapitre cinq : « A la recherche d’un art de vivre »

 

Cordialement

 

0 – Le livre a paru aux éditions du Seuil en 1976, peu après l’apogée de la « crise » de Boquen. Ces entretiens ont eu lieu sur plusieurs années avec deux interlocuteurs qui connaissaient bien la question, le contexte, les enjeux … Ce livre s’avère des plus intéressants, même si Bernard Besret a développé dans des ouvrages ultérieurs la plupart des thèmes abordés.

Volte-espace propose une étiquette Bernard Besret. Elle permet d’accéder notamment à quelques extraits de « Esquisse d’un évangile éternel », livre d’une grande fraîcheur.

Rappel : la Première Personne compte toujours à partir de 0, moyen habile (upaya) de, notamment, transformer les groupes de quatre personnes en groupe de trois … Et également de réduire à néant le concept erroné d’« environnement ». Essayez, vérifiez … n’en croyez pas un traître mot !

¹ – Depuis longtemps – 1971 – Bernard Besret creuse et s’efforce de partager son idée de « l’ascèse comme art de vivre » :

« Si l’on s’en rapporte à l’étymologie grecque, l’ascèse est un exercice pour grandir, pour croître, pour devenir. Loin d’être une mortification, c’est un exercice qui vivifie. On l’a souvent réduite à une série d’interdits – c’est tellement plus facile de retenir des interdits – alors qu’elle est essentiellement une discipline dynamique de vie. » (Page 133)

Il a rassemblé ses propositions dans « Du bon usage de la vie », aux éditions Albin Michel. Il n’est pas question dans ce livre « du bon usage » de la Vision du Soi (Vision sans Tête) … même si celle-ci est de nature à favoriser la compréhension & mise en pratique de ses seize chapitres. Essayez, vérifiez … n’en croyez pas un traître mot.

Je sais bien que les langues anciennes ne sont plus guère en odeur de sainteté … mais je répète consciencieusement qu’il est préférable de traduire « ascèse » par « exercice bien ordonné sur soi-même ». On y trouve l’indication de la direction juste, vers l’intérieur, et la notion de qualité (« bien ordonné »), de loin préférable à celle de quantité. Cette bonne définition est généralement attribuée à St-Thomas d’Aquin

S’il n’est pas nécessaire de beaucoup s’exercer pour voir sa véritable nature d’espace d’accueil illimité & inconditionnel, valoriser et intégrer cette Vision réclame effectivement un peu d’attention et de « … discipline assidue … ». Essayez, vérifiez … n’en croyez pas un traître mot.

² -Ne serait-il pas préférable de s’exprimer autrement : « … quelqu’un dont la vie est tout imprégnée par la conscience éveillée de ce qu’il vit, du mystère qui le traverse, … » c’est quelqu’un qui médite, « en esprit et en vérité », ni plus ni moins.

Est-ce que pour autant ce quelqu’un « n’a pas tellement besoin de méditer pendant un temps donné » ? J’en suis moins sur. Je suis entièrement d’accord avec K. G. Dürckheim qui estime que « les deux vont de pair », la séquence de méditation « formelle » & le quotidien comme exercice. Encore une fois, vérifiez !

³ – Si vous souhaitez vraiment vous défaire de ce mal ontologique consistant à avoir une tête, sachez que la Vision du Soi(Vision sans Tête) est beaucoup plus efficace que l’aspirine ! Essayez, vérifiez !

Si vous voulez vraiment aller jusqu’à la « racine » des problèmes de votre vie, ayez l’audace – radicale – de tester la Vision du Soi.

4 – Cette prudence n’aura pas suffit pour que l’institution Église Catholique se saisisse des propositions novatrices de Bernard Besret afin de parvenir à se recentrer sur l’essentiel de l’Évangile, sur l’essentiel de la démarche monastique … Dans ce domaine – comme dans pas mal d’autres – ce seront cinquante ans de perdus pour avancer dans la bonne direction …

« Vivre de l’Évangile, c’est faire du yoga … » : pour ceux que ce vaste programme titillerait, je me permets de signaler l’existence du livre « Le Yoga du Christ » de Ravi Ravindra aux éditions de La Table Ronde (1991). Encore du grain à moudre pour tous ceux qui n’apprécient guère l’Évangile de Jean … !

5 -Trois remarques :

  • si « prier, c’est être présent à ce qui est » selon la magnifique expression de Svâmi Prajnânpad, alors oui, le yoga, la méditation, la Vision du Soi, … sont susceptibles « d’aider à prier ».
  • dans une très grande mesure le monde moderne a récupéré le yoga et la méditation « dans son univers d’efficacité, de rentabilité ». Il se trouve dans l’incapacité de concevoir la moindre activité sans « notion d’un but à atteindre », et surtout d’un business plan à réaliser. Le mot « gratuité » est désormais considéré comme un gros mot réservé à des idéalistes un peu naïfs … Et pourtant, comme l’exprime parfaitement le sutra II, 37 de Patanjali :

« Quand le désir de prendre disparaît, alors les joyaux apparaissent. »

Ce qui signifie en clair : tant que les désirs de prendre et de produire du cash & de la reconnaissance narcissique à tout prix demeurent prioritaires, si ce n’est exclusifs, alors seule la bimbeloterie sans le moindre intérêt est accessible. Que ceux qui ont des oreilles entendent …

  • le monde moderne sera-t-il capable de récupérer aussi aisément la Vision du Soi … ? Si la première génération d’amis de Douglas Harding ne s’organise pas un tantinet, sans tarder, c’est un risque non négligeable …

 

Par Jean-Marc Thiabaud

Jean-Marc Thiabaud, 65 ans, marié, deux fils, un petit-fils.
La lecture de "La philosophie éternelle" d'Aldous Huxley m'oriente précocement sur le chemin de la recherche du Soi.
Mon parcours intérieur emprunte d'abord la voie du yoga, puis celle de l'enseignement d'Arnaud Desjardins.
La rencontre de Douglas Harding en 1993 me permet d'accéder à une évidence que je souhaite désormais partager.

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