Cf. l’introduction à cette série d’articles dans « Objections et réponses » – 1
Question : « La pratique de la vision sans tête vous enferme dans une tour d’ivoire ; elle est sans portée sociale.
Réponses : A la racine de l’avidité économique, de l’agressivité, de la violence, de la délinquance juvénile, très profondément et secrètement, et tout au long de la vie, persiste en nous l’assurance, propre à l’enfant que nous avons été, d’être l’unique Centre et, sans restrictions, le Propriétaire de toutes choses ; combien compréhensible alors toute cette fureur contre l’ordre établi qui, animé par des vues et des intérêts totalement différents, nous taille en pièces, puis prend une bribe de réel et l’érige sur nos épaules pour y tenir lieu d’univers ! On pardonnera aisément ces efforts pathétiques pour reconquérir au moins une parcelle de l’Empire perdu, même quand il ne s’agit que d’acquérir pignon sur rue et d’en imposer aux voisins. Le remède, comme toujours, consiste à regarder ici et à voir que la vérité est du coté de l’enfance, sans tête, sans image d’elle même, qu’il n’y a ni boule, ni caillou, ni poutre, ni paille sur ces épaules ; à la première personne du singulier (indicatif présent), je ne suis pas dans le monde, le monde est en moi. Même les étoiles sont à moi, vraiment elles sont moi ; mon seul regard ne suffit-il pas à créer entre elles et moi le rapport le plus intime ? Je cherche vainement un espace entre l’étoile et moi, entre vous et moi : je vois maintenant que je suis espace, tout espace.
Faisant mentir les critiques, la vision sans tête éclaire et résout toutes sortes de difficultés sociales […] Si l’on veut, la vision sans tête est une drogue, la seule drogue positive et satisfaisante qui puisse efficacement remplacer les autres. Tous les avantages de la drogue, avantages réels ou escomptés (perceptions accrues, relaxation, disponibilité, spontanéité, disparition de l’angoisse, amour), elle les dispense légalement et sans danger : il suffit de voir qui souhaite ces avantages, et aussitôt ils coulent de source. Ce que cherche une tête droguée, l’homme sans tête le trouve. […]
Nous apportons également une réponse des plus radicales au conflit des races¹. … Pour l’amour du ciel, quelle est la couleur de mon Visage Originel, et à quel groupe ethnique appartient une tête invisible, ma « non-tête » ? Quand au conflit des générations², nos amis sans tête n’ont jamais expérimenté que la différence d’âge créait entre eux la moindre distance. […] Et il en va de même pour les autres problèmes sociaux ; ils résultent tous de la peur, de l’avidité et de la haine, qui, elles-mêmes, proviennent d’une confusion générale, d’une grande méprise quant à notre véritable identité. Nous sommes d’accord avec Ramana Maharshi : pour répondre aux problèmes de la vie, il suffit de voir qui a le problème.
On résout les problèmes en les situant là-bas, à l’extérieur, et en voyant qu’ici il n’y a pas de problème, que dans ce Centre, cette Source du monde, règne et ne peut régner que la perfection. […] La vision sans tête – cette voie d’Illumination particulière – est un développement comparativement nouveau, et même si on ne peut compter sur des effets sociaux sensibles et rapides, on ne peut en exclure la perspective. […] Car l’Illumination n’est pas quelque chose qui advient localement à un homme : c’est la Réalité se rencontrant elle-même, l’Univers arrivant à se connaître lui-même à travers cet homme. Ce n’est pas que je vois pour vous, mais comme vous, comme tous les êtres. L’Illumination ne ressemble en rien à un acquis personnel³ ou à une expérience privée ; il est dans sa nature de se répandre dans toutes les directions, de concerner et, d’une manière ou d’une autre, d’aider le monde entier. »
Cordialement
¹ – Conflit des races et, beaucoup plus globalement, conflits innombrables liés à toutes ces pseudo-identités périphériques, qui, vu d’Ici, du Centre, ne sont que de pitoyables identifications, sources de confusion, de violences et parfois – souvent – de meurtres.
Petit conseil d’ami : dès que vous entendez le mot « identité » dans un discours, demandez-vous aussitôt s’il ne serait pas plutôt question d’une des nombreuses identifications périphériques de la zone « je suis humain » du dessin ci-dessus.
² – C’est un bonheur tout particulier que ces rencontres « en-deçà du temps » entre personnes qui voient leur vraie nature. Je rappelle que ces « Objections et réponses » datent de 1975, sous forme de Post-scriptum à la troisième édition anglaise, et que depuis ce temps là les occasions de conflit entre les générations se sont considérablement développées.
Je suis pour ma part persuadé de l’immense intérêt de la Vision du Soi pour Vieillir en pleine conscience et permettre aux personnes âgées d’assumer au mieux l’archétype du « vieux sage » pour le plus grand bénéfice des jeunes générations.
³ – On ne le redira jamais assez, la spiritualité et le développement personnel sont des démarches radicalement opposées ; « Quite the opposite » disait Douglas. Ce qui n’exclut pas que ce dernier propose parfois d’excellentes et efficaces méthodes … limitées à la zone « je suis humain » du dessin ci-dessus.