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Ève : pour en finir avec la côte d’Adam – Marie Balmary

Ève : pour en finir avec la côte d’Adam

Y aurait-il un os dans la traduction de la Genèse ? La psychanalyste Marie Balmary a mené son enquête sur la « côte » d’Adam et l’apparition d’Ève.1

Publié le 23/11/2020

« L’Éternel Dieu forma une femme de la côte qu’il avait prise de l’homme. » Comment croire qu’on a fermé le sens de cette phrase durant tant de siècles ? Saisissons ici l’occasion de rouvrir cette traduction tellement répandue que c’est un vrai pari de se lancer dans son redressement.2 Deux versets de la Bible seulement (Genèse 2, 21-22), mais tout de même importants, puisqu’il s’agit de la venue de la femme dans le récit du jardin d’Éden. Il semble nécessaire de reprendre largement le contexte (Genèse 2, 15-23) pour situer l’enjeu :

« L’Éternel Dieu prit l’homme, et le plaça dans le jardin d’Éden pour le cultiver et pour le garder. L’Éternel Dieu donna cet ordre à l’homme : “Tu pourras manger de tous les arbres du jardin ; mais tu ne mangeras pas de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, car le jour où tu en mangeras, tu mourras.” L’Éternel Dieu dit : “Il n’est pas bon que l’homme soit seul ; je lui ferai une aide semblable à lui.” L’Éternel Dieu forma de la terre tous les animaux des champs et tous les oiseaux du ciel, et il les fit venir vers l’homme, pour voir comment il les appellerait, et afin que tout être vivant portât le nom que lui donnerait l’homme. Et l’homme donna des noms à tout le bétail, aux oiseaux du ciel et à tous les animaux des champs ; mais, pour l’homme, il ne trouva point d’aide semblable à lui. Alors l’Éternel Dieu fit tomber un profond sommeil sur l’homme, qui s’endormit ; il prit une de ses côtes, et referma la chair à sa place. L’Éternel Dieu forma une femme de la côte qu’il avait prise de l’homme, et il l’amena vers l’homme. Et l’homme dit : “Voici cette fois celle qui est os de mes os et chair de ma chair ! On l’appellera femme (isha), parce qu’elle a été prise de l’homme (ish).” »3

« L’Éternel Dieu forma une femme de la côte qu’il avait prise de l’homme. » Sans doute, certains diront : où est le problème ? N’a-t-on pas toujours transmis ceci, traduit ainsi ? Le texte hébreu ne dit-il pas cela indiscutablement ? Je vais revenir bientôt à ce qui peut justement être discuté dans le texte hébreu.4

La psychanalyste clinicienne que je suis commence par se rappeler que cette histoire de la côte d’Adam ne fait pas du bien aux filles ni aux femmes, bien sûr. Pas du bien au couple, donc pas du bien aux hommes aussi finalement.5

On peut me faire une objection : la Bible n’a pas été écrite pour plaire à tout le monde. Certes. Reste qu’un froissement ressenti sur un sujet aussi essentiel mérite, d’après mon expérience, qu’on s’y arrête.

Il s’agit d’un texte essentiel même pour ceux qui n’y croient pas. Car il se trouve que ces récits, tout mythiques et dépassés qu’ils nous paraissent, ont une particularité et une force : ils n’ont jamais encore été remplacés. Il n’y a pas d’autre mythe des origines pour les cultures juive et chrétienne. Et la culture des siècles passés, les arts et les lettres, s’appuie sur ce texte-là. Et parce qu’il touche à des données fondamentales de la vie humaine, un gauchissement de traduction peut avoir d’incalculables et graves conséquences. Les récits mythiques touchent l’imaginaire de tous.6

Traduit ainsi, ce passage de la Genèse consacre la supériorité de l’homme sur la femme, puisque celle-ci n’est que la construction d’une petite partie du corps de l’homme. Certes l’Adam (l’humain) avait été formé à partir de la poussière du sol (adama), le souffle de vie lui étant donné dans les narines. Mais pour la femme, être bâtie à partir d’une côte de l’homme n’est guère valorisant. Une côte, ce n’est ni rare (nous en avons 24) ni particulièrement précieux. Et puis, ce n’est qu’un morceau de corps.7

Comment remettre en question cette traduction adoptée presque par toutes les versions, françaises et étrangères ? On ose quand même ? On y va ! D’ailleurs, l’histoire des sciences nous encourage à y aller voir de plus près. Car il arrive qu’une erreur soit longuement et universellement partagée – j’ai lu que 9 % des Français croient encore que la Terre est plate (sondage Ifop) ! Exact ou non, cela donne à penser. Il nous fallait – je veux dire moi et ceux avec lesquels je travaille – donc retourner une fois de plus dans la Genèse, que nous fréquentons depuis quelque 30 ans. Et refaire l’enquête.8

Voici comment cela s’est passé, par quel cheminement nous avons pu trouver une autre voie, rouvrir une circulation du sens, jusqu’au moment où nous avons rencontré une autre chercheuse sur le même chemin. J’avais déjà vu et même écrit que « la côte d’Adam » pourrait être traduite par « le côté ». Mais je n’avais pas mené l’enquête jusqu’au bout ni tiré de conséquence marquante.

Le mot qui a été traduit par « côte » se dit en hébreu tzela. Or le mot tzela, présent 33 fois dans la Bible, n’est jamais traduit par « côte », mais par « côté ». Sauf ici, au deuxième chapitre de la Genèse, à propos de la femme. Je lis à cet endroit une note dans la Traduction œcuménique de la Bible (TOB) : « Seul cas où le terme signifie “côte” et non “flanc” ou “côté”, généralement d’un bâtiment … » Je suis perplexe, j’aurais envie de demander aux rédacteurs de la note : pourquoi traduire par « côte », alors que ce mot ne signifie cela nulle part ailleurs ? Je vais trouver de l’aide auprès d’un libraire de ma connaissance qui lit l’hébreu : « Tzela : “côte” ou “côté” ? Qu’en pensez-vous ? » Il est tout d’abord peu convaincu que la question se pose, mais il consulte la Bible hébraïque, puis un dictionnaire : partout ailleurs le mot tzela signifie “côté” et non “côte”. Il interroge la Bible d’André Chouraqui (Cerf), et là, première surprise : Chouraqui, qui a pour principe de traduire toujours un même mot hébreu par le même mot français, a dérogé ici à son principe. En effet, il apparaît que pour tzela, Chouraqui a traduit « côte » dans la Genèse, tandis qu’il a choisi « côté » partout ailleurs où il s’agit de meubles ou de bâtiments et même lorsqu’il s’agit d’humains, dans le livre de Job et le livre de Jérémie par exemple. « Tous les hommes de ma paix sont des gardes à mon côté » (Jérémie 20, 10) ; « Sa virilité est affamée, la calamité prête à son côté » (Job 18, 12).9

Pris d’un soupçon, mon libraire alors va chercher … une femme, rabbin, Delphine Horvilleur. Il ouvre un de ses livres, En tenue d’Ève (Point), où elle met elle aussi en question la traduction de tzela. « La différence de traduction peut sembler anodine, mais elle a de lourdes répercussions. Dans un cas, la femme “côte” est un objet construit, un os, c’est-à-dire une structure partielle sculptée hors du corps d’un homme complet. Dans un autre cas, la femme “côté” est une césure d’un être originel androgyne dorénavant coupé en deux. Elle est un autre sujet, et non un objet sorti de l’organisme premier à deux genres, au même titre que l’homme. »10

Merci au libraire … En effet, le changement est important, et Delphine Horvilleur – merci à elle – le met en lumière. Tout à coup, nous ne sommes plus dans la description d’un geste matériel : le Dieu prenant une côte de l’Adam. Le mot « côté » n’indique pas une chose prise, mais une provenance. Le Dieu prend littéralement « un des côtés de l’Adam ». Il y a la préposition min en hébreu, comme from en anglais. La femme vient de là : d’un côté de l’homme. Le seul geste évoqué concerne la fermeture de la chair : le Dieu ferme la chair en dessous. Autrement dit, il n’y aura pas de trace matérielle de cette opération. YHWH Elohim avait pris du côté (donc ouvert ce côté ?), il le ferme. Quand on ferme une porte, on ne fait rien d’autre que de remettre la chose à sa place. Cela n’entame pas une pièce quand on l’ouvre et qu’on la ferme. La chair pourrait être nommée ici juste pour porter le sens de la fermeture : puisqu’il y avait eu prise, il fallait bien trouver le moyen de dire l’arrêt de la prise.11

L’expression « prendre un d’un côté de l’Adam » peut paraître vague, un acte est accompli dont on ne voit pas l’objet. Selon mon expérience de lectrice de la Bible, cela ne dérangeait nullement l’auteur ou les auteurs de ces textes. Il sera écrit plus tard qu’Abraham voit. Ou que l’apôtre Jean voit. Pas d’objet à ces visions. On peut penser qu’il y a une logique particulière dans ces récits où il s’agit de mener le lecteur au-delà de toute objectivité, dans le lieu ou dans le mode – je ne sais pas bien comment dire – sans matière de la rencontre des sujets, précisément. Seulement, cela peut déranger très sérieusement un traducteur. Surtout si c’est un homme, célibataire. Qu’est-ce que c’est que cette création sans matière ? Il y a déjà un moment que nous en sommes venus à l’idée que Dieu n’a pas créé l’homme, mais seulement l’humain, la possibilité de l’homme. Il n’est jamais écrit dans la Bible hébraïque – sauf dans les traductions – « Dieu les créa homme et femme », mais : « Mâle et femelle, Il les créa. » Les termes propres, ish et isha, « homme » et « femme », n’arrivent pour la première fois dans la Genèse que dans le passage que nous examinons, justement lorsque le Dieu les présente l’un à l’autre.12

Pour un psychanalyste, l’idée que la femme est dans l’humain tout d’abord comme celle qu’il désire, disons celle dont il rêve, cette idée est particulièrement en accord avec ce que nous découvrons des rêves. La langue, elle-même, peut nous faire comprendre comment peut servir le mot « côte ». En effet, on peut dire en français : l’Adam et la femme sont « côte à côte », side by side, dirait-on en anglais, ce qui n’a rien à voir avec une côte, rib en anglais (ou encore costillas en espagnol), que voient ici les traducteurs de la Bible.13

Le Dieu la fait venir vers l’Adam. La femme n’est pas un objet que le Dieu montre à l’Adam pour voir comment il va la nommer – ça, c’était le mode avec les animaux. La femme est un sujet qu’Il lui présente, c’est tout. Ce n’est pas « pour voir ». Aucune intention n’est attribuée à Dieu quand il fait la présentation. Maintenant, c’est à l’homme et à la femme de jouer. Et là, il y a bien de la part de l’Adam une reconnaissancepas encore je et tu – mais « cette fois-ci celle-ci … », par opposition à toutes les fois précédentes où le Dieu a fait venir les animaux. L’humain et la femme ne se font donc pas face dans ce premier temps. Ils ne peuvent se voir qu’en tournant la tête et, chose étonnante, le verbe tourner (panah) est l’étymologie en hébreu du mot « visage » (panim), toujours au pluriel en hébreu. Il n’y a de visage pour l’humain que tourné vers l’autre, vers d’autres ? L’homme et la femme ne sont pas dans la situation où ils voient l’autre comme un objet devant eux. Et si la femme vient du côté de l’homme, elle est son égale. Mais ils vont l’être, face à face, lors de la présentation divine.14

C’est de cette situation que naîtra l’épreuve qu’ils ont à ­passer. Après la ressemblance reconnue vient la différence. À garder ou à perdre. La différence se présente, à la femme d’abord, sous la figure du serpent, qui peut représenter le sexe visible de l’Adam, ce que la femme n’a pas et qu’elle peut voir tandis que son sexe à elle est invisible. La parole qui interdit « de manger de l’arbre à connaître bon et mauvais » peut être lue comme l’interdit de défaire la différence (manger, c’est dédifférencier). Cette différence est telle que toute connaissance de l’autre ne peut venir que de lui-même. Car être homme, c’est ne pas connaître ce que c’est qu’être femme et réciproquement. L’interdit de manger qui a été donné entre la création de l’Adam et la formation de la femme peut se lire comme l’interdit de se dédifférencier ; cet interdit de connaître l’autre – comme objet – donne, s’il est respecté, accès à la vie de relation parlante, la vie divine, et non pas au « comme des dieux » promis par le serpent.15

La Genèse, loin de nous ? Mais non. N’est-ce pas exactement ce que nous pratiquons lors du mariage d’un homme et d’une femme ? Qu’il s’agisse d’un mariage princier ou d’un mariage tout simple, il est à remarquer qu’il n’y a aucune différence dans l’ordre de la cérémonie et le placement de chacun des époux. Nous respectons tous à ce moment-là l’ordre de la Genèse. L’homme arrive d’abord, n’est-ce pas, c’est lui qui doit attendre et non elle ? Puis la femme vient et ils vont prendre place côte à côte. Puis l’homme parlera le premier, fera sa demande en mariage et la femme accèdera (ou non) à sa demande. Puis la femme demandera à son tour … On n’imagine pas un mariage où homme et femme ne seraient pas côte à côte, n’est-ce pas ? 16

À lire : La Divine Origine. Dieu n’a pas créé l’homme, Marie Balmary, Grasset, 1993.

Marie Balmary, Psychanalyste, est l’auteure de trois essais qui ont révolutionné la manière de lire la Bible en France : le Sacrifice interdit, la Divine Origine et Abel ou la traversée de l’Éden, les trois chez Grasset.17

« La Genèse c’est son camp de base. ».


  1. S’il n’y en avait qu’un ! Il y a celui-là, cet énorme « côté & côte », et il y en a d’autres. Nous pouvons compter sur la ténacité de Marie Balmary pour ne pas lâcher ceux qu’elle a repérés avant d’avoir remis les mots en place et, du coup, ouvert la possibilité aux relations entre les personnes de se rétablir aussi ! ↩︎
  2. Marie Balmary cite souvent le Psaume 62 dans cette traduction : « Dieu a dit une chose et j’en ai entendu deux ». Comme il est mystérieux que l’homme entende souvent d’abord la version la plus fermée, la plus enfermante, avant d’être en capacité de s’ouvrir à l’autre. Ces textes anthropogènes semblent destinés, comme les koans du zen, à nous faire changer de niveau de compréhension certes, mais surtout de niveau d’être. On y parvient rarement seul … ↩︎
  3. Cette « aide semblable à lui » révèle que nous ne sommes pas ici dans la traduction de Chouraqui. Lui a retenu cet extraordinaire formule : « Je ferai pour lui une aide contre lui » ! ↩︎
  4. Le « problème » vient justement de cette fixité mortifère et des traductions et des transmissions. Sans doute un réflexe – humain, trop humain – de protection devant un monde où tout change tout le temps, à chaque seconde … un désir compréhensible d’un minimum de stabilité, sans doute assorti d’un peu de flemme. Doivent-ils pour autant interdire tout questionnement ? Bien sûr que non, ils devraient même nous inciter à le pratiquer de manière permanente … pour rester en phase avec la vie, tout simplement. Sinon … ? Et bien tous ces textes – en langue d’origine comme en traduction – tomberont dans l’oubli, ou seront « transmis » avec de considérables dévoiements de sens. ↩︎
  5. L’occasion de rappeler qu’un clinicien procède à l’examen direct d’un malade alité, à l’origine sur une « klinê ». Et que les travaux de recherche de Marie Balmary s’originent dans la souffrance de ses patients. Cette « côte », os plat en travers de la gorge des femmes – la moitié des humains au moins – constitue donc bien un problème universel que Marie Balmary et d’autres font donc bien de remettre sur le gril de l’interprétation ! ↩︎
  6. Dans un temps de l’histoire où la « religion » dominante est sans doute l’ignorance, il s’avère difficile de réaliser le caractère essentiel de ce paragraphe. Effectivement, une très large part de notre culture repose sur ces « textes anthropogènes qui ont formé notre humanité », qui nous permettent de « ne pas se tromper sur la taille des humains, … avoir la place de l’esprit » (M. Balmary). Quelle que soit notre position envers cette tradition judéo-chrétienne, elle n’en structure pas moins notre espace-temps, souvent bien au-delà du peu de conscience que nous en avons. Une courte mais remarquable vue d’ensemble en livre de poche : « La Bible, Aux sources de la culture occidentale » de Philippe Sellier, Points Sagesses n° 285. ↩︎
  7. Dans un entretien intitulé « Dieu n’attend que notre impertinence » Marie Balmary évoque le déclic qui l’a conduit à relire avec d’autres le Nouveau Testament : « Ça ne peut pas être aussi bête. Ce n’est pas possible qu’un truc aussi important, qui coupe l’histoire de l’humanité en deux, dessinant un avant et un après, soit aussi bête que ce qu’on nous avait parfois présenté. » Pourquoi ne serait-il pas possible d’éprouver le même sentiment devant ce passage de la Genèse ? Même si une côte est un os sacrément bien fichu, magnifiquement intégré dans la cage thoracique et le système global qui assure la respiration, même si elle permet à Paul Valéry d’écrire ceci :

    « VIVRE ! JE RESPIRE. N’est-ce pas tout ?
    JE RESPIRE. J’ouvre profondément chaque fois, toujours pour la première fois, ces ailes intérieures qui battent le temps vrai. Elles portent celui qui est, de celui qui fut à celui qui va être.
    JE SUIS, n’est-ce pas extraordinaire ? »
    (« Mon Faust »)


    …, cette extraction & création d’Eve à partir de la « côte » d’Adam ne peut effectivement pas « être aussi bête » qu’on nous le présente généralement. C’est tellement lourd de conséquences lorsque c’est pris au pied de la lettre que ça exige nécessairement une complète remise en question. Marie Balmary, Delphine Horvilleur et d’autres s’y emploient … lisons-les et engageons à les lire. ↩︎
  8. Ce « nous » n’est pas de majesté, ce n’est pas le style de Marie Balmary ! Elle évoque ici le « groupe Déluge » au sein duquel a lieu une bonne part de sa recherche.
    Il semblerait même que 99,99 % des français croient encore qu’ils ont une tête sur les épaules, pour eux-mêmes et sur l’évidence de l’instant présent … ce qui ne résiste guère à une observation scientifique ! ↩︎
  9. En constatant cela, n’importe qui – même ignorant tout des principes de traduction et des subtilités de l’hébreu biblique -, même un enfant, verrait que quelque chose ne colle pas, qu’il y a là matière à enquête, ou tout du moins à une sérieuse interprétation. Mais pour une majorité d’entre nous, non … ? Plus c’est gros et plus ça passe facilement ! Heureusement, pour certaines ça ne passe pas. ↩︎
  10. C’est un livre important qui donnera lieu à d’autres billets. Son auteur pose la question en toute rigueur : la première femme, un objet ou un sujet ? Vertigineux ! Le fait que se déroule en ce moment en notre douce France le procès des viols de Mazan prouve, s’il en était encore besoin, qu’il est plus qu’utile et urgent de se pencher sérieusement sur cette traduction de Genèse 2, 21-22. ↩︎
  11. « La chair … ». Marie Balmary ne développe pas, mais le mot basar en hébreu ouvre bien des portes. Surtout quand on le complète par cette notion de support d’information. La « chair », ne serait-ce pas l’ensemble du complexe corps & mental ? ↩︎
  12. Paragraphe porteur de considérables conséquences … « le mode … sans matière de la rencontre des sujets » n’aurait-il pas quelque étroit rapport avec le face à espace (« face to no-face … face to space ») de la Vision du Soi ? Le mode face à face ne serait-il pas la porte ouverte à la chosification des êtres et à toutes les violences qui en découlent ? ↩︎
  13. Le rêve : avoir à son coté & ses cotés une « aide contre soi » ! Cela m’évoque cette belle phrase d’Yvan Amar : « Un couple c’est le Réel qui joue à être deux. » ↩︎
  14. Encore un vaste champ de correspondances et de fécondations croisées qui s’ouvre là, avec « le mot « visage » (panim) toujours au pluriel en hébreu dérivé du verbe tourner (panah) ». Tout humain n’a-t-il effectivement pas au moins deux visages : celui que les autres voient d’une certaine distance et celui qu’il a, ou plutôt est, pour lui-même au Centre ? N’y aurait-il « de visage pour l’humain que tourné vers … » ces deux directions en même temps, vers l’intérieur & vers l’extérieur ? Ne pas se voir soi-même comme « objet » au Centre, mais comme espace d’accueil vide, illimité & inconditionnel – voir son Visage Originel -, ne serait-ce pas la seule possibilité de ne pas voir l’autre comme un objet devant soi ? Graves questions … qu’il est possible non seulement d’explorer mais de résoudre avec quelques expériences de Vision du Soi. Vérifiez ! ↩︎
  15. Se parler c’est nettement mieux que se combattre. Et on ne peut décemment pas reprocher à une psychanalyste de mettre en avant « la vie de relation parlante » comme « vie divine ». Mais l’expérience de la Vision du Soi et celle de la méditation & contemplation permettent aux humains de communier entre eux en-deçà même de toute parole. Pas de « dédifférenciation » dans cette communion : les troisièmes personnes de la zone périphérique « je suis humain » demeurent entières, porteuses de toutes leurs légitimes spécificités, et ne peuvent être « une » qu’en « Je Suis ». Encore une fois, n’en croyez pas un mot et prenez bien soin de vérifier ! ↩︎
  16. Le lien direct établi ici avec le texte de la Genèse donne une toute autre dimension au mariage, et effectivement c’est un sacré nouveau commencement dans une vie … pour le meilleur et pour le pire ! « Homme et femme … côte à côte » vont avoir bien des épreuves à traverser. Je ne peux rien leur souhaiter de mieux que de prendre rapidement conscience du bonheur du face à espace. ↩︎
  17. « Révolutionné … » ! C’est peut-être aller un peu vite en besogne. Le rabâchage stérile des versets bibliques sans compréhension ni interrogation semble avoir encore de beaux jours devant lui, dans la plupart des églises … et on ne peut que le regretter. En attendant que cette sombre page soit tournée, lisez la belle ouvrage de Balmary et faites-la connaitre largement autour de vous … comme moi ! ↩︎

Cordialement

Par Jean-Marc Thiabaud

Jean-Marc Thiabaud, 65 ans, marié, deux fils, un petit-fils.
La lecture de "La philosophie éternelle" d'Aldous Huxley m'oriente précocement sur le chemin de la recherche du Soi.
Mon parcours intérieur emprunte d'abord la voie du yoga, puis celle de l'enseignement d'Arnaud Desjardins.
La rencontre de Douglas Harding en 1993 me permet d'accéder à une évidence que je souhaite désormais partager.

Une réponse sur « Ève : pour en finir avec la côte d’Adam – Marie Balmary »

« Les récits mythiques touchent l’imaginaire de tous ». Je ne l’aurai pas mieux dit et M. Balmary a parfaitement identifié notre rapport aux récits mythiques comme aux grandes mythologies. Mais alors, pourquoi ne dit-elle rien des autres récits mythiques au sujet de la Création? Si j’ai bien compris la méthode analytique de M. Balmary, celle-ci, à l’instar d’autres exégètes, prend le texte comme un en-soi, avec une clôture épistémique et herméneutique que le texte dessine de lui-même. P. Beauchamp n’opérait pas autrement dans ses interprétations souvent audacieuses de la Bible, éclairant un texte par un autre, mais ne sortant que très rarement de la clôture biblique. Pourtant, et ce n’est pas la première fois que je le relève, M. Balmary qui se donne tant de peine à réinterpréter ce texte mille fois interprété, ne se donne pas la peine de le comparer à d’autres semblables. D’un point de vue méthodologique, il est vain, comme l’ont fait catholiques et protestants il y a encore moins de cent ans, ou encore les Eglises évangéliques et leur lecture fondamentaliste, de tenter de comparer un texte daté du Vème siècle avant notre ère avec non pas un récit, mais des théories datant du XIXe siècle après notre ère, notamment celle de l’évolution. Et cela pour tenter de pourfendre cette dernière. Pour que la comparaison, ici, fasse sens et ouvre sur des perspectives exégétiquement fructueuses, le récit de la Genèse doit être comparé aux autres récits mythologiques de son époque. Et dans l’aire culturelle du Moyen-Orient ancien, ces textes ne manquent pas. Que ce soit en Mésopotamie, en Egypte, en Syrie, en Anatolie, chez les Grecs, les Perses ou encore en Inde védique, si l’on devait aller un peu plus loin, ces textes cosmogoniques de création sont nombreux. Quand on sait, par ailleurs, ce que M. Balmary semble ignorer ou ce dont elle se désintéresse, que ces récits de la Genèse doivent beaucoup aux récits suméro-akkadiens et mésopotamiens, il eût été plus intéressant et plus profitable de chercher leurs sources et de comprendre ce que les scribes et les lévites hébreux en ont fait. Après d’autres auteurs, c’est d’ailleurs ce que j’ai tenté moi-même de faire. Et la moisson que j’en ai tirée est formidable! Encore faut-il s’y intéresser et sortir des sentiers battus même par les innovations contemporaines. Sur une de vos pages précédentes, vous avez publié un commentaire de M. Balmary sur la question de la Mère et du maternel apparemment absents ou difficilement visibles dans la Genèse. Comme vous le savez, je travaille sur ce thème depuis plus de dix ans, et j’ai effectué une recherche en ce sens. Je ne peux reprendre ici en détail mes analyses, mais sachez simplement, mon cher Jean-Marc, que le maternel et la Mère sont symboliquement bien présents dans ces récits, mais pas vraiment là où M. Balmary croit les avoir trouvés. Je m’étonne même que, dans sa grande sagacité, elle soit passée à côté de ce qui aurait dû être pour elle des évidences ou du moins des « symptômes » littéraires et mythiques propres à être déchiffrés. Cela fait sans doute partie des limites inhérentes au génie de M. Balmary, comme vous ne manquerez pas de me le faire remarquer, mais cela dit aussi combien sa lecture est uni-orientée n’étant de surcroît quasiment jamais contredite ni même sérieusement interrogée… Merci encore à vous. Bruno

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