« Ces citations¹ émanent de mystiques de toute traditions et sont centrées sur la perspective de Qui nous sommes réellement, l’Essentiel, la Réalité Éternelle au cœur de tous les êtres.
[…]
« Saisir et comprendre Dieu au-delà de toute comparaison, tel qu’il est en lui-même, c’est être Dieu avec Dieu, sans intermédiaire, et sans la moindre altérité qui puisse devenir un obstacle ou un intermédiaire.
Quiconque souhaite comprendre ceci doit d’abord mourir à lui-même, vivre en Dieu et tourner son regard vers la lumière éternelle dans le paysage de son esprit là où la Vérité Cachée se fait connaître Elle-même sans rien signifier. »
Commentaire
Jean de Ruysbroeck est un flamand né à Ruysbroeck, un petit village non loin de Bruxelles. Ce fut un grand mystique médiéval, non seulement l’un de ceux qui, postérieurs à Maître Eckhart, ont baigné dans la lumière du grand maître, mais de plus a découvert qu’il était lui aussi la Lumière. Et c’est sur cette Lumière qu’il centra sa vie. Il a passé toute sa vie (pour autant que nous en ayons connaissance) aux alentours de son village natal – à l’abbaye de Grœnendael qu’il fonda dans la forêt de Soignies – et se consacra à la conscience de la Lumière.
Ses écrits témoignent de l’expérience de première main de Qui il était réellement. Un aspect qu’il répéta sans cesse clairement, c’est la proximité de Dieu. Absolument rien ne nous sépare de Dieu. Dieu est notre être véritable. Comme l’a écrit Tennyson, Dieu est plus près de nous que nos mains et nos pieds, plus proche de nous que notre respiration pendant que vous lisez ces mots, Dieu est le lecteur de ces mots. Dieu est vraiment celui qui lit ces mots. Dieu est Qui vous êtes vraiment.
La conscience de notre vraie nature est une sorte de mort (et cela peut parfois rebuter certaines personnes, et cela n’est pas étonnant). Au centre de notre être, toute matérialité, toute « chosité » disparaît. Il y a un grand Vide – vide de toute chose y compris de notre moi. Mais en lieu et place du moi, il y a Dieu.
La conscience de notre vrai Soi n’est pas atteinte par une conduite vertueuse, ni par une méditation intensive, mais elle est découverte par la vision. Ceci est la simple vérité concernant soi-même et cette vérité est disponible quelle que soit notre humeur ou notre forme physique. C’est votre droit de naissance.
Bien sûr cela peut sonner comme une hérésie aux oreilles de certains : « Vous affirmez être Dieu, quelle arrogance ! ». Sur ce point Maître Eckhart est entré en conflit avec l’Église. Mais ce n’est pas la même chose que de déclarer que l’être humain, en tant qu’individu, est Dieu, ce qui serait vraiment de l’arrogance. A l’inverse, il s’agit de s’éveiller à la présence d’un dieu plus proche de nous que notre propre humanité. En réalité, proclamer que l’on est humain par essence est la véritable arrogance. Ce serait une éviction imaginaire de Dieu de la position centrale en soi-même où, en vérité, vit Dieu. Le bref sermon de maître Eckhart est, si je puis dire, centré sur ce thème. Il déclarait simplement et avec élégance :
« Dieu est dedans, je suis dehors ».³
Tout ceci, en réalité, n’est pas un problème de croyance mais d’expérience. L’essentiel est de faire une expérience « de première main » de cette Réalité plutôt que collectionner les paroles de mystiques ou de n’importe qui d’autre. Nous devons retourner notre regard, comme le dit Ruysbroeck, vers la lumière éternelle de l’espace de notre esprit. Plus près que quoique ce soit d’autre demeure cette Lumière, et rien ne vous empêche d’en faire l’expérience ici et maintenant.
Que voyez-vous lorsque vous cherchez votre visage ? Ou, comme l’exprime le bouddhisme zen, « à quoi ressemble votre Visage Originel, le visage d’avant la naissance de vos parents ? ». Le visage que vous voyez dans le miroir est celui que vos parents vous ont donné. Mais le « Non-Visage » que vous êtes, celui par lequel vous regardez, est votre « Visage Originel » que vous avez toujours eu, toujours été – le « Non-Visage » que vous partagez avec votre voisin, avec Ruysbroeck avec tous les êtres. Cette Vérité cachée ne l’est finalement pas tant que cela. C’est un bonheur, une bénédiction. »
Cordialement
¹ – Ces « Citations de mystiques commentées par Richard Lang » figurent intégralement sur le site visionsanstete.com
La partie consacrée à Jan de Ruysbroeck est placée entre celles concernant Lao Tseu et la Katha Upanishad et trois autres : Thomas Traherne, Maître Eckhart et Rûmî.
Le texte a été initialement traduit par Laurent Sarthou. J’ai légèrement modifié par endroits cette traduction.
² – Une grande part de l’œuvre de Ruysbroeck l’Admirable est accessible en ligne.
³ – Le maître-dessin de Douglas, sa « carte » majeure, illustre bien à quel point la zone « je suis humain » est périphérique par rapport au « Je Suis » central.