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Le Dieu que l’on s’invente est bien plus terrible que le Dieu révélé – Marie Balmary

Bonne pèche dans l’océan du wouèbe en ce matin du 22/08/2021, assorti qui plus est d’une belle synchronicité avec le billet « Où suis-je ? » (0).

« Le Dieu que l’on s’invente est bien plus terrible que le Dieu révélé »

« Dieu amour ou Dieu colère ? Dieu punit-il parfois les hommes ? Pour la psychanalyste et bibliste Marie Balmary, si la peur de Dieu habite toujours les consciences, l’être humain doit chasser l’image d’un Dieu vengeur, pour un Dieu qui laisse libre.

Question Le Monde de la Bible : En avril 2020, vous racontiez vous être demandée si Dieu avait quelque chose à voir avec le fléau de la pandémie¹. Avez-vous, avec le temps, obtenu une réponse ?

Marie Balmary : Non [elle sourit].

Question : Pourrait-il être tentant, comme l’ont évoqué certains croyants, de voir dans cette pandémie la manifestation d’un courroux divin ?

Marie Balmary : Cela dépend de l’idée que l’on se fait de Dieu. Si c’est un Dieu qui fait mourir des milliers de gens, devant quel Dieu est-on ? Je pense que le grand problème des êtres humains avec Dieu, c’est qu’il leur est difficile d’avoir accès à un Dieu qui soit Père, amour, bonté, non jugement … Parce qu’on a tous des dieux dans la tête et ils viennent faire barrage. Il ne faut pas croire que l’on est athée aussi facilement que cela.² Et c’est peut-être pour cette raison qu’on peut préférer reculer et se dire qu’il n’y a pas de Dieu. Un des premiers dieux que l’on rencontre, c’est un ogre, c’est un Dieu qui dévore, qui punit, figure que l’on croit confirmée par une certaine lecture du Déluge, la tour de Babel … Il existe une kyrielle de mauvaises rencontres avec Dieu. Ce que le théologien Maurice Bellet appelait « le Dieu pervers » dans l’Évangile. Un « Dieu amour » qui se transforme en un Dieu « qui n’aime pas, qui inquiète, persécute, culpabilise, domine ». Un Dieu qui confisque la puissance de vie qu’il a donnée. Un Dieu « qui aime tant qu’il exige tout ».³

Il y a d’ailleurs une chose encore plus difficile à démasquer : l’image du Père tout-puissant. Le terme figure dans le Credo : « Je crois en Dieu, le Père tout-puissant. » Seulement, dans la logique des symboles, un père ne peut pas être tout-puissant. Un père a toujours besoin de quelqu’un d’autre pour donner la vie. Donc, en parlant d’un père tout-puissant, on a fait de Dieu une espèce de personnage mythique mais pas biblique. Car la Bible juive ne parle pas d’un Dieu tout-puissant ; elle parle d’un Dieu créateur qui donne la Loi et laisse libre. (4)

Question : Cette vision est-elle toujours d’actualité. Avons-nous encore peur de Dieu ?

Marie Balmary : Oui, je ne vois pas comment ça pourrait ne pas l’être. Je ne vois pas comment on pourrait éviter d’imaginer d’abord un Dieu qui fait peur. C’est le début de la Genèse : la première chose qu’Adam dit « J’ai entendu ta voix […] et j’ai eu peur. » Ce « j’ai eu peur » doit être anthropologiquement inévitable. Les religions ont à voir avec la peur de Dieu. Surtout quand il s’agit d’un Dieu unique. (5) Une chose m’étonne : à chaque fois qu’un personnage biblique rencontre Dieu, il se retrouve mis à l’épreuve par une figure perverse qu’il va lui falloir traverser. Dès qu’Abraham a proclamé Yhwh Dieu d’éternité, il est « éprouvé ». Il croit entendre Elohim lui réclamer son fils, Isaac. Il faut que le messager de Yhwh l’arrête. (6) De même, dès que Jésus est reconnu fils par la voix céleste au baptême, il est « emmené au désert par l’esprit pour être éprouvé par le diable » et se trouve devant une voix qui lui dit : « si tu es fils de Dieu » prouve ta toute-puissance et adore la mienne. C’est Satan. Jésus chasse cette figure. Comme Marie osera objecter l’absence d’homme à l’ange qui tout d’abord lui annonce qu’elle concevra – seule – un fils divin tout-puissant. Son refus ouvre la présence de l’Esprit et du Fils. (7)

Question : Cette peur de Dieu, est-ce quelque chose que vous rencontrez souvent chez vos patients ?

Marie Balmary : Ces figures se rencontrent et doivent être visitées. On peut aussi faire une analyse sans jamais se poser la question de Dieu. Surtout si on va voir un analyste qui lui-même n’ouvre jamais cette porte. J’entends que des gens ont pu faire des années d’analyse sans jamais se poser cette question, alors qu’elle se pose à tous les hommes. L’Occident serait-il le seul lieu sur terre où l’infini n’est plus un sujet ? La démocratie peut-elle se passer de verticalité ? (8) À la Révolution pourtant, il y avait encore des cérémonies, l’Être suprême … Est-ce que vraiment il n’y a personne au-dessus de nous ? Avons-nous conquis quelque chose de formidable en éliminant tous les dieux ? Ou bien, est-ce que l’on a jeté la Vie avec l’eau du bain, jeté quelque chose d’indispensable à notre vie ensemble ? Comme nous n’avons pas créé le monde et que, deuxièmement, nous allons mourir, c’est difficile quand même de ne pas s’interroger(9)

Question : Lorsqu’elle existe, comment se manifeste la peur de Dieu ?

Marie Balmary : Par la peur de la vie, la peur de se risquer à vivre, un sentiment de culpabilité. Car si Dieu est tout bon, parfait, et que nous ne le sommes pas, tout ce qui ne va pas est de notre faute. Il existe une façon de rendre l’homme coupable de tout qui est inhabitable et destructrice pour l’être humain lui-même. Comment avancer ? La culpabilité freine beaucoup. Si je fais mal et que je ne suis pas digne, si je n’ai pas d’estime de moi, je ne vais plus rien faire. Ou bien pour agir est-ce que je dois dire : il n’y a pas de Dieu ? (10)

Question : Comment se surmonte-t-elle ?

Marie Balmary : Il m’est arrivé de dire à quelqu’un qui voyait le Dieu qu’on lui avait appris comme le grand œil qui le surveille partout, que la première question, que Dieu pose à Adam dans la Bible, c’est « où es-tu ? » Alors s’Il était le grand œil qui voit tout (le Dieu de Victor Hugo : « L’œil était dans la tombe et regardait Caïn »), Il ne poserait pas cette question [sourire]. Le Dieu qu’on s’invente est bien plus terrible que le Dieu révélé. Et le deuxième sauve du premier. (11)

Question : Comment est-on passé du Dieu juge au Dieu d’amour ?

Marie Balmary : D’abord, le Dieu qui aime ne commence pas avec les évangiles. Même si les chrétiens le croient souvent … Il y a eu une très grande évolution des mentalités et de la forme du pouvoir politique. De la monarchie absolue à la république démocratique … Les figures d’autorité ont beaucoup changé. (12) Un jour, on n’a plus accepté ni voulu transmettre l’absolu des figures de la toute-puissance, même morale. Dans un texte mal traduit, on trouvait par exemple : « soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait ». Être parfait, ce n’est pas la même chose qu’être accompli. La perfection est une des figures qui fait peur. On a cru changer la figure de Dieu en l’adoucissant. La traduction du « Notre Père » est un bon exemple du changement actuel de regard sur Dieu. Quoi de plus bienfaisant que l’idée d’un Dieu qui soit notre Père, au sens de « Père de nous tous ». Aujourd’hui on ne dit plus « Ne nous soumet pas à la tentation » mais « Ne nous laisse pas tomber en tentation ». Dieu a été rendu beaucoup plus « gentil ». Mais l’épreuve par laquelle nous fait forcément passer notre Dieu imaginaire a disparu. Or il était dans le texte grec : « Ne nous conduis pas dans une épreuve mais délivre-nous du mauvais. » Je comprends : du Dieu qui n’est pas toi, Père. (13)

Question : Cette figure du Dieu juge, vengeur, il faut s’en défaire, selon vous ?

Marie Balmary : Oui. Ce Dieu-là est fait de tous les dieux imaginaires que nous inventons et que les catéchismes passés ont pu transmettre. Il y a du chemin à faire pour arriver au Père. C’est difficile. Freud a dit qu’il existe à l’intérieur de l’âme humaine une instance qui s’appelle le surmoi. Et ce surmoi est celui qui reprend les injonctions des éducateurs. Qui fait qu’on se parle à la seconde personne et qu’on se juge. « Tu dois … tu n’aurais pas dû … faire ci, penser ça … » Et ce surmoi, Freud pense qu’il peut s’assouplir mais pas disparaître. C’est pour cela que si l’on se demande « Faut-il avoir peur de Dieu ? », j’ai envie de vous dire : « il faut avoir peur du “il faut” ».

Question : L’enfer a longtemps été une menace…

Marie Balmary : On ne meurt pas de la même façon si on croit qu’il y a une autre vie ou si on croit qu’il n’y en a pas … Donc la peur de Dieu est : est-ce que l’on est attendu quelque part ? Y a-t-il une autre vie ? Je vois qu’il faut bien qu’il y ait un autre lieu que le ciel. Sinon, c’est un ciel totalitaire, où tout le monde termine. De même qu’il y a un serpent dans le jardin d’Éden, une autre voix que celle de Dieu, il faut bien qu’il y ait un autre lieu, où Dieu n’est pas. Le ciel ne peut pas être la seule option. L’imaginaire sur l’enfer est abondant : les œuvres d’art, les tympans des cathédrales, La divine comédie … Parce qu’on a toujours pensé qu’il y avait un jugement quelque part, que les méchants ne pouvaient pas avoir le dernier mot … On se débrouille avec tout ça. (14)

Question : Quelle différence faites-vous entre avoir peur de Dieu et craindre Dieu ?

Marie Balmary : Craindre Dieu a sans doute à voir avec la justice, l’honneur. Le fait de se dire : « Si je faisais cela, je ne pourrais plus me regarder dans la glace. » Il y a par exemple l’histoire des sages-femmes, dans le livre de l’Exode, à qui Pharaon demande de tuer les nouveau-nés garçons hébreux. Les sages-femmes refusent d’obéir car elles « craignent Dieu ». La crainte de Dieu peut être plus forte que la crainte de Pharaon. (15)

Question : Revenons-en à la pandémie. Vous parlez de la pandémie comme d’un fléau. Pourquoi ce mot ?

Marie Balmary : Je le trouve bien adapté à la situation que nous vivons car un fléau est fait, si l’on peut dire, pour que l’humanité change de désirs. Alors, ce fléau, on ne sait pas d’où il vient mais, pour autant, nous sommes beaucoup à croire à l’idée que l’humanité doit changer de désirs. À l’espérer du moins. Car on ne changera pas de mode de vie si on ne change pas de désir. Ça tient l’économie, le désir. (16)

Question : Quels sont les désirs qu’il nous faudrait changer ?

Marie Balmary : Ces choses qui concernent les verbes « avoir », « pouvoir » … Tout ce qui tend à la toute-puissance. Tout ce qui fait qu’on n’accepte plus les limites, qu’on ne sait plus à quoi ça sert. Que sous le prétexte d’être plus heureux, nous transgressons tout ce que l’on a cru être des obstacles qu’il fallait vaincre. Or, il y a des limites qui sont des limites de sagesse, sans lesquelles la vie ne continue pas. Un fléau arrête un pouvoir et, dans ce sens-là, peut enseigner le respect, le bien-fondé des limites. D’abord, on ne peut pas. Puis un jour on se surprend à ne plus vouloir. Si Dieu y est pour quelque chose, je ne le vois pas en tout cas comme une punition. D’ailleurs, je ne vois plus de punitions de la part de Dieu. Je vois des épreuves, des voies d’avenir par lesquelles ce qui est le plus essentiel est remis en jeu. (17)

Question : Les épreuves que traverse l’homme sont-elles des défis lancés par Dieu ?

Marie Balmary : Les épreuves ne sont pas des défis. Dans tous les contes du monde, il y a des épreuves pour grandir, il faut vaincre des périls, des pièges à déjouer. On ne peut pas grandir sans épreuve. Je repense au mot « commandement » : « je vous donne un commandement nouveau ». Si on regarde le texte de plus près, le sens du mot grec serait plutôt « voie d’accomplissement ». Donc, que les épreuves soient des temps de métamorphoses, oui. La naissance n’est pas un défi, c’est un passage essentiel. Changer de monde, grandir, devenir un être qui peut parler et vivre avec l’autre. (18)

Question : Cette crise sanitaire pourrait-elle avoir ce pouvoir de métamorphose ?

Marie Balmary : Pourquoi pas ? Mais cela dépend de la façon dont on vit cette crise. Dans la Genèse, Dieu dit à Caïn, dont il vient de refuser l’offrande [mais a accepté celle de son frère, Abel, NDLR] : « Si tu prends bien [mon refus], élévation ! Mais si tu prends mal, une faute est tapie, à toi sa passion, toi gouverne-la. » Ce passage n’a pas pris une ride. Ce qui est difficile à accepter, pour voir du positif dans cette crise, c’est le nombre de morts. Alors que dans d’autres époques, la mort n’était pas le pire qui pouvait arriver. Le pire, c’était la perdition de son âme. La mort physique, elle, n’était qu’un passage. Du moins, on l’enseignait ainsi. (19)

Question : Mais où est Dieu, dans ces crises ? Où est Dieu pendant les catastrophes ?

Marie Balmary : Je me pose la même question, même quand il n’y a pas de catastrophe. Oui, on aimerait qu’Il intervienne. Eh bien non. [silence] Où est Dieu ? Je reprendrai les mots du poète britannique William Blake :

« J’ai cherché mon âme et je ne l’ai pas trouvée.

J’ai cherché mon Dieu et je ne l’ai pas trouvé.

J’ai cherché mon frère et je les ai trouvés tous les trois. »

Propos recueillis par Alice Le Dréau, chef de grande rubrique à La Croix, en partenariat avec La Croix

À lire dans le numéro 238 (septembre-octobre-novembre 2021) «Faut-il avoir peur de Dieu ?».

 

Cordialement

 

0 – Étant donnée l’admiration que je porte à la recherche de Marie Balmary, je suis à l’affût de toute nouvelle publication, et je m’efforce systématiquement d’en faire l’écho sur volte-espace. Car, malheureusement, il est beaucoup plus difficile et chronophage de faire évoluer sa page wikipedia

NB : les surlignages et liens insérés par moi dans ce texte ne figurent pas dans l’original.

Cf. « Où suis-je ? »

¹ – Marie Balmary a publié un article intitulé « Réflexion sur le fléau » dans « La Croix » du mardi 28 avril 2020. Elle y avouait d’entrée n’avoir « jamais eu autant de mal à écrire un article ». Et j’ai pour ma part bien du mal à composer quelques commentaires à cet article pour un billet.

² – Où l’on retrouve une « tête », « la plus grande collection de chauve-souris dans le plus petit des beffrois » comme aimait le dire en plaisantant Douglas Harding. Comment faire simple pour retrouver « amour, bonté, non jugement … » ? Pourquoi pas en ayant l’audace de « vivre sans tête », en redécouvrant grâce à la Vision du Soi sa vraie nature d’espace d’accueil illimité & inconditionnel ? Ne pas se contenter du seul stade périphérique « je suis humain » du dessin ci-dessous pour s’établir dans « Je Suis », « Rien & Tout ». Essayez, vérifiez, et ensuite débrouillez-vous pour établir le lien avec ce que de tous temps la plupart des hommes ont nommé « Dieu ». Au fond ce dernier point est assez secondaire, culturel, comme l’ont découvert & proclamé la plupart des mystiques. Ce qui leur a parfois coûté fort cher …

³ – Ce « Dieu pervers », jaloux, tout-puissant, dominateur … n’est qu’une projection de ce que les hommes ont de pire dans leur mental. Il sourd de la zone périphérique « je suis humain » et de nulle part ailleurs. Nous ne remercierons jamais assez Maurice Bellet, Marie Balmary et tous ceux qui nous aident à débusquer « l’ogre », ce faux Dieu « qui aime tant qu’il exige tout ».

J’ai évoqué l’épisode de la tour de Babel dans le billet « Babel, ou l’inversion ». Il me semble que les mots de Samivel résonnent de manière étrangement proche et forte en écho aux mesures de gestion de la pandémie de Covid-19 …

4 – Ce paragraphe résume assez bien la méthode & le culot de Marie Balmary : « Dieu, le Père tout-puissant » figure incontestablement dans le Credo. Néanmoins elle décide de chercher du coté de « la logique des symboles », plus fondamentale que l’histoire des Symboles, du coté du mot & du fait, et aussi du coté de l’Ancien Testament. Bien campée dans la Genèse, elle n’oublie jamais que nous sommes les héritiers de « l’un et l’autre testament ».

Elle nous transmet alors une évidence : « un père ne peut pas être tout-puissant », mais depuis deux mille ans assez peu de personnes ont relevé l’importance considérable de cette évidence : quand surgit cette « toute-puissance », ça commence à déraper grave, « ça craint » comme disent les plus jeunes. Pensez par exemple aux nombreux « pères tout-puissants » qui dirigeaient & dirigent encore des dictatures …

NB : Le fait que la technoscience endosse aujourd’hui si facilement les habits de la « toute-puissance » n’est pas fait pour rassurer Marie Balmary, et devrait d’ailleurs tous fortement nous inquiéter … La pandémie de Covid-19 devrait amener une réflexion de fond pour « Déniaiser la science », comme le propose Olivier Rey. Proposition autrement plus réfléchie et constructive que la récente déclaration d’une professionnelle du mensonge : «Je crois qu’on a souffert au cours de cette crise d’un défaut d’acculturation scientifique de la population française» … !

Notre Macron & Jupiter, qui n’hésite pas à nous appeler ses  « enfants » tout en n’étant pas « père », semble, malheureusement, relever, plus ou moins consciemment, de ce délire de toute puissance. Marie Balmary avait su poser le diagnostic très tôt avec son « avertissement du Président ».

5 – C’est l’épisode de Genèse 3. Précédé par la transgression de l’unique interdit associé à un châtiment de « mort » : dans ce récit la peur est donc logique, assez compréhensible …

Inépuisables premiers chapitres de la Genèse que, personnellement, je lis beaucoup mieux à l’aide des outils de la Vision du Soi, la carte de la note n° 2 ci-dessus notamment. Ce chapitre 3, c’est, ou en tous les cas cela peut être lu comme le passage du « Je Suis » central au « je suis humain » périphérique, celui qui se voit « nu » et qui a « peur » … Effroyable « chute » que de passer de « Sujet » (Corps & Âme – Esprit) à simple « objet » périssable (Corps & Âme) … ! Le « Dieu » qui demande « Où es-tu ? » vient tout simplement nous aider à prendre conscience & sortir de cette impasse absolue …

6 – Vous ne connaissez pas encore l’originale relecture du « sacrifice d’Isaac » par Marie Balmary ? Quelle chance vous avez ! Précipitez-vous sur « Le Sacrifice Interdit » ou « Le Moine et la Psychanalyste ».

« Prenez Abraham : voilà un homme qui commence par penser que son Dieu lui demande de sacrifier son propre fils Isaac. Puis il découvre que ce Dieu est celui qui interdit le sacrifice. Abraham, en se libérant de croyances obscures et oppressives, prend conscience qu’il y a une profonde correspondance entre son désir vivant de père et le désir divin. Voilà un récit qui parle au psychanalyste. Dieu n’est pas ce Père surpuissant et pervers qui exige notre souffrance et notre cruauté comme gage de fidélité … »

Entretien psychologie.com février 2013

Et non, Abraham n’est pas nécessairement « le père du pire » ! Même si en 2021 certains continuent malheureusement d’idolâtrer obéissance & soumission … à leur « Surmoi » !

7 – Cf. notamment Matthieu 4, 1-11. Ces récits soi-disant complètement dépassés, ringards, ne seraient-ils pas au contraire de la plus grande utilité qui soit pour confondre & contrer les suppôts actuels de la « toute puissance », représentants de la « phynance » mondialisée en tête & politiques néolibéraux qui les servent ? Pour nous aider à « chasser les marchands du temple » ? Pour fonder la lutte contre le dérèglement climatique sur une base solide et juste ?

Cf. Luc 1, 34 : et oui, Marie est d’abord celle qui « objecte » avant de « consentir » ! Sa grandeur procède autant de son refus initial que de la suite, alors que ce n’est généralement pas ce qui est mis en avant la concernant, c’est le moins qu’on puisse dire …

Marie dit à l’ange : « Comment cela sera-t-il, puisque, d’homme, je ne connais point ? »

Sœur Jeanne d’Arc

Miriâm dit au messager: « Comment cela peut-il être, puisque aucun homme ne m’a pénétrée ? »

André Chouraqui

[ειπεν δε μαριαμ προς τον αγγελον πως εσται τουτο επει ανδρα ου γινωσκω]

8 – Il semblerait que lorsque la démocratie se passe de cette verticalité-là, radicalement autre, elle est envahie par une kyrielle de fausses verticalités qui la dénaturent. C’est ainsi que la théologie technoscientifique semble actuellement tenir les rênes du pouvoir, comme Jacques Ellul avait su le discerner très tôt. Et bien évidemment, si la démocratie persiste dans cette erreur elle court à l’abîme, à l’effondrement …

9 – Une bonne partie du génie de Marie Balmary consistant à poser clairement de très pertinentes questions, je recopie donc ci-dessous ces deux-là, considérables :

« Avons-nous conquis quelque chose de formidable en éliminant tous les dieux ?

Ou bien, est-ce que l’on a jeté la Vie avec l’eau du bain, jeté quelque chose d’indispensable à notre vie ensemble ? »

L’autre partie de son génie consiste à nous laisser libres de la réponse ! La place « des dieux » a rapidement été usurpée par de faux dieux très dangereux : pouvoir, argent, narcissisme, technoscience au service des précédents, … Même si « l’eau du bain » antérieur était plutôt sale et nécessitait d’être renouvelée, force est bien de constater le délitement actuel extrêmement rapide de la possibilité même du « vivre ensemble » … Il me semble que le Prologue de Jean parle assez bien de ce « quelque chose d’indispensable » :

« Tout devient par lui ; hors de lui, rien de ce qui advient ne devient. En lui la vie la vie la lumière des hommes. La lumière luit dans la ténèbre, et la ténèbre ne l’a pas saisie. »

[παντα δι αυτου εγενετο και χωρις αυτου εγενετο ουδε εν ο γεγονεν εν αυτω ζωη ην και η ζωη ην το φως των ανθρωπων και το φως εν τη σκοτια φαινει και η σκοτια αυτο ου κατελαβεν]

10 – « L’audace de vivre », un des grands livres d’Arnaud Desjardins constitue un bon antidote à cette « peur de la vie, … peur de se risquer à vivre » :

« Soyez audacieux. Soyez fous à votre façon, de cette folie aux yeux des hommes qui est sagesse aux yeux de Dieu. Prenez des risques, cherchez, cherchez encore, cherchez partout, cherchez de toutes les manières, ne laissez échapper aucune occasion, aucune possibilité que le destin vous donne, et ne soyez pas chiches, mesquins en essayant de discuter le prix. »

Swâmi Prajnânpad à qui Arnaud demandait un mantra, une formule courte résumant son enseignement ne lui avait dit que ceci :

« Be happy ! »

Vous pouvez aussi faire preuve d’une belle audace en prenant le risque de la Vision du Soi ! Vous pourriez alors constater qu’au Centre, en « Je Suis », vous êtes véritablement « tout bon, parfait ». Comment rétablir plus efficacement votre estime de soi (de Soi…) que de consentir à ce que le dessin de la note n° 2 ci-dessus soit, réellement, votre « autoportrait » ? Et qu’il ne s’agit pas là de la plus mauvaise façon d’améliorer, indirectement mais sérieusement, le « je suis humain » périphérique. Essayez, vérifiez !

11 – Douglas raconte quelque part cette savoureuse anecdote : enfant il se régalait de grands bols de chocolat chaud, mais son inquiétude augmentait au fur et à mesure que le fond se rapprochait. Parce qu’au fond du bol familial apparaissait alors un « oeil » sévère accompagné de l’inscription « God see you » ! « Vision » et l’ensemble de la Vision du Soi sont peut-être sa réponse créative – ô combien – au souvenir de ces pénibles dégustations ? « Le grand œil qui voit tout » n’est qu’une pitoyable « invention » humaine périphérique ; la réalité centrale de tout être humain est d’être … œil unique, espace d’accueil illimité & inconditionnel de tout. Pourquoi devrait-on avoir peur d’une telle source de joie ?

12 – Il est vrai que nous nous contentons souvent de caricatures, voire que nous choisissons de les préférer. Ainsi un « Dieu » sévère, vengeur, partial et parfois violent de l’Ancien Testament s’installerait en vis à vis du « Dieu qui aime » du Nouveau … Rien ne commence « avec les évangiles » qui renvoient sans cesse à l’AT, c’est toujours « L’Un et l’Autre Testament », c’est toujours « l’Alliance », dans la structure même de cette « bibliothèque » [τὰ βιϐλία].

Quant à l’ « évolution des mentalités et de la forme du pouvoir politique », disons simplement que peuvent aussi surgir de funestes régressions. Notre Président actuel en incarne une, et nullement un mouvement de progrès et de modernité. Cf. la série « avertissement du Président ».

13 – « Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait », c’est une des traductions de Matthieu 5, 48.

[εσεσθε ουν υμεις τελειοι ωσπερ ο πατηρ υμων ο εν τοις ουρανοις τελειος εστιν]

Mais il n’y a qu’André Chouraqui pour se dégager de « parfait » :

Ainsi, vous, soyez intègres comme votre père des ciels est intègre.

Viser cette « perfection » dans la zone périphérique « je suis humain » du dessin de la note n° 2 ci-dessus est une erreur : c’est être assuré de manquer la cible, puisque c’est se tromper de cible ! Mais la « perfection » d’être la totalité du dessin, « Je Suis … Rien & Tout », espace d’accueil illimité & inconditionnel, demeure elle totalement accessible. C’est ce que nous sommes, tous. Vérifiez !

Et « Ne nous conduis pas dans une épreuve mais délivre-nous du mauvais. » se trouve en Matthieu 6, 13.

[και μη εισενεγκης ημας εις πειρασμον αλλα ρυσαι ημας απο του πονηρου …]

Ne nous fais pas pénétrer dans l’épreuve, mais délivre-nous du criminel.

Chouraqui

Ne nous fais pas entrer dans l’épreuve, mais libère-nous du Mauvais.

Sœur Jeanne d’Arc

NB : Quand on remonte la chaîne des strongs hébreux qui part de ponéros, on aboutit à « penes » : pauvreté, indigence. Limiter son existence à la seule zone périphérique « je suis humain » c’est choisir délibérément une très grande pauvreté. Ne cédons pas à la tentation de se contenter de si peu !

14 – Cf. « Nous irons tous au Paradis » !

15 – Là nous sommes en Exode 1, 15-19, avec Schiphra et Pua, deux femmes « splendides ». La désobéissance civile ne date donc pas d’hier … et elle s’enracine souvent dans un terreau spirituel. Nous devrions en prendre de la graine aujourd’hui, confrontés à des dirigeants qui, quoiqu’ils disent & font, ne semblent avoir aucun problème à se « regarder dans la glace ».

16 – Je ne développe pas trop ici cette notion de « fléau », car l’écriture du billet consacré à l’article indiqué en note n° 1 progresse en parallèle. Patience.

Mais je souhaite insister sur l’intérêt très concret de la recherche de Marie Balmary. Quand je lui fait de la « réclame », j’entends souvent à peu près ceci en retour : oui, les textes de « ta » psychanalyste & lectrice des deux Testaments, calée en hébreu & grec biblique, campée dans la Genèse, sont « intéressants », mais … concrètement, qu’est-ce qu’elle peut bien nous apporter, changer, améliorer … ?

Voilà donc une réponse majeure à l’objection, alors qu’elle en est plutôt économe d’habitude :

« … un fléau est fait … pour que l’humanité change de désirs. … Car on ne changera pas de mode de vie si on ne change pas de désir. Ça tient l’économie, le désir. »

Le fait que la mort retrouve une place centrale dans des sociétés qui s’évertuaient jusque là à l’escamoter soigneusement, avec la complicité active de la quasi totalité de leurs membres, sera peut-être de nature à « changer de désirs ». La « vie » exclusivement vécue dans la seule zone périphérique « je suis humain » n’est rien d’autre que la traversée d’un long couloir de la mort.

« Ce fléau », on sait parfaitement qu’il provient tout droit de l’avidité humaine qui constitue le carburant de la mondialisation néolibérale. Dans « Contagion », film de Steven Soderbergh (2011), la séquence décrivant le jour 1 de la pandémie intervient à la toute fin du film : un bulldozer rase une forêt tropicale pour construire un quelconque nouveau bâtiment industriel & commercial. Ce qui chasse une chauve-souris porteuse d’un virus inconnu vers la charpente d’une porcherie. Des « miettes » de sa nourriture sont mangés par un porcelet, qui infecte un cuisinier, qui lui même etc … Et c’est parti (et reparti comme suggéré) pour un très rapide tour du monde grâce au réseau aéronautique, avec des millions de morts. Cet habile montage décrit très précisément le fonctionnement de « la fabrique des pandémies ». Comme les causes ne sont pas modifiées, les conséquences demeurent … Quand les passions seront calmées, on découvrira peut-être que la principale utilité de la vaccination aura été de permettre au « business as usual » de perdurer encore un peu … qui sait ?

17 – Encore un bien beau paragraphe. Mais ce qui est mis en question là, “les verbes « avoir », « pouvoir »”, c’est ce qui nous est habituellement présenté comme l’essence de la « civilisation » occidentale, désormais reprise à son compte par la quasi-totalité d’un monde mondialisé et converti au néolibéralisme. Un monde où l’hubris – la démesure – est devenu la règle, la « civilisation du viol » dénoncée par Samivel (Cf. note n° 3), et où, heureusement, la nemesis – le juste retour de bâton pour rétablir un équilibre viable – s’est désormais mise au travail : pandémies, événements  climatiques extrêmes de plus en plus fréquents, raréfaction des ressources, guerres …

Comme les humains ne cultivent guère la sagesse des limites, comme ils ne semblent pas – encore – collectivement disposés à l’indispensable « retrait sans réserve, organisé et durable », la nature, qui n’est pas un vague concept juridique avec qui négocier des contrats que nous ne respecterions pas de toutes façons, va s’employer à corriger implacablement nos erreurs de toute sa puissance. De sa toute puissance … Afin que « des voies d’avenir » restent ouvertes.

18 – Là encore il est possible de tenter un rapprochement avec le texte de Sir Crispin Tickell évoqué dans la note précédente. Les « premiers de cordée » (!) de l’impasse néolibérale triomphante sont pour la plupart « de jeunes adolescents révoltés – intelligents et doués, mais bien trop avides et égoïstes« . Beaucoup conservent d’ailleurs ces deux dernières caractéristiques en vieillissant, et ne réservent une timide bienveillance qu’envers un cercle étroit de très proches. Et, malheureusement, de nombreux dirigeants politiques les imitent et/ou leur ressemblent désormais, une ambition démesurée en sus.

Bien que la plupart d’entre eux rabâchent sans cesse le mot « great », ils demeurent au plus loin de la « vraie grandeur », ne s’étant eux-mêmes pas « accomplis » au sens spirituel du terme. Dépourvus de l’expérience de la « métamorphose », du « passage essentiel », de l’éveil à leur véritable nature, ils sont incapables d’imaginer et de conduire le radical changement de cap auquel nos (dis)sociétés seront de toutes façons contraintes à assez brève échéance.

La Vision du Soi selon Douglas Harding nous donne elle aussi un « commandement » nouveau : l’asymétrie. Essayez, vérifiez si elle peut être pour vous aussi une « voie d’accomplissement », si elle vous permet de « grandir, devenir un être qui peut parler et vivre avec l’autre ».

« Je vous donne une misva nouvelle: aimez-vous les uns les autres. Comme je vous aime, vous, aimez-vous aussi les uns les autres. »

[εντολην καινην διδωμι υμιν ινα αγαπατε αλληλους καθως ηγαπησα υμας ινα και υμεις αγαπατε αλληλους]

Évangile de Jean 13, 34

19 – Est-ce que la pandémie de Covid-19 – et toutes celles qui suivront … – vont permettre de poser enfin sereinement la question de la surpopulation ? Cela reste un tabou des plus puissants, que nos voisins anglais s’efforcent de  considérer de manière pragmatique, en n’oubliant jamais que « La civilisation a l’épaisseur de trois repas ». Ainsi l’association population matters indique clairement qu’il n’existe aucune réponse viable aux défis de la crise systémique pour une population humaine de presque huit milliards d’habitants, en croissance continue … C’est sans doute sur ce plan là d’abord qu’il conviendrait de planifier « une retraite réussie, bien organisée ».

Personne ne gagnera « la guerre des ventres », ni les chrétiens ni les musulmans, ni les chiites ni les sunnites, ni les palestiniens ni les israéliens, ni les latinos ni les wasp, etc … Mais la bombe P et les guerres bien réelles qui risquent de l’accompagner causeront notre perte à tous.

Il ne me semble pas que la « stratégie vaccinale » exclusive soit la meilleure façon de « bien prendre » le « refus » de la Nature … Mais ce débat risquerait de nous entraîner fort loin, alors que ce billet est déjà bien trop long …

Juste encore un mot à propos de cette phrase : « Le pire, c’était la perdition de son âme ». Il serait sans doute plus précis d’écrire que le pire c’est plutôt de ne pas naître à la dimension de l’Esprit … Cf. ce billet, relatant ma rencontre de Marie Balmary dans le grand œuvre de Michel Fromaget.

Par Jean-Marc Thiabaud

Jean-Marc Thiabaud, 65 ans, marié, deux fils, un petit-fils.
La lecture de "La philosophie éternelle" d'Aldous Huxley m'oriente précocement sur le chemin de la recherche du Soi.
Mon parcours intérieur emprunte d'abord la voie du yoga, puis celle de l'enseignement d'Arnaud Desjardins.
La rencontre de Douglas Harding en 1993 me permet d'accéder à une évidence que je souhaite désormais partager.

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