Dans la continuité de l’article précédent, je me propose de rappeler aux « happy few » lecteurs de volte-espace qu’il existe un très utile & merveilleux livre de Frédérick Leboyer :
« Shantala, un art traditionnel. Le massage des enfants ». (0)
Et que ce livre invite les parents (et grands-parents !) à « masser » les enfants et donne toutes les indications nécessaires pour ce faire. Lancez-vous dans cette pratique, ne vous contentez surtout pas de regarder les photos et de lire ce texte … technico-poétique !
« Nourrir l’enfant ? Oui. Mais pas seulement de lait. Il faut le prendre dans les bras, il faut le caresser, le bercer et le masser. Ce petit, il faut parler à sa peau, il faut parler à son dos qui a soif et faim autant que son ventre. Dans les pays qui ont conservé le sens profond des choses, les femmes savent encore qu’il faut parler à la peau des bébés car elle a soif et faim autant que leur ventre. Les femmes ont appris de leur mère, elles enseigneront à leurs filles, cet art profond, simple et très ancien qui aide l’enfant à accepter le monde et le fait sourire à la vie. »¹
« Le massage des bébés est un art aussi ancien que profond. Simple mais difficile, difficile parce que simple. Comme tout ce qui est profond. Dans tout art, il y a une technique. Qu’il faut apprendre et maîtriser. L’art, lui, n’apparaîtra qu’après ».²
&
La vidéo ci-dessus vous offre tout ce dont vous avez besoin pour commencer à pratiquer … sans tarder : rappelez-vous la sagesse de Bob Lee Swagger !
« J’ai des principes quand j’ai une tâche à accomplir. Tout d’abord, ne jamais remettre à plus tard. Ensuite, travailler chaque jour sans relâche. Enfin, aller jusqu’au bout. C’est la seule manière de procéder. Toute autre méthode ne peut conduire qu’à des illusions. »
Mais j’ai découvert sur le wouèbe un intéressant pas à pas qui fleurait bon l’authentique, la joie, la passion. Merci à Jo et Pascal les auteurs de ce blog … et à Mattéo :
« Je vous propose ici en vrac ce que j’avais pris en note à ma lecture du livre de Leboyer il y a déjà deux ans de cela. Bien sûr, je vous invite à vous procurer ou emprunter ce livre bijou !
La technique
– Pièce chauffée. Huile tiédie si possible, sinon réchauffée dans nos mains par le frottement. En Inde ils utilisent l’huile de moutarde en hiver et l’huile de coco en été. Moi j’ai adoré masser avec l’huile d’olive bio, c’est ce qui est utilisé dans les pays du Maghreb, c’est facile à trouver et ça sent divinement bon ! Ce qui essentiel est que ce soit de l’huile végétale (olive, sésame, amande douce, etc.) et non minérale (éviter à tout prix les huiles et crèmes type Vaseline à base de pétrole). La peau « boit » donc il faut que ce soit une huile qu’on pourrait consommer en cuisine.³
– Bébé nu (c’est fascinant de constater à quel point le massage booste la circulation sanguine et lymphatique, il est déjà arrivé que je doive arrêter 5 fois en une demi-heure pour lui faire faire pipi !), on peut placer une serviette (imperméable ou non) entre l’enfant et nos jambes mais l’idéal est le peau à peau.
– Bébé devrait idéalement être à jeun (ce qui n’est pas évident pour un nourrisson allaité quasi continuellement) et si possible, le massage est suivi du bain pour compléter l’effet de relaxation et la pénétration de l’huile dans le corps. On peut masser le bébé le matin et le soir avant le sommeil. Le massage dure environ 30 minutes, mais le but est d’être à l’écoute du bébé et de ne pas regarder sa montre. On peut commencer des mini-massages dès la naissance mais pour le vrai massage tel que décrit ultérieurement il est conseillé d’attendre que le bébé ait 1 mois.
– La mère doit être assise par terre à même le sol (pour prendre contact avec la Terre ?), les jambes allongées, le dos droit, les épaules détendues. Le silence est important. Il faut être là, parler avec les yeux, les mains et tout notre être. (4)
– Le rythme est lent tout au long du massage mais la pression augmente au cours du massage. Les massages sont vigoureux, il ne s’agit pas d’une caresse, mais bien sûr il ne faut pas que cela fasse mal à l’enfant. Chaque mouvement décrit en détail ci-dessous (avec le nom que je lui ai inventé comme sous-titre) est à répéter plusieurs fois lentement.
1) La poitrine
– latéral : mains à plat au milieu de la poitrine ( niveau du cœur, entre les deux mamelons du bébé). Chacune part de son côté comme pour mettre les pages d’un livre bien à plat. Les mains travaillent simultanément mais en sens opposé (du centre vers les flancs de l’enfant).
– X : mains travaillent à tour de rôle. Main droite à plat sur ischion gauche du bébé, puis remonte en diagonale sur le torse vers l’épaule droite du bébé. La fin du mouvement : le bord externe de la main glisse contre le cou du bébé. Une main après l’autre, comme des vagues.
2) Les bras
– bracelet saucisse : bébé sur le côté (moi ça ne marchait pas, je le laissais sur le dos). Former bracelet (lettre O) avec pouce et index et entourer le bras du bébé. Masser de l’épaule au poignet. L’autre main tient en hauteur la main du bébé. Une main après l’autre.
– essorer : les 2 mains simultanément (l’une par-dessus l’autre donc le pouce touche l’auriculaire de l’autre main) encerclent bras du bébé et « essorent » comme si on voulait enlever l’eau d’une serviette mouillée. Les deux mains « tournent » donc en sens opposé. Partir de l’épaule vers les mains du bébé. Important : insister sur les poignets du bébé.
3) Les mains
– avec pouces masser mains du bébé paume vers les doigts.
– faire plier les doigts du bébé.
– faire l’autre bras et main du bébé.
4) Le ventre
– vagues pour vider ventre : mains travaillent une à la fois, l’une après l’autre. Poser à plat la main sur la base de la poitrine là où les côtes s’ouvrent. Descendre la main à plat vers le bas du ventre (vers soi). Faire par vague, une main puis l’autre. Bébé peut avoir ses jambes écartées autour de notre taille.
– idem mais massage avec l’avant bras au lieu de la main.
5) Les jambes
– idem que bras et pieds. Toujours partir du tronc vers les extrémités pour évacuer la tension.
6) Le dos
Très important le massage du dos, il faut s’y attarder (pour Matteo c’était pas évident, je le faisait pas longtemps), le mettre à plat ventre, perpendiculaire à mes jambes, tête du bébé à ma gauche.
– ascenseur haut-bas : faire aller les mains à plat de haut en bas, vu de notre perspective (ex : la main gauche monte vers le haut : le flanc droit du bébé et en même temps la main droite descend vers le bas : le flanc gauche du bébé). En même temps déplacer le mouvement vers la droite (du cou vers les fesses) puis remonter au cou. Surtout exercer pression quand les mains vont vers l’avant (poussent).
– cascade : seule la main gauche travaille, la descendre à plat de nuque jusqu’aux fesses. Quitter corps et recommencer à partir de la nuque. Pendant que la main gauche bouge, la main droite embaume solidement les fesses du bébé et s’oppose à la poussée de la main gauche. C’est l’aspect statique versus dynamique.
– idem que cascade mais aller jusqu’aux pieds avec la main gauche. La main droite maintient les jambes allongées en tenant les pieds.
7) La face
– troisième œil : massage du front avec le bout des doigts. Du milieu du front vers les côtés en longeant le dessus des sourcils. À chaque fois, aller un peu plus loin pour finalement redescendre le long des joues jusqu’au menton où les doigts se rejoignent.
– nez : masser la racine du nez avec les pouces. De bas en haut puis de haut en bas. Très petit mouvement, très léger. Le temps actif est quand on va vers le haut.
– larmes : des yeux à la bouche. Pouces légèrement sous les yeux (on ferme les paupières ainsi) puis descendre le long du nez jusqu’au bas des joues. Masser aussi les oreilles (Matteo adorait ça et baillait à tous les coups à ce moment).
8) Yoga : étirements ouvrir-fermer
C’est une de mes parties préférées et la seule que mon fils aime encore faire à 20 mois. Ces étirements sont possibles à la fin du massage car le corps est tout souple et détendu. Le but est d’évacuer les dernières tensions qui auraient pu se loger dans les articulations du dos, on veut libérer toute la colonne, ouvrir et relaxer le bassin et permettre une meilleure respiration.
– câlin avec les 2 bras : Ouvrir grand comme jésus sur la croix puis fermer comme si le bébé se faisait une grosse collade à lui-même en croisant ses bras sur son torse. Croiser d’abord avec le bras gauche du bébé par-dessus puis après avec le droit par-dessus. (5)
– X, bras et jambe opposés : étirer vers les extrémités puis croiser : le pied gauche du bébé arrive à son épaule droite et sa main droite arrive à sa hanche gauche. Puis faire l’autre bord.
– lotus : tenir pied gauche du bébé avec main droite et idem l’autre bord, écarter jambes vers l’extérieur puis les replier en position de lotus (méditation), recommencer avec l’autre jambe par-dessus lors du croisement.
Je vous laisse sur cette belle photo où l’on sent toute la douceur et la force, la détente et l’éveil de ces mains brillantes d’huile sur le corps nu du bébé. Comme le dit Leboyer, le Shantala n’est pas une technique, c’est un Art. »
&
Une courte analyse du livre par Gaëlle Robert dans le cadre d’une formation au massage. Elle se termine ainsi :
« Voyez-vous, pour libérer, il faut être libre soi-même. On ne peut donner ce qu’on n’a pas. Libérer quoi ? Cette force qui sommeille encore dans le corps du bébé. Cette force, toute prête à s’éveiller, fleurir, couler. Qui s’appelle la vie. Et qui devient toujours plus forte, plus riche en vous à mesure que vous la donnez. »
Cordialement
0 – Ce trésor, initialement paru en mai 1976, a été réédité aux éditions du Seuil en septembre 2018, et se trouve régulièrement proposé en occasion.
¹ – Il s’agit bien de « massage », mais au sens le plus large du terme : « nourrir » avec ses mains & son regard & son corps total – corps & âme – esprit – de présence, d’attention, de bienveillance … d’amour.
Si tous les bébés étaient « massés » aussi soigneusement, il est probable que le cours de notre monde changerait …
² – « Simple mais difficile, difficile parce que simple. » Un art qui présente donc une assez grande similitude avec la Vision du Soi selon Douglas Harding. Ne vous laissez pas impressionner par des mots : « art … technique … apprendre et maîtriser ». Prêtez juste attention à cette « soif et faim de la peau du bébé », n’essayez pas de … mais « massez-le », constatez les effets … persévérez.
³ – La marque Weleda propose une Huile de Massage Douceur au Calendula. Mais il est tout à fait possible d’utiliser de l’huile de sésame bio, seule ou en mélange.
4 – « Il faut être là, parler avec les yeux, les mains et tout notre être » : il convient d’être soigneusement installé dans le face-à-espace, conscient d’être cet espace d’accueil illimité & inconditionnel … que le bébé est encore totalement lui aussi, sans en avoir conscience. Communier dans cet espace commun, y voir danser le ballet des mains …
5 – Tabernacle ! J’adore cette « grosse collade à lui-même » !
Et effectivement, « jésus sur la croix » est ouverture totale, espace d’accueil illimité & inconditionnel … Notre « autoportrait » à tous nous représente dans la même posture – croix et clous en moins – qui vaut largement tous les asanas. Essayez, vérifiez !