Dans la continuité du billet précédent,et notamment de cette parole prophétique :
« Le virus, c’est l’obscur désir qui jette les humains dans la destruction de leur humanité. »
… je vous propose ci-dessous la troisième partie d’un des derniers textes écrits par Maurice Bellet pour son blog, assorti de quelques commentaires en lien avec la Vision du Soi selon Douglas Harding.
&
La phrase ci-dessus s’insère dans un plus long développement :
« Car c’est un désastre. Quoi ? Les malheurs de l’écologie, le désarroi du politique, le retour des fanatismes, le terrorisme, le chômage, les immigrés ? Non. Bien sûr, tout cela est très ennuyeux – et c’est peu dire. Mais ce sont des symptômes ; la vraie maladie est ailleurs. Que dirons-nous ? Un cancer ? Un virus mortel ? Au fond, les deux images – cancer et virus – sont assez bonnes. Le cancer, c’est cette prolifération monstrueuse de tout et de n’importe quoi qui est en train de rendre joyeusement la planète inhabitable. Le virus, c’est l’obscur désir qui jette les humains dans la destruction de leur humanité. Et l’ensemble, c’est un délire : la raison (science et technique) y fonctionne à plein, obéissant à des principes fous. »
Ce n’est ni un jeune collapsologue en mal de reconnaissance ni un vieux révolutionnaire désabusé qui auront fait ce constat sans appel, mais un vieux (95 ans) … prêtre & philosophe & psychanalyste. Chapeau bas Monsieur Bellet ! Personnellement je ne trouve rien à redire à ce diagnostic éclairé qui rejoint bien d’autres recherches.
Si la suite de son billet énumère quelques raisons d’espérer envers et contre tout, il se conclut par une question assorties de nombre de conditions qui méritent une lecture attentive, et même plusieurs.
« … Si donc on veut que tous ces combats pour une humanité vraiment humaine (0) ne s’égarent pas finalement dans l’impuissance¹, il faut finalement, en quelque sorte, une action du second degré².
Mais qu’est-ce que ça peut bien être, si nous refusons les grands systèmes et les grosses institutions³ ?
Il ne faut pas se presser de répondre. Il faut laisser la question peser son poids. Elle pèse lourd. (4)
Qu’est-ce qui peut rassembler tous les humains ?
Et les rassembler par ce qui, en eux, est le meilleur, le plus haut, le plus vivant, le plus libre ? (5)
Et de telle sorte que chacune et chacun puisse y trouver son chemin ?
Et que toute culture, toute tradition, tout peuple puisse y trouver place ? (6)
Et que ce ne soit pas idée, programme, idéologie, mais expérience ? (7)
Et que ce soit assez puissant pour nous délivrer de nos inconsciences ? Et pour combattre avec succès la folie meurtrière qui nous habite ? (8)
Et que toute science, tout art y trouvent une force nouvelle, dans un espace si grand que nous n’aurions osé y rêver, parce que l’astrophysique elle-même ne nous donne qu’une figure possible de cet espace-là ? (9)
Et que tout repose sur un point indestructible, en-deçà, au-delà de toutes nos certitudes et inquiétudes, un je-ne-sais-quoi pour nos raisons trop courtes, et qui soit capable de survivre à l’invasion du chaos ? (10)
Est-ce que nous avons au moins un nom pour désigner ça ? Je ne sais pas, je ne crois pas.
Révolution ? Mais les révolutions, c’est l’âge moderne, prisonnier des postulats de la modernité. Et nous sommes encore en deuil de la dernière en date, le communisme. Nous n’avons plus le goût de ces bouleversements sanglants ; et ils nous coûteraient trop chers. (11)
Alors quoi ?
Peut-être faut-il le temps nécessaire, habiter cette question-là. Elle remue tout. Elle nous touche en tout.
Et l’avenir est probablement pour celles et ceux qui auront su la porter assez longtemps. » (12)
Cordialement
0 – S’il ne vous apparaît pas clairement que « l’humanité » n’est pas encore « vraiment humaine », c’est soit que vous êtes sans doute peu, voire pas du tout informé, soit alors excessivement optimiste !
Comme l’a si précisément écrit l’indispensable Marie Balmary :
« L’accès à l’humanité n’est pas héréditaire. Seule l’aptitude à l’humanité l’est.»
« La divine origine, Dieu n’a pas créé l’homme »
(Chapitre 5 – début du 2° paragraphe – Éditions Grasset 1993 et Livre de Poche Biblio Essais.)
Cette citation est très souvent reprise sous une forme tronquée : « L’humanité n’est pas héréditaire », qui ne rend pas justice à la précision d’expression de l’auteur.
Oui, c’est peut-être difficile à reconnaître pleinement, mais une « humanité » qui parvient à un tel stade de « désastre » et de « délire » n’est effectivement pas encore vraiment humaine. Nous nous trompons de chemin, nous continuons d’errer dans un désert … Nous sommes très nombreux à être personnellement affectés par ce « cancer » et par ce « virus ».
¹ – Les actions entreprises pour contrer la pandémie de Covid-19 n’ont-elles pas largement contribué à renforcer cette « impuissance » ? A conforter conjointement « cancer » et « virus » ?
² – Cette proposition d’une « action du second degré » me parle beaucoup parce qu’elle rejoint une intuition fondamentale de Douglas Harding. Pour ce dernier il était illusoire de penser pouvoir transformer, améliorer, le « petit » (vous, moi, tout un chacun) de la zone « je suis humain » du dessin ci-dessous – et donc la totalité de ses relations – autrement qu’en établissant d’abord une relation forte au « Je Suis » central. Qu’en reconnaissant que ce Centre, cet espace d’accueil illimité & inconditionnel de la totalité du tableau, de tout l’univers, EST notre véritable nature.
Cette « action du second degré » constitue la seule bonne façon de faire, et c’est pourquoi la Vision du Soi peut représenter une bonne partie de la réponse à la question « Qu’est-ce qui peut rassembler tous les humains ? ». Sans doute à condition d’organiser un tout petit peu mieux son partage …
³ – Ce sont justement « les grands systèmes et les grosses institutions », qui ont largement contribué à entretenir et diffuser « cancer & virus ». Pour se maintenir et se renforcer, elles ont besoin que ces deux maladies perdurent. Il nous faut, absolument, retrouver des institutions à taille humaine, leitmotiv d’Ernst Friedrich Schumacher, dans la continuité de l’intuition géniale de Leopold Kohr :
« Chaque fois que quelque chose va mal, quelque chose est trop gros. »
Vœux pieux pour 2021 : que toutes les baudruches qui prétendent diriger les affaires du monde en appelant au « great again » relisent Schumacher et Kohr … Qu’individus & sociétés terriblement aliénés retrouvent le chemin de la santé …
4 – N’y voyez surtout pas l’expression de mon caractère impatient, mais je crois qu’il faut au contraire « se presser de répondre » à cette immense question. Parce que l’humanité est désormais sur ces seuils de basculements qui pourraient s’avérer irréversibles … Je ne crois pas, je ne pense pas, mais je sais que la Vision du Soi selon Douglas Harding peut – pourrait, si vous y tenez vraiment – « rassembler tous les humains ».
5 – Cette proposition de rassemblement par « le meilleur, … le plus vivant, le plus libre » est l’inverse exact de toute la bimbeloterie qui nous est fourguée aujourd’hui. Je me suis permis de sortir « le plus haut » de la liste, parce qu’il me semble contrevenir à la direction indiquée pour les autres qualités : « en eux ». Il convient en effet de sortir résolument de cette polarisation intégrale vers l’extérieur. Le geste ci-dessous nous y convie :
Faites-le pour de bon, maintenant, en lisant ce billet. Puis aussi souvent que possible, physiquement, jusqu’à ce qu’il soit inscrit mentalement …
6 – « chacune et chacun … toute culture, toute tradition, tout peuple » … Ces conditions peuvent sembler terriblement ambitieuses, voire complètement irréalistes. Pourtant, un quart de siècle après avoir découvert la Vision du Soi, je ne vois toujours pas le moindre empêchement au partage de ce « chemin » universel.
Je compare souvent la Vision du Soi à un système d’exploitation universel, l’OS ultime et ultimement simple, capable de faire « tourner » de manière optimale toutes sortes d’applications, pour ne pas dire toutes. Un peu comme Linux en fait : il y a moins bien, mais c’est beaucoup plus cher ! Mais cette « entrée principale » est plutôt un système de libération ! Ne vous laissez surtout pas « enduire d’erreur » par cette considérable proposition, ayez l’audace de l’essayer, de la vérifier !
7 – Le cœur du problème se situe incontestablement là :
Et que ce ne soit pas idée, programme, idéologie, mais expérience.
De pleins tombereaux de concepts encombrent notre mental. Les « idée, programme, idéologie » saturent les banques de données et échauffent les fermes de serveurs. Diverses expériences ont certes été disponibles avant que Douglas n’inventent les « siennes » : rites, retraites diverses (de trois ans trois mois trois jours ou autre forme & durée), 30 ans de zazen … pour commencer, yoga, qi gong, … Et certaines sont effectivement de grande qualité, mais … D’une part elles ne portent des fruits que sur le long, voire très long, terme. D’autre part le risque est immense de ne les pratiquer que dans la zone « je suis humain » du dessin de la note n° 2 ci-dessus, avec de trop rares accès au « Je Suis » central.
Les géniales expériences de la Vision du Soi – simples, concrètes, joyeuses – permettent de commencer par l’éveil, la nouvelle naissance, la libération … (le nom n’a guère d’importance). Et qui, de tous temps & toutes traditions n’a jamais constitué qu’un point de départ. Je renvoie le lecteur intéressé à la quatrième des « dix croyances du chercheur spirituel » de mon ami Alain Bayod : « La découverte du Soi est le but du Chemin ». Cette « croyance » est une catastrophique erreur.
« Life is short, eat dessert first ! »
Est-ce que vous voulez vraiment « passer sur l’autre rive » ? En aurez-vous l’audace ?
8 – Mais pour que la Vision du Soi constitue quelque chose d' »assez puissant pour nous délivrer de nos inconsciences », encore faut-il valoriser suffisamment l’expérience initiale par une « discipline assidue ». Une « ascèse de vivification » comme dirait Bernard Besret, passionnante, jamais ennuyeuse, toujours joyeuse … Peut-être bien « Le seul espoir » pour « combattre avec succès la folie meurtrière qui nous habite. » …
9 – La structure ramassée de mandala du dessin de la note n° 2 ci-dessus ne rend pas totalement justice à cet « espace si grand que nous n’aurions osé y rêver ». L’expérience de cette « immensité intérieure » est sans limite dans toutes les directions, en-deça du « Je ne suis rien » comme au-delà du « Je suis tout » … Mais, essayez donc, vérifiez !
10 – Par l’écriture seule il m’est impossible de vous convaincre de l’existence de ce « point indestructible ». Personne n’y est jamais parvenu en réalité. Mais rien n’est plus facile, évident, grâce à la palette d’expériences de Vision du Soi inventées & offertes par Douglas Harding. J’avoue avoir un peu de mal, depuis le temps que je crie dans le désert, à comprendre qu’aussi peu de personnes souhaitent les essayer pour être « capable de survivre à l’invasion du chaos » … ?
11 – Je ne suis pas sûr de partager l’optimisme de feu Maurice Bellet, quand il écrit :
« Nous n’avons plus le goût de ces bouleversements sanglants ; et ils nous coûteraient trop chers. »
Il me semble que feu George Steiner a probablement raison quand il se dit convaincu que l’homme ne peut pas ne pas ouvrir la dernière porte du château de Barbe-Bleue … quoiqu’il en coûte.
« Les révolutions, c’est l’âge moderne, prisonnier des postulats de la modernité. » Voilà une phrase qui convient parfaitement au livre-programme de notre Président …
12 – « Peut-être faut-il le temps nécessaire, habiter cette question-là. Elle remue tout. Elle nous touche en tout. …
Qu’est-ce qui peut rassembler tous les humains ?
Et l’avenir est probablement pour celles et ceux qui auront su la porter assez longtemps. »
Alors quoi ?
Alors pourquoi pas la Vision du Soi selon Douglas Harding. Au moins, essayez, vérifiez …
2 réponses sur « Qu’est-ce qui peut rassembler tous les humains ? Maurice Bellet »
Quand l’empire romain est arrivé à son terme, il lui a bien fallu laisser la place. La suite à été douloureuse pendant longtemps mais ça en valait la peine avec quelques siècles de recul. Si notre monde est arrivé à son terme, le « virus » n’est-il pas ce qui met le feu aux poudres comme la poussée des Huns et le Rhin gelé en 431 ?
Salut Denis,
Tu as raison historiquement parlant. Mais l’empire romain ne constituait qu’un petit canton du monde de l’époque, et le désastre est resté relativement localisé. Aujourd’hui la Covid-19 provient de la mondialisation d’une planète qu’elle menace dans sa quasi entièreté, tout comme le dérèglement climatique, comme l’épuisement des ressources, etc … Tout cela risque de produire autrement plus de chaos et de souffrances …
Et quand on sait qu’à l’origine, en simplifiant à peine l’équation, se trouve l’avidité humaine, on se dit que notre ami Bouddha avait plutôt visé juste ! Espérons que nous saurons mieux contenir la poussée des « barbares » cette fois-ci, même s’ils sont déjà parmi nous.
Bonne journée, bonnes giboulées !
Amitiés
Jean Marc