« Mon Dieu, cette époque est trop dure pour des êtres fragiles comme moi. Après elle, je le sais, viendra une époque beaucoup plus humaine (0).
J’aimerais tant survivre pour transmettre à cette nouvelle époque toute l’humanité que j’ai préservée en moi malgré les faits dont je suis témoin chaque jour¹.
C’est aussi le seul moyen de préparer les temps nouveaux : les préparer déjà en nous. »²
« Journal », le 20 juillet 1942
« Soyons bien convaincus que le moindre atome de haine que nous ajoutons à ce monde nous le rend plus inhospitalier qu’il n’est déjà. »
« Journal », le 23 septembre 1942
« Oui, la détresse est grande, et pourtant […] je sens monter de mon cœur – je n’y puis rien, c’est ainsi, cela vient d’une force élémentaire – la même incantation : la vie est une chose merveilleuse et grande, après la guerre nous aurons à construire un monde entièrement nouveau et, à chaque nouvelle exaction, à chaque nouvelle cruauté, nous devrons opposer un petit supplément d’amour et de bonté. »³
Lettre du 3 juillet 1943
Cordialement
0 – Disons que la vie est effectivement moins dure que sous le nazisme avec son obsession insensée d’exterminer juifs, tziganes, homosexuels, communistes, handicapés, résistants, spirituels … Mais la dureté s’est déplacée dans cette guerre économique de tous contre tous, de course folle à la richesse matérielle & symbolique, à la puissance et à la fausse « grandeur » et, pour l’instant, une « humanité » satisfaisante n’est toujours pas au rendez-vous. Il me semble d’ailleurs que subsiste un lien de « parenté » inconscient – et à mon humble avis insuffisamment travaillé par les intellectuels – entre ces deux époques, et que nous n’avons guère retenu la leçon du premier désastre …
Je suis persuadé que tant que la conception anthropologique dominante restera aussi incomplète – rien qu’un corps et un mental, corps & âme dans la terminologie de Michel Fromaget – et donc fausse, aucun progrès en humanité ne sera véritablement possible. Et aucun progrès décisif non plus dans la sauvegarde de notre maison-mère à tous, Gaïa.
Il conviendrait de passer – rapidement et radicalement – à une conception complète, Corps & Âme – Esprit, la seule qui permette de réaliser cette indispensable « transformation si totale du sens de la grandeur » étudiée par Simone Weil. « Passer », pas revenir à je ne sais quel âge d’or fantasmé.
Je suis persuadé que la réalisation de ce projet – le seul projet réellement vital – nécessitera un recours massif à la Vision du Soi selon Douglas Harding et à sa « méditation pour la place du marché ». Je sais, c’est complètement insensé de l’écrire ainsi aujourd’hui, à l’heure où cette méthode demeure si inexistante médiatiquement, si incomprise et contestée par ceux qui ne l’ont même pas honnêtement essayée et pratiquée, aussi peu organisée … Mais je persiste et signe !
Rappel : la Première Personne compte toujours à partir de 0, moyen habile (upaya) de, notamment, transformer les groupes de quatre personnes en groupe de trois … Et également de réduire à néant le concept erroné d’« environnement ». Essayez, vérifiez … n’en croyez pas un traître mot !
¹ – Les écrits d’Etty ont survécu, et l’intérêt qu’ils suscitent dans le déluge de livres insignifiants, voire nocifs, de chaque rentrée littéraire – business as usual oblige – constitue un signe encourageant. Des pièces de théâtre sont inspirées de ses écrits, des études lui sont consacrées. Mais avec un peu de chance nous devrions échapper au « biopic » … !
« Les faits » ne sont plus exactement les mêmes. Mais la violence continue d’être bien présente aux quatre coins d’un monde désormais soumis à la barbarie de la mondialisation & des réactions qu’elle suscite, et que la dégradation climatique avec toutes ses conséquences néfastes ne peut qu’exacerber. La génératrice de « haine » continue de tourner à plein régime, « l’humain » est loin d’être tiré d’affaire …
« Toutes les horreurs et les atrocités perpétrées ne constituent pas une menace mystérieuse et lointaine, extérieure à nous, mais elles sont toutes proches de nous et émanent de nous-mêmes, êtres humains. »
C’était vrai en 1943, ça le reste aujourd’hui.
² – Voilà la grande leçon d’Etty Hillesum que nous avons à intégrer : « … le seul moyen de préparer les temps nouveaux : les préparer déjà en nous. »
Elle rejoint bien sûr les diverses formulations du Mahatma Gandhi :
« Vous devez être le changement que vous voulez voir dans ce monde. »
« Commencez par changer en vous ce que vous voulez changer autour de vous. »
Quel changement plus désirable & indispensable que d’incarner la « grandeur » consistant à être Ici au Centre espace d’accueil illimité et inconditionnel – contenant ultime – fondement de la fraternité et de l’amour ?
Utopie ? Évidemment. Mais toutes les autres solutions « raisonnables » n’ont-elles pas été essayées, n’ont-elles pas plutôt lamentablement échouées ? N’est-il pas temps de cesser de tourner en rond ?
³ – Cette « force élémentaire » qu’Etty « sent monter de son cœur » – c’est très précisément « Cela » … ! Non seulement « Cela » peut « marcher », mais « Cela » va marcher, puisque, en dépit de toutes nos gesticulations plus ou moins stériles, il s’agit de la seule Non-chose efficace et efficiente, de la seule Réalité en laquelle nous puissions avoir totalement confiance.
Mais ne soyons surtout pas mesquins en mesurant de « petit supplément d’amour et de bonté ». Même si notre lumière intérieure nous effraye, « Jouer petit ne sert pas le monde ». Acceptons joyeusement, sans hésiter, ce retour au Centre, au Je Suis , qui seul permet que la vie soit « une chose merveilleuse et grande ». Encore une fois, la Vision du Soi selon Douglas Harding peut vous y aider … vérifiez !
NB : C’est dans une belle page du site « L’aquarium vert » : Etty Hillesum, « le cœur pensant de la baraque », que j’ai retrouvé la référence à cette expression utilisée dans l’article consacré à Françoise Nyssen.
« Ce blog littéraire est à penser comme le rassemblement de ces étoiles polaires, voix tues ou trop faibles, trop singulières pour être perçues dans le bruit assourdissant de notre temps. »
Claire Laloyaux