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4 - Méditation

Pratique du zen vivant, « exposé » 6 – Jacques Brosse

Rappel : « Pratique du zen vivant »  relate les alternances d’exposés (« teishô ») et de questions & réponses de treize sessions intensives de zazen dirigées par Jacques Brosse entre le 26 décembre 2000 et Pâques 2004.

Je présente lors de la séance hebdomadaire de Méditation dans l’esprit du zen & sur ce site quelques points saillants de ces exposés, bien entendu en lien direct avec la pratique de la Vision du Soi selon Douglas Harding. Libre à vous de déposer ensuite vos questions et/ou commentaires, de lire (et relire …) ce livre de Vie. Je me permets cependant de vous recommander de le lire pour vérifier si « les experts ont bien “pigé le truc” ».

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  1. « Il faut cesser de regarder [au dehors] ; il faut, fermant les yeux, échanger cette manière de voir pour une autre et réveiller cette faculté que tout le monde possède, mais dont bien peu font usage […] Il faut que la conscience se retourne du dehors vers le dedans […] En fait, il faut devenir soi-même l’Esprit, se faire soi-même vision […] En voyant les êtres, l’Esprit se voit lui-même ; son regard se réalise et il est lui-même cette réalisation. Car le pensant et son acte de pensée ne font qu’un. » Ce n’est pas un maître zen qui s’exprime ainsi, c’est Plotin, philosophe païen du 3° siècle. « Toute l’œuvre de Plotin, les Ennéades compilées par Porphyre, n’est au fond qu’un immense commentaire de cet éveil qui n’est pas, somme toute, très différent du nôtre, sauf que Plotin l’exprime comme un retour vers le divin, comme une prise de conscience de la présence en lui du divin, avec lequel, pendant un court moment, il s’identifie. Pourtant, Plotin répugne à employer le mot dieu. S’il est fondamentalement monothéiste, son Dieu n’est pas celui des chrétiens, ses contemporains. Ce divin, il l’appelle l’UN, le principe de tout être, de toute chose, inaugurant ainsi ce qui fut appelé plus tard l’apophatisme … » La seule différence avec la méditation dans l’esprit du zen & la Vision du Soi selon Douglas Harding, c’est que ce retournement du regard & de l’attention vers sa source – « l’UN » pourquoi pas – peut se faire et ne se fait que mieux avec les yeux ouverts. Toutes choses vues en périphérie renvoient à l’espace central qui les accueille ; c’est notre fameuse asymétrie, unique règle de la Vision du Soi.
  2. Pour Plotin, « le bonheur appartient à celui qui vit avec la plus haute intensité […] Or, la vie complète, la vie véritable, qui est véritablement vie se trouve dans l’Esprit. » On retrouve ici la complétude « Corps & Âme – Esprit » étudiée & réactualisée par Michel Fromaget. L’Esprit … une dimension anthropologique quasiment disparue des (dis)sociétés modernes, avec des conséquences … vraiment pas si satisfaisantes que cela. La méditation dans l’esprit du zen & la Vision du Soi n’ont pas d’autre intérêt que de retrouver cette dimension-là. Vérifiez !
  3. « La lecture des Ennéades est très ardue, parfois incompréhensible, et demeure inaccessible au non-méditant … parce que, pour les pénétrer, il faut avoir fait une expérience similaire. » C’est vrai de la plupart des textes spirituels, et c’est pour cela qu’il est recommandé de lire pour « vérifier si les experts ont bien pigé le truc » ! « Certes les textes peuvent constituer d’utiles appuis, mais leur pertinence doit être éprouvée sur la pierre de touche de notre expérience, et pas l’inverse. » (David Lang)
  4. « Cette démarche que nous faisons, d’autres l’ont faite, en tout temps, en tout lieu, elle a donc un caractère véritablement universel. » En contexte chrétien, l’éveil pourrait ainsi correspondre à la nouvelle naissance évoquée en Jean 3, 3-8 : « naître d’en-haut & à nouveau, naître d’eau et de souffle ». Ce destin est celui de tout être humain ; il n’est vraiment pas opportun de se convaincre qu’il serait réservé à un ou deux « athlètes spirituels » par siècle et par continent. Vérifiez !

Belle & bonne pratique.

Cordialement

 

Par Jean-Marc Thiabaud

Jean-Marc Thiabaud, 62 ans, marié, deux fils.
La lecture de "La philosophie éternelle" d'Aldous Huxley m'oriente précocement sur le chemin de la recherche du Soi.
Mon parcours intérieur emprunte d'abord la voie du yoga, puis celle de l'enseignement d'Arnaud Desjardins.
La rencontre de Douglas Harding en 1993 me permet d'accéder à une évidence que je souhaite désormais partager.

3 réponses sur « Pratique du zen vivant, « exposé » 6 – Jacques Brosse »

Cheminer vers soi même, en nous connectant à notre source, cela demande de nous autoriser à nous arrêter, à apprécier le silence, c’est une démarche pas facile parce que nous avons l’habitude d’être valorisés par le faire. Le soleil apparaît et disparaît quotidiennement et quelques fois des jours.

Bonjour Lan,

Je n’ai pas répondu tout de suite par écrit à ton commentaire, mais il me semble l’avoir fait lors de notre séance de méditation de mardi dernier.
J’essaye de reprendre ici quelques éléments.
Paradoxe de ce « Cheminer vers soi même » : comment « faire » pour aller … Ici ? Pour devenir Ce Que Je Suis déjà ? La Source est éternellement Là, au Centre et n’est jamais cachée, tarie. Je vous propose assez souvent d’entendre pour de bon cet échange on ne peut plus traditionnel : : « Où allons-nous ? » & « Nous y sommes ».

Mais nous sommes d’accord : le moi-je, l’ego, le mental conscient & inconscient l’oublie parfois & cherche souvent à l’obstruer. Et la (dis)société actuelle contribue à renforcer cette tendance par sa promotion d’une agitation frénétique. D’où l’intérêt des pauses, activités et vacances tranquilles et, à défaut, de tous les moments de mise à l’arrêt d’office : maladie (pas trop grave …), burn-out, dépression, …

D’où l’intérêt d’une pratique régulière de la méditation aussi : tu en as suffisamment l’expérience pour savoir que c’est un « faire » très particulier, un faire & non-faire. Faire tout ce qui est nécessaire au maintien d’une posture stable & agréable (« Sthiram Sukham Asanam » – Sutra 2.46 de Patanjali). « Être fermement établi dans un espace heureux » selon la belle traduction de Gérard Blitz. Puis, non seulement ne plus rien « faire », mais consentir à être « rien », juste espace d’accueil illimité & inconditionnel.

D’où l’intérêt d’une pratique aussi permanente que possible de la Vision du Soi, la « méditation pour la place du marché » comme disait Douglas Harding. « Cette voie n’est pas une solution de rechange qui rendrait inutile toute méditation sérieuse. Elle ne nous dispense pas d’un travail convaincu et continuel sur nous-même, mais au contraire elle nous y stimule puissamment ». Cf. « Objections et réponses » – 3

En quelque sorte aller jusqu’au bout de la proposition de Swami Prajnanpad : « Intérieurement activement passif. Extérieurement passivement actif ».

A bientôt.

Cordialement

Jean Marc

J’ai bien lu ta réponse bien fournie et concise.
À la table de mon esprit, j’ai toutes sortes de convives qui représentent toutes les palettes émotionnelles. Le cerveau recycle systématiquement le vécu négatif, celui positif il faut le susciter, hélas, si la conscience règne par contre c’est l’inconscient qui gère, je n’ai pas tout le pouvoir, j’appelle ça une cohabitation. Mais le fait de se retourner à l’intérieur, d’observer le fonctionnement des pensées, juste les accepter, ne pas les nourrir, la méditation silencieuse est la seule voie qui permet de se libérer de la souffrance sur le long terme. Je pratique certes en même temps quelques méditations en mouvement, la natation, le yoga, la marche, le vélo, la danse … ça aide le corps et la tête à se relaxer, adieu les ruminations parce qu’elles sont comme le feu de la forêt, quand elles commencent, ce n’est pas facile de l’arrêter.

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