(NB : Image Camp To Camp)
Rappel : « Pratique du zen vivant » relate les alternances d’exposés (« teishô »), suivis de questions & réponses, de treize sessions intensives de zazen dirigées par Jacques Brosse entre le 26 décembre 2000 et Pâques 2004.
Je présente lors de la séance hebdomadaire de Méditation dans l’esprit du zen & sur ce site quelques points saillants de ces exposés, bien entendu en lien direct avec la pratique de la Vision du Soi selon Douglas Harding : une actualisation de l’actualisation en quelque sorte ! Libre à vous de déposer ensuite vos questions et/ou commentaires, de lire (et relire …) ce livre de Vie. Je me permets cependant de vous recommander de le lire pour vérifier si « les experts ont bien “pigé le truc” ».
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Un nouvel exposé très dense, quasi impossible à résumer et, ma foi, assez difficile à commenter. Je ne peux que vous inviter à le lire & relire intégralement, à le « méditer » au sens occidental du terme.
- Jacques Brosse commence par nous livrer Le secret : « … la pratique confiante. La foi en la pratique, la seule foi véritable (Shradda) dans le bouddhisme ».
- Pratiquer est une activité paradoxale : s’il convient certes de « s’arroser de nombre » (Paul Valéry), il reste indispensable de le faire aussi consciemment que possible. De ne jamais re-faire, de ne jamais répéter mécaniquement, de toujours méditer avec « l’esprit neuf & l’esprit de débutant ».
- Après avoir fait quelques expériences de Vision du Soi, cette « pratique confiante » peut s’installer assez facilement puisque l’espace d’accueil illimité & inconditionnel que « Je Suis » a été perçu intégralement, qu’absolument rien ne manque, qu’il n’y a rien à rajouter à mon « autoportrait ».
- Le fait d’avoir Vu personnellement qu’« il ne peut y avoir de Zen sans l’espace vide du “sans tête” » est en mesure de transformer « la » pratique en ma pratique.
- « Dès lors, ce n’est plus notre moi qui pratique. »
- Disons que c’est une entité nouvelle qui pratique désormais : un « moi » qui a (enfin !) consenti à être infiniment plus vaste que lui-même, une petite troisième personne périphérique qui « coïncide silencieusement » avec son Identité de Première Personne.
- « Si vous continuez à pratiquer de cette façon-là [rien qu’avec votre moi], … vous aurez mal partout, mal surtout dans votre tête … »
- la douleur persistante signale une erreur de direction … qui peut même risquer de renforcer ce petit « moi » si l’on s’y égare trop longtemps. Même si des efforts qui coûtent sont nécessaires, au moins dans les débuts. « Mal dans votre tête … » : quelle tête ? Méditer est nécessairement une activité Sans Tête. Si votre tête est encore de la partie, c’est que vous êtes encore en train de vous préparer à la méditation. Vérifiez !
- « En ces brefs instants de détente, vous avez déjà pu entrevoir ce que pourrait être, ce que devrait être votre pratique : la pratique-réalisation. »
- Ne perdez pas votre précieux temps : en méditant directement Sans Tête vous vous retrouvez – simplement, concrètement, joyeusement – au cœur de « la pratique-réalisation ». Juste être l’espace d’accueil illimité & inconditionnel que « Je Suis », que nous sommes tous, et siroter la béatitude de l’asymétrie. Vérifiez !
- « Tous ceux qui ont gardé foi et courage y sont arrivés parce qu’ils ne pratiquaient plus avec leur moi, mais avec leur nature de Bouddha qui, en quelque sorte, prend le relais. Alors on ne fait plus zazen pour soi, mais pour les autres, pour le monde entier. »
- Ce « pour » peut prêter à confusion : il ne s’agit pas d’une dédicace personnelle – d’ordre moral ou spirituel – offerte au « autres » et au « monde ». Lorsque la « nature de Bouddha … a pris le relais », c’est en quelque sorte l’entièreté de l’univers et des êtres vivants qui médite à travers celui qui a conscience d’être Cela … C’est effectivement vertigineux. Vérifiez !
- « Parvenant alors à la libération, ils font resplendir leur visage originel. » Chapitre cinq du Bendô-wa.
- La Vision du Soi selon Douglas Harding – ou Vision Sans Tête – ne propose à tous ceux qui s’y intéressent sérieusement (encore rares en vérité …) que de « faire resplendir leur visage originel », la seule non-chose que nous ayons réellement & parfaitement en commun. Vérifiez !
- « … votre expérience devient identique à celle du Bouddha, vous vivez l’expérience de l’Éveil du Bouddha. »
- Alors oui, bien évidemment & tout modestement ! Mais en même temps j’apprécie tout particulièrement la conclusion de Douglas Harding dans « Vision » : « En dehors de l’expérience elle-même ne surgissait … aucune référence, seulement la paix, la joie sereine, et la sensation d’avoir laissé tomber un insupportable fardeau ».
- « Cet Éveil universel résonnant en écho jusqu’au tréfonds de votre être et vous procurant une aide inouïe, spontanément vous abandonnez le corps et l’esprit, tranchez net le flot des pensées erronées et souillées venues de votre passé … »
- Aucun des (« happy few ») lecteurs de ce blogue ne s’étonnera de me voir rectifier : c’est l’ensemble corps & mental (le « corps & âme » si bien étudié par Michel Fromaget) qui se trouve ici « abandonné », replacé à sa juste place dans la zone périphérique « je suis humain » de notre « autoportrait ». Et le mot « Esprit » pourrait être un des noms du « Je Suis » central, du « contenant » ultime de tous les contenus.
- « Les Bouddhas sont les mainteneurs et les restaurateurs de l’Ordre universel, de l’univers lui-même, ce que manifeste la Roue du Dharma qu’ils font se mouvoir … »
- « Faire se mouvoir la roue … » c’est être l’axe central, l’espace vide au centre du moyeu, et rien d’autre. Espace vide, espace d’accueil illimité & inconditionnel, Visage Originel, … Vérifiez !
- « … Mais est-ce à notre portée ? Au chapitre six du Bendô-wa Dôgen affirme que nous pouvons tous y parvenir ; chacun d’entre nous le peut. »
- Mais bien sûr que c’est « à notre portée » ! Dogen l’affirmait avec force au treizième siècle et bien d’autres l’ont affirmé pareillement, avant et après lui. Et c’est aujourd’hui encore plus à notre portée qu’avant grâce aux expériences de la Vision du soi, à la fois « entrée principale » et « seul espoir ».
- « Chaque instant de zazen est par lui-même totalité de la pratique et de la réalisation. »
- Il convient moins de se répéter sans cesse cette citation que d’être intimement convaincu de sa réalité en la vivant. Le véritable zazen, la véritable méditation a lieu en-deçà du temps et de l’espace.
- « Comment un être humain avec ses limites, son aveuglement pourrait-il avoir l’outrecuidance, la mégalomanie de penser qu’il puisse agir sur l’univers en s’identifiant avec lui ? »
- Et bien peut-être en cessant d’entretenir à grands frais ses « limites » et son « aveuglement ». En pratiquant par exemple la Vision du Soi ou/et le Zhi Neng Qi Gong qui permettent d’expérimenter – simplement, concrètement, joyeusement – notre Identité d’univers, notre notre vraie nature d’Entièreté, de « Youniverse ». C’est pourtant si simple, si évident … comment pouvons-nous passer à côté aussi longtemps ?
- « Goethe … opposait très justement la réflexion, qui engendre le raisonnement et fonctionne par lui, et l’intuition née de l’observation directe et sans préjugés. Il désignait ainsi deux démarches opposées : celle tout intellectuelle du philosophe et celle tout intuitive de l’observateur de la nature. … »
- « … l’observation directe et sans préjugés » de ce que c’est qu’être soi-même, ainsi que la confiance en la vérité de ce qui est Vu, est très précisément ce que propose la Vision du Soi. Il est à noter que Goethe a longtemps & assidûment pratiqué le dessin. Ernst Mach a lui aussi reporté ce qu’il voyait de lui-même en son « autoportrait », et toute l’œuvre de Douglas Harding est parsemée de nombreux dessins de réflexion et de synthèse. Du « spirit mapping« en quelque sorte ! Il est aussi à noter que, comme Goethe, Jacques Brosse était un éminent naturaliste.
- « … la médiation entre ces deux opposés, qui sont au fond complémentaires, ne serait-elle pas tout simplement la méditation. La méditation, justement, développe l’intuition, elle n’exclut pas, elle inclut. L’intuition résulte de la solidarité ressentie entre tous les vivants et entre tous les vivants et la vie universelle. »
- Encore une heureuse formulation de Jacques Brosse : « La méditation … n’exclut pas, elle inclut ». Elle consiste à être ce « Rien » central qui inclut … « Tout » – toute la périphérie – de manière inconditionnelle, ou alors il ne s’agit pas (encore) de méditation. Seule cette posture-là exclut « l’imposture » de se prendre pour une toute petite chose isolée et autonome ! Et cette « intuition » qui résulte de l’interdépendance universelle ouvre les portes de la solidarité, de la fraternité, d’une réelle communion … Vérifiez !
- « Ces anciennes intuitions justes … découlaient de l’attitude ouverte, de l’observation intuitive du contemplatif. … »
- « l’attitude ouverte » n’est qu’un poteau indicateur vers cette seule bonne direction qu’un poète comme R. M. Rilke a approché au plus près avec « l’Ouvert ». Il ne s’agit pas d’une disposition périphérique & fluctuante du « moi-je », mais bien plutôt de l’expression indirecte (mais sur-efficace) de cette grande ouverture (illimitée …) centrale que « Je Suis ». Notre monde moderne, aujourd’hui désespérément aveugle à « ces anciennes intuitions justes » qui lui permettraient de surmonter l’effondrement, aurait le plus grand intérêt à réhabiliter totalement la figure du « contemplatif ».
- « L’Occidental vit dans un monde de mots, de notions, de concepts. Sans doute est-ce une interprétation du réel, mais ce n’est pas la seule possible. Elle n’est pas obligatoire, mais facultative. Et finalement, elle ne fonctionne plus. … »
- Aldous Huxley a utilisé une belle métaphore pour dire que l’être humain vit essentiellement dans son monde de mots et de concepts, un peu comme un iceberg – imaginaire & impossible – qui n’aurait qu’un neuvième de son volume immergé dans « la mer de l’expérience immédiate ». Un atelier de Vision du Soi aide très efficacement à se replonger dans le bain des percepts pour au moins huit neuvièmes. N’en croyez pas un traître mot, vérifiez !
- « La science est la plus récente, la plus agressive et la plus dogmatique des institutions religieuses. » Citation de Paul Feyerabend dans son « Contre la méthode, Esquisse d’une théorie anarchiste de la connaissance ». Extraite du paragraphe ci-après : « Ainsi, la science est beaucoup plus proche du mythe qu’une philosophie scientifique n’est prête à l’admettre. C’est l’une des nombreuses formes de pensée qui ont été développées par l’homme, mais pas forcément la meilleure. La science est indiscrète, bruyante, insolente ; elle n’est essentiellement supérieure qu’aux yeux de ceux qui ont opté pour une certaine idéologie, ou qui l’ont acceptée sans avoir jamais étudié ses avantages et ses limites. Et comme c’est à chaque individu d’accepter ou de rejeter des idéologies, il s’ensuit que la séparation de l’État et l’Église doit être complétée par la séparation de l’État et de la Science : la plus récente, la plus agressive et la plus dogmatique des institutions religieuses. Une telle séparation est sans doute notre chance d’atteindre l’humanité dont nous sommes capables, mais sans l’avoir jamais pleinement réalisée. »
- Rappel : Douglas Harding a également écrit « La Science de la Première Personne ».
- « Une telle perception de l’unité retrouvée : l’unité consubstantielle de l’univers et de nous, on l’a oubliée et reniée, parce qu’elle faisait partie d’un domaine depuis longtemps interdit, celui des connaissances réprouvées comme superstitieuses. Pourtant, l’ancienne philosophie, celle des grecs jusqu’à Aristote, toute la philosophie médiévale, celle encore de la Renaissance reconnaissaient la justesse de ce point de vue. … Copernic, Galilée, Kepler et Newton lui-même, donc les fondateurs de la nouvelle science, étaient des croyants sincères et convaincus, des esprits profondément religieux, c’est un abus du scientisme de vouloir nous persuader du contraire. … »
- N’aurions-nous pas « oublié et renié » cette « perception de l’unité consubstantielle de l’univers et de nous » tout simplement par fainéantise, par lâcheté et par intérêt ? Parce que la perception demande de faire preuve durablement de sensibilité. Parce que s’ouvrir c’est se découvrir relié, interdépendant et donc fragile. Parce que demeurer un prédateur insensible offre des avantages substantiels plus immédiats …
- « Mais il y a eu Descartes et avec lui a triomphé le dualisme pur et dur : la Matière d’un côté, l’Esprit de l’autre, le Corps et l’Esprit, deux entités inconciliables. … Descartes est aussi, de ce fait, le fondateur de la notion moderne de l’ego. … »
- En fait l’erreur de Descartes serait plutôt la confusion entre âme et Esprit qui allait conduire progressivement à la disparition de cette dernière dimension … enfin, seulement dans les préoccupations des modernes. La « matière », c’est le complexe corps & mental, le « corps & âme » étudié par Michel Fromaget.
- Thomas Merton a écrit dans « Mystique et zen » : Nous sommes aujourd’hui sous le coup de l’héritage cartésien, de la conscience de soi cartésienne, qui établit en principe que l’ego empirique est le point de départ d’un progrès intellectuel infaillible vers la vérité et vers un esprit de plus en plus affiné, abstrait et immatériel. »
- Qui ne connait pas Merton pourrait croire avec cet « ego … point de départ d’un progrès intellectuel infaillible vers la vérité » à une bonne blague ! L’identification à l’ego représente LE problème central auquel toutes les sagesses & spiritualités proposent LA même solution : s’en dégager résolument, s’éveiller à sa véritable nature d’espace d’accueil illimité & inconditionnel.
- « Abstrait et immatériel, voilà le danger … »
- La contenance (capacité, espace d’accueil, etc.) que nous sommes, tous, est au contraire infiniment « concrète » parce qu’Une avec toute la matière de l’univers. « Le Vide est les formes … ». Vérifiez !
Cordialement