Cf. l’introduction à cette série d’articles dans « Objections et réponses » – 1
Question : « D’après le zen, le satori a un caractère explosif que je ne retrouve pas dans la vision sans tête.
Réponses : A tous moments, on observe deux aspects qui s’opposent dans un contraste frappant¹ : le Tronc dénudé et Ses fruits savoureux, le Vide immuable et Son contenu kaléidoscopique, la clarté de la Source et les remous des eaux avoisinantes. Il faut avoir reconnu ce contraste pour que puisse se dissiper enfin une confusion tenace.
A quoi ressemble le satori ? En lui-même, D. T. Suzuki ² nous l’assure, il est « non religieux » et « dépouillé d’émotions » ; il y a en lui « quelque chose qu’on pourrait appeler froid témoignage scientifique ou état de fait », et « tout est gris, nullement impressionnant, sans attrait ». Qu’il soit accompagné d’une explosion émotive ou d’une expérience spirituelle sublime, cela dépend de la quantité d’énergie qui a été investie, soit délibérément par une longue pratique méditative, soit de façon involontaire par un stress psychologique.
[…]
Nous avons situé la première scène de ce livre dans les Himalayas ; cette circonstance, compte tenu des associations hautement religieuse qu’elle suscite, est de nature à nous induire en erreur et risque de nous faire oublier le caractère essentiellement neutre et ordinaire de ce qui s’est produit là, il y a quelque trente années. La découverte de notre Visage Originel dans sa banale simplicité est aussi facile dans un patelin perdu ou dans une toilette publique³, et nous aurons moins tendance à la prendre pour un exploit. »
Cordialement
¹ – Ce que Douglas Harding nommera ultérieurement « asymétrie », en en faisant l’unique règle de la voie sans tête. Également évoquée dans ce billet.
² – Concernant D. T. Suzuki, voir aussi cette page en anglais sur wikipedia
³ – Quel culot ! En 1971 il fallait oser ! Dans des ateliers, j’ai même parfois entendu Douglas prononcer l’expression « pissotière publique » … Quel bonheur de l’entendre ou de le lire remettre ainsi les choses à leur place … et la non-chose à la sienne !