Catégories
4 - Méditation

Ô Solitude – Purcell & Birds on a Wire

Quand on aime … on ne compte toujours pas !

Ayant récemment relu « Glenn Gould ou le Piano de l’esprit », je m’aperçois que ce livre se termine avec la première strophe du poème de Saint-Amant mis en musique par Henry Purcell … Rosemary Standley & Dom La Nena ont elles aussi inclus ce chef d’œuvre à leur répertoire.

NB : Mon avis musical relativement non qualifié n’a aucune espèce d’importance, mais je vous avoue que – clip vidéo mis à part – je préfère leur version à celle qui est présentée comme « la » référence, chantée par Alfred Deller …

 

 

Texte de Katherine Philips utilisé par Purcell

O Solitude
O solitude, my sweetest choice ! (0)
Places devoted to the night,
Remote from tumult and from noise,
How ye my restless thoughts delight !
O solitude, my sweetest choice !¹

O heav’ns ! what content is mine
To see these trees, which have appear’d
From the nativity of time,²
And which all ages have rever’d,
To look today as fresh and green
As when their beauties first were seen.²
O, how agreeable a sight
These hanging mountains do appear,
Which th’ unhappy would invite
To finish all their sorrows here,
When their hard fate makes them endure
Such woes as only death can cure.³

O, how I solitude adore !
That element of noblest wit,
Where I have learnt Apollo’s lore,
Without the pains to study it.
For thy sake I in love am grown
With what thy fancy does pursue ;
But when I think upon my own,
I hate it for that reason too,
Because it needs must hinder me
From seeing and from serving thee.(4)

O solitude, O how I solitude adore !

Texte de Saint-Amant correspondant, d‘après l’édition d’Auguste Dorchain

Ô Solitude
Ô que j’aime la solitude ! (0)
Que ces lieux consacrés à la nuit.
Éloignés du monde et du bruit,
Plaisent à mon inquiétude !
Ô que j’aime la solitude !¹

Mon Dieu ! que mes yeux sont contents
De voir ces bois, qui se trouvèrent
À la nativité du temps,²
Et que tous les siècles révèrent,
Être encore aussi beaux et verts
Qu’aux premiers jours de l’univers !²
Que je prends de plaisir à voir
Ces monts pendants en précipices.
Qui, pour les coups du désespoir.
Sont aux malheureux si propices.
Quand la cruauté de leur sort.
Les force à rechercher la mort.³

Oh ! que j’aime la solitude !
C’est l’élément des bons esprits,
C’est par elle que j’ai compris
L’art d’Apollon sans nulle étude.
Je l’aime pour l’amour de toi,
Connaissant que ton humeur l’aime ;
Mais quand je pense bien à moi.
Je la hais pour la raison même :
Car elle pourrait me ravir
L’heur de te voir et te servir. (4)

Ô que j’aime la solitude !

La Solitude (Saint-Amant), édition 1909

&

0 – J’avoue que je préfère la nuance de douce mais ferme volonté exprimée par « sweetest choice » à « que j’aime ». Le « traduttore » n’est pas toujours un « traditore » !

¹ – Le « Je Suis » central du dessin ci-dessous ne serait-il pas au plus loin qu’il est possible « du monde et du bruit » ? Un œil du cyclone, moins consacré à la « nuit » qu’à un calme parfait et à une paix absolue, un lieu par essence préservé de toute « inquiétude »

Et, paradoxalement, un lieu dont la fonction est d’accueillir tout le « bruit » et « l’inquiétude » du monde, d’être espace d’accueil pour … tout. Sans que la différence, absolue, de nature soit le moins du monde perturbée par la non-dualité de la fonction … Mystère !

² – Le « temps » n’affecte que la périphérie du dessin ci-dessus. Le « temps » est contenu dans « Je Suis » central, le « contenant ultime », l’espace d’accueil illimité & inconditionnel que nous sommes tous, notre « autoportrait » … Nous ne sommes pas dans le temps, aucun d’entre nous, c’est le temps qui est en nous.

³ – La zone périphérique « je suis humain » du dessin ci-dessus constitue effectivement le domaine des « malheureux », un long « couloir de la mort » pour tous ceux qui acceptent d’être réduits au seul corps & mental. Quelle sorte de « mort » convient-il alors de « rechercher » pour échapper à « la cruauté du sort » ? Peut-être tout simplement la mort de l’illusion d’un complexe corps & mental viable isolément, la mort de l’impasse totale qu’est le paradigme anthropologique dualiste.

Cette « mort » est aussi renaissance à la conception « Corps & Âme – Esprit » … La Vision du Soi selon Douglas Harding représente sans le moindre doute une « entrée principale » de grande qualité pour réaliser ce qui semble être « le seul espoir ». Essayez, vérifiez !

4 – Je ne dispose actuellement ni du temps ni de la motivation pour approfondir le rapprochement ci-dessous, mais comment ne pas entendre dans cette strophe un écho lointain au dialogue entre Maitreyī et Yājñavalkya dans la Brihadaranyaka Upanishad :

« En vérité, ce n’est pas par simple amour pour l’époux, ma très chère, qu’il est aimé, mais c’est par amour de l’Atman que l’épouse chérit l’époux.
De même, ce n’est par simple amour pour l’épouse, ma très chère, qu’elle est aimée, mais c’est par amour de l’Atman que l’époux chérit l’épouse.

[…]

Ce n’est pas par simple amour pour les dieux, ma très chère, qu’ils sont aimés, mais c’est par amour de l’Atman que l’on chérit les dieux.
Ce n’est pas par simple amour pour les êtres, ma très chère, qu’ils sont aimés, mais c’est par amour de l’Atman que l’on chérit les êtres.
Ce n’est pas par simple amour pour le Tout, ma très chère, qu’il est aimé, mais c’est par amour de l’Atman que l’on chérit le Tout. »

&

En complément de cet intermède musical, je ne peux que vous engager à lire le texte de Douglas sur « la Solitude Suprême pleine à ras-bord ».

Et surtout, surtout, surtout, à faire ces géniales expériences de Vision du Soi qui vous permettront de vous dégager à jamais de la mauvaise solitude. José Leroy a même eu la belle intuition d’inventer une nouvelle expérience inspirée de sa fréquentation du métro : chaque nouveau visage qui se présente au hasard des stations est une occasion de plus de vivre l’asymétrie de la rencontre. Essayez, vérifiez !

Par Jean-Marc Thiabaud

Jean-Marc Thiabaud, 65 ans, marié, deux fils, un petit-fils.
La lecture de "La philosophie éternelle" d'Aldous Huxley m'oriente précocement sur le chemin de la recherche du Soi.
Mon parcours intérieur emprunte d'abord la voie du yoga, puis celle de l'enseignement d'Arnaud Desjardins.
La rencontre de Douglas Harding en 1993 me permet d'accéder à une évidence que je souhaite désormais partager.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.