« L’éternel est une vibration de l’éphémère »
Entretien entre Christian Bobin et Laëtitia Favro le 3 juillet 2021. Dans le cadre d’une série d’entretiens du JDD avec des écrivains pour tenter de répondre à cette question essentielle :
« En quoi peut-on (encore) croire ? » (0)
« Ses livres cheminent entre les croyances et les incroyances du monde. Révélé en 1992 au grand public avec Le Très-Bas, une hagiographie poétique de saint François d’Assise, Christian Bobin ne se réclame d’aucune religion autre que celle des choses simples de la vie. Son écriture lumineuse est un rempart au désenchantement, ses fragments évitent l’écueil du cynisme prisé par les plumes contemporaines. A ses côtés, le lecteur explore « les différentes régions du ciel », du nom qu’il donne à son œuvre depuis ses débuts. Le ciel, justement, tourne à l’orage au moment où nous entrons dans son salon pour une conversation démasquée, l’écrivain avouant s’inspirer de ce qu’il lit sur les visages pour composer à l’écrit comme en paroles.
Laëtitia Favro : Comment s’habituer au port du masque quand on accorde comme vous tant d’importance aux visages?
Christian Bobin : Ces masques révèlent peut-être comme jamais la vérité d’une personne à travers l’éclat de ses pupilles, les craintes et les joies que l’on peut y lire. Cet éclat est l’un des aspects de cette pandémie qui m’ont le plus frappé, avec la nature du mal qui nous touche.¹
L. F. : Comment le définiriez-vous ?
C. B. : Ce mal qui a fait le tour du monde – puisque aujourd’hui le monde n’est guère plus vaste qu’une cabane de jardin – touche à la racine même de la vie, c’est‑à-dire au souffle. A son insu, ce virus est une métaphore de nos tourments. Depuis quelques années, nous manquons d’air, nous avons du mal à respirer dans cette façon de vivre que nous avons inventée, d’où la vie est peu à peu expulsée. Nous manquons de souffle, nous manquons d’intelligence, nous manquons de sensibilité, de lenteur, de beauté, de toutes ces choses qui paraissent sans valeur mais sont en fait extrêmement précieuses.²
L. F. : Précieuses et capables de nous sauver ?
C. B. : C’est dans les choses simples que la vie se réfugie par temps de désastre. La lumière qui tremble dans le verre d’eau au chevet du malade, le recueil de poèmes que serre la main d’une jeune femme, le nuage qui passe et semble avoir perdu son chemin … Toutes ces choses sans prétention ne peuvent être atteintes par les ténèbres que nous avons engendrées. Elles éclairent le visage du nouveau-né et rassurent celui qui voit sa fin approcher. Elles sont présentes au début comme à la fin, mais entre-temps il semblerait que nous les perdions de vue. Mon travail d’écrivain, à supposer que ce soit un travail, est de les faire advenir sur la page.³
L. F. : Avez-vous foi en l’avenir ?
C. B. : Il y a toujours une issue. Je pourrais vous citer l’exemple d’une pâquerette rencontrée récemment, qui avait poussé au milieu d’une tache de goudron. Vous rendez-vous compte de la puissance quasi atomique nécessaire pour percer la masse noire du goudron sur le sol ? Cette toute petite fleur avait réussi. Elle m’a ébloui. Il y a toujours une issue à condition de laisser les choses belles, sûres et vraies venir à nous, de ne pas les affoler en allant les chercher avec avidité, avec précipitation, sinon elles s’enfuient. Voir est un travail d’accueil infini à ce qui est. C’est l’inverse de recevoir un flux d’images fabriquées par des machines. (4)
L. F. : Vous prônez donc l’inaction …
C. B. : Je prône le fait de ne plus vivre le nez collé contre la vitre. La contemplation est la plus grande action possible aujourd’hui. Il faut une force inouïe pour faire asseoir dans le grand salon éclairé de ses yeux le moindre objet, pour le regarder, pour l’aimer, pour l’accueillir, car que pouvons-nous faire d’autre une fois que nous sommes au monde que d’accueillir ce qui vient ? Voir est un travail d’accueil infini à ce qui est. C’est l’inverse de recevoir un flux d’images fabriquées par des machines. (5)
L. F. : Vous écrivez dans Le Plâtrier siffleur :
« L’homme n’est pas plus mauvais aujourd’hui qu’hier, il est seulement plus perdu. »
Comment nous sommes-nous perdus ?
C. B. : En devenant ivres de notre savoir. Notre avidité, notre goût du succès, notre passion de l’abstraction et des chiffres, notre croyance aveugle en des images qui nous rendent aveugles nous ont perdus. Nous avons demandé aux technologies de vivre à notre place, de choisir pour nous. Nous avons remplacé les battements de notre cœur par des pulsations d’algorithmes. La vie est devenue peu à peu trop dure alors nous avons voulu que quelqu’un la prenne en charge pour nous. Mais nous avons oublié qu’en donnant la clé de la maison au serviteur, le serviteur pouvait en devenir le maître. (6)
« croire »L. F. : N’y a-t‑il donc rien à espérer des nouvelles technologies ?
C. B. : Ces technologies se nourrissent des crises comme celle que nous vivons aujourd’hui. Elles en profitent pour avancer d’un pas en nous proposant comme issue une aggravation du mal. Étrangement, on demande à ce qui nous a menés au bord du gouffre de résoudre nos problèmes. Je vous donne un exemple : notre planète est entourée d’une nuée de poussières électroniques composée des débris de tout ce que nous avons envoyé dans l’espace depuis cinquante ans. Pour remédier à cette pollution, un scientifique propose d’envoyer d’autres objets électroniques capables d’aspirer ceux qui les ont précédés … Autrement dit, nous demandons à ce qui nous a blessés de nous guérir. [L’orage éclate.] C’est anti-électronique, la pluie. Nous sommes maintenant dans une conversation à trois : vous, moi et la pluie. Écoutez comme elle redouble, elle est contente ! Nous ne pouvons pas être plus seuls que lorsque nous sommes trahis par nous-mêmes. (7)
L. F. : Vous ne croyez pas non plus en la science …
C. B. : Croire, étymologiquement, c’est donner son cœur. Nous avons donné notre cœur à des choses dont on devine qu’elles ne sont absolument pas fiables. Nous avons donné notre cœur aux nombres, à la multitude. Aujourd’hui, quand on parle d’un artiste, on cite les millions de disques qu’il a vendus comme le gage très certain de son talent. C’est oublier qu’Une saison en enfer de Rimbaud n’a d’abord connu que quelques lecteurs et que les dizaines d’exemplaires publiés ont ensuite pris l’humidité dans la cave d’un imprimeur belge. C’est oublier que Van Gogh a vendu de son vivant deux uniques tableaux, désormais réduits à leur valeur marchande dans les salles de vente. Il n’est même plus question de peinture ! Nous avons donné notre cœur à des choses mauvaises qui nous ont jetés sur des rivages où nous nous découvrons aujourd’hui naufragés. (8)
L. F. : Comment résister au nihilisme ambiant ?
C. B. : Nous ne pouvons pas être plus seuls que lorsque nous sommes trahis par nous-mêmes. Nous avons confié les clés de la vie à quelqu’un qui les a jetées loin, très loin, et nous avons peur de ne plus les retrouver. Mais je vous assure qu’elles sont très simples à retrouver. Nous voulons toujours aller trop vite. Nos comportements sont ceux de drogués : nous sommes drogués aux images, au succès, à la vitesse, et il est très difficile de s’en sevrer. Il faut une volonté de fer, et s’appuyer sur des choses beaucoup plus merveilleuses que celles qui nous sont données à voir. C’est par un appétit profond de la vie que nous pouvons changer. (9)
L. F. : Existe-t‑il une méthode ?
C. B. : Je ne pense pas. En tant que lecteur, je me tiens à l’écart de toutes ces techniques dites de bienveillance et des livres de développement personnel. Ça ne marche pas comme ça. Allons à l’essentiel : il n’y a pas de méthode pour tomber amoureux. Il suffit pour cela d’avoir le cœur désencombré et de ne rien attendre. Si vous êtes trop occupé, si votre front est souligné au crayon noir par les soucis, rien d’amoureux ne pourra se produire. Il n’existe pas de méthode, mais peut-être une orientation un peu différente à adopter vis‑à-vis de nos activités quotidiennes. Une attention plus grande à ce qui est, ce qui passe, et qui n’a en apparence aucune valeur. Je n’ai jamais eu le goût du voyage, considérant dès mon plus jeune âge que le voyage pouvait commencer à dix mètres de la maison familiale. (10)
L. F. : Une attention difficilement compatible avec la vie urbaine …
C. B. : Il n’y a pas de lieux particuliers pour la renaissance de la vie. J’ai par exemple un souvenir heureux de la rue de Varenne, une rue austère avec son menton mal rasé, qui mène à Matignon mais compte aussi des jardins qui sont autant d’oasis de contemplation dans la ville sérieuse des affaires et des ministres. Le miracle de l’humain peut ennoblir n’importe quel endroit. Bien sûr, les buildings avec leurs yeux aveugles, les grands magasins avec leurs fanfaronnades écrasent davantage le passant qu’un marché sur une place ensoleillée. Un quignon de soleil, un petit verre de paroles claires, simples, pures suffisent pour traverser beaucoup de choses, peut-être même la totalité de la vie.
L. F. :Vous êtes né au Creusot et y êtes resté. Cette sédentarité est-elle une forme d’engagement poétique ?
C. B. : Vous êtes très généreuse de la qualifier ainsi. Dès l’enfance, j’ai été doté d’agoraphobie, un mal qui m’a protégé en me rendant immobile des dizaines d’années. Je n’ai jamais eu le goût du voyage, considérant dès mon plus jeune âge que le voyage pouvait commencer à dix mètres de la maison familiale. Je me suis construit ainsi avec cette infirmité. Il n’y a pas eu de grande décision noble de rester ici. Je n’ai pas pu faire autrement, et au fil du temps j’ai épousé ce qui m’incarcérait jusqu’à m’en délivrer complètement.
L. F. : Les lieux de culte sont récurrents dans vos livres. Quelle relation entretenez-vous avec eux ?
C. B. : Je pense que l’éternel n’a pas de maison particulière à lui. J’appelle éternel ce qui est éphémère et qui prend conscience avec une joie étrange de sa mortalité. L’éternel est une vibration de l’éphémère qui vous rend joyeux tout à coup. Ce peut être le chant d’une tourterelle, comme celui que nous entendons en ce moment dans le lointain, mais également un poème. Ça vient toujours par surprise. Je n’ai pas d’appartenance, ni à une école littéraire ni à une église. (11)
L. F. : Et Dieu dans tout cela ?
C. B. : Je souscris volontiers à la définition de Jean Grosjean :
« Dieu, c’est l’abîme intérieur. »
Je n’ai pas d’appartenance, ni à une école littéraire ni à une église. (12)
L. F. : Le mot « dieu » revient pourtant souvent sous votre plume …
C. B. : Il est comme un trou noir dans la page. Il ne représente le dieu de personne. (13)
L. F. : Votre écriture se rapproche du fragment. Elle surgit du silence et s’adosse au silence …
C. B. : C’est une très belle définition. Mes textes sont adossés au silence mais ne le remplacent pas. Seule la respiration compte, et d’aller d’un fragment à l’autre en traversant la rivière du blanc de la page.
L. F. : Et de ne retenir que l’essentiel ?
C. B. : Les choses qui vont de soi sont bizarrement difficiles à faire advenir, alors que ce sont les plus belles. Et comme elles vont de soi, on ne peut par définition les travailler. Tout est là dans le premier élan de l’écriture où des clichés apparaissent parfois, signalant que je n’ai pas suffisamment fait confiance à ma vision. J’ai retenu ma main, et le monde a écrit à ma place. Il me faut donc enlever, nettoyer, car mon souhait est que le lecteur voie ce que j’ai vraiment vu. C’est par amour de ceux que je rencontre que je n’aime pas le monde, car souvent le monde les écrase ou les efface à leur insu.
L. F. : Êtes-vous resté fidèle à l’écrivain des débuts ?
C. B. : La vie et les épreuves m’ont donné une conscience de ce que j’écrivais, mais cette conscience ne doit pas durcir les textes. L’intelligence est une matière froide et vous ne pouvez pas donner à voir ce qui brûle en injectant du froid à l’intérieur. Je n’ai pas trahi l’écrivain des premiers livres. Il est toujours là. Il est impossible de traverser plusieurs années de vie sans écorchures mais je reste celui qui refuse que le monde décide pour lui, et qui aime trop les gens pour aimer le monde. Ce ne sont pas les propos d’un misanthrope, au contraire. C’est par amour de ceux que je rencontre que je n’aime pas le monde, car souvent le monde les écrase ou les efface à leur insu. (14)
L. F. : Avez-vous le sentiment de leur rendre justice en écrivant ?
C. B. : Il serait prétentieux de le dire ainsi. Toute personne qui fait bien son travail, quel qu’il soit, est aussi importante que moi quand j’écris. Les poèmes du boulanger, ce sont ses petits pains. Une mère qui aide son enfant à s’endormir fait infiniment plus pour la santé du monde que celui qui invente une start-up. » (15)
Cordialement
0 – Le JDD n’est vraiment pas ma tasse de thé, pas plus que la plupart des autres « merdias ». Et le mot « croire » non plus …
Il est certain qu’on ne peut plus (encore) croire dans tout ce qui est imprimé par le JDD, mais comment serait-il possible de négliger un beau dialogue de vérité assuré par Christian Bobin ?
¹ – Pas plus optimiste que lui : ces masques-là ne cachent pas les yeux, et l’essentiel est donc sauf. Il est d’ailleurs possible d’aller encore plus loin dans la perception de « la vérité d’une personne » : ce visage masqué peut toujours nous renvoyer – peut-être pas plus mais pas moins non plus – à notre propre Visage Originel, notre vraie nature d’espace d’accueil illimité & inconditionnel, notre « autoportrait ». Peut-être quand même un peu plus, du fait de la déception consécutive à la présence du masque …
² – Voilà sans doute ce qui a été écrit de plus pertinent sur la pandémie depuis son début, et qu’il n’est pas inutile de relire, encore et encore, pour s’en convaincre définitivement :
« Ce mal … touche à la racine même de la vie, c’est‑à-dire au souffle. A son insu, ce virus est une métaphore de nos tourments. Depuis quelques années, nous manquons d’air, nous avons du mal à respirer dans cette façon de vivre que nous avons inventée, d’où la vie est peu à peu expulsée. Nous manquons de souffle, nous manquons d’intelligence, nous manquons de sensibilité, de lenteur, de beauté, de toutes ces choses qui paraissent sans valeur mais sont en fait extrêmement précieuses. »
Nous manquons de « souffle », c’est-à-dire d’une part de pneuma, d’Esprit : cette pandémie, c’est « la civilisation des machines » d’hommes déspiritualisés et d’une avidité sans bornes qui l’a « fabriquée ». Nous manquons d’autre part dramatiquement d’air propre, sain, non pollué, à respirer, à amener au plus profond de nos alvéoles pulmonaires. Et nous manquons enfin de courage pour changer radicalement de cap, si tant est qu’il en soit encore temps …
La Vision du Soi selon Douglas Harding, magnifique « entrée principale », peut nous aider à nous engager dans la voie du « seul espoir ». N’en croyez bien sûr pas un traître mot, essayez, vérifiez !
³ – Puisque c’est bien nous qui « avons engendré les ténèbres », il devrait être possible d’en sortir en faisant – enfin, tardivement pour ne pas dire in extremis – le choix de la Vie, de la Lumière. Ce ne sera certes pas facile, mais je vous renvoie néanmoins au paragraphe précédent. La « Vision », la méditation dans l’esprit du zen, la poésie de Christian Bobin et d’autres, toutes ces choses simples … mais pas faciles ! … ne peuvent effectivement pas être « saisies » par les ténèbres.
« La lumière luit dans la ténèbre, et la ténèbre ne l’a pas saisie. »
Traduction d’André Chouraqui
[και το φως εν τη σκοτια φαινει και η σκοτια αυτο ου κατελαβεν]
4 – « Voir est un travail d’accueil infini à ce qui est. »
Sur volte-espace les choses sont exprimées un peu différemment … C’est effectivement bien par « voir » que ça commence, mais « voir quoi ? » Voir, comme indiqué dans le lien « Vision » du paragraphe précédent, cette « absence de tête » qui permet de « gagner un monde ». Voir que ma véritable nature est espace d’accueil illimité & inconditionnel, « contenant », la « capacity » de Traherne, la « joie spacieuse », le Visage Originel du zen, etc …
Une fois que je vois clairement, parfaitement, que « Je Suis Cela » – et soi dit en passant, « Toi aussi tu es Cela », nous le sommes tous – je ne « travaille » plus à l’accueil, je suis accueil, tout simplement. Je m’y repose en sirotant la béatitude de l’asymétrie. Essayez, vérifiez.
5 – « La contemplation est la plus grande action possible aujourd’hui. »
On ne remerciera jamais assez Christian Bobin de nous rappeler ce qui a longtemps été le leitmotiv de toute véritable civilisation ! Et effectivement, aujourd’hui « il faut une force inouïe » pour se replacer dans cette optique, pour opposer au monde soi-disant moderne – cette dégringolade généralisée et rapide vers l’abîme – une fin de non-recevoir. L’action, ou plutôt l’agitation frénétique imposée dans et par le « monde », de même que ces risibles invocations d’un « great » au plus loin de la « vraie grandeur », n’ont guère d’autre but que de détourner de la contemplation, de la contemplaction …
« … regarder, aimer, accueillir le moindre objet … » : en régime (!) de Vision du Soi c’est l’accueil qui précède l’amour. Voir que « Je Suis » espace d’accueil illimité & inconditionnel – c’est-à-dire être tout simplement ce que « Je Suis » – constitue le fondement solide sur lequel l’amour peut s’épanouir. Encore une fois, n’en croyez bien sûr pas un traître mot, essayez, vérifiez !
6 – Christian Bobin a bien évidemment raison : en dépit de nos GPS et de nos options de géolocalisation, nous sommes beaucoup plus « perdus » que nous ne l’étions dans un monde plus simple, plus local, plus lent, où nous étions plus sensuellement connectés à nous-même, aux autres et à la nature. Et c’est moins la technologie en elle-même que sa mise au service de « notre avidité » et de notre ambition dé-mesurées, et peut-être aussi de notre peur la plus profonde, qui est en cause. Le fond du problème et donc sa solution se situent au niveau de l’hubris humain, pas ailleurs. Il n’existe pas de solution technologique à ce défi là …
Concernant ces « images qui nous rendent aveugles », il n’est pas inutile de (re)lire « La parole humiliée » de Jacques Ellul.
« … ivres de notre savoir » :
« Quand nous avons dépassé les savoirs, alors nous avons la Connaissance. La raison fut une aide ; la raison est l’entrave. … »
Shri Aurobindo
7 – La pandémie de Covid-19 fournit une superbe illustration de ce qu’avance là Christian Bobin : elle va permettre à bon nombre d’États, quel que soit leur régime politique, de faire des pas de géants dans la surveillance généralisée, électronique & biologique, des populations. Ce « progrès » là constitue véritablement « un élan vers le pire » (Emil Cioran). « Big Mother » à la puissance mille !
Et cela ne servira bien sûr à rien, sauf à « fabriquer » de nouvelles pandémies … Ce qu’on nous impose pour nous « guérir » va continuer de nous « blesser » …
8 – La plupart des modernes « raisonnent » effectivement en mode « gestion », avec un outil « débit/crédit » en guise de cerveau … et négligent cette intelligence du cœur à laquelle Arnaud Desjardins a consacré un livre, « La voie du cœur ».
« L’amour rend intelligent et l’absence d’amour voile notre intelligence. Tout être humain aspire bien sûr à être intelligent, à comprendre, mais tous les êtres humains ne sont pas convaincus que, tant qu’ils charrient avec eux des haines, des agressivités, des jalousies, des rancunes, ils ne peuvent pas être intelligents. … »
Si cette « nombrification » du monde vous inquiète un tantinet, lisez l’essai d’Olivier Rey : « Quand le monde s’est fait nombre », Éditions Stock, 2016.
Si vous voulez savoir pourquoi la numérisation du monde qui nous est présentée à la fois comme inéluctable et comme panacée n’est « absolument pas fiable », lisez celui de Guillaume Pitron : « La guerre des métaux rares – La face cachée de la transition énergétique et numérique ».
Quant aux réseaux (a)sociaux, comment ne pas leur appliquer ce jugement sans appel : « Nous avons donné notre cœur à des choses mauvaises qui nous ont jetés sur des rivages où nous nous découvrons aujourd’hui naufragés. » ?
9 – La Vision du Soi selon Douglas Harding n’est pas la plus mauvaise façon de « retrouver les clés de la vie ». Mais comme nous sommes effectivement « drogués » à notre conditionnement de 3° personne, à notre réduction à la seule zone périphérique « je suis humain » du dessin ci-dessous, il sera relativement « difficile de s’en sevrer ».
Heureusement, le « Je Suis » central est une non-chose « beaucoup plus merveilleuse que celles qui nous sont données à voir » en périphérie. Et d’ailleurs, est-ce que nous voyons véritablement lorsque nous ne sommes pas situés là … ? Essayons de ne pas « nous contenter de trop peu ».
10 – S’il existe une méthode, elle se situe plus du coté d’une véritable spiritualité que de celui de la pensée positive et du « développement personnel ». Douglas Harding disait d’ailleurs à propos de ce dernier :
« My job is quite the opposite ».
Et « l’orientation » proposée par la Vision du Soi est magnifiquement résumée par le dessin ci-dessous :
« Le voyage » … ? Sans doute la plus belle imposture qui soit pour ne pas prendre le chemin indiqué par l’index qui pointe vers soi, vers le Soi. Pour ne pas prendre « the shortest way home ». Le voyage peut ainsi être une très puissante addiction pour se contenter de la seule zone périphérique « je suis humain » du dessin de la note n° 9.
11 – Là ça coince un peu pour moi ! Soit il s’agit d’une coquille du JDD, qui a pu écrire & imprimer « mortalité » au lieu d’ « immortalité » … Ce qui ne serait pas impossible avec cette interview sans doute relue un peu trop vite puisqu’elle comporte plusieurs redites. Soit c’est C. Bobin qui continue « avec une joie étrange », de tourner autour du pot !
Parce qu’enfin cet « éphémère« , confiné dans l’étroite zone périphérique « je suis humain » du dessin de la note n° 9, lorsqu’il parvient au centre et plus exactement prend conscience d’être d’abord ce « Je Suis » central, il voit clairement, parfaitement, son éternité, son immortalité. Bingo !
Comment cette « Vision », (nettement plus stable et partageable qu’une « vibration », et qui ne vient pas « toujours par surprise ») ne nous rendrait-elle pas « joyeux tout à coup » ? J’exagère ? Essayez, vérifiez !
12 – Jean Grosjean n’est plus, mais il nous reste tous ses beaux livres.
Les trois dessins majeurs de Douglas Harding insérés ci-dessus ne vous aident-ils pas à mieux comprendre cette superbe citation ?
« Dieu, c’est l’abîme intérieur. »
Cf. aussi La lueur des jours de Jean Grosjean.
13 – Un « trou noir » ne serait-il pas la transparence même … ?
« Dieu » est moins un mot-valise qu’un mot-conteneur … A moins que ce ne soit tout simplement le « contenant ultime » !
14 – « Je reste celui qui refuse que le monde décide pour lui, et qui aime trop les gens pour aimer le monde. » Ici il n’est pas inutile de coller ce que C. Bobin a écrit à propos du « monde » dans l’avant-dernier chapitre du « Très-Bas » :
« Le monde veut le sommeil. Le monde n’est que sommeil. Le monde veut la répétition ensommeillée du monde. Mais l’amour veut l’éveil. L’amour est l’éveil chaque fois réinventé, chaque fois une première fois. Le monde n’imagine pas d’autre fin que la mort, cette extase du sommeil, et il considère tout à partir de cette fin. … L’enfant va à l’adulte et l’adulte va à sa mort. Voilà la thèse du monde. Voilà sa pensée misérable du vivant : une lueur qui tremble en son aurore et ne sait plus que décliner. C’est cette thèse qu’il te faut renverser. »
Ce que Bobin appelle le « monde » nous dépossède et de notre vie véritable – de cette Grande Vie qui est notre droit de naissance et LA possibilité d’accomplissement qui nous est offerte – et de cet « éveil » qu’est la « mort » à une vision totalement fausse, réductrice, étriquée, … de nous-même. La Vision du Soi selon Douglas Harding constitue un outil particulièrement puissant pour « renverser la thèse du monde ». N’en croyez pas un traître mot, essayez, vérifiez … !
15 – Lisez Bobin : son œuvre est une « arme de destruction massive » des préjugés farfelus & dangereux d’un Président qui fait si mal son travail de rassembleur, le contempteur des « gens qui ne sont rien » :
« Une mère qui aide son enfant à s’endormir fait infiniment plus pour la santé du monde que celui qui invente une start-up. »
Et lisez aussi « l’avertissement du Président », afin de ne pas dégringoler avec lui dans un second mandat …