Il y a bien longtemps, peut-être plus de vingt-cinq ans, que je parcours – en amateur – l’œuvre d’Henri Le Saux & Swami Abhishiktananda. D’abord indirectement grâce aux livres que Marie-Madeleine Davy lui a consacré (0), puis dans quelques-uns de ses ouvrages jusqu’au monument qu’est son Journal, « La Montée au fond du cœur »¹.
Il est encore trop tôt pour l’évoquer plus longuement ici sur volte-espace, mais j’ai plaisir à partager cet extrait choisi du Journal :
« L’homme a besoin de zazen, de méditation, de silence, comme il a besoin de sommeil. »
(3 janvier 73, page 447)
J’ai été heureux d’apprendre, grâce à cette indispensable maison d’édition qu’est Arfuyen, l’étonnante rencontre qu’il a faite – tardivement – avec son « alter ego féminin : la carmélite Thérèse de Jésus ». J’ai hâte de lire cette correspondance, de prendre connaissance du bonheur de cette belle rencontre.
&
« … Henri Le Saux a laissé de nombreux ouvrages (souvent hélas épuisés) étincelants d’intelligence et de liberté intérieure. Citons Sagesse hindoue, mystique chrétienne (1965) ou Souvenirs d’Arunâchala (1978). Fondée sur la solide formation monastique des bénédictins et sur la méditation incessante des écritures chrétiennes et hindoues, son aventure spirituelle est l’une des plus fascinantes du XX° siècle². …
Le destin étonnant de la carmélite Thérèse de Jésus (1925-1976), alter ego féminin de Le Saux en Inde est ici présenté pour la première fois. … »
Le Swami et la Carmélite I – L’appel de l’Inde
Le Swami et la Carmélite II – La beauté du Gange
Cordialement
0 – Deux livres :
- « Henri Le Saux, swami Abhishiktnanda, le Passeur entre deux rives », éditions du Cerf, 1981, réédition Albin Michel 1999
- « Écrits d’Henri Le Saux », Albin Michel, 1991
¹ – OEIL : Office d’Édition Et d’Impression Librairie, 1986
² – « Fascinante » certes, mais surtout si importante & utile … Une liberté de recherche et d’écriture qui fait un bien fou. Presque du Douglas Harding par moment … Enfin, vérifiez par vous-même !
NB : la photo provient du billet « Henri Le Saux, moine et Swami : Partie 1 du week-end animé par O. Baümer au Centre Assise en 1991 ».
4 réponses sur « Le Swami et la Carmélite 1 et 2 – Arfuyen »
Henri Le Saux. Belle et noble figure spirituelle chrétienne, s’il en fut! Ses écrits fulgurants furent pour moi des initiations et des lettres de traversée allant de l’Occident à l’Orient et de mon christianisme à l’hindouisme. Je l’ai lu surtout lors de mes retraites monastiques et lorsque je m’initiais au Vedanta, secrètement attiré à cette époque de ma vie par les sagesses orientales. Que peut-on en dire aujourd’hui? Quel rayonnement peut-il avoir sur les consciences actuelles? Je crois surtout qu’il a été, spirituellement et physiquement, totalement absorbé par l’Inde et son hindouisme du Vedanta. Progressivement, c’est sa foi chrétienne qui a disparu dans l’hindouisme, et c’est l’Inde spirituelle qui l’a emporté sur le christianisme. De sorte qu’il est difficile de dire qu’il a créé un pont entre la foi chrétienne et la sagesse hindoue. De plus, qu’a-t-il vraiment compris à l’Inde, ce grand sage féru d’érémitisme et de vie mystique? N’a-t-il pas vécu en privilégié pouvant se consacrer entièrement et sans difficulté matérielle à sa passion? Hors de son vedanta, il ne s’est jamais confronté à d’autres sagesses orientales pourtant bien plus présentes sur le sol de l’Inde, comme le tantrisme, le yoga, la bhakti, le brahmanisme… Et pas un mot dans ses écrits sur le Bouddhisme! N’est-ce pas étonnant? Je le vois aujourd’hui comme une âme en quête d’une plénitude spirituelle et psychique que sa foi chrétienne ne lui apportait pas. Se serait-il trompé de religion? Et que restait-il du monde et des autres avec une telle vision mystique?… Je ne connaissais pas cette autre « Thérèse de Jésus ». Merci à vous. Bruno
Bonjour Bruno,
Que vous dire ? Peut-être de relire « La montée au fond du cœur », soigneusement.
Grâce à vous je viens d’en relire la dernière page (471) et je me contente d’en reprendre cette phrase : « La Trinité ne se comprend que dans l’expérience d’advaita. » Vous noterez l’emplacement de la majuscule …
Et donc je conteste totalement votre commentaire, même si je l’ai approuvé ! Je m’étonne aussi de votre rage de « détruire » : Henri Le Saux n’aurait rien compris, ni au christianisme ni à l’hindouisme ni à l’Inde … ! « Se serait-il trompé de religion ? » … Les masques religieux ne l’intéressaient pas, seul comptait pour lui l’éveil. Je me sens très proche de cette recherche & de cette admirable figure chrétienne. Je regrette qu’il soit quasiment absent du site de Ste-Anne de Kergonan. Je l’ai fait savoir à la communauté actuelle … mais je n’ai pas eu de réponse pour l’instant.
« Et que restait-il du monde et des autres avec une telle vision mystique ? » Vu son triste état, il est permis de se demander si l’on est capable de voir vraiment le monde sans cette vision, si l’on est capable sans elle d’aimer son prochain comme soi-même … ?
Bel & bon dimanche
Jean Marc
Ce que je voulais dire, cher Jean-Marc, c’est qu’Henri Le Saux a traduit son christianisme dans le langage de l’advaita où, comme vous le savez, il n’y a que la non-dualité. De cette trinité, avec ou sans majuscule, traduite dans le langage vedantique, il ne reste donc plus rien ou pas grand-chose de chrétien, car les trois personnes divines n’en font qu’une qu’à condition qu’elles restent trines, c’est-à-dire séparées et différenciées pour que les relations intra-trinitaires puissent s’opérer. C’est la base même de toute la Révélation chrétienne à laquelle l’Inde et le Vedanta n’entendent rien. Et c’est là où H. Le Saux a manqué selon moi de clairvoyance. C’est cette sagesse vedantique qui réduit tout à néant et non pas ma critique, plus posée et plus nuancée. Je n’ai jamais écrit qu’H. Le Saux n’avait rien compris à ces religions, je dis simplement qu’il est passé à côté de l’Inde très humaine qu’il n’a vu et n’a voulu voir qu’à travers les lunettes déformantes de son vedanta ou de son christianisme hindouisé. Un Lanza del Vasto était plus lucide. De plus, j’ai introduit mon commentaire en lui rendant l’hommage qu’il mérite, puis en soulignant ses faiblesses très humaines… Rien d’autre.
Quant à l’abbaye saint Anne de Kergonan où il vécut et que je connais, elle a pris un virage traditionnaliste depuis longtemps qui l’empêche de reconnaître ce type d’aventure hors norme et d’accepter un syncrétisme religieux qui nie la tradition catholique à laquelle les moines de cette communauté sont très attachés.
Bruno
Quelques brefs points de vue personnels :
– HLS a fait dialoguer Christianisme et Advaïta. Ce dernier ne se soucie sans doute guère du premier, mais pour HLS l’expérience de l’Advaïta permet d’approfondir le Christianisme.
– HLS insiste beaucoup sur ce non-dualisme chrétien, en citant souvent Jean : « le Père et moi sommes un, le Père est plus grand que moi ».
– Penser que la non-dualité consiste en une grande dissolution qui « réduit tout à néant » est … une absurdité.
– HLS fait partie de ces êtres qui sont totalement happés par l’expérience intérieure. Il n’est pas allé en Inde pour faire de l’ésotourisme.
– Lanza Del Vasto … un autre grand bonhomme qui parlait d’expérience. Un peu trop oublié, à tort.
– Je suis désolé d’apprendre que la communauté de Sainte Anne de Kergonan … se trompe de direction ! Pourtant HLS lui & nous indique la bonne, au plus loin du « syncrétisme ». Quel gâchis, quelle tristesse.
– De la tradition « il faut conserver les braises et non les cendres » comme l’écrivait Paul Valéry. C’est tellement plus facile de conserver, pieusement, les cendres … mais l’Église éteinte n’attire du coup plus grand monde …
Cordialement
Jean Marc