Jean-Yves Leloup enseignait à l’École française de Yoga de la Ste-Baume (EFYSB) lorsque j’ai commencé là ma formation en 1984. A l’époque, il était encore dominicain.
Avec ses collègues Bernard Rérolle (Yoga, Zen et K. G. Dürckheim) et Jacques Blache (Bible et Baghavad-Gita), ils offraient un magnifique exemple d’ouverture de l’Église, dans le droit fil du concile Vatican II : en ce haut-lieu, il était alors possible de respirer à pleins poumons, l’occidental & l’oriental. (Cette esperluette : &, pour signifier que l’un ne vient pas d’abord et l’autre ensuite, mais que les deux sont indissolublement liés, sinon … c’est du mou pour les chats !)
Les textes traditionnels de toutes les traditions s’enrichissaient mutuellement par des lectures croisées, et surtout par l’appel permanent à en faire l’expérience, seul moyen de les comprendre vraiment. Comme cette démarche fonctionnait, pardonnez-moi l’expression, du feu de Dieu, il y a bien sûr été mis un terme … J’essaye, modestement, de la perpétuer au travers de mes ateliers Vision du Soi & Lectures essentielles.
Je conserve un merveilleux souvenir de cette époque, que je souhaite partager, et une interrogation … que je ne suis pas vraiment sûr de vouloir lever !
Jean-Yves animait une conférence sur le sujet, majeur et sensible, de « Psychologie & Spiritualité », domaine dans lequel il était déjà très compétent.
En cette après-midi ensoleillée, nous rejoignîmes la « bergerie », une salle un peu distante, par une marche silencieuse d’une dizaine de minutes sous les chênes provençaux. Quatre ou cinq chiens efflanqués, de superbes bâtards miteux, nous accompagnèrent et se fondirent peu à peu dans le silence méditatif général. Les apprentis yogis pénétrèrent dans la salle à la suite de l’enseignant et, bien sûr, refermèrent la porte en prenant grand soin de barrer l’accès aux chiens.
Chacun s’installa sur son espace « absolument sacré » et, croyait-il, inviolable : tapis de yoga muni de son coussin ou de son siège de méditation, et le cours commença. Commença très fort même, puisque, de mémoire, Jean-Yves commença par nous faire lecture de l’avis de Freud concernant la spiritualité et de celui d’Aurobindo sur la psychanalyse … L’après-midi s’annonçait passionnante, tant les positions de départ semblaient irréconciliables. Mais il fut rapidement impossible d’avancer : les chiens, dépités d’avoir été ainsi exclus, menaient une sarabande infernale tout autour de la bergerie, aboyant, hurlant, grattant la porte, geignant aux fenêtres, …
Jean-Yves profita aussitôt de cette magnifique occasion. En quelques mots il nous expliqua que la situation cadrait parfaitement avec le thème : tout comme le cours allait être irrémédiablement compromis par ces fichus clébards si nous persistions à les rejeter, de même aucune spiritualité véritable n’est possible dans le refoulement, le déni, l’inconscience, … de nos désirs. Pas de « spi » dans la négation du psy. A un moment ou à un autre il faudra bien accepter de les voir en pleine lumière, de les laisser s’exprimer, de leur ouvrir la porte …
C’est ce qui fut fait, non sans réticences … Ces maudits clebs, surexcités, se ruèrent à l’intérieur de la bergerie, piétinèrent des tapis immaculés avec leurs pattes poussiéreuses, reniflèrent yogis et zafus et nous signifièrent même par quelques pets leur mécontentement d’avoir été ainsi laissés à l’écart … Mais peu à peu l’agitation cessa, les chiens se couchèrent dans un coin pour écouter la conférence d’une oreille distraite, et finirent par tous quitter la salle en silence par la porte laissée grande ouverte …
Vous tirerez vos propres conclusions de cette histoire.
La Vision du Soi selon Douglas Harding consiste elle aussi à ouvrir en grand la porte de l’espace d’accueil que Je Suis : toutes les complexités, et parfois complications, psychologiques pourront alors trouver la place de s’y détendre. Essayez … vous verrez que c’est nettement plus efficace que de vouloir commencer par mettre en ordre l’étage de la psyché avant de se consacrer à celui du pneuma, de l’esprit.
Mais … Jean-Yves …, ce numéro magistral de la bergerie de la Ste-Baume relevait-il de la plus parfaite synchronicité, ou l’avais-tu patiemment réglé et répété avec tes complices ?
Cordialement
4 réponses sur « Jean-Yves et « ses » chiens … »
Bonjour,
J’ai vécu cette époque de la Ste Baume et en garde un fervent souvenir.
Merci de me l’avoir rappelé même si j’ignorais cet épisode des chiens, très révélateur et combien instructeur.
Cordialement
Marie-José
Bonjour,
Merci de votre intérêt pour volte-espace. N’hésitez pas à faire connaître son existence.
Étonnant : vous parlez de « fervent souvenir » quelques jours après la mise en ligne d’un billet intitulé « Sans ferveur enfantine … on ne peut connaître le bonheur ». J’ignore si Jacques Brosse a été invité à prononcer des conférences à la Ste-Baume, mais il aurait été lui aussi parfaitement dans le ton à cette époque … bénie.
Je vous souhaite le meilleur … conserver la ferveur !
Cordialement
Jean Marc
Je souhaite simplement continuer à être informé
Bonjour Jean-Claude,
Merci de votre intérêt pour volte-espace. N’hésitez pas à le faire connaître.
Le plus simple consiste encore à venir faire un tour de temps à autre sur le site pour « profiter » des nouveaux billets.
Et n’hésitez pas à laisser des commentaires.
Bonne continuation
Cordialement
Jean Marc