Suite aux critiques envers Christian Bobin – l’homme & l’œuvre – formulées par Bruno Delorme et aux quelques réponses apportées dans ce billet, j’ai reparcouru ma longue liste de brouillons à la recherche de chantiers en instance concernant ce poète, et j’ai eu la surprise d’y trouver le reportage ci-dessous :
NB : c’est un extrait, conséquent, d’un DVD plus complet : « Christian Bobin, La grande vie ».
Il vous donnera peut-être le désir de lire & relire … tout Bobin !
Et peut-être même d’écrire quelques commentaires à propos d’un billet de volte-espace étiqueté Bobin Christian.
NB : Christian Bobin et la Vision du Soi c’est déjà une assez longue histoire, même si Christian ignore sans doute jusqu’à l’existence de cette dernière … Cf. « Des livres pour rentrer à la maison : Christian Bobin » – Revue VST n°8, janvier 2001
Cordialement
NB : dans la belle émission du 4 décembre 2019, « Christian Bobin l’enchanteur », François Busnel pose la seule bonne question qui vaille :
« Comment faire … ? »
Mais, malheureusement, il me semble qu’aucune réponse digne de ce nom ne lui a été apportée lors de la soirée …
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Voici quelques extraits du dialogue engagé au bout d’une heure environ :
François Busnel : Je lis, page 90 de « Pierre, »[le dernier livre de Christian Bobin] :
« Je cherche l’humain. C’est pour voir Dieu. »
Christian Bobin : Dieu c’est l’humain réalisé, accompli … c’est très rare … c’est un travail qu’on a à faire, le travail d’être humain, de devenir humain …
François Busnel : et qu’est-ce qui nous permettrait de progresser un petit peu dans, allez, notre tentative de l’être … humain ?
Jean-Louis Étienne : Il y a du boulot …
François Busnel : Bien sûr qu’il y a du boulot, Jean-Louis, mais on pourrait s’y mettre tout de même !
Être humain pour vous Christian Bobin qu’est-ce que cela implique ?
Christian Bobin : L’amitié, c’est le plus haut de la vie … Chercher une issue à la désespérance, qui n’en a peut-être pas … Peut-être que chercher c’est déjà trouver …
François Busnel : Faire advenir la joie …
André Comte-Sponville : l’essentiel (de la philosophie de Christian Bobin) c’est le sens de l’éternité présente … Nous sommes déjà dans le royaume, l’éternité c’est maintenant …
Christian Bobin : Simone Weil a une très belle expression : il faut penser à l’intérieur du cœur, depuis le cœur … être humain c’est peut-être très simplement reconnaître de plus en plus, reconnaître et faire reconnaître le précieux de cette vie, le sacré de cette vie … ce que j’entends par sacré c’est le mortel, c’est pas l’éternel, ce que cette vie a de périssable c’est cela qui est sacré …
François Busnel : Pourquoi écrivez-vous Christian Bobin ?
Christian Bobin : Pour être moins malheureux, parce que les humains sont malheureux, pour qu’on soit quelques-uns à être moins malheureux, pour respirer, et pour remercier je ne sais quoi, je ne sais qui. Par gratitude, j’écris par gratitude. »
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Comment … être pleinement humain, comment « faire advenir la joie », comment vivre dans cet état souvent si précisément décrit dans ses livres par Christian Bobin, et qui, d’après moi, rejoint essentiellement la conclusion de « Vision » :
« En dehors de l’expérience elle-même ne surgissait aucune question, aucune référence, seulement la paix, la joie sereine, et la sensation d’avoir laissé tomber un insupportable fardeau.«
Comment faire … ?
Trois petites phrases au dessus de « Je cherche l’humain. C’est pour voir Dieu. », se trouve le petit mot « zen ». Christian Bobin l’utilise dans la plupart de ses derniers livres … Et « Un bruit de balançoire » (Éditions L’Iconoclaste, 2017) lui donne l’occasion de « dialoguer » avec Ryôkan et d’évoquer Dogen. Voici un extrait de l’argumentaire de ce livre :
Un autoportrait en creux
« Un bruit de balançoire est écrit sous l’ombre de Ryokan. Ce moine japonais du XIXe siècle, poète, ermite vivant de mendicité et de lecture. Quand Christian Bobin le découvre, il y voit son reflet. Des pans entiers de sa vie. Il n’écrit pas un livre sur lui. Il écrit avec lui. Le convoque : « Ryokan n’a qu’une présence discrète dans le manuscrit. Il se cache derrière le feuillage de l’encre comme le coucou dans la forêt. »
Étonnante expression que cet « autoportrait en creux » ! Le zen ne consiste-t-il pas en rien d’autre que découvrir – réaliser – « mon, ton, son, notre autoportrait », notre Visage Originel ? A sortir pour de bon de ce « jeu du masque », ce jeu de dupes qui nous fait confondre notre reflet et notre Identité.
« Ce qui parle à notre coeur-enfant est ce qu’il y a de plus profond. J’essaie d’aller par là. J’essaie seulement. »
Pourquoi se contenter « d’essayer d’aller vers … », pourquoi se contenter de tourner autour du puits alors qu’il convient d’y descendre, pourquoi picorer du zen sans oser y plonger, pourquoi se tourner vers Ryôkan & Dogen seulement en tant que poètes alors qu’ils sont moines zen d’abord et qu’ils ont tellement plus à offrir que quelques belles phrases … ?
Tous deux respirent la poésie parce qu’ils ont effectué « le demi- tour » qui dirige notre lumière vers l’intérieur … parce qu’ils coïncident avec leur « visage originel » … parce qu’ils ont « pratiqué l’éveil sans tarder ». Qu’attendons-nous pour faire de même ?
Le zen, archétype de toute recherche spirituelle véritable, n’a aucun autre but que de parvenir à être pleinement humain.
La Vision du Soi selon Douglas Harding peut dynamiser votre recherche spirituelle, quelle qu’en soit la forme actuelle. Elle peut même dynamiter votre désir plus ou moins conscient de ne jamais trouver, de continuer de vous planquer dans un statut de chercheur perpétuel ! Si elle semble très éloignée du zen « traditionnel » – répondant ainsi à l’injonction de très sérieux maîtres japonais à ne pas l’imiter – la Vision en synthétise l’essence même, « l’esprit éternel et universel ».
Ne croyez pas un traître mot de ce qui précède. Essayez, vérifiez que trouver pour de bon est radicalement différent de chercher !
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PS : la « réussite » (à tous les sens du terme) de Christian Bobin aiguise bien des critiques de gens qui ne l’ont sans doute pas très bien lu, ni relu. Ainsi Pierre Jourde :
«Christian Bobin est à la littérature ce que sont les paires d’individus en bleu marine qui sonnent à votre porte en vous demandant si vous voulez connaître la vérité. On sait qu’on ne se laissera pas embobiner.»
« La littérature sans estomac »
Et si au contraire vous vous laissiez « em-Bobin-ner » par un « être lumineux, visionnaire et généreux » ?