« Ce qu’on voit nous change. Ce qu’on voit nous révèle, nous baptise, nous donne notre vrai nom1.
[…]
Ce noir charpente mon cerveau, y tend ses poutres maîtresses dont le deuil n’est qu’apparent : le noir est l’éclair d’un sabre de cérémonie, une décapitation qui ouvre le bal des lumières 2. Ces œuvres appellent le grand air, leurs falaises réclament un vent furieux. Je ne suis pas devant l’œuvre d’un contemporain mais devant le plus archaïque des peintres 3. Ses peintures sont des maisons zen, les trois quarts d’une maison zen dont le spectateur fait le quart restant.4
[…]
Expliquer n’éclaire jamais. La vraie lumière ne vient que par illuminations, explosions intérieures non décidables. » 5
« L’homme-joie » – Christian Bobin
Cordialement
- Quelle phrase magnifique, même si elle ne concerne pas directement la Vision du Soi selon Douglas Harding … encore que ! Les liens que j’essaye d’établir entre les écrits de Christian Bobin et la Vision ne datent pas d’hier et, sans vouloir excessivement me vanter, me semblent assez pertinents. Vérifiez par vous-même avec l’étiquette Bobin qui vous donne accès à l’ensemble des articles le concernant.
Oui, Voir nous immerge [βαπτίζω] dans l’évidence de « notre vrai nom » … à condition d’avoir l’ingénuité d’un enfant. Comme l’énonce si bien le Logion 4 de Thomas :
« Le vieillard n’hésitera pas à interroger l’enfant de sept jours à propos du Lieu de la Vie et il vivra. » ↩︎ - Il serait possible de s’inspirer de la fulgurance de cette phrase & image pour tenter d’indiquer ce qu’est un atelier de Vision du Soi réussi : une « décapitation » qui ouvre le bal de La « Lumière ».
« Décapitation » entre guillemets, parce qu’au sens « propre » ce mot est bien tristement revenu sur le devant de la scène « politique » internationale … Celle dont il est question ici, radicalement inverse de sa contrefaçon violente, est, peut-être …, la seule susceptible de ramener au sein de l’humanité les barbares qui la commettent, c’est celle qu’évoque Rûmi :
« Décapite-toi ! Dissous ton corps entier dans la Vision : deviens vision, vision, vision. »
NB : Cette citation figure au tout début de « Vivre Sans Tête », en troisième position, juste après une citation d’Attar et une seconde de Kabir. Le soufisme utilise tout autant que le zen cette même expression & image de « Vivre sans tête », ce qui n’est guère étonnant vu la force … du percept ! Vérifiez !
Et « Lumière » au singulier avec une majuscule, parce que, bien évidemment, il ne s’agit pas ici des lumières des 17° et 18° siècles. Plutôt de la lumière [φῶς] évoquée par Jean dans le prologue de son évangile :
« Ἐν αὐτῷ ζωὴ ἦν, καὶ ἡ ζωὴ ἦν τὸ φῶς τῶν ἀνθρώπων,
En elle était la vie, et la vie était la lumière des hommes.
καὶ τὸ φῶς ἐν τῇ σκοτίᾳ φαίνει, καὶ ἡ σκοτία αὐτὸ οὐ κατέλαβεν.
La lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne l’ont point reçue. »
Jean 1, 4-5 ↩︎ - Pierre Soulages. Cf. également son site officiel.
Son mystérieux « outre-noir » me semble effectivement entrer en « silencieuse coïncidence » avec la lumière …
NB : billet mis en ligne avant la parution & lecture de « Pierre ». ↩︎ - J’ignore tout de la réalité des rapports de Christian Bobin avec l’univers du zen, mais cette belle phrase demeure approximative. Le zen, comme la Vision du Soi qui en est une forme moderne, est une expérience de tout ou rien où il ne saurait être question d’un quelconque partage. Le « spectateur » – plus exactement le Voyant – est espace d’accueil – vide, illimité et inconditionnel – pure « capacité« , « contenance« , … pour accueillir – et plus précisément être – le « spectacle », que ce soit la « maison zen » ou quelque autre chose qui se présente entre « dix mille », tout l’univers.
Mais n’en croyez surtout pas un traître mot, vérifiez ce qu’il en est pour vous même et par vous même, devant une toile de Soulages, en visitant la Maison de Kiso, partout & tout le temps ! ↩︎ - La « vraie lumière » n’advient que par la Vision … Encore faut-il se « décider » à participer à un atelier, à faire consciemment l’expérience. A « booster » la grâce … ! Vérifiez ! ↩︎