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1 - Pratique de la Vision du Soi Fondamentaux Vision du Soi

« L’œil de la nuque » – Jean-Yves Leloup

Ayant relaté récemment un joyeux épisode de ma formation en yoga à l’EFYSB (École Française de Yoga de la Ste-Baume), j’ai été amené à parcourir les pages du site personnel de Jean-Yves Leloup. Enfin, pour être tout à fait exact, du site personnel dédié à l’impersonnel.

Sur ce site, le menu « Articles et interviews » ouvre sur un petit trésor : des extraits de textes publiés, des textes inédits et des articles …

Je souhaite attirer votre attention sur un texte important, « L’œil de la nuque ». A lire intégralement bien entendu, à lire et à relire … NB : Comme le lien ne fonctionne plus, le texte est collé ci-dessous.

MagritteNuques

La Reproduction Interdite, Magritte – 1937

Il y est question d’un regard plus « coupe qui accueille » que « flèche », qui se propose plus d’ « infinir » que de « définir », qui « replace le regard humain dans l’Ouvert » de Rilke, qui « aide à prendre davantage conscience de celui qui voit »… J’ai bien sûr envie de rajouter à cette dernière proposition : de Celui qui voit, de la Première Personne qui Seule voit vraiment.

Cet œil de la nuque n’est évidemment pas un 4° œil placé sur l’arrière de la tête. L’image développée par Jean-Yves Leloup est pour moi à la fois infiniment moins efficace que le geste de Pointer du doigt dans les deux sens, inventé et transmis par Douglas Harding :

Doigt dans les 2 sensJPG

Ce geste central de la Vision du Soi ne propose effectivement rien d’autre que de faire prendre conscience de cette mutation possible du regard, mutation tout à fait simple, naturelle, source de détente, d’esprit et de vérité …

Mais cette image et ce texte me semblent également tout à fait complémentaires du geste, et ils s’avèrent utiles pour faire le lien vers ces multiples expressions, traditionnelles ou sauvages, de la même unique réalité … si indispensable et si négligée.

Non pas « Je vois la Reproduction Interdite de Magritte », mais juste « la Reproduction Interdite de Magritte » est vue.

 

Cordialement

 

“Le regard ordinaire est la plupart du temps un regard frontal, un œil « flèche » qui vise, définit, objective. Il voit des « choses » et s’il les voit « bien », « précisément », il est heureux.
Un autre regard est possible, il ne part pas des yeux ou du front, mais de derrière les yeux, de derrière la tête, depuis ce qu’on pourrait appeler « l’œil de la nuque », c’est davantage un regard « coupe » qui accueille, il ne vise rien, il acquiesce à ce qui est sans chercher à le définir, ou à l’objectiver, il ne voit pas des « choses », mais un champ d’énergie ou de lumière dans lequel des lignes, des formes, des densités apparaissent …
Si le mot existait, il faudrait dire que « l’œil de la nuque » veut davantage « infinir » que « définir » ce qu’il voit ; autant dire qu’il ne veut rien, il laisse planer l’oiseau dans son vol, il ne cherche pas à le saisir.

Regarder quelque chose ou quelqu’un, un paysage, un corps ou un visage avec l’œil de la nuque c’est cesser immédiatement de se l’approprier, c’est le rendre à l’Espace, à l’entre deux, au « fond » ; à ce qui ne se voit pas dans le visible.
On ne voit pas « le fond », mais peut-être, parfois, ce qui dans une image le laisse pressentir …
Il ne s’agit pas de « faire abstraction du réel », mais de voir l’abstraction du Réel.

« L’œil de la nuque » correspond à ce moment de recul où le regard, prenant conscience de ses projections, s’efface. Ce moment d’effacement ou de retrait correspond à un regard qui peut alors accueillir. Ce regard créateur n’est ni déterminant (il n’objective pas) ni déterminé (il ne se laisse pas imprimer «impressionner» par quelque chose de particulier).

L’œil de la nuque place le regard humain dans son ouverture maximale, il le replace dans l’Ouvert … il ne s’agit pas seulement du « regard éloigné » qu’on reconnait au sage, mais du regard infini de l’infini Réel.

Les écrits bibliques attirent notre attention sur les peuples « à la nuque raide ». Qu’est-ce qu’avoir la nuque raide, sinon demeurer dans une attitude rigide qui entrave notre vision, c’est prendre le réel pour ce que peuvent en saisir nos « œillères » (que ces œillères soient scientifiques, philosophiques ou religieuses), c’est être « borné », voir le monde dans des limites qui ne sont plus « ouvertes » …
Retrouver la souplesse de la nuque, c’est retrouver notre capacité de regarder dans les quatre directions, mais aussi de regarder la hauteur et la profondeur de tout ce qui vit et respire. Tout « ce qui est vu » est alors perçu ou contemplé comme des formes poreuses à l’infini qui les enveloppe …

C’est cela, donner aux êtres et aux choses, leur « poids », leur présence, présence ni objective, ni subjective, mais réalité d’une interrelation ou d’une interconnexion de « l’objectivité » ou du « créé » (intellect agent) dans le « sujet » au regard accueillant (intellect passif) par l’intermédiaire du « choix » de l’œil de la nuque (intellect possible) :

  • retrait des projections,
  • accueil d’un autre regard,
  • laisser être ce qui est donné dans son allure infime et infinie, transitoire et éternelle …

Regarder le monde avec l’œil de la nuque, cela suppose une certaine « tenue » ; la nuque n’étant capable de « regard » que lorsqu’elle se tient souple sans doute, mais toujours dans l’axe de la colonne vertébrale, antenne vivante et vibrante qui relie le ciel et la terre, le visible et l’invisible.
Ouvrir l’œil de la nuque nous aide à davantage prendre conscience plutôt que de « ce qui est vu », de « celui qui voit », et ainsi de se garder libre de toutes les visions objectives ou subjectives qui auraient tendance à s’imposer dans l’oubli de la Conscience qui les pose …
Seul le regard absolu ne voit rien … voir la lumière en toutes choses est le premier écho de cette vastitude …

Le désert est miroir,
Le miroir est désert …”

Jean Yves Leloup – « L’œil de la nuque »

Le regard ordinaire est la plupart du temps un regard frontal, un œil «flèche» qui vise, définit, objective. Il voit des «choses» et s’il les voit «bien», «précisément», il est heureux.

Un autre regard est possible. Il ne part pas des yeux ou du front, mais de derrière les yeux, de derrière la tête, depuis ce qu’on pourrait appeler «l’œil de la nuque». C’est davantage un regard «coupe» qui accueille ; il ne vise rien, il acquiesce à ce qui est sans chercher à le définir ou à l’objectiver.
Il ne voit pas des «choses», mais un champ d’énergie ou de lumière dans lequel des lignes, des formes, des densités apparaissent …
Si le mot existait, il faudrait dire que «l’ œil de la nuque» veut davantage «infinir» que «définir» ce qu’il voit. Autant dire qu’il ne veut rien ; il laisse planer l’oiseau dans son vol, il ne cherche pas à le saisir.

Regarder quelque chose ou quelqu’un, un paysage, un corps ou un visage avec «l’œil de la nuque», c’est cesser immédiatement de se l’approprier, c’est le rendre à l’espace, à l’entre-deux, au «fond» ; à ce qui ne se voit pas dans le visible.
On ne voit pas «le fond», mais peut-être, parfois ce qui dans une image le laisse pressentir … Il ne s’agit pas de «faire abstraction du réel», mais de voir l’abstraction du Réel.

« L’œil de la nuque » correspond à ce moment de recul où le regard, prenant conscience de ses projections, s’efface. Ce moment d’effacement ou de retrait correspond à un regard qui peut alors accueillir. Ce regard créateur n’est ni déterminant (il n’objective pas) ni déterminé (il ne se laisse pas imprimer «impressionner» par quelque chose de particulier).

«L’œil de la nuque» place le regard humain dans son ouverture maximale ; il le replace dans l’ouvert … Il ne s’agit pas seulement du « regard éloigné » qu’on reconnait au sage, mais du regard infini de l’infini Réel…

Jean Yves Leloup – Qui est « je suis »? – Éditions du Relié

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Par Jean-Marc Thiabaud

Jean-Marc Thiabaud, 65 ans, marié, deux fils, un petit-fils.
La lecture de "La philosophie éternelle" d'Aldous Huxley m'oriente précocement sur le chemin de la recherche du Soi.
Mon parcours intérieur emprunte d'abord la voie du yoga, puis celle de l'enseignement d'Arnaud Desjardins.
La rencontre de Douglas Harding en 1993 me permet d'accéder à une évidence que je souhaite désormais partager.

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