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6 - Lectures essentielles

Une dictature administrative – Blog Arfuyen

J’ai découvert ce texte en consultant le site des éditions Arfuyen à propos de quelques billets dédiés aux maximes de Georges Bernanos.

Une dictature administrative (0)

« De toutes parts sont dénoncés les méfaits ravageurs de nos modes de vie. Pour la santé des hommes, pour la survie des espèces, pour l’avenir de la planète. Et l’étonnant est de voir combien lentement progresse la prise de conscience, et plus lentement encore le changement des comportements. Comme si une certaine forme de confort était anesthésiante et nous avait tous rendus passifs et veules. Comme si les médiocres querelles et les vaines paroles nous étaient, en réalité, autant de moyens de ne pas agir.¹

Cet engourdissement des consciences et des volontés, Bernanos (sur lequel nous publions en cette rentrée, par les soins de Gérard Bocholier, un Ainsi parlait Georges Bernanos), l’a mieux que personne en son temps analysé et dénoncé.

« Ce n’est pas, note-t-il, la servitude qui fait les esclaves, c’est l’acceptation de la servitude. Et il y a une chose pire que l’acceptation de la servitude, c’est d’y conformer sa vie au point d’y trouver ses aises, et, finalement, de l’ignorer. »²

Il est étrange que ceux-là mêmes qui ont en leur jeunesse dénoncé avec la plus grande véhémence la société de consommation en soient devenus les promoteurs et les garants. Que cette même génération qui prétendait changer la vie soit aujourd’hui accusée d’avoir, par son incurie, organisé au niveau planétaire son extinction.

Par quelle somme d’inconséquences et de lâchetés en est-on arrivé là ? Par quel aveuglement volontaire ?

« La Civilisation mécanique, observait Bernanos, finira par promener autour de la Terre, dans un fauteuil roulant, une Humanité gâteuse et baveuse, retombée en enfance et torchée par les Robots. »³

À de rares exceptions près, la glorieuse génération soixante-huitarde aura connu cette morne décadence, entraînant avec elle, qui pis est, sa progéniture. Que restera-t-il de ce grand et mémorable sursaut de liberté que des images et des textes. Mais qui les lira ?

« Le temps vient, notait déjà Bernanos, où, dans un monde tout entier gagné au conformisme totalitaire, le moindre texte emprunté aux plus classiques, aux plus tolérants, aux plus humains de nos penseurs – Montaigne, par exemple, ou Montesquieu – retentira aux oreilles des imbéciles comme un tonnerre et aux oreilles des tyrans comme un tocsin. » (4)

Ne voit-on pas déjà combien ces grands textes se sont éloignés de nous, combien ils semblent déjà appartenir à un monde aussi lointain que l’Antiquité ? Et combien déjà leur nourriture forte et salubre commence à nous manquer ? Car ne nous leurrons pas :

« L’État moderne est une dictature administrative toujours encline à se transformer en dictature policière. » (5)

Nous avons mieux à faire que de lire les “romans de la rentrée”, laissons les industriels de la communication à leurs misérables calculs de ventes potentielles. Lisons, relisons « les plus classiques, les plus tolérants, les plus humains de nos penseurs ». Shakespeare, Novalis, Leopardi, Hugo, Flaubert, Rilke, Bernanos … Et, avant tout, lisons, relisons les poètes. Car, disait Bernanos, « ce monde hideux ne se soutient que par la douce complicité – toujours combattue, toujours renaissante – des poètes et des enfants. » Et il mettait en garde :

« Soyez fidèle aux poètes, restez fidèle à l’enfance ! Ne devenez jamais une grande personne ! » (6)

 

Cordialement

 

0 – Ne vous semble-t-il pas que nous y sommes désormais dans la « dictature administrative » et qu’elle se renforce à marche forcée à la faveur de la Covid-19 ? Bernanos annonçait cette dégringolade démocratique & spirituelle voici déjà plus de quatre-vingts ans …

¹ – « Méfaits ravageurs » pour la « santé », mais également pour cette santé globale de l’être communément appelée le salut, l’éveil, la réalisation, … « Nos modes de vie » sont – tout simplement mais entièrement – opposés à la vie, à la grande Vie possible qui est pourtant notre dignité et notre destin. Il n’y a pas vraiment d’autre choix que de rompre avec leur obscurité. Et c’est impossible en restant confiné dans la zone périphérique « je suis humain » du dessin ci-dessous. Le salut, l’éveil, la réalisation, etc … passent nécessairement par l’expérience du « Je Suis » central. C’est « le seul espoir »

NB : Il n’est pas inutile de se souvenir, surtout en campagne électorale, de ces paroles de Bossuet :

« Dieu se rit des hommes qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes. »

La citation exacte serait en fait la suivante :

« Mais Dieu se rit des prières qu’on lui fait pour détourner les malheurs publics quand on ne s’oppose pas à ce qui se fait pour les attirer. Que dis-je? Quand on l’approuve et qu’on y souscrit. »

« Histoire des variations des églises protestantes » – Livre IV

² – Citation à méditer soigneusement à l’issue de ces deux premières années de pandémie de Covid-19. Et si cette dernière, bien réelle, avait donné à la « caste d’anormaux » qui prétend nous diriger une occasion extraordinaire de booster cette « acceptation de la servitude » ?

Quelle pourcentage de la population française peut bien aujourd’hui « conformer sa vie à l’acceptation de la servitude, au point d’y trouver ses aises, et, finalement, de l’ignorer » ? Ne serait-il pas temps de décider enfin de réellement sortir pour de bon d’Égypte ?

³ – C’est pour de telles phrases qu’on aime, ou déteste, Bernanos ! Un peu d’excès, mais finalement si peu. Notre « humanité » contemporaine ne vous semble-t-elle pas retombée dans la plus totale immaturité (plutôt qu’« en enfance ») ? Cette citation ne dénonce-elle pas toute la folie du projet transhumaniste … ?

Ne vous a-t-il pas semblé qu’une large part des (mauvaises) décisions de gestion de la pandémie ont été prises par des représentants de cette « humanité gâteuse » et immature ?

4 – Nous y sommes presque « dans un monde tout entier gagné au conformisme totalitaire ». Et disposant de plus d’outils numériques de contrôle social dont Bernanos n’avait aucune idée. Quant à lire des classiques, « tolérants et humains » ou non, qui s’en préoccupe encore dans un monde tout entier régi par l’économie … Seuls quelques rares poètes & penseurs atypiques dénoncent encore … la réalité :

« Au treizième siècle il y avait les marchands, les prêtres et les soldats. Au vingtième siècle il n’y a plus que les marchands. Ils sont dans leurs boutiques comme des prêtres dans leurs églises. Ils sont dans leurs usines comme des soldats dans leurs casernes. Ils se répandent dans le monde par la puissance de leurs images. … Partout est l’argent, partout est le monde ruiné par l’argent. »

 « Le très-bas »

Christian Bobin

5 – Là encore, nous y sommes, y compris dans notre « patrie des droits de l’homme » arborant fièrement sur ses édifices publics une devise qui ne semble plus vraiment d’actualité … à l’heure de la répression féroce des gilets jaunes et de « l’emmerdement » présidentiel des non-vaccinés. Et là encore le poète a toujours raison …

« La France est un pays de flics
À tous les coins d’rue y’en a 100
Pour faire régner l’ordre public
Ils assassinent impunément …

Être né sous l’signe de l’hexagone
C’est vraiment pas une sinécure
Et le roi des cons, sur son trône
Il est français, ça j’en suis sûr … »

« Hexagone »

Renaud

6 – Les « happy few » lecteurs de volte-espace comprennent aisément que cette dernière citation m’est difficile à accepter sans ajouter mon grain de sel.

« Restez fidèle à l’enfance », bien sûr. Parce que l’enfant possède l’intuition, assez peu consciente certes, que le dessin de la note n° 1 ci-dessus est son « autoportrait », la représentation de sa véritable nature d’espace d’accueil illimité & inconditionnel.

« Ne devenez jamais une grande personne », au sens suivant : ne renoncez jamais à cette juste intuition de départ, n’acceptez jamais d’être réduit aux seules dimensions du corps & mental, à l’étroite zone périphérique « je suis humain » du dessin ci-dessus, refusez de tout votre être cette amputation de la part la plus essentielle de vous-même, l’Esprit, le « Je Suis » central qui, sitôt réintégré, explose aux dimensions de l’univers et vous restitue votre « grandeur » de « Youniverse »

« Le sage a pour corps l’univers entier » comme dit l’Upanishad.

« Une grande personne » au sens que Bernanos donne à cette expression c’est un échec absolu. Visez plutôt le sage ou, comme il aurait dit, le « saint » … La Vision du Soi selon Douglas Harding peut vous faciliter grandement la tâche. Essayez, vérifiez !

 

Par Jean-Marc Thiabaud

Jean-Marc Thiabaud, 65 ans, marié, deux fils, un petit-fils.
La lecture de "La philosophie éternelle" d'Aldous Huxley m'oriente précocement sur le chemin de la recherche du Soi.
Mon parcours intérieur emprunte d'abord la voie du yoga, puis celle de l'enseignement d'Arnaud Desjardins.
La rencontre de Douglas Harding en 1993 me permet d'accéder à une évidence que je souhaite désormais partager.

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