Ce 26 janvier 2007 fut une journée paradoxale, à la fois immensément triste et pourtant saturée d’espoir, d’énergie, de confiance, d’amour, … Je ne peux que souhaiter à tout homme des funérailles aussi surabondantes de vie que celles de Douglas Harding.
St Paul, cité lors de la cérémonie, le fut sans doute rarement autant à propos :
« Ô mort, où est ton aiguillon ? Ô tombe, où est ta victoire ? »
S’il n’était pas ce jour là trop occupé à conduire un atelier avec quelques anges, voire avec le Big Boss himself, et qu’il a jeté un coup d’œil sur ce qui se passait du coté de Nacton, nul doute que Douglas aura apprécié à sa juste valeur la qualité d’ouverture pratiquée par cette communauté(1) d’amis réunie pour l’accompagner dans son dernier voyage.
Au retour, pour demeurer dans l’ambiance si particulière de ces trois journées passées à Nacton, je me tournai naturellement vers un autre « diable d’homme » : François d’Assise. Deux similitudes me semblaient autoriser ce rapprochement par delà huit siècles : l’immensité des œuvres, simples, justes et nécessaires, et l’humilité des auteurs, grands par leur total accueil des autres et du monde, par leur détermination et leur tendresse.
« Loué sois-tu, mon Seigneur, pour notre sœur la mort corporelle,
A qui nul vivant ne peut échapper.
Malheur à celui qui mourra dans l’état de péché mortel,
Heureux ceux qu’elle trouvera faisant tes saintes volontés,
Car la seconde mort ne leur fera pas de mal. »
Frère François (2)
Cette ultime strophe du « Cantique des Créatures », Douglas l’avait bien sûr vécue personnellement, mais aussi et surtout transcrite dans un langage résolument moderne et universel, et accompagnée d’une méthode (3) et d’outils permettant à chacun de la reprendre à son compte, de, simplement, « naître à nouveau » …
« Méthode , outils », deux petits mots de « rien du tout », mais qui ouvraient désormais très largement la possibilité d’une fraternité « en esprit et en vérité ». Une alternative intéressante à la folie de la destruction mutuelle assurée, tant de l’espèce humaine et des autres, que de leur commun écosystème, mais à condition de le vouloir vraiment, vraiment, vraiment.
En écho à ces derniers vers du Poverello, quelques phrases du « Très-Bas »(4) de Christian Bobin :
« Loué sois-tu pour notre sœur la mort – celui qui écrit cette phrase, celui qui a en lui le cœur de la prononcer, celui-là est désormais au plus loin de lui-même et au plus proche de tout. Plus rien ne le sépare de son amour puisque son amour est partout, même dans celle qui vient le briser.
Loué sois-tu pour notre sœur la mort – celui qui murmure cette phrase est venu à bout du long travail de vivre, de cette séparation partout mise entre la vie et notre vie. »
Le Christ, St François d’Assise, Douglas E. Harding… J’exagère … ? Si peu.
Le champ d’utilisation du verbe « exagérer » me semble d’ailleurs se restreindre au fur et à mesure que la Vision du Soi se trouve valorisée.
Cependant la « lampe » que Douglas nous laisse en héritage, cette « Troisième Voie », ne peut demeurer autant « sous le boisseau » : il incombe à notre communauté d’amis de plus et mieux la partager, car, plus que jamais, la Source a soif d’être bue.
Cordialement
1 – Communauté, article de Douglas dans les n° 0 et 12 de la revue Vivre sans tête – Prochainement sur ce site.
2 – « Frère François » de Julien Green, Éditions du Seuil, Points n° 325
3 – « Les vérités les plus précieuses sont les méthodes. » Nietzsche
4 – « Le Très-Bas » de Christian Bobin, Gallimard, Folio n° 2681