Catégories
6 - Lectures essentielles

S’il vous plait, lisez Maus

Récit de l’enfer d’Auschwitz – « Maus » d’Art Spiegelman

53 minutes – Film disponible sur Arte.tv jusqu’au 25/10/2024

« Sous le signe de l’autobiographie, Pauline Horovitz explore avec humour et finesse l' »avant » et l' »après » du chef-d’œuvre de la bande dessinée d’Art Spiegelman, qui a révolutionné la transmission de la Shoah.

Avec son récit graphique « Maus » (« souris » en allemand), en deux tomes parus respectivement en 1986 (aux États-Unis, l’année suivante en France) et 1991, Art Spiegelman a accompli une double révolution : il a fait entrer la Shoah dans la bande dessinée et, de ce fait, dans la culture « mainstream », sans jamais trahir la rigueur historique et narrative requise pour en transmettre l’expérience. En restituant à la fois le témoignage de son père Vladek, juif polonais rescapé d’Auschwitz, émigré à New York après la guerre, et son dialogue souvent difficile avec celui-ci, il a aussi consacré la BD comme un art du réel, tout en donnant droit de cité à la « deuxième génération » des enfants de déportés, ployant sous le poids d’une tragédie qu’elle n’a pas vécue directement. Pourtant, en 1980, quand ses premières planches apparaissent dans Raw, la revue de bande dessinée alternative qu’il dirige avec sa femme française, son entreprise est alors non seulement inédite, mais aussi impensable : une BD sur les camps d’extermination, mettant en scène les juifs sous forme de souris, les nazis en chats et les Polonais « goy » en cochons ? Parce qu’il sait que Steven Spielberg, inspiré par son travail inachevé, produit un film d’animation qui le dénature complètement (« Fievel et le Nouveau Monde », sorti en 1986 aussi), Art Spiegelman, anxieux de le prendre de vitesse, trouve à grand-peine un petit éditeur disposé à publier le premier tome. D’abord phénomène de librairie au parfum de scandale, puis best-seller international consacré en 1992 par le prix Pulitzer (le premier et dernier à ce jour décerné à un comic book), Maus acquiert pourtant rapidement la stature d’un classique. La réalisatrice Pauline Horovitz, qui a découvert à 13 ans dans cette œuvre fondatrice la vérité que sa propre famille lui taisait avec obstination, en explore l' »avant » et l' »après » à la lumière de son itinéraire de petite-fille de rescapés devenue mère.

Humour à froid


« C’est une idée que j’ai empruntée à mon collaborateur Adolf Hitler… » En écho à l’humour à froid, toujours à juste distance, d’Art Spiegelman, qui retrace au fil de délectables entretiens d’archives la genèse de son chef-d’œuvre, Pauline Horovitz (« Ma guerre des mondes »), entre gravité et autodérision, se met discrètement en scène avec les siens (son père, son fils) pour mieux souligner les multiples enjeux de transmission et de représentation résolus avec éclat par « Maus ». Guidée par d’autres fervents admirateurs – les historiens Annette Wieviorka et Tal Bruttmann, les bédéistes Emmanuel Guibert et Joann Sfar… –, cette relecture tout sauf didactique, empreinte à la fois de drôlerie et d’émotion, montre combien le temps a confirmé la puissance du livre et la nécessité de le lire.


Je me permets de proposer ici une seule page, où Art parle de son père, Vladek, avec son psy – qui est lui-même un survivant de la Shoah. Beaucoup de thèmes à explorer, mais je me contenterai d’attirer l’attention sur la quatrième case …

Non, effectivement « les gens n’ont pas changé … ». Et ce malgré d’autres Holocaustes non pas « plus importants » mais différents. Ainsi Raul Hilberg a-t-il jugé nécessaire, et sans aucun doute consternant, de devoir rajouter à la conclusion de sa monumentale étude : « La destruction des juifs d’Europe » (Folio Histoire, 3 tomes), quelques pages à propos du génocide rwandais. Voilà ce qu’en a dit Jonathan Littell, interviewé en 2007 peu après le décès de cet historien :

« … Je voudrais ajouter que cela fait soixante ans – il y a dix ans cela faisait donc cinquante – que tout le monde dit à propos de l’Holocauste : «Plus jamais ça». Et puis il y a eu de nouveau «ça», avec le génocide rwandais. Il [Raul Hilberg] est alors, à ma connaissance, le seul historien qui ait réagi. Il n’est pas resté dans sa bulle académique à étudier la Shoah comme il aurait étudié Chateaubriand. Il a estimé qu’il ne pouvait pas rester spécialiste de la Shoah sans dire un mot de ce qui se passait, et il a ajouté à son livre un chapitre sur le Rwanda, sous prétexte qu’on ne peut pas passer son temps à dire «Plus jamais ça» et tourner la tête de l’autre côté quand ça se passe sous nos yeux. Le livre se termine là-dessus. Ça montre comme cet homme avait une vraie profondeur morale, comme il s’intéressait à l’essence du crime, du mal.« 

Copyright © Libération mardi 7 août 2007 – Propos recueillis par Mathieu Lindon

Nous ne saurons jamais comment Raul Hilberg aurait réagi à ce qui se passe à Gaza depuis l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023 … Il aurait peut-être écrit à nouveau – deux fois même – la dernière phrase de son livre : « L’histoire s’était répétée » … Espérons que des historiens de sa « profondeur morale » parviennent à faire la lumière sans tarder sur ce chaos qui n’a que trop duré – une menace pour la sécurité de toute cette région, un détonateur pour rompre le précaire équilibre du monde entier.

De « nouveaux Holocaustes » seraient-ils d’une quelconque utilité ? Il y en a eu : au Tibet, au Cambodge, chez les Ouïghours du Xinjiang, les Rohingyas de Birmanie, … Ne contribuent-ils pas plutôt à ce que les spectateurs s’habituent … ? A ce que notre niveau d’humanité ne trouve son point d’équilibre sans cesse un peu plus bas ?

Non, La Solution consiste au contraire à rehausser sans cesse le niveau d’humanité des humains, leur capacité de compassion & d’amour. C’est là le leitmotiv de toute véritable spiritualité, quel qu’en soient l’ancrage religieux ou l’habillage culturel, c’est « le seul espoir ». Il existe différentes méthodes pour y parvenir ; la Vision du Soi selon Douglas Harding – magnifique « entrée principale » – n’est pas la plus mauvaise. Vérifiez !

Cordialement


Par Jean-Marc Thiabaud

Jean-Marc Thiabaud, 65 ans, marié, deux fils, un petit-fils.
La lecture de "La philosophie éternelle" d'Aldous Huxley m'oriente précocement sur le chemin de la recherche du Soi.
Mon parcours intérieur emprunte d'abord la voie du yoga, puis celle de l'enseignement d'Arnaud Desjardins.
La rencontre de Douglas Harding en 1993 me permet d'accéder à une évidence que je souhaite désormais partager.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.