[La liste des brouillons de volte-espace en attente de finalisation ayant déraisonnablement enflé, un peu de ménage s’imposait. Certaines ébauches vont donc être transformées en billet, sans lien direct ni avec l’actualité, ni avec mes intérêts du moment, et a minima. Il s’agit juste d’une phase d’hygiène informatique si j’ose dire.]
Voici une « phrase de la semaine » envoyée récemment (0) par Hommes de Parole, remarquable fondation déjà évoquée dans un précédent article :
« L’amour a toujours été soigneusement écarté des constructions réalistes et positivistes du Monde.
Il faudra bien qu’on se décide un jour à reconnaître en lui l’énergie fondamentale de la Vie. »
Au moment où va bientôt commencer le centenaire de de la « grande » guerre, surtout destiné à vendre … du papier, de l’image, de l’émotion … , à divertir avec l’horreur au prétexte de « commémoration », ne serait-il pas opportun de mettre plutôt en avant les quelques lueurs d’humanité qui y sont nées et qui ont survécu¹ ?
Toutes vaudront mieux que la célébration des « valeurs » de nationalisme, de sacrifice, d’héroïsme, de puissance, … S’il est certain que ces « valeurs » ont accompagné un temps le processus d’hominisation, il ne l’est pas moins qu’elles bloquent complètement le processus d’humanisation … et que, globalement, nous ne sommes pas encore suffisamment nombreux à être pleinement convaincus qu’une « transformation totale du sens de la grandeur » s’avère indispensable & urgente. « Les constructions réalistes et positivistes du Monde » sont en effet en bonne voie de le conduire, non pas au point Oméga, mais à l’effondrement, à l’abîme …
Deux hommes dont je souhaite vous parler ont fait l’expérience de cette « grande » guerre. Ils étaient même simultanément présents sur le champ de bataille de Verdun en juin 1916 (pour mémoire, parce qu’il n’est pas question ici d’oublier ces sacrifiés : 714 000 morts …).
L’un comme caporal sanitaire, Pierre Teilhard de Chardin : la citation qui a donné naissance à ce billet montre qu’il était passé infiniment au-delà du niveau des breloques qui lui ont été accordées à l’occasion de ce conflit (médaille militaire et Légion d’honneur).
L’autre comme lieutenant du corps d’infanterie de Bavière : Karlfried Graf Dürckheim.
Pareillement confrontés à l’anéantissement et à l’absurde, tous deux réalisent alors l’existence une vie infiniment plus vaste que celle qu’ils risquent de perdre chaque jour.
Voici deux extraits du livre de Gerhard Wehr : « Karlfried Graf Dürckheim – Une vie sous le signe de la transformation » (Munich 1988 – Albin Michel 1997) :
« Le premier mort que j’ai vu était un français en culotte rouge sur le bord d’un chemin … Subitement, la vie n’était plus quelque chose d’évident, mais une plénitude surnaturelle sur l’arrière-plan terrifiant de la non-vie. »
« Dialogues sur le chemin initiatique »²
« Avec la mort en arrière-plan, j’éprouvais la valeur de la vie, et même de cette vie présente dans sa réalité spatio-temporelle, qui prenait en tant que telle un caractère numineux. Quelque chose de tout autre se révélait également à moi de cette expérience qui témoignait d’une vie surnaturelle au-delà de la mort et comme émanant d’elle³. »
Cordialement
0 – Le précédent enregistrement de ce brouillon date … du mois d’août 2013 !
« Hommes de Parole » semble ne plus exister … Alain Michel a connu bien des tribulations avec A. C., l’homme au magnifique sourire à cran d’arrêt … Celui qui n’en n’a pas encore eu en aura … C’est la vie.
Quant à Teilhard de Chardin, il s’agit juste d’une citation isolée, le prétexte à un billet. Je ne connais quasiment pas son œuvre et n’oublions pas que, même s’il a été en délicatesse avec sa hiérarchie, il n’en reste pas moins jésuite … Prudence !
¹ – Je ne pense pas que publier ce billet avant la commémoration de « la der des der » aurait changé grand chose … ! Je n’ai pas tout suivi avec attention, mais je n’ai rien entendu qui aille dans le sens de la citation de Sylvie Germain :
« La vraie grandeur est silencieuse, infiniment discrète,
elle réside dans la conquête de l’intelligence et de la sagesse de l’amour,
de la patience et de la générosité de l’amour. »
C’est dommage … mais aussi tellement & désespérément logique. Après l’effondrement de 14-18 – le suicide européen – quelques personnes se sont attelées au nécessaire travail de construire un « homme nouveau », un homme véritablement humain qui deviendrait incapable de « frérocité ». A lire l’actualité, ce n’est pas encore gagné. Une grande part de l’humanité est toujours en train d’errer dans le désert de la violence …
² – Il s’agit d’un excellent livre d’entretiens entre Alphonse Goettmann, prêtre orthodoxe, et Karlfried Graf Dürckheim.
³ – Avec Douglas Harding je préfère parler de quelque « non-chose », du contraire exact d’une « chose ». C’est ce qui est traduit par « Rien » (« nothing » & « no-thing ») dans la phrase « Je ne Suis Rien » du dessin ci-dessous. Il serait d’ailleurs préférable de malmener un peu la syntaxe pour écrire : « Je Suis Rien » …
Notre Vraie Nature, cet espace d’accueil inconditionnel & illimité de tout, est effectivement « tout autre ». Et si en faire l’expérience revêt pareillement un caractère « numineux », il s’agit d’un numineux totalement simple, évident, paisible, aux antipodes de toute tentative de « militarisation » du divin. « Vision » en donne bien le ton.
Et à la formulation : « … vie surnaturelle au-delà de la mort et comme émanant d’elle », je préfère de loin évoquer une vie totalement naturelle, en parfaite continuité avec toute la « hiérarchie » scientifique des « Puissances de Dix », en-deçà de la mort et émanant du « mystère », du « ? », que Douglas dessinait parfois à la place de la flèche (⇑).
Teilhard de Chardin aurait sans doute apprécié contempler cette carte de Douglas, notre « autoportrait ». Et si vous aviez l’audace de venir la construire dans un atelier de Vision du Soi …