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La démocratie a échoué à traiter le problème environnemental

Le journal « Le Monde » a publié sous ce titre ,« La démocratie a échoué à traiter le problème environnemental », un entretien avec Dennis Meadows dans son édition du 2 décembre 2018 (0).

L’auteur du rapport homonyme, paru en 1972 …, si mal traduit en français par « Halte à la croissance », n’est pas un inconnu sur volte-espace¹.

Ce physicien continue bien évidemment de « juger insoutenable notre mode de vie », et d’enfoncer le clou par quelques réponses  bien formulées :

  • à la question – tendancieuse – « A quoi ressemblera le monde dans quarante ans si l’on ne fait rien ? », D. Meadows répond très clairement : « Le changement climatique accélère … Notre mode de vie, gourmand en biens matériels et énergies fossiles, n’est donc pas tenable. Le rythme auquel la population mondiale progresse n’est pas plus soutenable … Il devra donc ralentir d’une façon ou d’une autre. »

 

  • alors que les valses-hésitations que sont les COP (la n° 24 n’ayant pas fait exception) continuent de plus belle,« as usual » du fait du principe du « droit au développement » et du cynisme généralisé, D. Meadows précise : « Il était plus facile d’envisager des changements fondamentaux avant les années 1990 … Aujourd’hui, je vois mal comment les gens pourraient accepter de vivre avec moins. Nous ne choisirons donc pas le changement : il nous sera imposé, plus ou moins brutalement … »

 

  • à la question « Si elle n’augmente plus le bien-être, pourquoi sommes-nous toujours aussi accros à la hausse du PIB ? », D. Meadows répond sans détour : « En grande partie car les dirigeants politiques et leaders financiers au pouvoir sont les premiers à tirer profit du système et n’ont aucun intérêt à le faire évoluer. … Mais les politiques peuvent faire ce qu’ils veulent : les contraintes naturelles détermineront notre futur, pas eux².« 

(Dessin illustrant l’article « Le PIB » du site de Jeanne Emard …!)

  • sa vision de l’intérêt « des initiatives locales favorables à l’environnement » reste très réaliste : « Ces initiatives sont excellentes, mais elles ne changeront pas le système. Au mieux, elles profiteront aux régions les mettant en œuvre³. »

 

  • le développement durable « Comme la croissance verte, ce concept est un fantasme (4) utile aux industries et dirigeants du système actuel pour justifier leur existence, tout en s’abstenant de mettre en œuvre les mesures réellement nécessaires. En vérité, le réchauffement climatique est déjà trop avancé pour espérer l’interrompre par un hypothétique développement durable. »

 

  • la décroissance … « J’admire les décroissants … la façon dont ils s’y prennent est condamnée à l’échec. En anglais, le mot « degrowth » est connoté trop négativement pour susciter l’adhésion. Il serait plus pertinent d’utiliser un autre terme, comme celui de bien-être humain (5). … L’urgence devrait être de développer la résilience de nos sociétés face à ces chocs (6), afin qu’elles puissent continuer à fournir les services de base. »

 

  • Comment … ? « Cette résilience peut se déployer à l’échelle des habitations, des quartiers, des villes. … Je me suis donc équipé d’un générateur de secours [pour pallier aux fréquentes coupures d’électricité]. J’ai des réserves de nourriture au sous-sol. Je fais le plein lorsque le réservoir de mon véhicule est à moitié vide … » (7)

 

  • Emmanuel Macron s’est engagé à  agir en faveur de l’environnement. Peut-il réussir ? « Non. Il n’est pas différent des autres. Les problèmes engendrés par le changement climatique et la pollution exigent de déployer des mesures extrêmement coûteuses à court terme mais dont les effets ne se mesureront pas avant des décennies. Aucun homme politique ou parti ne remportera une élection avec un tel programme. C’est la limite de la démocratie, qui a échoué à traiter le problème environnemental – même si elle reste le meilleur régime que nous connaissons. » (8)

 

Cordialement

 

0 – Dans le supplément « Économie & Entreprise » ! Comme quoi même un « journal de référence » peut avoir de l’humour … noir.

Merci à Denis de m’avoir fait découvrir ce texte.

¹ – L’article du Monde rectifie le tir en renommant ce rapport : « Limites de la croissance ».

² – C’est ahurissant de voir à quel point nous sommes – pour la plupart et surtout les soi-disant « experts » et « responsables » – englués dans le langage, le droit et les concepts, déconnectés de la réalité biophysique qui nous permet de survivre. Comment en sommes-nous venus à cette incapacité de comprendre qu’il n’est pas possible de « négocier » avec un ouragan, une sécheresse, une avalanche ou une lave torrentielle … ? Le zen et sa version modernisée qu’est la Vision du Soi pourraient nous aider à Voir que « nous avons pour corps l’univers entier », et à nous comporter envers ce corps de réalité que nous sommes en conséquence.

La crise des gilets jaunes qui vient d’avoir lieu a montré que, pour diverses raisons, bien d’autres classes souhaitent continuer aussi « à tirer profit du système et n’ont aucun intérêt à le faire évoluer ». L’homo economicus, quel que soit son niveau social et son degré d’instruction, persiste dans l’erreur de réclamer plus de pouvoir d’achat alors que les conditions mêmes de sa survie sont entrain de vaciller … L’effondrement probable va détruire cet homo là, et c’est finalement une bonne nouvelle puisqu’il en est directement responsable.

³ – Quand même une petite note d’espoir. Il est donc urgent de mettre en œuvre ces initiatives locales avant que tout s’effondre. Mais combien de maires français sont convaincus de ce qu’écrit là Dennis Meadows, combien ont lu Rob Hopkins et combien mettent sérieusement en œuvre les propositions des Initiatives de Transition ? Combien sont déterminés à suivre les propositions du « Petit traité de résilience locale » d’Agnès Sinaï, Raphaël Stevens, Hugo Carton et Pablo Servigne ?

Si ils étaient plus nombreux – à ne pas être aveugles à tous ces signaux passés au rouge et à véritablement se soucier de l’avenir proche de leurs administrés – cette stupide (et meurtrière) crise des gilets jaunes, loin d’être terminée –  aurait sans doute pu être évitée … Le mot crise inclut bien sûr tous les mauvais signaux envoyés par Président & Gouvernement : mauvaise communication, stratégie (!) du pourrissement, atermoiements, absence de vision d’ensemble, démission devant la violence, législation dans l’urgence, …

4 – Les fantasmes du développement durable et de la croissance verte n’ont plus droit de cité sur volte-espace. Cf. la fin de « Pour une déclaration de l’état d’urgence écologique mondial ».

5 – L’équation de ce « bien-être humain » n’a t-elle pas été posée noir sur blanc il y a déjà bien longtemps dans notre culture, et sans doute encore plus tôt dans d’autres ?

« Il faut qu’il croisse et que je diminue. »

Évangile de Jean 3, 30

[Ἐκεῖνον δεῖ αὐξάνειν, ἐμὲ δὲ ἐλαττοῦσθαι.]

Est-ce que la clé de l’avenir de « la décroissance », en tant que mouvement de pensée et peut-être aussi que force politique, ne se trouve pas là ? Le « petit » – l’ego, le « moi-je » … – qui, il faut bien le reconnaître, est le principal responsable du bordel ambiant et de l’incapacité à y remédier de manière satisfaisante, doit à tout prix « diminuer » d’importance, retrouver sa véritable place, périphérique, dans la hiérarchie cosmique.

Comment ? Oh, tout simplement en voyant que le « Grand », le « Je Suis » central, est sa vraie nature.

« Oui mais … une telle prouesse spirituelle est réservée à quelques très rares individus hyper doués ou hyper privilégiés par siècle et par continent », va-ton me rétorquer.

Oui mais non, plus depuis qu’existe la Vision du Soi selon Douglas Harding. Cette façon là de s’y prendre n’est peut-être pas « condamnée à l’échec ». N’en croyez bien sûr pas un traître mot, essayez, vérifiez !

Vérifiez notamment que la difficulté consiste à transformer l’expérience – évidente – en exercice quotidien, à la valoriser assidûment. « L’éveil » est un commencement, pas un achèvement.

6 – En dépit de leur apparente puissance, nos sociétés modernes, hypercomplexes, interconnectées d’innombrables manières, sont en réalité hyper-fragiles, des colosses aux pieds d’argile qui commencent à vaciller très sérieusement. « Développer leur résilience » devrait être, ou en tous les cas devenir très rapidement, le leitmotiv de tous les responsables politiques de tous les niveaux territoriaux. Nous savons ce qu’il convient de faire, nous disposons des compétences et d’encore un peu d’argent … et de temps pour nous y mettre, mais nous ne le faisons pas ! Nous préférons continuer le « business as usual » … ???? Nous sommes complètement cinglés ! Un bel exemple de ce qu’est la pulsion de mort.

Ainsi, dans la vallée où je réside, se poursuit le chantier pharaonique du tunnel Lyon-Turin ferroviaire, sans que son financement soit véritablement assuré, au mépris de l’avis des populations (italienne surtout), avec un processus de décision des plus obscurs et certainement pas démocratique et, depuis les dernières élections en Italie, un désaccord certain entre les gouvernements des deux pays … Ce modèle de Grand Projet Inutile et Imposé ne servira plus à rien lorsqu’il sera terminé, mais il aura englouti des financements, des moyens et des compétences qui auraient été beaucoup plus utiles au développement de la résilience …

7 – L’américain – même physicien de haut niveau – n’a pas perdu sa mentalité de pionnier du far-west … Autrefois il était prompt à faire le cercle de chariots pour résister aux attaques (justifiées !) des indiens ; le survivaliste (ou le « prepper ») d’aujourd’hui est plutôt individualiste. Ce qui est proposé relève du bon sens le plus élémentaire, et le gouvernement français ferait sans doute bien d’y inciter un peu (plus) les citoyens, comme c’est le cas dans de nombreux pays (Cf. un exemple suisse), mais … que se passe-t-il quand les réserves (carburant, aliments, …) sont épuisées ?

8 – Rien à attendre d’Emmanuel Macron sur ce plan là donc. Tout – sa formation, son parcours, son entourage – le positionne à des années-lumières de la problématique du rapport Meadows. Problématique qui, soit dit en passant, est aussi celle de notre avenir, de notre survie … Ce serait quand même bien que notre Président s’y intéresse sérieusement, et dare-dare. Crise des gilets jaunes ou pas. Démission de Nicolas Hulot ou pas. Incompétence et imposture totales de Nicolas de Rugy ou pas …

Ceci dit, je ne suis pas tout à fait aussi pessimiste que Denis Meadows. Il me semble que nous sommes devant un problème d’échelle. Si la démocratie fonctionnait un peu plus de bas en haut (« bottom-up » en novlangue d’énarque !), d’abord au niveau communal, puis cantonal, puis départemental (échelon à conserver impérativement face à la réduction drastique des déplacements qui finira bien par s’imposer …), etc … il serait sans doute possible de « traiter démocratiquement le problème environnemental ». Vaste chantier …

Il y a toujours beaucoup à apprendre de Schumacher : « Small is beautiful ».

Par Jean-Marc Thiabaud

Jean-Marc Thiabaud, 65 ans, marié, deux fils, un petit-fils.
La lecture de "La philosophie éternelle" d'Aldous Huxley m'oriente précocement sur le chemin de la recherche du Soi.
Mon parcours intérieur emprunte d'abord la voie du yoga, puis celle de l'enseignement d'Arnaud Desjardins.
La rencontre de Douglas Harding en 1993 me permet d'accéder à une évidence que je souhaite désormais partager.

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