« En 1963, … Arnaud Desjardins rencontra un yogi qui lui dit :
« What you need is to build an inner structure »,
« Ce dont vous avez besoin, c’est de bâtir une structure intérieure. »
Je me souviens de la grimace que j’ai faite : depuis quatorze ans je pratique des exercices de méditation, de concentration, de présence à soi-même dans les groupes Gurdjieff, j’ai déjà écrit le livre « Ashrams », j’ai passé bien des mois auprès de Ma Anandamayi, et tout ce qu’il me dit, c’est :
« What you need is to build an inner structure. »
Je m’étais senti comme un bachelier qui, espérant entrer en faculté, s’entendrait déclarer : “Ce dont vous avez besoin, c’est d’apprendre à lire et à écrire.” Eh oui! Maintenant je comprends combien c’était vrai. Combien de temps a-t-il fallu encore après cette parole pour commencer à construire vraiment une structure intérieure digne de ce nom! »
Cordialement
Lorsque je suis allé rencontrer Arnaud Desjardins à Font d’Isière, il m’a d’abord semblé que moi aussi j’avais urgemment besoin « de bâtir une structure intérieure ». Et j’éprouve toujours une immense gratitude envers Arnaud pour m’avoir incité à me lancer sur cette voie là, pour avoir nourri le désir de « passer sur l’autre rive ».
Mais aujourd’hui, je vois les choses tout à fait différemment et d’une manière qui change radicalement la donne, puisqu’il me semble qu’il n’y a rien, absolument rien à « bâtir » :
- la structure énergétique, dont un premier aperçu très partiel est accessible dans le billet « Points importants Qi Gong … et méditation », n’est nullement à construire. Elle est déjà parfaitement en place en chacun de nous. Elle fonctionne tant bien que mal, que nous en ayons conscience ou pas : le Qi de l’univers – la conscience & énergie – nourrit le Qi du corps. Ou, exprimé de manière moins dualiste, le Qi circule plus ou moins librement dans l’Océan de Qi global, dans ce grand corps d’univers qui est celui de chacun d’entre nous …
- à partir de là, il est ensuite possible de conduire un travail bien ordonné sur cette structure énergétique – tel que le Qi Gong ou un véritable yoga par exemple – pour en préciser l’organisation, pour en affiner la perception, pour mieux comprendre son fonctionnement et le faciliter en l’accompagnant le plus consciemment possible. Je rappelle que la signification principale du mot Gong est « travail » … Si vous vous engagez sérieusement dans cette voie là, il ne va pas falloir en être avare !
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- et pareillement, la structure absolue – métaphysique si vous voulez – n’est nullement à construire non plus. Elle est déjà parfaitement en place chez chacun de nous. Elle fonctionne tant bien que mal, que nous en ayons conscience ou pas : nous sommes tous construits comme espace d’accueil illimité & inconditionnel, « en l’image », « contenant ultime », Visage Originel, … Que nous désirions plus que tout coïncider silencieusement avec lui, ou que nous le refusions de toutes nos forces, notre « autoportrait » est tel que représenté par Douglas Harding ci-dessous :
- mais si, en quelque sorte, nous sommes tous déjà parfaitement construits « en l’image », le travail d’assumer la « ressemblance » nous incombe entièrement. Comme j’ai déjà évoqué cette possibilité dans ce billet, je me contenterai donc de vous proposer un bref extrait de la conférence de Marie Balmary :
« … Nouvelle péripétie dans le récit biblique. À y regarder de tout près, on s’aperçoit que, ce que le Dieu vient d’annoncer, il ne va pas le faire, du moins pas en entier. En effet, son projet était de faire “en l’image de nous et comme ressemblance de nous”. Ce projet ne va être accompli que partiellement puisque dans le verset suivant, le récit reprend : “Élohim crée l’humain en image de lui. En image d’Élohim, il le crée.”
On remarque qu’Élohim ne crée qu’“en image” et il ne crée pas “comme ressemblance.”
Et cela, quand nous l’avons découvert, nous n’en croyions pas nos yeux, évidemment, comme à chaque fois qu’on découvre quelque chose. Puis nous nous sommes aperçus, pour notre grande consolation et confirmation, que les Pères de l’Église, comme Basile de Césarée, l’avaient vu en leur temps. Nous étions ravis de l’avoir trouvé nous-mêmes avant de conforter cette découverte par des découvertes précédentes que nous ignorions. Car, le moins que l’on puisse dire, c’est que cela ne nous a pas été transmis.
L’homme était déjà sans finalité et voilà qu’il est créé le moins possible (comme l’a dit le philosophe, Blanc de St Bonnet “Dieu créa l’homme le moins possible”). Est-ce une insécurité de plus, pour l’identité humaine, ou une chance extraordinaire ?
Le processus de création semble arrêté au milieu. Élohim laisse l’humain à moitié dit, à moitié fait, créé mais aussi incréé. “Incréé”, ça nous intéresse. Incréé, comme Dieu lui-même est incréé ? Si l’humain est à l’image de Dieu, il ne peut pas être seulement une créature, il faut bien qu’il soit incréé d’une manière ou d’une autre. … »
Alors « une chance extraordinaire » oui, mais aussi pas mal de travail. Travail qui peut être grandement facilité par les géniales expériences de la Vision du Soi – simples, concrètes, joyeuses. N’en croyez bien sûr pas un traître mot, essayez, vérifiez !
NB : le film éponyme, « Ashrams » est en accès libre sur dailymotion via ce lien.