« Parfois, j’étais des heures et des heures à l’affût pour rien. Parfois, ils se montraient quand je me préparais à repartir, comme pour me faire sentir leur pouvoir de grâce, de rédemption animale, universelle, d’apocatastase, un moment rare qui survient cycliquement après la mort du cosmos, quelque chose comme tous les mille milliards d’années (évidemment peu connu). Une sorte de résurrection dans le pardon. Sauf qu’il s’agissait pour moi d’une résurrection à l’instant même et ici, et non pas à venir. »
Jenny, dans « La Survivance » de Claudie Hunzinger
Le bonheur de ce mot rare se suffirait presque à lui-même. Par un étonnant effet de synchronicité, je venais juste de le lire sous la plume de Daniel Marguerat, dans la conclusion de l’ouvrage « Nous irons tous au paradis – Le jugement dernier en question », co-écrit avec Marie Balmary.
« Le langage biblique a un mot barbare pour dire l’espoir de la réconciliation de tous : « apocatastase« . Un grand théologien du III° siècle, Origène, l’a mis à la mode.
L’apocatastase, c’est la restauration de toutes choses, hommes, nature et animaux. La mise à neuf du monde lavé de ses blessures. Le rêve du Créateur en grandeur nature. Dieu avec tous et en tous. »
Pourquoi qualifier ce mot de « barbare » ? Je le trouve au contraire suprêmement civilisé et particulièrement précis et adapté à notre époque.
Celle-ci me semble en effet moins en « crise » qu’en « cata-stase », au sens strictement étymologique du terme : une position délibérément orientée, avec constance et fermeté, de haut en bas … Georges Bernanos exprimait cela avec force dans « L’esprit européen et le monde des machines » :
« Un monde en mouvement est un monde qui grimpe la pente, et non pas un monde qui la dégringole. »
Et encore plus précisément :
« Le cadavre en décomposition ressemble beaucoup … à un monde où l’économique l’a emporté décidément sur le politique, et qui n’est plus qu’un système d’intérêts antagonistes inconciliables, un équilibre sans cesse détruit, dont le point doit être cherché toujours plus bas.«
Retrouver le sens, la direction, de l’apo-catastase, c’est-à-dire faire le choix rigoureusement inverse, s’éloigner du « vers le bas » pour renouer avec le « vers le haut », du « vers la petitesse » pour retrouver le sens de la véritable grandeur, n’est-ce pas la seule solution qui finira par s’imposer à notre époque déboussolée … ?
A ce propos, je ne suis pas tout à fait d’accord avec Daniel Marguerat lorsqu’il écrit : « … ta vie est plus grande que tu ne le penses, le meilleur de toi-même est devant toi. » C’est, à mon humble avis, incomplet : si le meilleur de toi-même est devant toi, c’est d’abord et avant tout parce qu’il est en toi, dedans toi. Certes pas au sens d’ « … isoler un îlot divin en soi » qu’il a raison de dénoncer comme « … une entreprise à la fois hasardeuse et dangereuse. »
Non, c’est bien la petite, mais si précieuse, troisième personne (« Je suis humain ») qui est une partie de l’immense Première personne (« Je Suis »), comme Douglas Harding l’a dessiné ci-dessous, notre portrait à tous …
N’y voyez-vous pas, tout simplement, une assez convaincante représentation graphique de l’apocatastase ?
Certes il est préférable de venir construire cette carte ensemble lors d’un atelier.
Cordialement
NB : Le site de Cyrille Le Goaziou, photographe animalier, propose de superbes photos du brame du cerf, entre autres thèmes.