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1 - Pratique de la Vision du Soi Fondamentaux Vision du Soi

« Satori, c’est gris » – Alain Bayod

Alain Bayod a eu la gentillesse de m’offrir, voici déjà quelque temps, ce très beau texte que je me décide à l’utiliser suite à la mise en ligne préalable de Vedanta vijnana. Ce texte aurait intégralement sa place sur volte & espace ; mais comme il s’insère étroitement dans l’histoire et le fonctionnement de l’association des Amis d’Hauteville, je me bornerai à ne proposer que des extraits choisis. Il s’agit donc bien de ma lecture de ce texte, et les mots ou expressions en gras, les fractionnements, les liens, les images, … relèvent de ma seule responsabilité. Les coupures sont matérialisées par : […] J’ai respecté les majuscules du texte d’ipapy.

« Satori, c’est gris »

[…] le rôle de l’expérience spirituelle sur la Voie […] ? Mais l’expérience spirituelle c’est le cœur de la Voie !

Précisons […] « états supérieurs de conscience » ou « peak experience » […] Ce n’est pas du tout  de ce genre d’expérience dont je veux parler. Pour une raison simple, c’est que je n’en ai pas … l’expérience. […]

En préambule il me paraît  important de rappeler que la voie spirituelle ne peut être qu’une QUESTION D’EXPÉRIENCE. Un chemin ne peut se fonder que sur la certitude, l’évidence. La certitude et l’évidence sont une expérience et non une pensée. Sinon on est dans la croyance, dans une conviction plus ou moins affirmée mais pas dans la certitude. […]

« Avoir des connaissances en matière de Vedanta ce n’est pas la Connaissance. La Connaissance se confond avec l’Être. Ce n’est pas une connaissance qu’on a, c’est une connaissance qu’on EST. » (Arnaud Desjardins – Le Vedanta et l’inconscient – Page 59 de l’édition de 1978)

Seule l’expérience engendre la certitude. Mais voilà, consciemment ou non, nous avons nos idées, nos représentations sur l’expérience, sur ce que doit être « l’expérience spirituelle » et ce sont ces idées et ces représentations souvent romantiques qui nous empêchent de  vivre cette expérience, de la reconnaître.

Aux descriptions d’expériences spirituelles bouleversantes, dont il ne me viendrait évidemment pas à l’esprit de nier la réalité ni la valeur, je préfère la phrase, que je cite souvent, du maître Zen Daisetz Teitaro Suzuki  qui disait à ses disciples* :

« Satori, c’est gris. »

[…] Entendons cette phrase comme une tentative pour démystifier l’idée que nous nous faisons de l’expérience spirituelle, pour rendre compte de son absolue simplicité.

Quels sont donc les mythes associés à « l’expérience spirituelle » […] ?

Généralement nous avons fermement ancrée l’idée que l’expérience du niveau  spirituel n’est accessible qu’au bout du chemin et, si nous parlons de l’immersion permanente au niveau spirituel, c’est vrai.

Mais si nous parlons de la découverte du niveau spirituel en nous, alors nous parlons de quelque chose qui ne pourra jamais avoir lieu dans le futur. […] Pour l’expérience, seul maintenant existe, et l’expérience de maintenant, c’est l’expérience du niveau spirituel. Le « danger » dans l’imagerie de l’expérience spirituelle ce n’est pas seulement que nous la rêvions comme une expérience extraordinaire, peu accessible … mais que nous la rêvions comme une expérience dans le futur : … demain, quand …,  si …  Vous connaissez la devinette  : quand vous plantez des « si » et des « quand » qu’est-ce qui pousse ? RIEN.

Ce qui empêche  l’expérience spirituelle, c’est que nous envisageons la spiritualité comme toutes les autres activités humaines, c’est-à-dire comme un processus dans le temps. Nous restons dans un processus exigeant d’amélioration du moi.  Nous pressentons bien que la sagesse est d’un autre ordre, procède d’un passage sur un autre plan. Mais nous envisageons ce « saut quantique »pour le futur, comme la conséquence de l’amélioration du moi. […]

Le paradoxe c’est qu’il faut souvent beaucoup de temps et d’efforts mal orientés pour réaliser que le saut quantique c’est « maintenant », indépendamment de la situation et de l’état du moi. […] J’ai souvent entendu Arnaud présenter la progression sur le chemin comme le fait de s’approcher de la possibilité d’entendre l’enseignement et de VOIR, c’est-à-dire de s’approcher du moment de l’expérience.

Mais l’expérience elle-même, c’est ON ou OFF, aucune progression. Juste CE QUI EST, tel que c’est, ici, maintenant. […]

[…] La vision de CE QUI EST  ne peut se faire à partir de la pensée « moi ». C’est lorsque la pensée « moi » s’efface qu’apparaît la VISION, qui est l’expérience spirituelle.

Beaucoup d’entre nous connaissent des moments  d’évidence  où la pensée « moi » est absente, où le « spectacle » des formes est simplement perçu. Les formes c’est-à-dire les perceptions sensorielles, les pensées, les émotions. Nous avons tous vécu des instants où la beauté d’une œuvre d’art, la splendeur d’un paysage  nous a fait vivre l’OUVERT, nous a fait oublier de nous penser fermés, séparés, âme enfermée dans un corps étanche.

Pour « moi » ça s’est passé dans un tube en papier au cours d’un exercice [NB : ce que j’appelle pour ma part une « expérience » sur ce site] proposé par Douglas Harding.

Nous étions « face à face » avec une autre personne et à la question : combien y a-t-il de visage dans le tube ? brusquement, l’évidence  : un seul visage. Celui de l’autre. De mon côté, RIEN. L’OUVERT. Et donc aucune séparation – quelle est la distance entre Rien et l’autre ?

Tout à coup les phrases d‘Arnaud si souvent entendues sur la non-dualité, le « un avec » de Svamiji, sont devenus une EXPÉRIENCE. Rien de sensationnel. Du simple. Effroyablement simple, comme le dit Daniel [Morin]. 

Être dans l’évidence du OUI,  la VISION simple de CE QUI EST, nous le vivons d’abord comme dépendant de circonstances extérieures favorables. Pratiquer la soumission à l’évidence et en faire l’expérience de chaque instant, c’est ça le Chemin. Arnaud  lorsqu’il parle de « l’expérience de cette conscience immobile, silencieuse, vide » ajoute :

« Je vous souhaite de pouvoir faire, même un instant, cette expérience et qu’elle vous serve de critère. » et plus loin « Si vous prenez comme critère la perfection de cette Conscience, vous commencerez à voir ce qui se passe et c’est la façon juste de procéder. » (Le Vedanta et l’inconscient – Pages 108 et 109 de l’édition de 1978)

… Le OUI à 100%. Moi, tel que je suis.  Être OUI à 100% avec « moi » tel qu’il est, ne peut venir de « moi ». Être OUI ne peut venir que de l’Absence, que de « l’observateur transparent » comme disent les Tibétains. Tant que la pensée « moi » séparé s’approprie la perception, aucune expérience du niveau spirituel n’est possible parce qu’un tri se fait dans CE QUI EST. Ça j’en veux, ça je n’en veux pas. […]

[…] L’expérience spirituelle c’est oser sortir de notre cadre de référence, le cadre du « moi et … ». Ce qui doit être Vu, Accueilli, Accepté à 100% ce n’est pas seulement ce qui est du domaine des formes, mais c’est aussi ce qui est du domaine du sans forme. Pas seulement ce qui concerne le relatif mais aussi ce qui concerne l’absolu. Très concrètement cela implique la vision simultanée de Ce qui est vu et de Ce qui voit. La vision simultanée de la forme et du sans forme. C’est ça l’expérience spirituelle. Autrement, c’est une illusion. Le geste spirituel fondamental,celui qui est au cœur du cœur de toutes les voies, c’est le geste du retour, […]

Doigt dans les 2 sensJPG

Oser regarder en direction de Ce qui regarde et oser voir et reconnaître notre nature de Vide, notre nature d’Absence, notre nature d’Ouverture, notre nature d’Espace, notre nature Divine. L’expérience spirituelle c’est cela, une reconnaissance dans laquelle « moi » n’intervient pas. C’est Ce que je suis qui se reconnaît en tant que vacuité consciente, accueillante et aimante. […] Bien sûr, il existe une infinité de chemins pour approcher ce moment de reconnaissance, cette « silencieuse coïncidence », ce saut en arrière, cette bascule de l’Être en lui-même,  mais in fine il faut bien que le retournement se fasse. Et le secret de l’expérience spirituelle est dans ce retournement de la conscience sur elle-même. Lisez, relisez, étudiez  « Le Vedanta et l’inconscient ». Arnaud conclut le chapitre deux « La science du Vedanta » par  :

« C’est un retournement et c’est ce retournement qui fait le vrai Chemin. » 

Sous une autre forme, c’est encore ce qu’il affirmait avec force en janvier 97 … :

« Ma conviction absolue est que notre seul espoir est dans la spiritualité, c’est-à-dire dans la découverte le plus rapidement possible du niveau spirituel en nous à travers un commencement d’expérience. »

 

Cordialement

* : bien qu’immense connaisseur et pratiquant du zen, Daisetz Teitaro Suzuki n’en était pas un « maître » inséré dans une lignée et reconnu comme tel.

Un peu comme Douglas finalement … !

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Par Jean-Marc Thiabaud

Jean-Marc Thiabaud, 65 ans, marié, deux fils, un petit-fils.
La lecture de "La philosophie éternelle" d'Aldous Huxley m'oriente précocement sur le chemin de la recherche du Soi.
Mon parcours intérieur emprunte d'abord la voie du yoga, puis celle de l'enseignement d'Arnaud Desjardins.
La rencontre de Douglas Harding en 1993 me permet d'accéder à une évidence que je souhaite désormais partager.

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