Ce dimanche 11 octobre 2015 restera dans ma mémoire comme un très bel anniversaire :
- parce que je me trouvais à Pierre-Châtel, endroit magique, encore plus magnifique dans les ors de l’automne,
- plus précisément dans la salle « Convers », sous le regard aimant et inspirant de Ma Ananda Mayi et en compagnie d’une belle statue de Shiva Nataraja,
- avec un groupe fort sympathique, principalement constitué de Fleurs du Vivant,
- et dans le but bien sûr de partager la Vision du Soi selon Douglas Harding.
Atelier « classique », si tant est que cela puisse exister, mais présentant néanmoins deux particularités.
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La première nécessite un petit retour en arrière : début septembre dans cette même salle, comme une majorité des participants à l’atelier, j’avais entendu Satya Narayan Das commenter la Bhagavad-Gita¹ et évoquer, parmi les très nombreux pouvoirs de Krishna, celui qui consiste à :
« rendre immobile ce qui bouge et à faire bouger ce qui est immobile » … ?
A première vue ce pouvoir là ne semble pas des plus utiles – a priori bien moins que celui qui permet de séduire des gopis ! – mais nous allons voir qu’il est en réalité inestimable.
La Vision du Soi m’a permis depuis longtemps de prendre conscience que je partage ce pouvoir avec Krishna, intégralement. Et, encore mieux, elle m’a gracieusement fourni les outils nécessaires pour permettre à tous ceux qui le souhaitent d’en disposer eux aussi. Voici un script de cette expérience & outil, par mon ami Richard Lang :
« Si vous désignez du doigt votre visage et tournez sur vous-même, les autres personnes verront que vous bougez alors que le monde qui vous entoure reste immobile.
Votre expérience est-elle similaire ou différente ? Serait-il possible que ce soit le monde qui bouge pendant que vous demeuriez immobile ? Si c’était le cas, cela indiquerait que votre être le plus profond est plus divin qu’humain.
Vérifions. Levez-vous, pointez votre doigt en direction de votre absence de visage – là où les autres voient un visage – et tournez lentement sur vous-même pendant quelques instants. (Arrêtez si vous ne vous sentez pas bien !)
Au-delà de votre index, vous pouvez voir la pièce tourner. Voyez-vous du mouvement de ce côté-ci de votre index ?
Moi non. Là-bas je vois la pièce défiler, mais ici rien ne bouge. Je suis au point mort, au centre du monde en mouvement, Je Suis le Centre immobile.
Où que vous soyez, vous pouvez choisir d’être conscient de cette immobilité intérieure – votre dimension divine : en vous promenant dans la rue (les maisons bougent), en faisant du vélo, en conduisant, etc …²
Cette quiétude demeure au cœur de tous les mouvements de votre vie. En prendre conscience est reposant. Ce paisible espace d’accueil est libre de tout stress. Rien ne peut le perturber, même au milieu des situations les plus difficiles. (Comment cet espace d’accueil pourrait-il être stressé par quoi que ce soit ?) Ici, vous pouvez vous détendre, tout y est plus stable que dans le monde.
Intégrez consciemment cette quiétude dans votre vie. Où que vous soyez, trouvez cette paix intérieure. »³
Une petite démonstration vidéo valant mieux que de longs discours, voici Richard en action :
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La deuxième particularité intervient lors de la dernière expérience proposée dans mes ateliers, le cercle sans tête, que j’aime bien introduire par la lecture d’un court texte de Marie Balmary : « La ronde ».
Voici un script condensé de cette expérience, toujours par Richard Lang.
« Vous êtes l’Un qui inclut le multiple …
Vérifions cette proposition. Voyez si la description suivante est vraie aussi pour vous. Avec quelques amis, de 3 à 12 personnes, formez un cercle. Posez vos bras sur les épaules de vos voisins pour vous rapprocher et maintenez le regard vers le bas.
Vous voyez un cercle formé par des corps. Bien entendu, les gens sont différents les uns des autres, chacun occupant sa propre place. Ils ne se fondent pas dans une sorte d’ “unité”. Chaque personne a son passé et sa propre histoire, un nom, un âge, une nationalité et ainsi de suite. Là, en bas, nous sommes tous séparés, différents, plusieurs.
Regardez comme votre propre corps disparaît au-dessus de votre poitrine. Vous êtes sans tête. Votre corps émerge de votre être, d’un espace conscient. Vous avez deux aspects : votre côté humain individuel se trouve en bas et, en haut du cercle, il y a cet espace conscient. Remarquez que les autres corps disparaissent également en haut de leur poitrine dans le même espace conscient où disparaît votre corps.
Ici, tout en haut du cercle, il n’y a pas plusieurs espaces mais un Seul. Dans cette conscience sans forme, il n’y a pas de lignes de division. Cette conscience unique, c’est ce que vous êtes – c’est votre Être profond. En tant que cette conscience, vous incluez toutes les personnes présentes. Tous ces corps disparaissent et apparaissent dans votre Vraie Nature. Ils sont en vous. Là, en bas, nous sommes plusieurs, Ici au Centre nous sommes Un.
Chacun de nous a son propre point de vue, ses propres pensées et sentiments. Tout cela est caché. Je ne sais pas ce que vous pensez, ni quel est votre passé. Il se peut que je ne connaisse même pas votre nom. Vous ne savez pas non plus ce que je pense, etc … Nous sommes distincts et différents. A beaucoup d’égards, nous sommes un mystère l’un pour l’autre (4). Mais en haut du cercle, vous n’êtes pas différent de moi, vous n’êtes pas caché. Ici, je ne vois pas seulement Qui je suis réellement, mais aussi Qui vous êtes réellement, car rien ne nous sépare, rien n’est dissimulé ni occulté. Ici, je vois que vous êtes comme moi : ouvert, clair, calme, sans limite …
Ici, au sommet du cercle, dans l’être silencieux, dans cette vaste clarté, dans cette simplicité, toutes nos différences sont dissoutes, toute séparation est transcendée – sans nier ni détruire nos précieuses différences, là en bas. L’Un en haut a de la place pour chaque point de vue, de la place pour chaque individu.
[…] Ici, l’Un est en tous et inclut chacun. C’est Ce Que vous êtes vraiment.
[…] Quelle différence cela peut-il faire si je m’éveille à l’espace que je suis ? Je reste toujours conscient d’être un individu à part entière – je vois mon corps séparé du vôtre, je sais que mes expériences sont différentes des vôtres. Mais je suis aussi conscient de ne pas être uniquement cette personne, je vois que je suis aussi tout le monde, car je suis l’Unité en qui tous les êtres se rassemblent. A présent, je réalise que vous n’êtes pas simplement « l’autre », vous êtes aussi moi-même. Votre corps, tout comme mon propre corps, est à l’intérieur de ce que je suis – je suis espace d’accueil pour les deux. Désormais je ne m’oppose plus à vous en situation de face à face, mais je vous accueille, espace ici à face là-bas. Je suis vous.
Plus je prendrais ce fait au sérieux, plus la conscience opérera un changement dans mon mode de relation aux « autres » – car je vois maintenant les « autres » comme étant moi-même. Une fois que vous vous éveillez à cette vérité profonde, que vous en voyez sa réalité sublime, continuez alors à la contempler, revenez obstinément à elle, détendez-vous consciemment dans cet espace, vivez à partir de lui et explorez-en le sens. Observez comment cela modifie votre relation aux autres. Réjouissez-vous de cette merveilleuse et incroyable découverte que les autres sont également ce que vous êtes !
Dans une gare bondée, dans un café, à une fête, au bureau, à la maison, au marché – où que je sois – il est en mon pouvoir d’être conscient que je suis l’espace qui inclut et qui contient toute chose et chacun. Quelle intimité ! Quelle profondeur ! Quelle beauté ! Quelle vérité ! Toute la vie en est transformée.
Éveillez-vous et appréciez ce sentiment d’unité avec tous les êtres ! » (5)
N’est-ce pas exactement cela – Cela – « Vivre à ciel ouvert » ? « Vivre sans tête » et « Vivre à ciel ouvert » : ne s’agit-il pas là de deux expressions de la même réalité, de la même expérience que celle décrite – un peu longuement – ci-dessus ? Ne voyons-nous pas ainsi « les choses comme c’est » (6), pour reprendre un bon mot (involontaire ?) et un bel enseignement de Shunryu Suzuki ?
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De mon point de vue subjectif, ce fut un bel atelier. Mais il m’est impossible d’en dire plus. J’ai bien déjà essayé de contourner la difficulté, notamment dans cet article : « Dessine-moi un atelier … », mais est-ce vraiment suffisant ? Non. Pour savoir ce qu’est un atelier, il faut participer à un atelier. Impossible de savoir Cela sans être Cela … Aucune autre possibilité.
C’est comme la célèbre recette de la morue aux fraises concoctée par Gaston Lagaffe.
Impossible d’en dire quoique ce soit sans l’avoir préparée et … goûtée. Bon appétit !
Cordialement
¹ – Cf. aussi : Une clé de lecture de la Bhagavad-Gita
² – Vous pouvez le faire, puisque désormais vous savez exactement de quoi il retourne (!), mais est-ce que vous allez le faire ? Un peu, beaucoup, passionnément … ? Ce pouvoir n’est que potentiel, il demande à être actualisé lors de tous nos déplacements, sinon … nous le perdons. L’expérience demande à être transformée en exercice, à être intégrée dans le vécu quotidien.
³ – Ce premier script de Richard était suivi de quelques citations :
« L’homme extérieur est la porte battante ; l’homme intérieur est la charnière immobile. »
Maître Eckhart
« Celui qui dit que le Tathagata vient et va, s’assoit ou s’allonge, celui-là ne comprend pas mon enseignement. »
Sutra du Diamant
« Je me suis longtemps promené autour de la Kaaba. Quand j’ai rencontré Dieu, j’ai vu que c’était la Kaaba qui se promenait autour de moi. »
Bayazid Bastami
« Pourquoi croyez-vous être actif ? Prenez l’exemple de votre arrivée ici. Vous avez quitté la maison en calèche, vous avez pris le train jusqu’à la gare, ici, et vous avez à nouveau pris une calèche qui vous a conduit jusqu’à l’Ashram. Quand on vous a demandé, vous avez dit que vous avez fait tout le voyage de votre ville jusqu’ici. Est-ce bien vrai ? N’est-ce pas plutôt que vous êtes resté ce que vous êtes pendant qu’il y avait mouvement… pendant tout le chemin ? Tout comme vous avez pris ces mouvements comme étant les vôtres, il en va de même pour toute autre activité. Elles ne sont pas à vous »
Ramana Maharshi
Si on vous demande, “Quel est le signe de votre Père en vous ?”, répondez, “C’est un mouvement et c’est un repos”.
Évangile de Thomas
4 – Quelle expérience pouvons-nous vraiment partager dans cette vie avec la certitude d’être exactement sur la même longueur d’onde … ? Déguster un carré de chocolat, un fruit, un thé, un verre de bon vin … Contempler une fleur, un coucher de soleil, un tableau de maître … ? Écouter un oiseau, la pluie sur l’eau, le vent dans les branches, un concerto, … ? Faire l’amour avec l’être aimé … ?
D’une certaine façon cela semble presque effrayant, mais il semblerait bien que nous ne sommes en mesure de vraiment partager que cette seule « non-chose », Cela, cet espace d’accueil, … Vertigineux, non ?
5 – Ce deuxième script proposait les citations suivantes :
« Quand il se réveille et voit qu’il n’y a personne à la maison, il dit alors : “Je suis et il n’y a personne autre que moi”. »
« Tournez votre visage vers votre propre visage : il n’y a pas plus proche parent que toi-même. »
Rûmî
« Je suis Un. Je suis le Brahman suprême. Je suis le Seigneur de l’Univers. Ceci est la conviction établie d’un Jivanmukta . Toute autre expérience conduit à l’esclavage. »
Devikalottara Agama
« Dès qu’il y a deux, il y a peur. »
Brihadaranyaka Upanishad
« Nous sommes tous plus ou moins malades jusqu’à ce que, par investigation de soi, nous découvrons que nous sommes Un avec tout un chacun. »
« Nous sommes Un, pas par exclusion mais par inclusion. »
« Ici, nous plongeons en dehors des différences – ou plutôt, nous plongeons en laissant nos différences flotter. »
D.E. Harding
6 – « Things as it is ». Rapporté dans l’introduction de « Libre de soi, libre de tout », éditions du Seuil 2011.