« Le monde est inondé de saints – je veux dire : de martyrs¹, car je ne distingue pas ces deux mots. Ils se multiplient, chaque jour plus nombreux. On les appelle « malades d’Alzheimer ».
En se multipliant ils nous font le don d’une vie réduite à sa base, harassante, exténuante, délivrée de tous les ordres de la vie moderne : acheter, envier, triompher. Écraser.
Pour ces gens, cette vie qui n’est pas la vie², qui ne l’a jamais été, est terminée. Leurs yeux sont craintivement ouverts sur l’insondable. Ils sont la proie d’une maladie métaphysique qui dissout le monde. Nous devrions les regarder comme des trésors vivants. Souvent ils demandent leur chemin. Ils le demandent à nous qui sommes égarés dans un monde médiocrement éclairé par de tristes divertissements.
[…]
Ces oublieux n’oublient rien d’essentiel. C’est ce qui les distingue de nous. »
« L’homme-joie »
Cordialement
¹ – Un « martyr » – du grec ancien μάρτυς/-υρος – c’est d’abord un témoin. Un saint … ? Quelqu’un qui a donné sa vie, sa petite vie Corps & Âme étriquée, pour passer sur l’autre rive d’une vie infiniment élargie, la Grande Vie Corps & Âme – Esprit ? Sans doute …
Le titre choisi par Bobin pour ce chapitre me semble renvoyer directement à cette institution japonaise : le trésor national vivant. Mais pour une catégorie de biens culturels immatériels beaucoup plus essentielle que les arts de la scène et de l’artisanat, quelque soit la valeur intrinsèque de ceux-ci.
² – Christian Bobin a écrit un peu plus longuement sur cette maladie qui a affecté son père dans « La Présence pure » ( Éditions Le temps qu’il fait, 1999 et Gallimard Poésie, 2008 – Ce dernier recueil est une petite merveille).
« Ces gens dont l’âme et la chair sont blessées ont une grandeur que n’auront jamais ceux qui portent leur vie en triomphe. »
Cette « vie qui n’est pas la vie », qui pourtant est si largement promue à grand renfort de publicité – c’est-à-dire de lavage de cerveau pendant le maximum de temps disponible -, qui semble être l’horizon ultime du projet politique contemporain, sans aucune alternative, faut-il vraiment attendre les premiers symptômes de la maladie d’Alzheimer, pour soi-même ou ses proches, pour décider, une bonne fois pour toutes, de lui tourner radicalement le dos … ?
Je ne pense pas. Et je pense aussi que la Vision du Soi selon Douglas Harding peut apporter à qui le désire vraiment une aide infiniment précieuse pour envisager de vivre tout autre chose, plus exactement cette non-chose, cet espace d’accueil illimité et inconditionnel qui est notre Vraie Nature. N’en croyez pas un traître mot, essayez, vérifiez … !