« Le savoir n’est ni un devoir ni un droit mais un désir. Du moins devrait-il l’être. Mais il s’offre à nous aujourd’hui sous des visages et sous des masques si divers – les uns rébarbatifs, les autres séducteurs – qu’il rend tout choix et tout compagnonnage difficiles. Devenir compagnon du savoir, voilà à quoi chacun d’entre nous devrait tendre.
Il existait jadis – et je crois qu’il existe encore – ceux qu’on nomme les compagnons du Devoir. Des artisans qui apprenaient et perfectionnaient leur métier en travaillant de ville en ville, sous la conduite de maîtres reconnus et qui faisaient en même temps l’apprentissage de leur art et de leur condition d’homme.
Malheureusement, le savoir, de nos jours, se communique rarement ainsi. Enfermé dans ces gris et mornes dispensaires qu’on nomme des établissements d’enseignement, où il est dispensé selon des voix étroites et des lois astreignantes, il y devient bribe ou parcelle de connaissance menant vers des chemins balisés de diplômes.
Mais le savoir, le gai, le vrai savoir n’a que faire des diplômes. On peut, en chaque minute de chaque jour, apprendre et découvrir beaucoup de choses en regardant, en écoutant, en touchant, en respirant le monde. Oui, même en le respirant ! Il n’est nul besoin d’être botaniste ou parfumeur diplômé pour apprécier l’odeur des fleurs.
Il y a des savoirs essentiels qui s’offre à vous sans examen et il y a des savoirs inutiles qui encombrent l’esprit de données chèrement acquises ! Malheureusement, notre cerveau ne dispose pas de défenses immunitaires qui nous avertiraient et nous protégeraient des faux savoirs.
Alors, pour distinguer le vrai du faux, on peut toujours essayer – voir adopter – la devise suivante : le vrai savoir n’est pas une banque de données, il ne s’emmagasine ni ne se thésaurise, il s’incorpore. Le vrai savoir ne se détient pas ni ne se retient, il se partage. Le vrai savoir ne s’ingurgite pas, il se déguste. Sans plaisir ni désir, il n’y a que bourrage et gavage et lavage de cerveaux. Le vrai savoir est bien celui qui donne saveur au monde. »
Jacques Lacarrière
Cordialement
NB : j’ai découvert Chemins faisant, le site de l’association des amis de Jacques Lacarrière, en mettant en forme un article précédent : « Tirer la couverture … au Soi ».
Le lien entre les deux articles est aussi puissant qu’évident : c’est l’amour, au sens fort d’agape. A sa manière itinérante et poétique Jacques Lacarrière a largement fait preuve de cette « intelligence du cœur » évoquée par Arnaud Desjardins, le seul mode de connaissance en mesure de nous permettre « d’aimer le monde ».
La Vision du Soi selon Douglas Harding correspond assez bien aux critères du « vrai, du gai savoir » :
- « il s’incorpore » : Voir que je n’ai pas de tête pour moi-même, vivre l’expérience de « Vision », ce n’est pas intellectuel : cela retentit d’abord dans tout le corps physique, le centre de gravité descend, la respiration devient infiniment plus ample, libre, légère, l’énergie qui n’est plus investie dans le jeu du masque redevient disponible, … Et cela permet d’accéder ensuite à son véritable Corps, son corps d’univers, « l’océan sans limites » … Comme dit l’Upanishad :
« Le sage a pour corps l’univers entier. »
- « il se partage » : découvrir Cela impose de partager Cela. Partager, pas vendre … A cet égard la Vision du Soi a jusqu’à présent été nettement plus exemplaire que bien des contrefaçons présentes sur le … marché ! Pour la petite histoire, le premier bulletin en langue anglaise dédié à la Vision s’intitulait « Share It ! »
- « il se déguste » : un ami parlait lors d’un atelier de « siroter la béatitude » ! C’est à cela que nous invite la Vision du Soi :
« Dans notre méthode, méditer en vue de l’Illumination consiste à en jouir. »
- « il donne saveur au monde » : Voir qui Je Suis, et jouer à valoriser l’expérience initiale par une « discipline assidue » transforme véritablement l’existence en un « festival of newness », une fête de chaque instant. N’en croyez surtout pas un traître mot, essayez, vérifiez !
3 réponses sur « Partager le savoir »
Lumineux, cela me rappelle de longues discussions -déjà- avec Lucien Sturtzer ou Mathé… Quel chemin (intérieur) parcouru depuis la fin des années 70. Et j’espère que ce n’est qu’un re-commencement !
Salut vieux … frère,
Et désolé pour « vieux ». Mais tu sais sans doute aussi que, pour la plupart, nous mettons longtemps à devenir jeunes.
C’est clair, Lucien et Mathé ne sont pas innocents dans mon itinérance …
Dis, tu dois avoir du travail en ce moment en matière de « communication de crise »… Certains seraient certainement bien inspirés de te demander quelques leçons.
J’espère que toi et les tiens allez bien en cette période un peu folle.
Amitiés
Jean Marc
Oh quel plaisir !!!! vraiment que ça me rend heureux d’avoir de tes nouvelles ! Aurais-tu un autre moyen de communication (mail ou whatttsapp ou n° tel) ? J’habite désormais en Andalousie. Oui on me sollicite pour la com de crise, pour faire des formations à distance, des webinaires (mot horrible). Faut qu’on trouve un moment pour se parler de vivre voix ! tu travailles toujours à Saint Jean ? Amitiés mon vieux et cher frère