« Question¹ : Changer de société, n’est-ce pas aussi changer soi-même de comportement ?
Patrick Viveret² : Si ! Lors du second Forum social mondial, à Porto Allegre, avait été lancé l’axe TPTS – pour « transformation personnelle et transformation sociale ». C’est complémentaire et non contradictoire. Derrière toutes les logiques de domination et de captation – de richesses par le capitalisme, de pouvoir par le despotisme, de sens par les fondamentalistes … – se trouve la peur. On se protège de la peur en créant de la domination.
Or, ce qui s’oppose à la logique de peur, tant sur le plan individuel que sur le plan collectif, c’est la logique de la joie ! La joie fait baisser la peur et, comme la peur, la joie est contagieuse. Tout l’enjeu est de construire une énergie de la joie au cœur des mouvements collectifs. Ne pas faire du militantisme sacrificiel dans lequel, au nom de lendemains qui chanteront, on accepte d’en baver ! […] Mettre la joie de vivre au cœur du processus de résistance , de transformation, de vision humaine, c’est un changement total de posture dans la façon de construire des alternatives. Car c’est aussi accepter de faire un travail sur soi.
Les mouvements sociaux doivent faire ce travail³ et se transformer. C’est cette énergie de la joie qui est nécessaire. Des Stéphane Hessel ou des Etty Hillesum sont parvenus, dans la solitude et l’inhumanité, à poser l’énergie de la vie, à opposer Éros à Thanatos et à créer, à partir de cette résistance de vie, des éléments contagieux. La contagion sera d’autant plus grande si des mouvements citoyens se mettent dans l’énergie de la joie. La joie, ce n’est pas la cerise sur le gâteau … c’est la cerise dans le gâteau ! »
Cordialement
¹ – Question posée par Pascal Percq, dans un grand entretien intitulé « Union européenne – Prenons le parti du bien vivre » et publié dans Témoignage Chrétien (Supplément au N° 3585 du 30 avril 2014).
² – J’ai emprunté à Patrick Viveret une citation pour « résumer » ma proposition d’atelier N° 4 : « Transformation personnelle & Transformation sociale » :
« Pourquoi ne pas faire appel à ces ressources ancestrales de sagesse que sont les “ technologies spirituelles” en les alliant à nos techniques modernes afin de promouvoir un nouvel art de vivre ? Pourquoi réserver à la sphère individuelle des méthodes de “développement personnel” dont nous avons tout autant besoin sur le plan collectif ? »
Soyons bien clair : s’il ne s’agit aucunement de « développement personnel » au sens où on l’entend généralement, la Vision du Soi selon Douglas Harding me semble parfaitement répondre au cahier des charges que Patrick Viveret ne fait qu’esquisser dans ces quelques lignes.
³ – Ce ne sont bien sûr pas les « mouvement sociaux » mais chaque individu qui doit s’y coller … Se coller à quoi au fait ? « Changer », « se transformer », « faire un travail » … ?
Non : juste prendre conscience que nous ne vivons pas à partir d’une vue juste, complète de nous-mêmes, que nous gaspillons une énergie folle à étayer la fiction d’un moi séparé qui nous maintient étroitement dans nos errements millénaires.
Il s’agit juste de laisser tomber cette illusion mensongère tenace, dénoncée depuis toujours par tous les représentants de la « Philosophie éternelle », et de se détendre dans l’évidence du réel. La simplicité de la démarche est une vraie bonne nouvelle !