Je pense que vous reconnaissez cette œuvre de Michel-Ange :
Le quatrième panneau du plafond de la chapelle Sixtine illustre Genèse 1, 26-27 :
Oubliez les traductions « habituelles » au profit de celle qu’en donne André Chouraqui :
« Elohîms dit: « Nous ferons Adâm le Glébeux à notre réplique, selon notre ressemblance. Ils assujettiront le poisson de la mer, le volatile des ciels, la bête, toute la terre, tout reptile qui rampe sur la terre*. Elohîms crée le glébeux à sa réplique, à la réplique d’Elohîms, il le crée,
mâle et femelle, il les crée. »
Et plutôt que de « croire » ou de rejeter dans la même ignorance & inconscience cette proposition biblique, je vous invite plutôt à lire ce qu’à écrit sur le sujet quelqu’un qui a « établi son camp de base dans la Genèse », Marie Balmary : « La divine origine – Dieu n’a pas créé l’homme ». Lire, c’est à dire aussi relire, et encore …
Il est généralement admis que la célébrité de l’œuvre provient tout particulièrement du détail dans lequel l’index de Dieu, rejoignant celui d’Adam sans le toucher, donne vie à l’homme … [désolé pour l’incohérence des couleurs entre les différentes images]
Isolons encore un peu plus le « détail » :
Certains sont allés jusqu’à voir dans l’espace vacant entre les deux index une préfiguration de la transmission synaptique entre les neurones … Spielberg s’est inspiré du thème pour illustrer la rencontre d’E-T et du jeune Elliot. …
Qu’il me soit donc permis d’avancer ici une autre hypothèse, guère plus extravagante, et autrement plus féconde.
Ce célèbre panneau, tout en haut et au centre du plafond de la chapelle, et tout en haut de cet article nous présente une relation extérieure, là-bas à x mètres de nous-même. Il est possible d’étudier cet « objet » extérieur sous toutes les coutures, artistiques, théologiques, scientifiques, … et de remplir des kilomètres de rayonnages de bibliothèque avec ces études savantes. Mais pour passer de la connaissance extérieure à la compréhension, pour entrer en relation, pas d’autre choix que de devenir sujet. Devenir sujet, n’est-ce pas une excellente traduction pour devenir vivant ?
Je vous propose donc d’endosser au choix le rôle d’Adam ou celui de Dieu ! Le dessin ci-dessous vous montre qu’au final cela ne fait pas une grosse différence !
Si donc nous décidons d’habiter consciemment cette relation, de transformer le décor extérieur en véritable corps de relation (Cf. Yvan Amar), en relation Je & Tu (Martin Buber), alors ne VOYONS-nous pas aussitôt le geste ci-dessus, aussi simple que rare, des doigts qui pointent à 180° l’un de l’autre ? L’un vers l’intérieur, vers Ici au centre de moi-même, vers ma véritable nature d’espace d’accueil vide et illimité, … l’autre vers l’extérieur, vers là-bas, vers mes innombrables apparences périphériques, vers la totalité.
La différence de nature entre le vide et les formes est aussi absolue que leur interpénétration est totale. Soit nous continuons à discourir sur le sujet pendant quelques millénaires supplémentaires, soit nous décidons de VOIR cette évidence, maintenant, et de Vivre en plénitude à partir d’elle. Les conséquences individuelles & sociales en seraient considérables.
Oui je sais, cela donne le vertige lorsque l’on fait ce geste en pleine conscience pour la toute première fois dans un atelier de Vision du Soi. Faites-le, maintenant ! Vous verrez que la présence de Dieu n’est même pas nécessaire. Mais si vous estimez que le regard, l’attention, portés vers l’intérieur pointent vers un mystère qu’il vous plaît de qualifier de divin, ou que votre milieu culturel, votre éducation, votre tradition, … ne vous permettent pas de nommer autrement, aucun problème. L’essentiel c’est l’expérience.
Ce vieux filou de Carl Gustav Jung avait quant à lui dépassé la difficulté en faisant graver sur le linteau de sa villa de Küssnacht la proposition suivante :
C’est à dire : « Invoqué (appelé) ou non Dieu sera présent. » La porte restait ouverte au « mystère », quel que soit le nom, secondaire, qu’on souhaite lui donner.
* : l’expression habituelle, « dominer la terre », ayant déjà suscité bien des indignations, je me permets de vous renvoyer également vers une réflexion approfondie : « Genèse : la Bible et l’écologie » de John Baird Callicott. L’excellente revue Wildproject propose un entretien assez récent avec cet auteur.
Cordialement