« Essayer de tout comprendre en fonction de la mémoire, du passé et des écrits, c’est comme avoir vécu l’essentiel de sa vie, le nez dans un guide touristique, sans jamais regarder le paysage. » (0)
« Chercher l’éveil, c’est comme utiliser ses lunettes pour les chercher. »¹
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« J’ai toujours été fasciné par la loi de l’effort inverse. Je l’appelle parfois la « loi du rebours ». Quand vous essayez de rester à la surface de l’eau, vous coulez ; mais quand vous essayez de couler, vous flottez. Quand vous retenez votre souffle vous le perdez, ce qui rappelle immédiatement un ancien dicton trop souvent négligé : « Quiconque veut sauver son âme la perdra. »²
« Éloge de l’insécurité » montre comment cette loi régit notre quête d’une sécurité psychologique et les efforts que nous déployons pour trouver des certitudes spirituelles et intellectuelles dans la religion et la philosophie. Ce livre est écrit avec la conviction qu’aucun thème ne pourrait être mieux approprié à une époque où la vie humaine semble particulièrement précaire et aléatoire³. Il soutient que cette insécurité résulte de la volonté d’atteindre la sécurité et que, a contrario, salut et bon sens consistent à reconnaître le plus radicalement possible que nous n’avons aucun moyen d’assurer notre propre salut (4).
Voilà qui commence à ressembler à un extrait de « Alice au Pays des Merveilles », dont ce livre est une sorte d’équivalent philosophique. Car le lecteur se trouvera fréquemment dans un monde sens dessus dessous, où l’ordre normal des choses paraît complètement inversé.
Ceux qui ont lu certains de mes livres trouveront ici des éléments qui semblent en contradiction totale avec bien des choses que j’ai dites précédemment. Ce n’est cependant vrai que sur des points mineurs. Car j’ai découvert que l’essence même de ce que j’essayais de dire dans ces livres était rarement comprise, l’ossature et le contexte de ma pensée en cachant souvent la signification. Mon intention ici est d’approcher cette même signification à partir de prémices entièrement différents, et en des termes qui ne confondraient pas la pensée avec les multiples associations non pertinentes que le temps et la tradition leur ont attaché (5).
Dans ces livres, j’avais le souci de défendre certains principes de religion, philosophie et métaphysique en les réinterprétant. C’était, je pense, superflu, inutile et propre à semer la confusion, car seules les vérités douteuses ont besoin d’être défendues. Ce livre, quoi qu’il en soit, est dans l’esprit du sage chinois Lao-Tseu, maître de la loi de l’effort inverse, qui a déclaré que ceux qui se justifient ne convainquent pas, que pour connaître la vérité on doit se débarrasser de la connaissance, et que rien n’est plus puissant et créatif que le vide, qui suscite l’aversion de l’homme (6). Ainsi, mon but est de montrer ici, à la mode du rebours, que ces réalités essentielles de la religion et de la métaphysique sont défendues lorsqu’on les ignore, et démontrées quand elles sont détruites. (…) »
Avant-propos
Cordialement
NB : C’est en cherchant, à l’approche des élections européennes, ce qu’avait bien pu devenir la « Charte de l’Europe des Consciences », que j’en ai retrouvé une trace sur un site inconnu de moi jusqu’alors, « Révolution Lente ».
(NB : j’en ai bien sûr aussi retrouvé une maigre trace du coté de ceux qui étaient à l’origine de cette belle initiative, mais c’est devenu en quelque sorte le service minimum. Je n’y reviens pas, j’ai déjà écrit ici et là tout ce que j’avais à dire … ou presque.)
Et j’ai également eu l’heureuse surprise de découvrir là une sympathique présentation du livre d’Alan Watts, « Éloge de l’insécurité », suivie d’une ancienne mais magistrale interview, d’une biographie et d’un article de Gilles Farcet. Comme j’ai beaucoup aimé lire Alan Watts quand j’étais plus jeune, et que je continue à l’occasion d’apprécier sa pertinence et sa fraîcheur de ton, j’ai décidé de relayer tout cela sur volte-espace, assorti de quelques commentaires.
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« The Wisdom of Insecurity » a paru chez Vintage Books en … 1951 !
Une traduction française par Frédéric Magne a suivi chez Stock en 1981 sous le titre « Bienheureuse insécurité : une réponse à l’angoisse de notre temps ».
Et « Éloge de l’insécurité » est édité dans la collection Petite Bibliothèque Payot en février 2005, dans une traduction de Benjamin Guérif. (Avec actuellement une première de couverture « exotique », à laquelle j’ai préféré l’ancienne.)
0 – Pour « regarder le paysage », ou plus exactement pour parvenir à la sagesse de ne faire qu’un avec le paysage, d’être véritablement ce pays-sage de la non-dualité sujet-objet, il existe un geste particulièrement efficace montré et dessiné ci-contre par Douglas Harding …
Mais son efficacité n’est réelle que dans l’instant présent. N’en croyez pas un traître mot, essayez-le, vérifiez, maintenant ! Voyez, très simplement et simultanément ces lettres noires sur le fond blanc de l’écran de votre appareil, là-bas en périphérie, à partir de la transparence de l’espace d’accueil, illimité & inconditionnel, que vous êtes ici au Centre.
Il sera toujours temps ensuite d’aller vérifier dans leurs écrits si « les experts ont bien pigé le truc » !
Rappel : la Première Personne compte toujours à partir de 0, moyen habile (upaya) de, notamment, transformer les groupes de quatre personnes en groupe de trois … De réduire à néant le concept erroné d’« environnement ». De commencer à échapper à la « contagion mimétique » (René Girard) d’un face-à-face … aussi impossible que nuisible. Essayez, vérifiez … n’en croyez pas un traître mot !
¹ – Eh oui, l’éveil est déjà là, intégralement, mais à condition de ne pas le chercher seulement à l’extérieur ou (exclusif !) seulement à l’intérieur : c’est toujours ce même geste des deux index disposés à 180° l’un de l’autre, en même temps, qui convient. Vos « lunettes » sont déjà bien en place sur … votre absence de tête ! Ou plus exactement l’évidence pour vous-même de votre absence de tête est cet « œil unique », cette « fenêtre » qui ouvre sur votre réalité d’espace d’accueil illimité & inconditionnel. Quoi de plus évident que cette « Vision », que, pour la plupart, nous avons tant de mal à accepter & valoriser & adopter.
N’en croyez pas un traître mot, essayez, vérifiez, maintenant !
² – Un peu plus qu’un « ancien dicton » : on sent qu’Alan Watts, ou son éditeur …, veulent prendre de la distance avec le christianisme.
« Car quiconque voudra sauver sa vie, la perdra ; et quiconque perdra sa vie à cause de moi, la trouvera. »
[Ὃς γὰρ ἂν θέλῃ τὴν ψυχὴν αὐτοῦ σῶσαι ἀπολέσει αὐτήν: ὃς δ’ ἂν ἀπολέσῃ τὴν ψυχὴν αὐτοῦ ἕνεκεν ἐμοῦ εὑρήσει αὐτήν:]
Évangile de Matthieu 16, 25
Cette « loi de l’effort inverse » & « loi du rebours » est particulièrement facile à comprendre avec l’aide de la « carte » maîtresse de la Vision du Soi : quand vous essayez vainement de sauver votre « petite » vie dans la seule zone périphérique « je suis humain » du dessin ci-dessous, vous perdez illico l’accès à la totalité de la « grande » Vie, quand vous acceptez de vivre consciemment à partir du « Je Suis » central, tout est sauvé …
Mais il importe moins de la comprendre que de disposer des moyens – simples, concrets, joyeux – de la vivre au quotidien. Et pour cela le mieux consiste encore à construire ensemble & progressivement la « carte » ci-dessus, « mon, ton, son, notre autoportrait », dans un Atelier de Vision du Soi.
³ – Cette « époque où la vie humaine semble particulièrement précaire et aléatoire » correspond bien sûr à la « guerre froide », au développement & prolifération des armes nucléaires, à la guerre « classique » en Corée …
Un « bon vieux temps » effectivement propice pour se poser les vraies questions, mais notre époque n’est pas en reste : dérèglement climatique, épuisement des ressources, effondrement de la biodiversité et effondrement tout court … Sans parler de tous ces affrontements classiques qui subsistent un peu partout.
4 – Bien sûr que si, heureusement ! Mais, soyons précis, pas dans la seule zone « je suis humain » du dessin ci-dessus, qui est le domaine de l’homme étriqué, émoussé, seulement corps & mental. Rester là, c’est rester « dans le pétrin » comme l’écrit Hervé Clerc. Cependant le « bon sens » ne consiste pas à mon avis à tout attendre de ce qui pourrait ressembler à une « grâce » … extérieure. La chance de sortir du pétrin ne sourit guère qu’aux audacieux … Il faut bien constater qu’ils sont assez rares.
Une « hypothèse de travail minimale », assortie d’une méthode éprouvée et, éventuellement soutenue par une pratique « formelle » reconnue sont en mesure d’aider grandement, chacun personnellement & tous solidairement. (NB : il existe bien entendu d’autres pratiques tout aussi efficaces que les reconnues.)
Vous pouvez légitimement considérer que tout cela relève de « l’abandon à la divine providence », mais je me permets quand même d’insister sur le fait qu’il y a besoin de quelqu’un pour, sinon enclencher le processus, au moins accepter – humblement & intelligemment – qu’il advienne …
5 – Je trouve qu’Alan Watts est ici bien sévère avec ses livres comme « Face à Dieu » (très mauvaise traduction soit-dit en passant de « Behold the spirit – A study in the necessity of mystical religion »), « L’Identité Suprême », « Mythe et rituel dans le christianisme ». Tout cela se lit ou relit encore très bien … surtout après un Atelier de Vision du Soi ! Ne serait-ce que pour vérifier si l’expert Alan Watts avait bien « pigé le truc » (Cf. lien en fin de note 0) !
6 – Pas de tous les hommes indistinctement. Aldous Huxley a ainsi écrit cette belle phrase à propos de l’ambiguïté du vide dans son roman « Île », au chapitre 10 :
Il conviendrait aussi de ne pas croire que ce « vide » est une spécificité de l’Orient. Le « tombeau vide » constitue le cœur du mystère chrétien … Tout comme le vide central, qui explose instantanément aux dimensions de l’univers dès que l’on prend conscience que c’est notre Vraie Nature, est le cœur de la Vision du Soi.
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Quelques citations pèle-mêle, en attendant une relecture plus complète de ce livre :
« (…) c’est le cerveau qui est fait pour l’homme et non pas l’homme pour le cerveau. »
« La vraie raison pour laquelle la vie peut paraître parfois tellement exaspérante et frustrante, ce n’est pas parce qu’il existe ce que l’on appelle la mort, la douleur, la peur ou la faim. Mais là où rien ne va plus, c’est que face à ces événements, nous nous mettons à bourdonner et tourner en rond comme des mouches affolées, pour essayer de maintenir notre « ego » hors de l’expérience. Nous nous prenons pour des amibes, et nous essayons de nous protéger de la vie en nous séparant en deux. Mais le bon sens et l’intégrité voudraient que nous comprenions que nous ne sommes pas séparés, que l’homme et son expérience présente ne forment qu’un seul tout, et qu’il n’existe pas d’« ego » ou d’esprit séparé. »
« Plus nous nous habituons à comprendre le présent d’après le passé, le connu d’après l’inconnu, le vivant d’après ce qui est mort, plus notre vie se dessèche et plus nous sommes envahis d’un sentiment de tristesse et de frustration. Ainsi protégé de la vie, l’homme devient une sorte de mollusque incrusté dans la coquille dure de la « tradition », et quand la réalité finit par surgir, un raz de marée de terreur l’emporte. »
« (…) il faut toujours rester conscient, alerte et sensible à toutes les actions et inter-relations possibles, à partir de cet instant présent. Mais il faut tout d’abord être pleinement convaincu qu’il n’existe pas réellement d’autre solution à part celle de rester conscient – parce que l’on ne peut se séparer du présent et définir son propre être à part. »
« Car, lorsque l’on comprend réellement que l’on est ce que l’on voit et ce que l’on connaît, on ne se promène pas dans la campagne en se disant : « Je suis tout ceci. » Il n’y a simplement que « tout ceci ». »
« Pour « connaître » la réalité il ne faut pas lui être extérieur et la définir ; il faut y entrer, l’être et la ressentir. »
« Plus une mouche se débat pour se dégager du miel, plus elle s’y englue. Sous la pression de tant d’efforts futiles, il n’est pas étonnant que l’homme se défoule dans la violence et le sensationnel, l’exploitation aveugle de son corps, de ses appétits, du monde matériel et de ses amis. Et c’est un nombre incalculable de douleurs qu’une telle exploitation ajoute encore aux souffrances nécessaires et inévitables de l’existence. »