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Comment donner des droits qui corrigent des injustices sans détruire le langage ? – Marie Balmary

J’avais utilisé le cœur de l’article de Marie Balmary : « Mariage pour tous : la parole en danger ? », cette « rafale » de questions ouvertes qui attendent chacune une réponse consciente de la part de chaque lecteur, pour confirmer mon « Indéfectible soutien à Marie Balmary ». (0)

Mon billet se terminait lui aussi par des questions :

« Mais nos “élites”¹, politiques, juridiques, médiatiques, religieuses, économiques, … sont-elles encore capables d’entendre et de comprendre de telles questions … ? En sommes-nous capables nous-mêmes ? Saurons-nous nous hisser à la hauteur de ces questions ? »

Il semblerait bien que non, puisque la « PMA pour toutes » est sur les rails pour 2018, que la GPA suivra sans doute de peu – vu que c’est une excellente occasion de business et de « croissance » … Dans ces circonstances il est plus qu’urgent de lire & relire Marie Balmary, Monette Vacquin … et tous ceux que ce « progrès qui fait rage »² inquiète un tantinet.

Voici donc la totalité de l’article de Marie Balmary, publié le 1° février 2013 dans l’hebdomadaire La Vie.

« C’est une évidence remarquable, l’humanité a pu traverser les pires catastrophes, vivre sous les pires régimes, commettre les pires atrocités : elle n’a jamais cessé de parler. Elle a toujours trouvé, retrouvé, inventé des mots pour raconter le meilleur comme le pire, des mots pour sentir, des mots pour penser. Dire le bon et le mauvais. Dire “je t’aime” et dire “j’accuse …”. Rien ne lui a fait perdre cette faculté proprement humaine dont dépend la conscience.

Nous sommes aujourd’hui parvenus à un nouveau moment de la culture, un tournant de la parole. Question : qu’allons-nous faire des mots “père”, “mère”, “mariage”…  Modifier leur sens ou bien trouver d’autres mots ?

En ce qui concerne le mot “mariage”, si l’on institue qu’il veut désormais dire à la fois, “union de personnes de sexe différent” et “union de personnes de même sexe”, comment nos esprits vont-ils se débrouiller de cette confusion ? Comment expliquerons-nous aux enfants que “semblable” et “différent”, une chose et son contraire, c’est la même chose, sans provoquer les mille questions et remarques, éclats de rire peut-être, dont sont capables des intelligences comme Freud les aimait, non encore intimidées par http://www.genethique.org/fr/la-pma-pour-toutes-proposee-par-le-gouvernement-en-2018-68165.html#.WciCYRdpHCIune éducation qui les empêche de réfléchir ?

L’Académie française pourrait prier le législateur d’inventer un autre mot plutôt que de nous priver d’une des spécificités majeures du langage : distinguer des réalités différentes grâce à la diversité de vocables pertinents.

Ce serait bien le diable, comme on dit, si l’on ne trouvait pas dans les tiroirs de notre vieille culture, sur les écrans de la jeune, de quoi remédier à cette confusion.

Quant au mot “orientation” employé si fréquemment, veut-il encore dire quelque chose, si son contraire ne peut plus être trouvé que dans des écrits scientifiques du siècle passé (Freud) et ne peut servir aujourd’hui pour réfléchir dans ce domaine encore si mystérieux ?

Écrire des lois avec des mots privés de leur sens ? un exemple dans le Code Civil du Québec (article 539.1, ajouté en 2002) :

“Lorsque les parents sont tous deux de sexe féminin, les droits et obligations que la loi attribue au père, là où ils se distinguent de ceux de la mère, sont attribuées à celle des deux mères qui n’a pas donné naissance à l’enfant.”

Que le lecteur et les canadiens me pardonnent : un tel texte me tombe des mains. Déjà le mot “père” dans les articles précédents (que je n’ai pas la place de citer ici) est devenu : “apport de forces génétiques”.

Quant au mot “mère”, deux sens contraires lui sont attribués, c’est dire littéralement qu’il ne signifie plus. En effet, il est question de “deux mères”, dont la seconde est “celle des deux mères de l’enfant qui n’a pas donné naissance à l’enfant”. Or, dans toutes les langues de la terre, le mot “mère” veut dire précisément : “Femme qui a donné naissance à un ou plusieurs enfants”.

Va-ton défaire la parole pour faire la loi ? Comment donner des droits qui corrigent des injustices sans détruire le langage ? Comment faire une loi qui reconnaisse à chacun une place dans sa relation à l’être aimé sans défaire le sens des mots qui signifient ces relations ? Saurons-nous nommer les personnes présentes à l’accueil et l’éducation de l’enfant sans perdre les mots et les noms par lesquels il aura accès à son origine ? Saurons-nous inscrire l’amour sans désinscrire la vérité ?

Pourquoi donc les religions se mêlent-elles de cela ? Car, les religions s’en mêlent. Que viennent-elles faire dans cette affaire ? Que répondre tout d’abord à ceux qui s’en offusquent ?

Après des années à creuser les textes fondateurs³, j’en suis venue à penser cette évidence : les religions sont gardiennes de la parole et, la parole étant vivante, on ne saurait la garder sans la nourrir.

Gardiennes et promotrices de la parole humaine, les religions peuvent provoquer une adhésion forte ou, au contraire, une forte désaffection. Cette désaffection apparente se révèle comme colère, dès lors que les institutions religieuses détournent le pouvoir symbolique décisif qu’il leur échoit. Car, de ce pouvoir, les religions ont pu et peuvent encore abuser. Et provoquer ces traumas spirituels qui ne sont certes pas moindres que des abus sexuels. L’un n’excluant pas l’autre d’ailleurs.

Reste qu’aujourd’hui, à propos de ce projet de loi sur le mariage, tous les descendants d’Abraham émettent le même avis. Preuve qu’ils ne parlent pas pour leur religion, mais pour ce à quoi servent ces religions : garder la parole, éveiller la conscience. Bien des personnes qui ne se reconnaissent dans aucune religion se trouvent également, par leur positionnement éthique, dans une telle recherche, un tel questionnement.

La parole, que les tyrannies, les guerres, les colonisations, les esclavages, les totalitarismes n’ont pu nous faire perdre, allons nous la mettre en péril par des lois votées dans des assemblées démocratiques en temps de paix ? »

Cordialement

 

0 – Soutien suite à quelques attaques, notamment celle de Sylvia Duverger, sur son blog :

« Marie Balmary ou quand une psychanalyste prône la religion plutôt que la démocratie ».

L’outrance des propos concernant Marie Balmary : « … simplisme, qui conduit à escamoter la singularité … Mary Balmary aurait-elle perdu le sens de la complexité humaine … l’“inimaginable aveuglement” de Marie Balmary …  Cela vous semble plus qu’insensé ? … » me rappelle cette parole sans appel qu’Arnaud Desjardins citait souvent :

« Qui médit se raconte, qui accuse se dénonce, qui juge se condamne. »

Et la flèche du Parthe qu’elle lui décoche en toute fin de critique : « Ce qui mettrait la parole en péril, ce serait le débat démocratique. » me fait penser à ce vieux texte de Jean Bouchard d’Orval :  « La vie n’est pas démocratique », (le 7° de la liste, qui initialement portait, me semble-t-il, le titre suivant : « la vérité n’est pas démocratique » …).

¹ – Les guillemets qui encadrent le mot « élites » signifie tout simplement que pour moi elles n’en sont pas. Ces « élites » semblent avoir définitivement enterré « le principe d’humanité » … Nous nous retrouvons avec elles en pleine « Parabole des aveugles » :

Pieter Brueghel l’Ancien – 1568

Peut-être que la seule question à se poser concernant ces pseudo-élites concerne leur intérêt à entretenir et augmenter la « confusion » pour maintenir leur domination, faire perdurer cette confiscation des rouages de l’État à leur profit … Au risque d’entraîner des millions de personnes dans la « fosse »

² – Ce « progrès » là mérite amplement la remarque acerbe d’Emil Cioran :

« Le progrès est un élan vers le pire. »

³ – Et quand Marie Balmary écrit « creuser », ce n’est pas un vain mot. Vérifiez par vous-même dans ses livres d’étude des textes « anthropogènes », à quel point tout ce qui ne va pas dans le sens de « garder la parole, éveiller la conscience » n’a rien à voir avec la « religion » au sens véritable et exigeant de ce mot. Je vous le concède volontiers, cela fait parfois beaucoup … !

NB : La Vision du Soi selon Douglas Harding peut également constituer une aide précieuse pour « garder la parole, éveiller la conscience« . N’en croyez pas un traître mot, essayez, vérifiez !

 

 

 

Par Jean-Marc Thiabaud

Jean-Marc Thiabaud, 65 ans, marié, deux fils, un petit-fils.
La lecture de "La philosophie éternelle" d'Aldous Huxley m'oriente précocement sur le chemin de la recherche du Soi.
Mon parcours intérieur emprunte d'abord la voie du yoga, puis celle de l'enseignement d'Arnaud Desjardins.
La rencontre de Douglas Harding en 1993 me permet d'accéder à une évidence que je souhaite désormais partager.

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