Impossible d’échapper au bruit médiatique généré par « Une étoile est née » (« A star is born »), même au fin fond d’une vallée alpine quasi désertique. Essayons donc d’en tirer le meilleur parti possible.
En commençant par écrire qu’effectivement, dans le monde de la spiritualité, de la connaissance de soi & du Soi, de l’éveil, de la libération, … (trouvez votre propre façon de nommer cette Réalité), une étoile est née :
la Vision du Soi selon Douglas Harding.
Que vous (le grand organisateur de forums redondants et tous les soi-disant experts en tous genres qui se pressent autour de ce … marché) vous en souciez comme de votre première paire de chaussettes ne change rien à l’affaire. Il y a désormais un avant et un après la « Vision ». Un avant et un après de la claire représentation de nous-même. Une percée décisive, sinon définitive, dans la possibilité de devenir & demeurer Ce que nous sommes … à condition de le vouloir vraiment et d’en avoir l’audace. Que cela vous plaise ou non, c’est ainsi. Mais … n’en croyez surtout pas un traître mot, essayez, vérifiez !
Tell me somethin’ girl
Are you happy in this modern world ?
Or do you need more ?
Is there somethin’ else you’re searchin’ for ?Dis-moi quelque chose, bébé
Es-tu heureuse dans ce monde moderne ?
Ou as-tu besoin de plus ?
Y a-t-il autre chose que tu cherches ?
LA seule question à se poser (ou à ne surtout pas … c’est selon) :
« Es-tu heureux – heureuse ? »
Est-ce que chaque heure est la bonne ? Personnellement je doute très fort qu’une réponse positive puisse être apportée à cette question dans les seules catégories, limitées, du monde « moderne ». Ce dernier prétend réduire l’être humain à sa seule dimension matérielle périphérique, corps & âme dans la terminologie traditionnelle, et lui dénie toute ouverture spirituelle … Comment ne serait-il pas l’enfer qu’assez globalement il est ? Impossible d’être heureux dans un monde ainsi (dé)structuré.
Le film – que finalement je suis allé voir … – montre à quel point le talent, le succès, la richesse, … ne suffisent pas, à quel point le non-sens et le désespoir restent sous-jacents à ce bien triste show. Nous ne sommes aucunement condamnés à le voir continuer tel quel, « Il est peut-être temps de laisser mourir les vieilles habitudes ».
Il est évident que tout être humain a besoin « de plus », d’accéder à sa complétude « corps & âme – Esprit » … sinon sa vie n’aura servi à rien d’autre qu’a … engraisser le sol des cimetières, comme disent crûment nos amis tibétains !
Mais ce qui manque n’est en aucun cas, ne saurait être une « chose ». C’est très exactement l’inverse : l’espace d’accueil – illimité & inconditionnel – de toutes choses, le « Contenant ultime ».
I’m falling
In all the good times I find myself longin’ for change
And in the bad times I fear myselfJe m’effondre
Dans tous les bons moments, je me retrouve à aspirer au changement
Et dans les mauvais, j’ai peur de moi
Bien vu : quasiment du Schopenhauer¹ mis en musique ! Les « bons moments » apportent généralement une détente propice à réaliser à quel point notre vie est amputée de la part essentielle d’elle-même. Mais il convient alors de ne pas se tromper de « changement ». Le changement uniquement en périphérie, tel que proposé par le si florissant développement personnel, n’est qu’un changement cosmétique. Cela peut vous plaire quelque temps, mais sachez que vous perdez votre temps, votre argent, votre énergie … votre vie en somme.
Et « les mauvais » nous contractent, nous réduisent encore plus à ce corps & mental, ce sac de peau qui, lorsque les choses sont considérées « comme elles sont », à la mode bouddhiste, est effectivement de nature à engendrer la « peur » de rester dans cet état larvaire, néoténique, réservoir de tant de souffrance.
Tell me something boy
Aren’t you tired tryin’ to fill that void ?
Or do you need more ?
Ain’t it hard keeping it so hardcore ?Dis-moi quelque chose, bébé
N’es-tu pas fatigué d’essayer de combler ce vide ?
Ou as-tu besoin de plus ?
N’est-ce pas difficile de rester aussi bloqué ?
Poser ces questions, c’est déjà y répondre. Essayer de « combler le vide » avec – le plus souvent – des petits riens, aussi valorisés socialement soient-ils, est le plus sûr chemin vers la dépression. Le défi c’est de passer d’un vide « noir » à un vide « lumineux », d’un « trou » effrayant dans lequel on a peur de tomber à un espace d’accueil, tout aussi rigoureusement vide, que l’on est, qui entraîne une formidable joie sans objet et libère de toute peur.
Une véritable méditation n’a pas d’autre projet, et la Vision du Soi selon Douglas Harding constitue une excellente façon de rentrer dans une véritable méditation. N’en croyez bien sûr pas un traître mot, essayez, vérifiez !
I’m off the deep end, watch as I dive in
I’ll never meet the groundCrash through the surface, where they can’t hurt us
We’re far from the shallow nowJe suis à bout, regarde comme je plonge
Je ne toucherai jamais le sol
Je transperce la surface, où ils ne peuvent pas nous blesserDésormais, on est loin des eaux peu profondes
In the shallow, shallow
…
We’re far from the shallow nowJe touche le fond, le fond
…
Désormais, on est loin des eaux peu profondes
A partir de là je touche les limites de ma compréhension du sabir américain. Je conserve le principal point d’appui : au Centre il est effectivement impossible d’être « blessé ». Le Centre, la Source, l’espace d’accueil que Je Suis vraiment, … c’est ce qui ne peut pas tomber malade, disait Viktor Frankl. Mais il est nécessaire d’aller au bout et d’y demeurer, de savoir exactement où l’on se trouve, et là … dans ce refrain, où est-on exactement : « loin des eaux peu profondes » ou bien encore dans (« in ») ces même eaux, juste sous la surface, parce que l’on a peur de plonger pour rejoindre le fond … ?
La fin du film me laisse penser que ce chemin vers la profondeur – la seule véritable issue – n’a jamais été envisagé. Le show continue dans la zone « je suis humain » du dessin ci-dessous, avec son lot habituel de difficultés et de souffrances. Les paillettes et les dollars n’y changent rien …
Cordialement
¹ – «Déjà en considérant la nature brute, nous avons reconnu pour son essence intime l’effort, un effort continu, sans but, sans repos ; mais chez la bête et chez l’homme, la même vérité éclate bien plus évidemment. Vouloir, s’efforcer, voilà tout leur être : c’est comme une soif inextinguible. Or tout vouloir a pour principe un besoin, un manque, donc une douleur : c’est par nature, nécessairement, qu’ils doivent devenir la proie de la douleur. Mais que la volonté vienne à manquer d’objet, qu’une prompte satisfaction vienne à lui enlever tout motif de désirer, et les voilà tombés dans un vide épouvantable, dans l’ennui : leur nature, leur existence leur pèse d’un poids intolérable. La vie donc oscille, comme un pendule, de droite à gauche, de la souffrance à l’ennui : ce sont là les deux éléments dont elle est faite, en somme. (…)
Entre les désirs et leurs réalisations s’écoule toute la vie humaine. Le désir, de sa nature, est souffrance ; la satisfaction engendre bien vite la satiété : le but était illusoire : la possession lui enlève son attrait ; le désir renaît sous une forme nouvelle, et avec lui le besoin : sinon, c’est le dégoût, le vide, l’ennui, ennemis plus rudes encore que le besoin.
Quand le désir et la satisfaction se suivent à des intervalles qui ne sont ni trop longs, ni trop courts, la souffrance, résultat commun de l’un et de l’autre, descend à son minimum
: et c’est là la plus heureuse vie.»
« Le Monde comme volonté et comme représentation », Livre IV, § 57
NB : Paroles & Traduction … assez approximatives, mais je suis pressé par le temps.