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La fragilité, faiblesse ou richesse ? – Partie 1

Les actes du colloque « Fragilités interdites ? Plaidoyer pour un droit à la fragilité » organisé début 2009 à Toulouse, conjointement par L’Arche et l’ISTR méritent vraiment d’être lus et relus.

Sous le titre « La fragilité, faiblesse ou richesse ? », ils sont disponibles aux Éditions Albin Michel dans la collection de poche Espaces Libres.

Voici quelques extraits assortis de liens, en guise de prélude à un deuxième article qui sera consacré à l’intervention de Marie Balmary.

Ce livre s’articule en trois parties :

1 – Traverser la fragilité

  • La fragilité en économie, chance ou menace ? –Elena Lasida

« La fragilité appelle, comme la mort, à être traversée plutôt que réparée. La réparation est un retour au déjà connu, à ce qu’on croit être une situation d’équilibre et de normalité. La traversée, au contraire, fait apparaître du radicalement nouveau, elle déplace la représentation de ce qui est normal pour révéler une autre source de vie.

[…]

La fragilité, passeport vers le véritable travail collectif, mais également vers le radicalement nouveau, car sans traversée du vide il n’y a pas de nouveauté possible. … La fragilité n’est pas un bien en soi, elle est la condition de l’engendrement, donc de l’émergence, du radicalement nouveau. »

Un atelier de Vision du Soi constitue une traversée de ce type, la reconnaissance de l’absolue fragilité du « petit », une véritable percée pour se libérer du connu et accéder à ce « radicalement nouveau » que nous sommes et n’avons jamais cessé d’être …

  • Comment traverser la fragilisation due à la perte ou au deuil ? – Lytta Basset

Lytta Basset commente le récit de la mort de et de la résurrection de Lazare (Jean 11, 1-44) :

« En effet, n’est-ce pas dans ce vide laissé par la perte irréparable – vide qu’il [Jésus] n’a jamais cherché à combler – que se tenait précisément, dès le début, le Tout-Autre-que-la-mort ? «Afin que vous (re)trouviez la confiance» [Jean 11, 15] en Celui qui n’est que vie : qui accueille et recueille les vivants de la Terre, les plus que vivants que l’on appelle à tort des morts, et les morts vivants que sont les personnes fragilisées. Joie de Jésus à l’évocation de ce vide, de cet espace saint dont chaque humain est porteur, au plus intime. Joie de Jésus à l’idée que personne, pas même lui, ne doit s’efforcer d’occuper cette place sous prétexte de vouloir consoler autrui : quelle libération pour l’entourage d’une personne fragilisée, y compris pour les thérapeutes et les soignants ! »

Un atelier de Vision du Soi permet notamment de voir très clairement, parfaitement, que chacun d’entre nous est porté par « ce vide, cet espace saint », plutôt que « porteur de » … C’est loin d’être un petit détail.

(Lytta Basset a dirigé par ailleurs l’excellente revue « La chair et le souffle », qui a malheureusement cessé de paraître.)

2 – Fragilité de l’autre, fragilité de soi

« En eux trois [Rosa Park, Sophie Scholl, Franz Jägerstätter] existait comme une sagesse jaillissant de la source de leur être, une source d’unité et de paix qui constitue ce qui est le plus profond en chaque être humain.

Cette sagesse existe au cœur de chaque enfant qui vit dans la sécurité d’une famille. … le petit, cet être fragile qui est à l’aube de toutes nos  vies, possède ce trésor, cet appel à la sagesse qui est comme l’expression d’une aspiration vers la lumière, vers la paix de l’âme. Les règles de « normalité » viennent ensuite par l’éducation et l’école. »

L’expérience de la carte permet à la fois de voir clairement que le nouveau-né est ce trésor, mais qu’il n’en est pas conscient. Et elle permet surtout à tout adulte qui le désire de redevenir, consciemment, ce trésor. Ce trésor est certes, comme la lettre volée d’Edgar Allan Poe, bien caché parce qu’absolument évident ; mais dans un atelier de Vision du Soi il est accessible simplement, sans avoir à traverser d’aussi sévères expériences de vie que celles évoquées ci-dessus. La véritable normalité consiste à vivre sa vie depuis cette source, ce trésor ; tout comme Douglas l’était, je suis convaincu qu’elle est amenée à se généraliser.

CarteOeil

« Au Samu social, je disais toujours à mes équipes que la juste distance de la relation sociale, c’était de se tenir à cinquante centimètres l’un de l’autre : si vous êtes à quarante-neuf centimètres, vous êtes trop près, vous allez être dans la fusion et vous aller tomber ; si vous êtes à cinquante et un centimètres, vous êtes trop loin, vous allez « techniquer », vous allez banaliser. »

Dans un atelier de Vision du Soi la distance juste consiste à se tenir à zéro centimètre de soi-même, dans sa véritable nature, et de rentrer ainsi dans la seule vraie relation : face à espace. La « relation » en face à face sera toujours difficile, incomplète, imprégnée de peur et de défiance, une pseudo relation qui complique tout …

 

3 – Fragilité des hommes et chemin spirituel

  • La fragilité peut devenir une force : un point de vue bouddhiste – Lama Puntso

« Le bouddhisme pourrait apparaître seulement comme un chemin humaniste, et la dimension spirituelle ne pas y apparaître véritablement. Or, le propos de l’enseignement du Bouddha est de réaliser la dimension ultime appelée «  ». C’est le cœur de l’enseignement du Bouddha. On pourrait l’appeler autrement : « plénitude », « vérité de l’être », « réalité fondamentale des choses » … Il s’agit de la dimension de non-dualité inhérente à chacun. Elle se dévoile au fil du chemin. »

Bravo pour ce «  ». Mais dans la Vision du Soi de Douglas Harding, comme dans d’autres voies plus traditionnelles, ce n’est qu’à partir de la claire vision de cette « vérité de l’être », éveil, satori, libération, … que le véritable chemin commence.

 

  • Fécondité de la fragilité : un regard chrétien – Bernard Ugeux

« Nous étions quelques uns sur la ligne de départ d’un colloque en projet, avec nos quelques compétences et un grand désir. Désir profond d’arrêter de nier notre identité vraie … Désir surtout qu’au bout de la route il y ait une rencontre. Nous avions rejoint le creux où attendaient les hommes d’aujourd’hui : cette lassitude de devoir toujours montrer un visage dur et hautain, cette impossibilité d’être soi-même et cette peur d’être découvert.

… Et si c’était vraiment vrai, comme disent les enfants, qu’être fragiles nous rend plus vivants ? »

Et si c’était vraiment vrai que seule la relation face à espace, cette paradoxale prise d’appui sur le vide, nous permet d’être véritablement nous-même, de retrouver cette silencieuse coïncidence avec notre visage originel, le fondement de l’agapé, la porte de la Vie … ?

« Le soufisme s’efforce, quant à la question du rapport entre force ou faiblesse, puissance ou vulnérabilité, de dépasser les oppositions. Tant qu’on reste dans ces antithèses, on n’avance pas et ce n’est que dans leur dépassement qu’on peut trouver la stabilité. Je prends l’exemple d’un thème soufi, symbolique, qui désigne l’homme accompli comme étant l’homme aux deux yeux : un œil – l’œil droit – est dans l’unicité, dans la puissance que donne Dieu, aux saints ou aux fidèles ; et l’autre œil est dans la multiplicité dans ce qu’elle a de plus fragile. L’être humain réalisé doit avoir cette vision simultanée des deux yeux.

[…]

… l’engagement même dans la voie soufie revient à une mise en fragilité. Pourquoi ? Parce qu’elle consiste à déconstruire, démolir toutes nos illusions, toutes nos constructions, toutes nos explications, et là on est assez proche du bouddhisme, c’est-à-dire qu’il faut casser les agrégats qui paraissent nous constituer. Le maître vous déshabille parce qu’il n’y a que dans la nudité qu’on peut construire un habit de pudeur et en même temps de vérité. Donc la voie elle même est mise en fragilité, cela fait partie des règles du jeu. »

La Vision du Soi se résume à cette vision simultanée dans les deux sens, matérialisée par les doigts pointés :

Doigt dans les 2 sensJPG

Et un atelier de Vision du Soi est d’abord une « mise en fragilité » : c’est sans doute pour cela qu’il n’y a pas, pour l’instant, tant de monde pour tenter l’expérience. C’est dommage …

 

Le site Fragilités interdites conserve l’historique des différents colloques sur le sujet : Toulouse, Lyon 2011, Nantes 2013.

 

Cordialement

 

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Par Jean-Marc Thiabaud

Jean-Marc Thiabaud, 65 ans, marié, deux fils, un petit-fils.
La lecture de "La philosophie éternelle" d'Aldous Huxley m'oriente précocement sur le chemin de la recherche du Soi.
Mon parcours intérieur emprunte d'abord la voie du yoga, puis celle de l'enseignement d'Arnaud Desjardins.
La rencontre de Douglas Harding en 1993 me permet d'accéder à une évidence que je souhaite désormais partager.

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