« Le Moi ne pourra jamais devenir meilleur. Il peut varier d’un moment à l’autre, mais il reste toujours le Moi, cette activité séparatrice et centrée sur soi, qui espère un jour devenir ce qu’elle n’est pas. […]
Il n’y a que la fin du Moi. »
Cette citation figure en exergue de « On est foutu, on pense trop ! Comment se libérer de Pensouillard le hamster », un sympathique et utile petit ouvrage (0) du Docteur Serge Marquis.
Je reviendrai prochainement sur la conclusion de cet ouvrage, puis sur son contenu, mais cette citation se suffit pour l’instant à elle-même, tant elle est claire et précise.
Accompagnée du dessin ci-dessous – « Mon, ton, son, notre … autoportrait¹ » – elle devient absolument limpide :
« Le Moi » – j’ai repris la typographie exacte de la citation, mais il est utile de se passer de la majuscule … – se trouve en périphérie, dans la zone « je suis humain » du dessin. C’est effectivement une zone de fluctuations, de turbulences, d’instabilités : physiques, mentales, émotionnelles, … Le « moi » existe dans cette zone comme résultat d’innombrables conditionnements², et il fonctionne effectivement comme le décrit J. Krishnamurti :
- primo, se « séparer » de tout le reste : pour l’essentiel, des autres (7,5 milliards environ), de cet « environnement » dont les ressources se raréfient, et de ce Centre mystérieux nommé « Je Suis » dans le dessin ci-dessus.
- secundo, fonctionner en circuit fermé, autocentré : « Parlez moi d’moi, Y a qu’ça qui m’intéresse, Parlez moi d’moi, Y a qu’ça qui m’donne d’l’émoi … » : la chanson de Guy Béart résume plutôt bien la situation.
- tertio, « espérer devenir un jour ce qu'[il] n’est pas » : le « je suis humain » périphérique espère devenir un jour le « Je Suis » central, le « petit » espère devenir un jour le « Grand » … ! C’est bien sûr totalement impossible, même si cette illusion est très largement partagée et très activement soutenue par la plupart des rouages de la société de consommation. Une (grosse) ficelle, encore plus vendeuse que le sexe …
Mais ce qui est tout à fait possible, une fois entendue cette inquiétante annonce de « la fin du Moi », c’est d’utiliser les géniales expériences de la Vision du Soi selon Douglas Harding pour permettre à ce « moi » de lâcher sa prétention illusoire, épuisante et vaine à occuper cette première place, et d’accepter de tenir sereinement une importante deuxième place périphérique, une place de serviteur loyal, ancrée dans la certitude d’être d’abord et essentiellement l’espace d’accueil central³.
Le Moi peut devenir quelque peu « meilleur » à proportion de son abandon, de son lâcher-prise dans le Soi. Il n’existe aucune autre possibilité. Toute méditation qui n’est pas alignée sur cet axe est une contrefaçon.
L’aventure est simple, concrète, amusante … mais encore faut-il avoir l’audace d’essayer et la volonté de valoriser ce qui aura été découvert.
Cordialement
0 – Collection Points Poche N° P4316, 2015. Il s’agit de l’édition française de « Pensouillard le hamster. Petit traité de décroissance personnelle », paru en 2011 au Québec.
NB : le « moi » commence toujours à compter à partir de 1, symbole de sa prétendue 1° place, de son illusoire totalité & prééminence. D’où l’intérêt de compter à partir de 0 … ! Essayez, vérifiez !
¹ – Petit rappel : ce sont nos amis du Québec qui nous rappellent utilement qu’un « selfie » n’est qu’un (vulgaire) « egoportrait ». Notre « autoportrait » à tous dessiné ci-dessus, c’est tout autre chose …
² – « A status of slave & un statut d’esclave » disait Svâmi Prajnânpad.
³ – Cette possibilité, outre le fait d’être traditionnellement tout à fait conforme, me paraît particulièrement équilibrée : le « petit » – le « moi » – a toute sa place dans la « hiérarchie » du « Grand » – du « Soi ». Ce système fonctionne, dans tous les domaines de la vie … N’en croyez pas un traître mot, essayez, vérifiez !