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Béatitude de la vacuité – François Cassingena-Trévedy

Encore un extrait commenté d’un texte de  Frère François Cassingena-Trévedy, moins long que ses lettres du confinement mais tout aussi essentiel.

« … Je m’établis de nouveau, chemin faisant, dans la béatitude de la vacuité (0). Peut-être n’ai-je plus d’autre intériorité, désormais, que celle dont me gratifie, pas à pas, le paysage découvert. Je suis¹ la forêt. Je suis¹le hêtre : voilà présentement mon unique cogito². Le dehors fait – le dehors est¹ mon dedans, sans qu’il me faille m’inquiéter plus outre. Ma religion pratique et insolente de marcheur fait de moi un être débarrassé, désaffecté et, partant, d’autant plus capable d’assimiler le génie immanent des arbres, de l’air frais, des rochers³. Je vis dans l’instantanéité successive et sans cesse improvisée du corps à corps avec l’échine de la terre. Je n’ai plus de pensée qui ne soit au passage, plus d’autre credo que le réel immédiatement multiplié par le prisme de ma foncière poésie, car, par constitution et, s’il se peut dire, de naissance, je suis¹  poétiquement au monde. … » (4)

« Cantique de l’Infinistère – À travers l’Auvergne »

Frère François Cassingena-Trévedy

Cordialement

 

0 – Son auteur considère « Cantique de l’Infinistère – À travers l’Auvergne », récit d’une semaine de randonnée pédestre très intimement connectée aux lieux, gens et choses d’un canton reculé du Massif Central, comme son livre le plus important, celui où « il a tout dit ». C’est en tous cas un texte fort attachant, qui donne envie de lire les autres … et de partir bientôt découvrir, à pieds, le Cézallier. Espérons qu’il ne contribue pas à en faire une destination à la mode, la proie des tours opérateurs … !

C’est moi qui souligne la « béatitude de la vacuité » dans l’extrait que je choisis de vous offrir ici. Mais n’est-ce pas là l’essentiel de la spiritualité chrétienne, et en vérité de toute spiritualité ? L’apogée de l’histoire de Jésus ne serait-ce pas le tombeau vide, plutôt que l’ignoble crucifixion ou que l’incroyable résurrection ? L’apogée de l’histoire de chacun d’entre nous ne consiste-t-elle pas à réaliser ce « tombeau vide », à découvrir notre « essence transparente comme le cristal », notre réalité de « contenant ultime », notre nature d’espace d’accueil illimité & inconditionnel, bref … notre absence de tête ?

Il est possible de lire un extrait de ce livre sur le site de l’éditeur, Desclée de Brouwer.

¹ – Toutes ces occurrences du verbe « être » sont en italiques dans le texte original. Comme je reproduis déjà ici entièrement en italiques une citation, j’ai choisi de les mettre en gras.

Si cette simple expérience, très forte, décisive et tellement évidente, vous touche, pourquoi ne pas essayer de la vivre à votre tour ? Elle n’est certes pas réservée à une élite, à qui serait, comme l’auteur, normalien agrégé de lettres classiques, ou moine bénédictin depuis quarante ans.

Ce qui au début peut vous aider, c’est ce geste très simple de vos deux index qui pointent simultanément le « dehors » et le « dedans », qui les tiennent ensemble, reliés.

Ne vous contentez surtout pas de regarder ce dessin, faites réellement ce geste, essayez, vérifiez !

² – Ce « cogito » figure aussi en italiques dans le texte original. Ce billet n’est pas le lieu où développer une réflexion à propos du « cogito, ergo sum » … Mais pourquoi pas une excellente occasion de se demander si la « vacuité » ne constituerait pas un socle éminemment plus solide pour « refonder entièrement la connaissance »  qu’une « chose qui pense » … ? Nous ne sommes pas seulement des « choses qui pensent », isolées et relativement insatisfaites dans la zone périphérique « je suis humain » du dessin ci-dessous :

Nous sommes d’abord, essentiellement, ce « Je Suis » central qui, une fois réalisé, explose aux dimensions de l’univers, se « youniversise » si j’ose dire ! C’est depuis ce « Je Suis » central et en tant que « Tout » que le texte ci-dessus a, à l’évidence, été écrit.

³ – Cette référence au « génie immanent des arbres, de l’air frais, des rochers » m’évoque bien sûr cette citation – très, trop – célèbre de St-Bernard de Clairvaux :

« Tu trouveras bien plus dans les forêts que dans les livres. Les bois et les pierres t’apprendront plus que n’importe quel maître. »

Il est difficile de retrouver rapidement la citation exacte et sa référence ; du coup j’ai retenu celle de Jacques Le Goff dans « Les intellectuels du Moyen Âge » qui, en ce temps de pandémie, peut s’avérer des plus utiles :

« Fuyez du milieu de Babylone, fuyez et sauvez vos âmes. Volez tous ensemble vers les villes du refuge (les monastères), où vous pourrez vous repentir du passé, vivre dans la grâce pour le présent et attendre avec confiance l’avenir. Tu trouveras bien plus dans les forêts que dans les livres. Les bois et les pierres t’apprendront plus que n’importe quel maître. »

4 – Cette expérience singulière correspond étrangement à une « expérience mystique » d’André Comte-Sponville. Douglas Harding décrit plus longuement et plus précisément encore dans « Une promenade dans la forêt », le chapitre 19 de « La Troisième Voie », ce qu’il souhaite voir devenir le mode normal de se promener et, plus largement, d’être au monde. Quelques extraits d’un texte qui mériterait un billet dédié :

« … Tout allait très bien tant que je restait centré, conscient d’être l’espace dans lequel cette forêt toujours changeante apparaissait, conscient de l’absence, ici, de tout “marcheur dans la forêt”, conscient de la vacuité centrale qui annulait toutes les difficultés du terrain. … »

« … Bien que je ne puisse plus, comme l’hirondelle, être libre de moi-même en ignorant ma présence, je peux voir (et je vois) que je suis l’espace dans lequel ma présence se produit. … »

« … Il s’agit d’aller vers cette véritable conscience de soi (ou plutôt conscience du Soi) qui nous révèle ce que l’on est pour soi-même, vu de l’intérieur. Cela signifie rentrer CHEZ SOI, dans ce lieu que l’on occupe, et découvrir qu’il est vide, voir clairement CE QUE et QUI l’on a toujours été ici, au centre, et s’abandonner à Cela sans réserve. Il s’agit de retrouver, au niveau le plus haut, le talent naturel, la grâce et la spontanéité que seul l’homme, entre toutes les créatures, a réussi à étouffer. Ce qui revient à dire que la seule façon intelligente de marcher dans la forêt, c’est de voir qu’il n’y a personne qui marche. »

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J’aimerais aussi oser compléter cet autre extrait de « Cantique de l’Infinistère » :

« Qu’on me pardonne cette assertion sacrilège, mais le sacré ne s’est installé ni à Jérusalem, ni à Rome, ni à Compostelle. Le sacré réside bien moins dans le but du chemin qu’il ne vagabonde pour ainsi dire dans le chemin lui-même, qu’il ne s’étire avec les caprices d’un ruisseau, avec la souplesse d’une couleuvre. Tout au long du chemin, il est dans chaque pas de l’homme qui marche. »

« Le sacré … est dans chaque pas de l’homme qui marche » en voyant très clairement « qu’il n’y a personne qui marche », en voyant très simplement & concrètement qu’il est espace d’accueil illimité, inconditionnel et immobile de tout ce qu’il va croiser en chemin … Essayez, vérifiez ! C’est évident et ça change … absolument tout ! Ce qui serait « sacrilège », c’est de ne pas se saisir de l’évidence de la Vision du Soi alors que le monde en a si désespérément besoin …

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Aux intoxiqués de la modernité, qui ont à tous prix besoin de vitesse et de démesure, je peux également proposer « le truc d’Ayrton Senna ». C’est un moyen habile, très pédagogique, pour saisir de quoi il est question et finir par marcher un jour comme François ! Regardez, essayez, vérifiez !

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« La voix du pèlerin«  : un entretien de Leili Anvar avec François Cassingena-Trévedy.

Autres émissions de France Culture concernant ce moine détonnant !

Par Jean-Marc Thiabaud

Jean-Marc Thiabaud, 65 ans, marié, deux fils, un petit-fils.
La lecture de "La philosophie éternelle" d'Aldous Huxley m'oriente précocement sur le chemin de la recherche du Soi.
Mon parcours intérieur emprunte d'abord la voie du yoga, puis celle de l'enseignement d'Arnaud Desjardins.
La rencontre de Douglas Harding en 1993 me permet d'accéder à une évidence que je souhaite désormais partager.

9 réponses sur « Béatitude de la vacuité – François Cassingena-Trévedy »

Cher Jean-Marc, j’espère que vous allez bien. Ayant lu récemment quelques articles concernant un mouvement spirituel américain qui a eu une influence considérable sur toutes les spiritualités occidentales et orientales depuis le XIXe siècle, j’ai rédigé un texte qui synthétise les réticences qu’il m’inspire, l’ayant rencontré moi aussi lors de mes pérégrinations spirituelles. Je vous le poste dans vos « commentaires, sachant qu’il pourrait très bien s’adresser à la vision du soi de D. Harding. Bien cordialement Bruno.

Sur ce phénomène spirituel du transcendantalisme, qui a eu une influence considérable sur notre relation au spirituel, je relève quelques caractéristiques majeures et qui, pour moi, sont absolument rédhibitoires :
– ses origines romantiques et qui plongent dans le romantisme allemand le plus échevelé. Romantisme qui n’est autre que le retour d’un refoulé païen contre le christianisme et le monothéisme et qui alimentera l’idéologie nazie, de même que l’utopie révolutionnaire, fraternelle, égalitaire, faisant table rase du passé, mais aussi progressiste, panthéiste…, alimentera l’idéologie communiste;
– son naturalisme, qui est une régression religieuse tournée vers le maternel et qui est une idéalisation de la Mère qui se trouve divinisée. Toute l’écologie s’alimente à ce fantasme régressif et transgressif;
– son panthéisme, qui découle du naturalisme et inversement. Régression spirituelle, lui aussi, par rapport au monothéisme;
– l’hypertrophie de l’expérience sensible individuelle, qui est devenue le nouveau dogme de cette religion apparemment sans dogme et anti-dogmatique. L’expérience sensible est le cœur de tout ce mouvement qui incite à expérimenter ou plutôt éprouver le divin en soi et autour de soi, car cette « expérience » émotive, débordante d’affects, ne relève pas du domaine de l’empirisme, mais du vécu le plus subjectif et le plus arbitraire. J’ajoute que cette expérience sensible s’alimente à tout le fond infantile refoulé par toute personne, et qui refait surface à certaines occasions que ce type d’expérience sensible produit immanquablement. Les états éprouvés par la personne sont des états de conscience modifiés qui apparaissent sur fond des premières émotions éprouvées par l’enfant, et qui réactivent ces affects primordiaux. D’où leur puissance irrépressible, leur prégnance, leur aspect « authentique » et irréfragable…, et qui confèrent à l’expérience sensible ce statut d’affect totalisant, voire totalitaire;
– son déni de la faute et du péché, que ce soit le péché au sens ordinaire ou originel. Pas de faute ou de mal, pour ce courant qui prône la pureté et l’innocence de l’être humain. Il n’existe que des négativités que l’on peut purifier aisément comme on enlève de la poussière sur une vitre ou un miroir (thème emprunté aux spiritualités orientales comme le ch’an, le zen, le shivaïsme…, ou au néoplatonisme chrétien);
– certains fantasmes qui sont largement cultivés : comme celui du born again, du « deux fois né », qui est l’expression du fantasme de ré-engendrement. Ou le sentiment d’appartenir à la divinité comme une parcelle de celle-ci, qui provient de la vie intra-utérine. Fantasmes à la fois régressifs – on se « ressource » effectivement par ces expériences fortes, mais cette « source » surnaturelle n’est autre que la Mère divinisée – et transgressifs – car l’expérience vécue est de nature incestueuse. J’ajoute le fantasme de l’élection divine qui les met en concurrence avec les juifs…
– son antinomisme. Le transcendantalisme respecte les lois de la Nature, qui sont factuelles et descriptives, maternelles aussi, mais ignorent les lois morales, impératives et prescriptives, d’origine paternelle.
– son versant pré-moderne, ce qui ne laisse pas d’être paradoxal ou contradictoire. Tout en étant l’un des excroissances de la conscience moderne avec l’affirmation de la primauté de l’individu, de sa conscience intime, de sa liberté, de son autonomie, ce courant, comme tous ceux qui l’ont suivi, présente des aspects résolument pré-modernes.
L’un d’entre eux réside dans le traitement moral réservé aux problèmes personnels, voire aux pathologies.
La foi chrétienne, traditionnelle, étant devenue désuète, les transcendantalistes et autres spirituels à la mode américaine (il faut inclure toutes les thérapies, mais aussi l’utilisation des sagesses orientales à des fins pragmatiques, le New Age…), reviennent à une pratique morale qui fait des vertus le centre de leur action individuelle et du mal un problème secondaire ou qu’on peut résoudre moralement. On en revient ainsi à cultiver des vertus à la manière antique – comme dans le platonisme, le stoïcisme… -, en omettant et en ignorant les critiques déterminantes, notamment d’inspiration paulinienne, qui ont été à la base de la transformation de notre psychologie et de notre rapport au religieux et au spirituel, surtout dans une prise de distance envers le traitement moral vertueux qui avait montré déjà à cette époque ses limites et ses faiblesses (égoïsme du sage vertueux, orgueil humain ne comptant que sur lui-même pour se sauver, vertus qui peuvent se transformer incidemment en vice, présence du mal et du péché jusque dans le Bien et le bon, recherche du bonheur au détriment de la justice…).
Les transcendantalistes comptent non pas sur la grâce divine pour se transformer, comme ils ne cherchent pas à se convertir puisqu’ils sont déjà de nature divine et appartiennent a priori à cette nature surnaturelle, mais sur leurs propres vertus qu’ils cultivent à la façon antique et sur leurs propres potentialités psychiques qu’ils développent. Ce qui annonce l’idéologie du développement personnel et toutes ses dérives… La connaissance, non de Dieu, mais de soi et de la relation à Dieu, se substitue à la grâce et à la connaissance de Dieu par la théologie.
– enfin, la référence au christianisme est subordonnée non pas à l’Écriture ou aux Évangiles, mais à la figure du Christ uniquement ressuscité, c’est-à-dire à une figure imaginaire, et provenant de l’imaginaire, malléable à souhait et pouvant se prêter à toutes les interprétations les plus fantaisistes et les plus personnelles.

Bonjour Bruno,

Le printemps est là … et vous revoilà aussi en pleine forme à ce que je lis !

J’ai approuvé votre commentaire, mais j’ai beaucoup d’autres brouillons en cours. Je m’efforcerai donc de vous donner mon avis point par point et peu à peu, puisque vous écrivez que « ces réticences … pourraient très bien s’adresser à la vision du soi de D. Harding ».

Vision du Soi que vous ne vous êtes toujours pas décidé à tester sérieusement, soit dit en passant !

Cordialement

Jean Marc

Merci Cher Jean-Marc. Effectivement, le printemps nous revigore!
Un mot sur la vision du Soi selon D. Harding: si vous estimez que je doive absolument l’expérimentez, sachez qu’en fait j’ai été initié à cette même vision du Soi, dont Ramana Maharshi fut les des plus grands représentants, par un Yogi hindou, moine de la Mission Ramakrishna. Et que j’ai donc vécu ce moment gracieux entre tous de la Plénitude et d’un Absolu de la Vacuité ultime. Que demander de plus ou de mieux? Si la vision du Soi de D. Harding est d’une autre nature, il faut alors dire exactement en quoi elle peut l’être. Mais si elle ne diffère que sur la forme et non sur la fond de la Vision du Soi, dans sa version vedantique, alors je ne vois pas ce qu’elle peut apporter ou apprendre, voire désapprendre de mieux ni d’autre. C’est donc en m’appuyant sur cette expérience unique et en m’adossant sur les enseignements reçus que je parle de celle-ci. Et non de façon uniquement livresque, érudite ou « intellectuelle ». Et je sais parfaitement faire la différence entre expérience vécue au plus profond de soi, ou du Soi, et intellectualisation de celle-ci. Il en est de même de la méditation et des états méditatifs que j’ai pratiqués pendant quasiment trente ans. Je ne saurai donc être atteint par les critiques de ceux qui pourraient me reprocher de m’en tenir uniquement à la surface des choses ou de me laisser piéger par les mots ou les concepts, car je connais aussi de façon intime la profondeur dont on parle. Et c’est justement ce type d’expériences des profondeurs que je veux interroger et sur lesquelles je me penche dans mes écrits. Et je le fais en toute connaissance de cause. Ne croyez donc pas, cher Jean-Marc, que mes réticences proviennent de préjugés en défaveur de l’intuition mystique ou de l’expérience du Soi ou du nirvâna. Car c’est au contraire celles-ci, dans leur teneur exceptionnelle, qui m’inspirent les réflexions que je produis ou que je vous envoie. Je vous donne ces précisions à toutes fins utiles et afin de corriger sans doute une « vision » de ma personne un peu tronquée et qui ne rendrait pas justice à ma propre démarche spirituelle, laquelle m’occupe depuis pleinement la fin de mon enfance, et à laquelle je me suis entièrement consacré… Bien à vous Bruno

Bonjour Bruno,

Il importe d’être précis : ce qu’a inventé Douglas Harding s’intitule « Headless Vision », et s’appuie sur un texte fondateur court & dense : « Vision », mais aussi sur l’importance décisive d’un dessin du physicien & philosophe Ernst Mach : « Autoportrait ».
Cette « Headless Vision » est généralement traduite par « Vision Sans Tête ». Mais j’ai expliqué dans ce billet : « Vision du Soi(Vision Sans Tête) » les raisons qui m’ont amené à parler de Vision du Soi selon Douglas Harding.

La Vision du Soi passe elle aussi par une première expérience : simple, concrète, joyeuse et, organisée, formalisée, une « recette » qui marche quasiment à 100%. Radicalement différente de cette « peak experience » universellement recherchée, du type de l’illumination de Paul lors de sa chute de cheval sur le chemin de Damas. Une « expérience de vallée » plutôt, qui permet de réaliser que cette « vacuité ultime » n’est autre que notre véritable nature, que nous sommes construits comme cela, tous.

Ensuite, soit on se contente de cet heureux mais « unique » moment, soit on la valorise par une « discipline assidue » pour transformer l’expérience passagère en exercice continu (référence au « Quotidien comme exercice » de KG Dürckheim), pour vivre tout le temps dans cette vacuité & plénitude. C’est tellement évident, c’est la réponse à tant de difficultés ! Comment accepter que ce puisse être réservé à un Ramana Maharshi (ou 2, ou 5 …) par siècle ? Et là encore la Vision du Soi selon Douglas Harding nous offre des moyens habiles pour « deux façons de pratiquer ».

La Vision du Soi selon Douglas Harding, cela pourrait s’intituler « Vivre comme Ramana Maharshi pour les nuls », si vous voulez ! Une illumination très ordinaire, quelconque … Mais une illumination néanmoins. Une méditation continue, une « méditation pour la place du marché » disait Douglas.

La Vision du Soi selon Douglas Harding constitue une percée, quelque chose de radicalement nouveau dans l’histoire humaine. Je ne parviendrais pas à vous en convaincre seulement avec des mots, quelle que soit notre relative habileté à tous les deux à jongler avec.

Bonnes Pâques Bruno

Cordialement

Jean Marc

Grand merci pour ces précisions, cher Jean-Marc.
La vision du Soi est donc une vision sans tête et où celle-ci disparaît comme par enchantement. Mais il m’avait semblé que lors de la méditation, ce n’était pas seulement la tête qui disparaissait, mais le corps tout entier. Reste la question : une vision sans tête peut-elle être encore qualifier de « Vision » à proprement parler, puisque le regard lui aussi se dissipe et est appelé à disparaître ? La vision du soi ou vision sans tête seraient-elles des oxymores? À moins qu’il ne s’agisse de la vision du cœur ou de l’âme, auquel cas toutes les traditions orientale et occidentale en ont déjà longuement parlé.
Cette vision est aussi une forme de divinisation de l’être humain si je ne me trompe. Mais une telle vision ne rappelle-t-elle pas la promesse du serpent au premier couple dans la Genèse « Vous deviendrez comme des dieux! » ? (Genèse 3,4). Et une telle expérience ne possède-telle pas indéniablement quelque chose de subversif, ainsi que vous l’avez relevé très souvent dans vos textes, et de transgressif, puisqu’elle a été interdite par Dieu lui-même? A trop vouloir rechercher et développer celle-ci, ne risque-t-on pas de commettre un délit spirituel ou un crime religieux ? Et d’encourir ainsi un châtiment divin?
Tous les mystiques l’ont perçu un jour ou l’autre, et c’est ce sur quoi j’ai longuement travaillé ces dernières années. Il faudrait demander à ce sujet l’avis de Marie Balmary. L’avez-vous contacté en ce qui concerne la vision du Soi et de D. Harding? Qu’en pense-t-elle ou en penserait-elle selon vous?
A bientôt
Bruno

Bonjour Bruno,

Nous pourrions continuer à échanger à fleurets mouchetés pendant des heures, sans que cela ne fasse avancer le schmilblick d’un mm. Les réponses à vos remarques, questions, doutes, … relèvent désormais d’un atelier de Vision du Soi. Ne le craignez pas : son projet est plus d’accomplir que d’abolir … De donner corps à ces propositions des plus classiques :
« Jésus leur répond : « N’est-ce pas qu’il est écrit dans votre loi : J’ai dit : vous êtes des dieux ? » Jean 10, 34 (Traduction Sœur Jeanne d’Arc)
“Vous êtes des dieux, oui, vous tous, vous êtes des fils du Très-Haut !” Psaume 82, 6

Pas « par enchantement », juste par observation … disons normale !

A vous lire nous ne devons pas pratiquer le même type de « méditation » … Mais là encore impossible de s’accorder uniquement avec des mots.

A mon humble avis il est indispensable de ne pas considérer comme définitivement réglé tout ce dont les diverses traditions « ont déjà longuement parlé ». Vous savez aussi bien que moi que chaque individu doit tout reprendre à son compte, incarner … En tous les cas il le peut …

Vous avez raison sur un point : « Vision » est un terme réducteur, puisque, bien évidemment, tous les autres sens sont concernés. Mais la vue est assurément le sens le plus pédagogique pour la grande majorité d’entre nous.

Le « subversif & transgressif » réside entièrement dans le « comme » : relisez donc Balmary !

Que pense Marie de la Vision du Soi selon Douglas Harding ? A mon avis rien, parce qu’elle n’en a pas fait l’expérience. Elle est nettement plus sage que vous !

Bon lundi de Pâques.

Cordialement

Jean Marc

Merci pour cette leçon de sagesse et d’humilité, et de remise à ma place, que je reçois comme il se doit!
Mon cas, désespéré assurément!, relève donc d’un atelier de la Vision du Soi qui, bien évidemment, résoudra tout et répondre à toutes mes questions, sans doute en m’imposant un silence mystique…
Oui, sur le « comme » du verset biblique, vous avez raison!
Mais il est tout de même étrange que ce Jésus évoque ce verset du Psaume en négligeant ou en omettant la suite. Celle-ci vaut la peine d’être citée, car elle concerne tous ceux qui tentent de s’élever au-dessus de leur condition mortelle. La voici :
 » Sans remords, ils progressent dans les ténèbres, toutes les bases de la terre en chancellent.
J’avais dit : »Vous êtes des dieux, des fils du Très Haut, vous tous!.
Mais non! Comme tout homme vous mourrez et ensemble, ô Princes, vous tomberez!… » (trad. L. Jacquet, p.597 « Les Psaumes et le cœur de l’homme, Ed. Duculot, Tome II)
Attention donc aux extrapolations hâtives et à la chute cher Jean-Marc!, surtout si vous vous croyez « comme » un dieu, à l’image de votre idole Harding (dit « le Petit »!), qui est aussi tombée et a fini par mourir. Rien ne saurait nous soustraire à la souveraine justice de Dieu…
Toutefois, au-delà des différentes lectures de la Bible, il appert que ce projet de diviniser l’homme est bien celui de toutes les mystiques. Ou je n’y ai rien compris! Mais est-ce seulement réalisable? Quant aux mots, c’est avec cela et cela seul que nous pouvons échanger, partager, nous entraider (ce qui bien plus que « communiquer »), et non pas avec les « expériences », toujours difficilement communicables.
Je vous souhaite bon vent pascal…
Bruno

Bonjour Bruno,

J’espère que vous n’avez pas mal pris ma précédente réponse qui, en aucun cas, n’était une « leçon de sagesse et d’humilité, et de remise en place ».
Juste un constat de la limite des échanges de mots & concepts.
La Vision du Soi se propose de remplacer les concepts par des percepts, pour nous remettre en notre vraie place, celle que nous n’avons d’ailleurs jamais quittée autrement que par fatale illusion. Je parle de ce « Je Suis » central dessiné et évoqué dans ce billet, de cet espace d’accueil illimité & inconditionnel, « Vide & Plein », « Rien & Tout », … que nous sommes, tous. Ce que, pour la plupart nous n’avons ni la sagesse ni l’humilité de reconnaître.

Je ne sais pas si dans votre cas, particulier !, « un atelier de Vision du Soi résoudra tout », qui peut jamais savoir ? Mais, en général, celui qui décide de valoriser un 1° atelier se lance souvent dans une frénésie de « vérifications » : est-ce que ce « truc » marche vraiment dans telle et telle situation, est-ce que ce n’est pas en totale contradiction avec ce qu’a écrit tel ou tel ? C’est ce que David Lang s’est efforcé de décrire dans « Les experts ont-ils bien pigé le truc ? »

Bon, si en plus de me contredire sans arrêt vous vous mettez à chipoter aussi sur ce que Jésus a dit et aurait du dire, nous ne sommes pas tirés d’affaire ! Et je ne lis pas les autres versets du Psaume 82 comme vous. Comme l’a relevé Marie Balmary : Dieu dit souvent une parole et nous en entendons deux. Dieu parle le langage de la « non-dualité » et l’homme s’entête à « tâtonner dans les ténèbres » de la dualité : pas étonnant qu’ils aient tant de mal à se comprendre. D’où l’intérêt des expériences de Vision du Soi !

Alors bien évidemment, vous ,moi et des milliards d’autres êtres humains placés dans la zone « je suis humain » de la carte maîtresse de Douglas, nous sommes tous mortels. Ce n’est qu’en tant que « Je Suis » que nous ne le sommes pas. Jésus martèle cet « ego eimi » tout au long de l’évangile de Jean. C’est quand même une sacrée « bonne nouvelle » que d’être porteur de – et porté par une dimension éternelle, non ? Il me semble que c’est là tout le sens du christianisme, non ?

Aucune « idolâtrie » de Douglas, impossible. Justement parce qu’il offrait généreusement les moyens d’accès au « Je Suis » qu’il avait inventés. C’était l’exact opposé de notre ami commun au sourire à cran d’arrêt … !

En fait Bruno, la seule expérience partageable à 100% (cent pour cent), c’est celle de notre commune identité de « Je Suis » … Toutes les autres ne font que se recouvrir très partiellement, très imparfaitement. Même si nous mangeons un carré chacun de la même tablette de chocolat, même si nous trinquons d’un verre de vin de la même bouteille … C’est vertigineux, mais c’est ainsi.

Cordialement

Jean Marc

Merci beaucoup, cher Jean-Marc, pour cette belle profession de foi qui éclaire effectivement nos incompréhensions et nos malentendus. Grâce à votre réponse, je saisis un peu mieux le sens de votre démarche, qui est de fait bien éloignée de la mienne. Je n’épiloguerai pas sur ce qui nous différencie ni même sur ce qui pourrait nous rapprocher, et je me contenterai d’en prendre acte pour moi-même. Je relirai prochainement Marie Balmary pour connaître son avis sur ces épisodes de la Genèse et sur le « Je suis » que vous évoquez.
Bien cordialement
Bruno

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