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… une réflexion autrement exigeante – Jean-Claude Guillebaud

« Dans ces moments de mutations¹, à l’instar des idéologies, les affirmations péremptoires n’ont plus beaucoup de pertinence. Elles entretiennent mécaniquement² le spectacle d’un pugilat dont le contenu est si faible que l’ennui gagne vite ceux qui le suivent. Si on se lasse de ces ressassements, alors il faut se résoudre à penser autrement, à chercher ailleurs des raisons d’espérer³. Comment pourrait-on prendre au sérieux ces « débats » politiques ou médiatiques, qui n’opposent que des postures ou des pantomimes rivales, trop rudimentaires (4) pour parler à notre intelligence. Ou à notre cœur

L’incertitude contemporaine et l’imprévisibilité qui affecte la postmodernité nous invitent à une réflexion autrement exigeante, un effort de patience, c’est-à-dire d’intériorité. Et de calme.

Ouvrons les yeux : nous constaterons vite que cette invitation est mieux comprise et entendue qu’on ne l’imagine. Le cynisme fait peut-être beaucoup de bruit, il occupe un vaste espace public et médiatique, mais il ne règne pas vraiment – ou plus – sur les esprits.

Contre son empire, une très ancienne pratique humaine retrouve nos faveurs : la méditation(5). Par cet exercice méditatif, nous réapprenons à lire en nous-même, et à retrouver l’autre (6). Grâce à elle, nous nous détournons de ce bric-à-brac d’empoignades, d’admonestations et de vacarmes qui porte en lui la tristesse et le découragement. A l’écart de ces tapages, la méditation nous invite à reprendre à ses débuts le fil d’une pensée (7).

J’en fais peu à peu l’apprentissage. Longues marches en montagne, immobilités hivernales, retranchements périodiques loin du tapage des « nouvelles » … Oh, certes, je ne suis qu’un débutant, mais ces débuts d’initiation m’ont déjà convaincu d’aller plus avant. Là est le chemin. L’immobilité volontaire et le silence consenti m’aident déjà à mieux comprendre comment chacun d’entre nous a construit son rapport au monde. »

Jean-Claude Guillebaud

« Je n’ai plus peur »

PlusPeurGuillebaud

Cordialement

 

¹ – Jean-Claude Guillebaud a choisi l’optimisme – de la volonté, de l’intelligence et de l’Esprit – et il utilise donc ici le mot « mutation ». Le mot « crise », beaucoup plus communément employé, signifie justement que la mutation a bien du mal à advenir, que tout ce qui est vieux refuse de mourir et que ce qui est neuf peine encore à naître.

C’est Antonio Gramsci qui a ainsi défini la crise dans sa célèbre phrase :

« La crise consiste justement dans le fait que l’ancien meurt et que le nouveau ne peut pas naître : pendant cet interrègne on observe les phénomènes morbides les plus variés. »

(traduction française des « Cahiers de prison » parue aux Éditions Gallimard). La seconde partie de la citation est souvent traduite par « Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres ». (in questo interregno si verificano i fenomeni morbosi più svariati.)

La médiocrité & agressivité aussi bien politique que médiatique est sans doute à ranger dans la catégorie « phénomènes morbides variés ». Que va-t-il en sortir ? Une sage décision consisterait sans doute à interroger le classique du changement (!) chinois, le Yi Jing … !

² – Là réside la clé : soit ré-agir « mécaniquement » comme un objet, soit agir consciemment comme un sujet. La première option est indigne d’un être humain, et s’il la choisit néanmoins, il mérite alors toute la détermination de G. I. Gurdjieff :

« Vous, absolue merdité ! »

NB : je ne connais guère l’œuvre de ce personnage haut en couleurs et parfois controversé, mais quelques-unes de ses expressions m’enchantent.

Comme le répète et le démontre Marie Balmary, la condition humaine, c’est-à-dire la condition de sujet conscient, n’est pas héréditaire. Un travail important est nécessaire. La Vision du Soi selon Douglas Harding peut apporter une aide décisive sur ce chemin.

« L’accès à l’humanité n’est pas héréditaire. Seule l’aptitude à l’humanité l’est. »

« La divine origine, Dieu n’a pas créé l’homme » (Chapitre 5 – début du 2° paragraphe) – Éditions Grasset 1993 et Livre de Poche Biblio Essais.

Cette citation est très souvent reprise sous une forme tronquée : « L’humanité n’est pas héréditaire », qui ne rend pas justice à la précision d’expression de l’auteur.

Doigt dans les 2 sensJPG³ – La Vision du Soi propose non pas de « penser » mais de Voir « autrement », et non pas de passer son temps à « chercher » mais à trouver, moins « ailleurs » que différemment, simultanément vers l’intérieur, d’abord, et vers l’extérieur, ensuite.

Est-ce que c’est vraiment si (r)évolutionnaire que cela ? Si loin de nos propres références traditionnelles ?

J’ai déjà écrit à quelques reprises sur ce site qu’à mon avis un assez bon résumé du christianisme peut être trouvé dans l’évangile de Jean :  une question suivie de deux réponses, l’une conjuguée au pluriel par Jésus, l’autre au singulier par Philippe. Le christianisme, c’est d’abord et essentiellement cette expérience fondatrice consistant à Voir le lieu de liberté et de paix où il est ensuite possible de « demeurer ».

« Rabbi, … où demeures-tu ?

Il leur dit : « Venez et voyez. » [traduction d’André Chouraqui] « Venez et vous verrez. » [TOB] Ils allèrent donc, ils virent où il demeurait et ils demeurèrent auprès de lui ce jour là. »

Jean 1, 38-39

[Ῥαββί ποῦ μένεις; Λέγει αὐτοῖς, Ἔρχεσθε καὶ ἴδετε. Ἦλθον καὶ εἶδον ποῦ μένει: καὶ παρ’ αὐτῷ ἔμειναν τὴν ἡμέραν ἐκείνην:]

« Philippe lui dit : « Viens et vois » [TOB et Chouraqui …]

Jean 1, 46

[Καὶ εἶπεν αὐτῷ Ναθαναήλ, Ἐκ Ναζαρὲτ δύναταί τι ἀγαθὸν εἶναι; Λέγει αὐτῷ Φίλιππος, Ἔρχου καὶ ἴδε.]

Ce « Venez … » et ce « Viens …» invitent à « se libérer du connu » (Krishnamurti) pour rejoindre une zone de « bienheureuse insécurité » (Alan Watts) … Participer à un atelier de Vision du Soi c’est pareillement entrer dans l’inconnu, se mettre en danger … de trouver ! N’en croyez pas un mot, essayez, vérifiez !

Si l’évangile de Jean vous paraît vraiment trop canonique, référez-vous au logion 3 de l’évangile de Thomas :

« … le Royaume, il est à l’intérieur de vous et il est à l’extérieur de vous … »

4 – Oui … comment, surtout après tout l’extraordinaire travail réalisé par feu René Girard sur la rivalité mimétique ? Nos médias et nos politiques sont-ils vraiment ignares et inconscients à ce point … Parfois je le crains ; alors je relis un peu de Guillebaud !

5 – Cet article « méditation » de wikipedia est très insuffisant. Mais en fait comme à peu près tout ce qui a été écrit à propos de la méditation. Pour « comprendre » la méditation, ou plus exactement pour « être ce lieu où l’univers se réjouit d’être l’univers » (Yvan Amar), il n’y a aucune autre solution que de méditer … « The proof of the pudding is in the eating ».

Un média dualiste comme le langage, même manié par d’immenses poètes, a bien du mal et en aura toujours à exprimer ce qui est essentiellement non-dualisme.

6 – « … lire en nous-même et retrouver l’autre » : effectivement cette ascèse de la méditation, cet « exercice bien ordonné vers soi-même », comporte bien les deux dimensions indiquées ci-dessus par le dessin de Douglas : vers cet intérieur si dramatiquement négligé, d’abord, et ensuite vers les autres et le monde, à partir de ce Centre – cet espace d’accueil illimité et inconditionnel – enfin retrouvé.

La méditation ne consiste absolument pas en un repli vers une « planque ultime » (encore Yvan Amar). C’est sans doute le plus court chemin, après un atelier de Vision du Soi bien entendu, vers le partage de la seule expérience qu’il nous soit réellement possible de partager : celle de cet espace d’accueil illimité et inconditionnel.

7 – « La méditation nous invite à reprendre à ses débuts le fil d’une pensée » … Une fois sorti de la méditation, pourquoi pas, mais pas pendant. Méditer, c’est s’installer dans l’immobilité et le silence du corps & mental, ce que les anciens (et Michel Fromaget) appellent le corps & âme, pour laisser advenir une autre dimension mystérieuse … l’Esprit, la Claire Lumière du Vide, la Source toujours pure, …

Cette dimension aurait énormément à apporter à la « pensée » contemporaine.

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Par Jean-Marc Thiabaud

Jean-Marc Thiabaud, 65 ans, marié, deux fils, un petit-fils.
La lecture de "La philosophie éternelle" d'Aldous Huxley m'oriente précocement sur le chemin de la recherche du Soi.
Mon parcours intérieur emprunte d'abord la voie du yoga, puis celle de l'enseignement d'Arnaud Desjardins.
La rencontre de Douglas Harding en 1993 me permet d'accéder à une évidence que je souhaite désormais partager.

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